Crise de croissance d’Europe-Écologie
Dimanche 1er novembre 2009
La vague évoquée dans mon dernier billet est en train de tourner au tsunami politique (ce qui ne veut pas dire que le tsunami électoral sera au rendez-vous ! ). Un tsunami que les verts et les non-verts d’Europe-Écologie (EE) ont quelque peine à gérer.
Comme prévu il y a 8 jours, la question Modem semble dissipée. Avec ou sans la bénédiction de Corinne Lepage, les écologistes du Modem (Cap 21) rejoignent Europe-Écologie. Le rapport avec le reste du Modem est clairement circonscrit à une question de second tour.
Plus spectaculaire encore est l’arrivée de maires de la banlieue rouge venus de la mouvance communiste « refondatrice » de Charles Fiterman, qui a commencé sa longue marche vers l’écologie dès les années 90. Le regroupement des Refondateurs, la CAP, avait soutenu Dominique Voynet à la présidentielle de 1995 ; beaucoup étaient ensuite entrés au parti vert, mais pas tous. On assiste actuellement à des conflits assez classiques entre « ceux rentrés il y a longtemps » et « ceux qui rentrent maintenant », ce qu’on appelle en théorie des jeux « conflits insiders-outsiders ». Ils sont particulièrement tendus à Arcueil. Plus pacifiés à Sevran, où l’arrivé du maire Stéphane Gatignon, communiste encarté qui la semaine dernière encore écrivait à Marie-Georges Buffet pour exiger une alliance PCF-EE, et dont il est désormais question pour la tête de liste EE de Seine-Saint-Denis, ne pose semble-t-il aucun problème.
Mais le plus spectaculaire est bien sûr l’arrivée de Robert Lion. Un très grand succès pour EE ! J’avais salué ici même son élection à la présidence de Greenpeace. Nous l’avions rencontré, Natalie Gandais et moi, avant les vacances. Il se disait encore socialiste, quoiqu’il eut voté Europe-Écologie surtout par amitié pour Yannick Jadot. Nous avions poursuivi une correspondance où il me demandait de lui expliquer pourquoi je le qualifiais d’"ex-fordiste" et de lui expliquer la filiation entre les « grands commis » reconstructeurs d’après 1945 et les écologistes d’aujourd’hui. J’espérais bien que l’idée ferait son chemin.
Voila, c’est fait !! Il saute le pas . Cette fois ce n’est pas le directeur (salarié) de Greenpeace, mais son président élu (il ne le sera évidemment plus au moment des élections régionales). Or ce président de Greenpeace n’est pas seulement un associatif écologiste plus gradé que la moyenne. Il est LA référence historique en matière de logement social en France et cela change l’allure complète de la liste EE en Ile-de-France. ll apporte avec lui, de façon critique, l’héritage socialiste depuis la Guerre en la matière. C’est comme si Louis Besson entrait sur la liste EE Rhone-Alpes, sauf que Louis Besson était un maire-ministre tandis que Robert Lion est un haut fonctionnaire-associatif.
J’irais même plus loin : c’est la réappropriation, par l’Écologie politique, et face au libéralisme en crise, de la tradition du "planisme à la française", mais avec évidemment un autre contenu qu’à l’époque fordiste. Un très vieil espoir que je caressais depuis longtemps : je vous invite vivement à relire cet article ci, vous serez surpris ;-).
En termes de prestige pour Europe-Écologie, c’est encore plus fort que la démarche de l’avocate générale Laurence Vichnievsky. On n’attend plus que l’arrivée d’Edgard Pisani ;-)...
On pouvait donc s’attendre à un fantastique tir de barrage contre lui, auprès duquel Marie B., Daniel B., Eva J. etc auront été accueillis avec des fleurs. Un homme qui a toujours haï les Verts était la personne idoine pour conduire le nouveau hourvari : Fabrice Nicolino, journaliste se réclamant de l’écologie et auteur récemment de Bidoche.
Robert Lion à peine « nominé » pour Europe-Écologie, la Toile fut inondée en effet de références à l’article par lequel Nicolino avait « assassiné » l’élection de Lion à Greenpeace, et Greenpeace en général, en décemebre 2008.
Je cite :
« J’ai soutenu à l’occasion ce groupe (Greenpeace), sans m’illusionner sur ses limites, sans fermer les yeux sur ses dérives, car elles existent, à n’en pas douter. Et puis est venu Robert Lion. Je vous le présente, car qui le fera sinon ? »
Qui d’autre en effet que Nicolino connait R. Lion ? Qui soutiendrait sinon Greenpeace, à l’occasion ? Fabrice N. aurait pu utiliser Google, serait tombé sur des notices sur Lion dans les nombreuses associations de solidarité qu’il a présidées, voire créées. Ou peut-être déjà sur mon blog qui saluait ici son élection. Mais non.
Nicolino est l’un des rares journalistes écologistes à si mal connaître Robert Lion. On comparera l’amusante biographie que donne Nicolino (avec ses "trous" incompréhensibles - il loupe l’essentiel de la carrière de haut fonctionnaire de Lion - ses confusions chronologies - Lion n’est pas de la génération des 68ards !) et ce qu’en disent les associations à la même époque.
Mais Nicolino rate le plus important, il est vrai complexe : le rapport entre "grands commis constructivistes de l’Après-Guerre" (comme René Dumont et son très productiviste "Les leçons de l’agriculture américaine" de 1949 , cf ma biographie de René ) et l’écologie politique qui se développe des décennies plus tard.
Il rate surtout la quasi-totalité de l’action militante associative de Lion, la réduisant à une seule , la plus "professionnelle-batiment" (Energy 21)
Citons encore :
« Il serait cruel, mais intéressant, de glisser ici une incidente sur ce qu’on appela le « gaullisme immobilier ». Ses tours géantes. Ses quartiers maudits. Ses promoteurs vertueux et leurs comptes en banque numérotés, aux îles Caïman. Robert Lion, ami de la nature et des grands équilibres. »
Ici on passe les limites déontologiques, pour un journaliste (nous sommes il est vrai habitués). Ou Nicolino sait que R. Lion est corrompu et a un compte aux Iles Caïman, et il le prouve. Ou bien il s’agit d’une pure et simple calomnie protégée par le vague de la syntaxe, et c’est parfaitement ignoble.
« Et puis ? Et puis le monde stupéfait a découvert que Robert Lion, le bâtisseur de restoroutes,… »
Robert Lion est avant tout, pour quiconque connait l’histoire de la France fordienne (l’après-guerre jusqu’aux années quatre-vingt) le Directeur de la Construction puis Délégué Général des HLM (mission n°1 de la Caisse des Dépôts, que Sarko est en train de démanteler) et fondateur de l’Ademe.
« Le reste n’a que peu d’intérêt : Lion préside depuis cette date quantité de machins, dont Agrisud International, et donne des conseils à tous ceux qui le souhaitent. »
Là Nicolino jette le masque.
Ce machin, Agrisud, Lion nous avait proposé de l’inviter au colloque "L’alimentation soutenable" (voir ici l’intervention d’Agrisud ). Colloque co-organisé par nous (Natalie Gandais et moi) et, à Politis, par Patrick Piro, successeur de Nicolino. Lequel, six mois après, publie un bouquin sur le même sujet (mais de pure dénonciation), Bidoche.
Ce que hait au fond Nicolino, c’est une écologie qui "transforme", qui utilise les armes de l’enquête et de l’analyse pour changer la réalité. Comme le confirme sa péroraison :
« Greenpeace, qui fut un véritable aiguillon, est devenue une petite institution chargée de chercher et de trouver des solutions réalistes.Tout cela s’appelle en bon français du greenwashing. Une tentative de sauver les meubles en les peinturlurant en vert. Ce sera sans moi »
Je pense que nous avons ici un condensé de ce que va être la campagne "radicale" contre Europe-Écologie aux régionales. A méditer ligne à ligne, dans le texte intégral. Décortiquer les effets de manche. Lire ce qui est écrit, au fond.
Ne pas oublier un autre angle d’attaque, cette fois après l’annonce de la décision de Robert Lion. Lion aurait eu le tort, selon Nicolino, de quitter l’associatif pour le politique. Et Nicolino de convoquer les mânes de la Charte d’Amiens (1906). Avec bien sûr le retour aux fondamentaux : l’association, le syndicalisme, c’est bien, la politique c’est sale. Qui aura la patience d’expliquer à Nicolino que les associatifs, mutualises, syndicalistes et anarcho-syndicalistes furent aussi nombreux, voire plus, à rallier la Grande Guerre (et 35 ans plus tard la Collaboration) que les infâmes « politiques » socialistes ? Pas moi.
Mais la critique « gauchiste » (plutôt crever que soutenir des réformes) n’est pas la seule qui s’oppose à l’élargissement d’Europe-Écologie, depuis que cet élargissement recrute davantage à gauche qu’au centre. Les problèmes viennent aussi des résistances d’ « insiders » (ceux qui sont déjà là) contre « l’ouverture ». On me rapporte le propos menaçant d’un cadre du courant dominant des Verts : « À plus de 20% d’ouverture, Cécile saute. »
Dany Cohn-Bendit, inquiet, vient d’écrire un texte contre ces résistances. Il circule largement sur le web, et contient quelques maladresses et erreurs d’appréciations qui le desservent. Vous trouverez en cliquant ici ma réponse au texte de Dany
À part ça ? Ben toujours des conférences, des articles, dont j’essaie de mettre le texte sur le site. Le grand livre de Giovanni Arrighi, Adam Smith à Pékin, vient de sortir en traduction, vous trouverez ici ma préface. Jeudi, j’ai participé à la conférence de presse des auteurs de La bataille d’Hadopi… au Fouquet’s. Vous trouverez ici ma contribution.
Et là, je me dépêche de rejoindre les bois flamboyants de l’Avallonais.
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Il y a 9 contributions à ce blog.
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Merci, Très bon article. Pour une fois qu’un article long, ne l’est pas juste pour l’etre, mais parce qu’il le mérite. Vous exploitez bien tous les points, et j’aime bien votre façon d’écrire et vos figures de style. casino en ligne
Lundi 16 novembre 2009 à 08h43mn47s, par Martin Rochefort
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Alain cite dans ce billet la réponse au courrier de Dany Cohn-Bendit et à ses commentaires qu’il a postée à l’adresse suivante. Voici mon analyse de ce billet, postée sur diverses listes et finalement mise en ligne ici pour simplifier les échanges.
Nous retrouvons dans le texte d’Alain ses grandes qualités d’analyse des dynamiques de groupe et du fonctionnement des organisations. Sur ces analyses, je suis globalement d’accord. Ce qui n’efface pas pour autant des divergences en termes de contenus politiques sur les contours souhaitables pour le rassemblement Europe Ecologie.
Je suis prêt à excuser les anglicismes "insiders" / "outsiders" ;-) , car sur le fond c’est bien vu, y compris quant au fait que cela ne touche ni tous les Verts, ni que les Verts. De même, je partage l’idée que les compétences apportées par des militant-e-s qui ne s’étaient pas encore engagé-e-s en politique, du moins dans le champ partisan, comptent énormément, avec des apports très locaux aussi pour avoir partout une dynamique qui ne peut être limitée aux effets médiatiques, mais qui doit s’inscrire dans une construction militante de moyen-long terme. Et du coup, je suis d’accord sur le danger de structurer artificiellement autour de l’axe Verts/non Verts, alors que les questions politiques de fond sont complètement transverses. J’ajouterais simplement à la conclusion d’Alain, comme préconisation en termes d’organisation, de tenir compte des éclairages émanant des militant-e-s, en gardant conscience du phénomène "insider", sans pour autant s’en servir de prétexte pour balayer toutes les objections et tout débat politique de fond.
Enfin, je partage l’idée que notre jeune génération militante, aussi brillante soit-elle par ailleurs, a une perception un peu courte de l’histoire récente de l’écologie politique, et que cela biaise les analyses. Mais les plus anciens peuvent aussi, à l’occasion, réécrire l’histoire de manière un approximative, quand le sujet ne les concerne que de loin, et quand il importe de mettre cette histoire au service de leurs thèses du moment. Le simple réflexe d’ouvrir le dialogue avec les acteurs de tel ou tel point de l’histoire en question ne semble guère répandu...
Alors, quelles sont mes divergences avec Alain ?
D’abord, sur la relation au Modem et à ses sous-ensembles, et sur le projet de Cohn-Bendit.
Si l’on pense que nous sommes à un tournant historique, sans tomber dans une lecture naïve qui nous ferait croire à un dénouement inéluctable qui serait l’exacte répétition des schémas passés (passage de la République comme enjeu majeure de l’identité de gauche à la question sociale), nous pouvons nous attendre à affronter dans les 10-20 ans à venir à deux problèmes :
– la structuration de l’axe gauche-droite autour de "écologie ou productivisme",
– la clarification politique entre écologie de transformation et écologie d’accompagnement.
D’une certaine manière, le pari d’Europe Ecologie est pour l’heure de prioriser d’imposer l’axe "écologie ou productivisme", quitte à remettre le reste à plus tard, considérant que nous sommes dans une période de recomposition majeure, et qu’il faut laisser le temps à chacun-e d’évoluer et d’aller au bout de son parcours personnel.
Or, Cohn-Bendit porte un projet politique et se bat dès aujourd’hui pour ce projet politique. Son projet ne peut se lire qu’à l’échelle qui l’intéresse : la dimension européenne et son souhait que le Parti Vert européen s’uniformise sur une ligne environnementaliste-centriste, un peu plus centre gauche mais pas trop, et en capacité à passer des alliances tous azimuts, à l’allemande. En soi, il n’y a rien de scandaleux à ce qu’il défende son projet. Mais d’une part, nul n’est obligé d’y adhérer, et d’autre part, cette tentative constante de ramener EE à cette construction là heurte le projet même d’ouverture et de priorité affichée au rassemblement. D’où le souci d’Alain de garder une sorte d’"équilibre" politique. Position qui découle de la situation objective d’Alain, au centre du dispositif. Pour celles et ceux comme moi, qui de manière constante défendent un ancrage de l’écologie parmi les gauches et la priorité à accueillir les écologistes sincères issu-e-s de la décomposition des gauches, l’approche est forcément différente. Et la conclusion de l’offensive Cohn-Bendit, c’est qu’elle nous oblige à l’initiative pour défendre nous aussi notre projet, sans quoi nous serons balayés.
Comme quoi tout simplisme historique est à repousser : reconstruction des gauches autour de l’écologie et confrontation transformation/accompagnement ne relèvent pas de deux temps différents, mais sont simultanées et en tension.
Brève digression sur Eva Joly : j’étais comme beaucoup surpris de son arrivée à EE, très respectueux de ses engagements professionnels, mais méfiant compte-tenu de ses relations récentes avec le MoDem. J’ai lu son dernier bouquin, dans lequel elle raconte sa vie et notamment comment son travail sur les pays du Sud l’a fait basculer vers une prise de conscience écologiste. J’ai alors compris ce qu’elle faisait là, et j’ai fini par voter EE grâce à elle et malgré Dany. Deux remarques liées : Hulot a sans doute encore bien du chemin à faire, mais son évolution est intéressante. D’un environnementalisme plutôt esthétique et incohérent avec sa pratique à un environnementalisme plus responsable et nécessairement critique du libéralisme, puis le passage par une défense des droits des peuples du Sud avec une critique plus radicale de libéralisme... Le fait que ce chemin amène des gens divers à passer par "la case Dumont" n’est pas anodin. Ensuite, par rapport aux évolutions individuelles, je demande maintenant à voir : je constate suffisamment de ruptures fortes avec des passés politiques divers pour ne pas être dans le rejet a priori.
Maintenant, deuxième divergence avec Alain. Il dit que les "résistances" seraient aujourd’hui majoritairement contre les "outsiders de gauche". Il oublie une dimension essentielle par rapport aux exemples qu’il donne. C’est la différence entre une sorte "d’apprivoisement mutuel", dans la durée, qui permet de valider les hypothèses quant à la compatibilité des projets, et des annonces médiatiques doublée de décisions "au sommet" et imposées aux militant-e-s. Ce n’est pas d’aujourd’hui que les Verts connaissent un tel phénomène : une partie de l’appareil décrète "nous savons ce qui est bon pour vous" et dans la foulée passe en force, à coup d’engueulades ciblées contre les "résistants". Evidemment, cette méthode ne marche pas et porte en elle les risques de la division.
Nous revenons là au problème de la conception de ce que doit être EE. Logique de casting et d’annonces médiatiques sans rien de concret derrière, ou construction militante autour d’un projet ? La première solution est probablement la plus confortable pour les "insiders" décrits par Alain. Et la plus illusoire dans la durée. Ce qui est symptomatique dans l’exemple de l’ex-banlieue rouge, c’est que nous n’avons pas vu de "résistances" à la démarche de Gattignon, au contraire. Et c’est bien parce que c’est l’aboutissement d’un chemin engagé ensemble depuis un moment, avec des contenus politiques solides, et une vraie rupture avec les appareils des vieilles gauches (jusqu’à mettre en cause "l’aile financière" de l’appareil dans une lettre ouverte à Buffet !). A contrario, si l’arrivée de Breuiller ne passe pas, c’est bien parce que tous les signes politiques émis jusqu’à quelques jours avant l’annonce miraculeuse vont en sens inverse, et parce que quiconque connaît les réalités locales ne peut croire à la rupture, ni avec le PS, ni avec l’appareil communiste. L’impératif de ne pas dériver au centre ne peut s’accompagner d’une "ouverture" non sélective à gauche, sauf à risquer de discréditer l’idée même de cette ouverture.
Alors oui à l’ouverture, mais une ouverture politique, donc critique, aussi bien envers les environnementalistes encore trop libéraux qu’envers les notables "de gauche" qui sont encore englués dans les anciennes pratiques.
Amitiés,
Thomas
Lundi 2 novembre 2009 à 15h38mn59s, par Thomas Giry
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Cher Thomas,
Avant de reprendre dans le détail les deux thèmes de ton message (ouverture d’EE au centre, ouverture d’EE à la gauche), il me faut d’abord dire mon accord avec ta « géométrie » d’ensemble (je n’oublie pas le sujet de ta thèse de math…)
.
La première tâche de l’écologie politique est en effet de faire pivoter la définition de l’axe droite-gauche, d’une définition purement sociale et redistributrice, style XXè siècle, à une définition « productivisme/ développement soutenable », c’est à dire à la fois responsable vis à vis de l’environnement et solidaire entre les humains. L’axe droite-gauche traditionnel n’en demeure pas moins, mais on se situe sur un plan et non plus sur un seul axe.
Par ailleurs, et c’est un deuxième « curseur », on peut être pour des transformations plus ou moins « d’accompagnement » ou « radicales », plus ou moins modérés, plus ou moins loin du centre.
Tu reconnaîtras un raisonnement en termes de coordonnées polaires (angle de pivotement, et distance au centre) ! C’est un modèle que j’avais moi-même présenté dans Vert-espérance. Nous sommes d’accord.
Je suis d’accord enfin que la construction d’Europe Ecologie signifie « prioriser le pivotement écologiste de l’axe droite/gauche par rapport au degré de radicalité ». C’est ce qu’implique sa définition comme « rassemblement des écologistes ».
Mais je voudrais dire aussi que la logique du pivotement vers l’écologie tend à radicaliser l’opposition au capitalisme, du moins sous sa forme actuelle, libérale (la mémoire des grandes catastrophes du dirigisme d’Etat, Tchernobyl et mer d’Aral, tend hélas à s’affaiblir). C’est d’ailleurs l’une des raisons de mon évolution du rouge au vert dans les années 80 : une façon d’accompagner des femmes et hommes de bonne volonté, même au départ centristes sur l’ancien axe, vers des positions plus anticapitalistes, au nom du « bien commun de l’humanité » et non plus au nom d’ « intérêts de classe » qu’ils ne perçoivent pas ou plus. L’évolution du discours de N. Hulot est significative, même si l’évolution inverse existe ( Duchene, Waechter, Lalonde, etc). Cf mon analyse de nos succès des Yvelines.
Ton émouvant témoignage sur Eva Joly montre que sur ce point aussi sans doute nous sommes d’accord.
Cela ne suffit pas, cependant, pour se représenter la géographie de ce que serait une « scène politique écologisée ». Depuis plus d’un quart de siècle j’hésite entre deux schémas. Soit un couple de partis, l’un modéré et dominant (un PS verdi) et l’autre plus radical (les Verts). Soit une montée du parti écologiste à l’hégémonie en remplacement du PS. Dans le premier cas, le couple PS-Verts remplace le couple PS-PCF de 1981. Dans le second cas , l’écologie occupe un spectre beaucoup plus large (du centre-gauche à l’extrême gauche), le PS déclinant progressivement (comme le Parti radical-socialiste après 1918) devant un parti écologiste de plus en plus puissant, qui finit par le dépasser. C’est ce qu’indiquent plutôt les tendances actuelles. En tout cas nous devons nous y préparer.
Le second schéma est préférable du point de vue de la transformation des politiques publiques dans un sens écologiste, il ne gêne pas le développement de mouvements sociaux radicaux, il est donc plus intéressant et souhaitable. Mais il a pour contrepartie une situation qui peut être gênante pour certains Verts : la coexistence dans un même parti écologiste de positions de « modérées » à « révolutionnaires ». D’où la tentation de scissionner pour reconstituer un parti « sans vert pâle » , un Die Linke vert.
Je suis de ceux (et c’est peut-être un vieux désaccord entre nous deux) qui pensent que vis-à-vis de la sociale-démocratie, seul compte le rapport de force, donc il faut grandir pour peser, mais qu’il faut surtout grandir AFIN de peser, c’est à dire gouverner avec la vieille gauche mais de plus en plus en position d’imposer les politiques urgentes pour sauver la planète, ce qui n’était malheureusement pas le cas en 2007 (je sais que tu admets maintenant qu’il fallait quand même y aller). Être une force « purement radicale » mais marginalisée, c’est pas bon. Mieux vaut gérer « en interne » les rapports radicaux/modérés.
Je reviens alors sur tes deux appréciations.
A. « D’abord, sur la relation au Modem et à ses sous-ensembles, et sur le projet de Cohn-Bendit »
Je ne peux répondre au nom de Dany Cohn-Bendit mais je crois ne pas être désaccord avec lui sur la stratégie qu’il a plusieurs fois formulée : absorption des écologistes modérés dans EE dès le premier tour, et alliance avec le reste du centre (non écologiste) au second tour. Je ne pense pas qu’arithmétiquement la droite puisse être battue autrement. Cela découle de la perte actuelle de conscience de soi de la classe ouvrière, et de l’absorption du « gaucho-lepenisme » (type Hénin-Baumont) par Sarkozy. On peut s’en désespérer, mais il faut avoir en mémoire que, si EE est la première force progressiste chez les ouvriers (au coude à coude avec le PS et loin devant le FdG et le NPA), c’est loin derrière le FN et l’UMP. Il faut travailler sur le long terme à recomposer la conscience de soi des travailleurs salariés, et ce n’est certes pas en focalisant sur le capital financier, comme le fait actuellement la gauche de la gauche, mais sur la question du travail (son organisation, ses buts, sa fierté).
La tactique de Dany (que donc je partage) passe par un démembrement du Modem… dans la mesure où CAP 21 avait rejoint le Modem. Mais ce n’est pas la totalité du vote écologiste du centre : l’AEI (Waechter-Lalanne) nous a piqué aussi des voix et nous a empêchés de passer devant le PS. Les études d’opinions ont relevé que l’AEI a fait ses meilleurs scores dans les quartiers ouvriers, souvent par erreur de bulletin, mais aussi par un discours plus « anti-système » (cf Lalanne en cliquant ici, onglet « Démocratie »]
Bref : autant j’étais contre faire entrer CAP 21 et l’AEI dans EE en novembre 2008, autant je pense que, les pendules ayant été mises à l’heure et le rapport de force fixé le 7 juin, cela peut se faire avec d’autant moins de risque que EE s’élargit aussi sur sa gauche. J’y reviens dans un instant.
Pour le reste de ce point (le centre et ce que tu dis des projets de Dany à l’échelle européenne), le mieux est de débattre avec lui. À mon avis, tu surestimes l’importance de Dany quand tu le couronnes en « mauvais génie du PVE », et en même temps tu mésestimes sa volonté de faire grandir le PVE (et son groupe parlementaire) par rapport autres partis (libéraux-démocrates compris). Les conseils qu’il a donnés aux Verts italiens (incapables d’affirmer leur autonomie, jusqu’à couler avec la gauche de la gauche) se sont révélés pertinents.
B. « Les "résistances" seraient aujourd’hui majoritairement contre les "outsiders de gauche" »
Ben oui. Il faut le reconnaître : maintenant que l’écologie centriste se rallie sans trop de tangage à EE, les critiques se déchaînent contre l’arrivée des Marie Bové, des Robert Lion, des Daniel Breuiller. Et ces critiques viennent assez souvent de la gauche des Verts, qui semble s’ingénier à entraver le développement de EE sur « l’ancienne gauche » (socialiste ou communiste) . Comment expliquer ce paradoxe ?
Il y a bien sur des aspects conjoncturels : une partie de la gauche des Verts (interne ou externe) n’a pas suivi la campagne européenne, et misait en fait sur un échec de celle-ci, un éclatement, puis un regroupement par exemple avec le PdG, oubliant pour un moment que l’arrivée de quelques écologistes dans un regroupement aussi profondément « vieille SFIO de gauche » voire lambertiste que le parti de Mélenchon n’avait aucune chance d’y faire des petits.
Mais il y a là quelque chose de plus général, qui a à voir avec le problème de « l’autre curseur », le « plus ou moins de radicalité » sur un axe droite-gauche (que cet axe soit libéralisme/socialisme, ou productivisme/ écologie). Cela vient de ce que la distribution des positions des citoyens sur un axe droite-gauche est en forme de cloche (une distribution de Poisson, puisque je réponds à un mathématicien ;-)). Il y a beaucoup de monde aux abords du centre, entre la gauche du centre et le centre-gauche, nettement moins de monde à gauche et de moins en moins de monde vers la gauche de la gauche . Et surtout, les distances entre chaque nuance de la gauche de la gauche, qui chacune regroupe 2 ou 3 % des électeurs, sont beaucoup plus grandes qu’entre la gauche et le cente-gauche et entre celui-ci et le centre. Il faut donc regrouper des positions très éloignées, à la gauche de la gauche , pour arriver à rassembler une masse critique.
D’où la tendance perpétuelle à la division aux extrêmes. Cette division n’est pas un pur phénomène de guerre des chef(fe)s, on l’a vu avec effarement dans l’incapacité des nonistes de gauche à passer du « Non ! » à un projet positif. J’ai pu le vérifier dans la campagne de Poissy, mais aussi celle d’Aix. Dans les deux cas, la gauche de la gauche, qui se présentait unie (PCF-PdG-NPA) a fait beaucoup moins de voix au total qu’en se présentant divisée quelques semaines auparavant. Les militants de la gauche de la gauche ne se supportent pas plus les uns les autres que leurs dirigeants.
On arrive ainsi au paradoxe que les « candidats à l’entrée », quand il viennent de la gauche socialiste (Lion) et encore plus de la gauche altermondialiste et citoyenne (Marie Bové, Daniel Breuiller) y arrivent tout chargés d’années de querelles dans un vert d’eau et se font plus violemment retoquer que de paisibles centristes. Y compris et surtout de la part de gens qui les connaissent très bien (un beau-frère, d’anciens membres de la même majorité municipale, etc) et sont en fait plus proches d’eux que les autres verts.
« Militants politiques, acteurs du mouvement social et culturel, nous pouvons dès à présent agir de façon coordonnée. Sans préalable sur les engagements des uns et des autres, construisons un cadre permanent qui nous permette, ensemble, nationalement et localement, de réfléchir aux moyens d’une vraie réponse politique aux attaques de la droite et du Medef et d’aborder les grands rendez-vous qui s’annoncent. » : Des militants, qui ont ensemble signé cet Appel de Politis, se découvrent brusquement infréquentables les uns vis-à-vis des autres quand ce cadre se révèle opérationnel, et transformant réellement le rapport de force à gauche : Europe Écologie !
Là dessus se greffent le problème « insiders/outsiders ». Nous n’aimons pas tel ou tel dirigeant des Verts ? nous ne supportons pas sa gestion municipale, régionale, ou gouvernementale, ses compromis que nous traitons de compromissions ? Certes, mais il est déjà là, il faut bien le/la supporter, ou alors s’en aller. Mais des nouveaux, qui arrivent après nous ? Non !
J’ai lu récemment deux appels d’alter mondialistes et d’écologistes d’Arcueil contre l’entrée de Daniel Breuiller, figure de la Gauche citoyenne val-de-marnaise, dans Europe Écologie.Combien avaient soutenu les candidats Verts à la présidentielle et à la législative sur cette ville en 2007 ? Quatre.
Soyons clairs : l’ouverture aux écologistes centristes n’a de sens que si l’on ne fait pas barrage à ceux venus de tel ou tel secteur de la gauche de la gauche. Quelles que soient les divergences surgies dans un passé récent avec des militants du PS ou de la Gauche citoyenne, s’opposer à leur arrivée dans le rassemblement Europe Ecologie n’a pour effet que de déporter ce rassemblement vers le centre. Est–ce le but recherché ? Alors, si la réponse est non, faisons preuve d’ouverture.
Sommes nous, nous-même, vieux Verts des neiges d’antan ou Europe Ecologie de la dernière averse, irréprochables ?
Dimanche 8 novembre 2009 à 20h28mn50s, par Alain Lipietz
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Crise de croissance d’Europe écologie...
Ben c’est normal, il paraît qu’on est pour la décroissance ;-))
Plaisanterie mise à part, continue à nous informer et à nous éclairer. Je souscris à 100%. Cependant, je pense que cette fois, cette "crise" de croissance sera surmontée positivement. Mais il faut être vigilant contre tous ceux qui pensent que nous devenons décidément trop gênants. Des mauvais coups se préparent...
Bien à toi.
Philippe Delvalée
Lundi 2 novembre 2009 à 11h48mn45s
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Monsieur Lipietz,
Je n’entrerai pas dans les détails, car je crois que cela n’est pas nécessaire avec vous. Les hasards du net m’ont fait découvrir le texte que je commente ici. Il est si plein de sottises et de contresens que j’en arriverais presque à sourire.
Concernant Robert Lion, en effet, mon texte critique et polémique a beaucoup circulé, ce qui semble vous ennuyer. Moi, je m’en montre très satisfait. Je dois vous rassurer sur un point de déontologie, car j’ai bien peur que vous n’ayez lu de travers - ou trop vite ? - mon texte. J’ai en effet évoqué l’atmosphère délétère du gaullisme immobilier, qui incluait à n’en pas douter des comptes numérotés. Et j’ai associé à cette époque lointaine mais encore vivace dans certains esprits, la figure de Robert Lion. Pour la raison bien simple qu’il est le coresponsable, avec bien d’autres il est vrai, du saccage accompli dans ces années-là.
Je ne soupçonne nullement Lion d’avoir eu le moindre compte occulte, mais il est certain qu’il fut directeur de la Construction au ministère de l’Équipement entre 1969 et 1974. Cela vous embête peut-être, mais c’est ainsi.
Autre curiosité de votre texte : je n’ai jamais prétendu que Lion était un soixante-huitard. À nouveau, vous m’aurez mal lu. J’ai écrit textuellement : « En 1968, quand d’autres de son âge se colletaient avec les policiers, Lion était chargé de mission à la direction de la politique industrielle du ministère de l’Industrie ». D’autres, pas lui.
Libre à vous d’avoir les héros de votre choix. Mais en tout cas, je puis vous assurer, pour finir, que je n’ai aucune haine contre les Verts. Vous n’êtes pas tenu de me croire. Je n’en ai pourtant aucune. Simplement, et vous semblez incapable de le comprendre, je fais une analyse radicalement autre de la situation dans laquelle nous sommes plongés. Il existe des gens éminemment sympathiques et respectables chez les Verts. Tel n’est pas mon propos. Mon propos est que ce parti est une queue de comète d’événements qui se sont produits voici quarante ans, et que pour des raisons complexes, impossibles à seulement résumer, il est incapable selon moi d’affronter la crise écologique globale. En somme, les Verts sont un parti d’un temps ancien, qui disparaît sous nos yeux.
Je n’ai rien contre les partis, et serai heureux le jour où il en existera un réellement écologiste, dans le sens que je donne à ce mot. Vous croyez nécessaire d’éructer contre moi, au point que je me demande s’il n’y aurait pas là-dedans quelque détestation personnelle. Cela s’est vu, je crois que vous le savez. Enfin, osons l’hypothèse effarante que vous trompiez en majesté. Que les réformes que vous appelez de vos voeux ne servent à peu près à rien, compte tenu de la situation réelle. Osons, cher monsieur Lipietz ! Soyons fous, osons ! Serait-ce alors la première fois ?
Oui, et pardonnez-moi ce brusque rappel au réel, serait-ce la première fois ? Je m’honore d’avoir toujours combattu tous les stalinismes de la planète, et d’avoir manifesté dès 1970 - j’avais quinze ans - en faveur des ouvriers de Pologne sous le joug. Je crois bien que vous avez été un maoïste fervent. Autrement dit, vous avez applaudi à l’une des pires dictatures que notre terre ait portée. Quand on s’est trompé aussi lourdement, il n’est malheureusement pas tout à fait exclu que l’on se trompe à nouveau. Et montrer les dents, comme vous le faites d’une manière il est vrai dérisoire, ne peut guère y changer grand chose.
Ce qui est, était et demeurera certain, c’est que nous ne pensons pas la même chose. Et j’en suis extrêmement satisfait. Monsieur,
Fabrice Nicolino
Lundi 2 novembre 2009 à 06h48mn58s
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M. Nicolino : vous êtes très partial dans votre note et même votre camarade et amie, Katia, vous le fait remarquer, ça et une autre chose (essentielle) : pourquoi ce sectarisme, pourquoi refuser aux personnes de changer et d’évoluer ? Vous avez l’air rempli d’agressivité et parfois vous tapez juste à côté. Comme vous l’avez écrit, la critique consiste également à se tromper parfois. Dont acte.
Mardi 3 novembre 2009 à 10h56mn44s, par Julien
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Cher Monsieur,
Le dialogue est toujours utile. Vous reconnaissez explicitement que vous n’accusez pas Robert Lion d’être corrompu et d’avoir un compte dans un paradis fiscal. Je m’en doutais un peu, mais j’avais tenu à vous le faire préciser, tant votre procédé par insinuation et amalgame est redoutable et nous renvoie à la pratique de certains pays dans les années 50. Et je vous confirme que, quant à moi, je suis très honoré qu’un ancien directeur de la construction ait évolué jusqu’à l’écologie politique.
À part ça je n’ai pas l’honneur de vous connaître personnellement et ne soupçonnais votre inimitié systématique à l’égard des Verts (presque comique tant elle reste invariante avec le temps et les évolutions politiques de ceux ci) que par vos chroniques de Politis, pendant de longues années. Vous m’apprenez donc que vous aviez 15 ans en 1970 et aviez manifesté en faveur des ouvriers polonais. Je vous en félicite. Moi aussi, mais j’étais plus vieux (23 ans) et notre petit décalage d’age semble avoir été suffisant pour me faire constater que ceux qui se « colletaient en 68 avec les policiers » n’étaient pas spécialement de l’age de Robert Lion (même s’il y en avait quelques uns de tous ages : ma propre grand tante, figurez-vous, la sainte femme…)
De même votre jeune age vous a fait ignorer ce qui a pu entrainer certains d’entre nous à soutenir dès 1966 la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne : le mot d’ordre « Feu sur le quartier général » ! Vous êtes assez informé pour savoir que j’étais « maoïste ». Ce terme désignait cet esprit de révolte et de critique des formes staliniennes d’industrialisation (la « Charte de Magnitogorsk »). Qu’il y ait eu un écart plus que notable entre le dire révolutionnaire de Mao et la pratique du pouvoir maoïste en Chine était alors connu de tous. On distinguait donc les « maoïstes » (ceux qui approuvaient les textes et se défiaient de leur réalité) et les « pro-Chinois » (ceux qui suivaient aveuglement les méandres de la direction du Parti Communiste Chinois.) D’où le mot d’ordre « Les pro-chinois en pro-chine ! »
S’agissant de mes propres écrits de ma période « maoïste », j’ai entrepris de les archiver sur mon site, car je déteste ces gens qui cherchent à cacher leurs erreurs passée (et je ne conteste pas avoir fait des erreurs). Ce travail prendra un certain temps, vous le trouverez en cliquant ici.
Cordialement.
Vendredi 6 novembre 2009 à 13h35mn24s, par Alain Lipietz
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Monsieur Lipietz,
Quoi que vous répondiez éventuellement, sachez que j’en resterai là pour ma part.
Nous n’appartenons visiblement pas au même monde moral, ce dont je dois bien me féliciter. Je reconnais sans peine être fier de m’être constamment opposé aux stalinismes divers et variés. Et je constate que dans votre magnifique clairvoyance, vous entendez néanmoins me donner une (petite) leçon concernant la Chine totalitaire. L’enjeu est ce jour dérisoire, mais il ne l’a pas toujours été. Malgré les décennies écoulées, il ne vous vient pas à l’esprit de vous agenouiller devant les millions de morts de la dictature maoïste. Non, bien entendu, pas un intellectuel de votre dimension, évidemment !
La Chine de la dictature et du laogai, décrite avec une précision admirable dès 1970 par Simon Leys dans Les Habits neufs du président Mao (paru en 1971), cette Chine-là n’a donc pas existé à vous lire en ce milieu de novembre 2009. Ce qui a existé, c’est votre enthousiasme imbécile et votre soumission à l’autorité. Ce qui a existé, c’est que des slogans répétés là-bas par des gardes rouges abreuvés de propagande simpliste vous ont permis de lever le poing dans les rues de Paris. Et de vous en féliciter quarante ans plus tard.
il y a manifestement chez vous, monsieur Lipietz, quelque chose de grand. Qui consiste à avoir eu tort tout en continuant à avoir eu raison. Je crois sincèrement que l’époque a été injuste avec vous, qui maniez le sophisme avec un art que pourraient vous envier les mânes du Grand Timonier.
Mais, et j’en termine, nous n’habitons pas le même univers mental ni moral. Et, ma foi, quel soulagement.
Fabrice Nicolino
Lundi 16 novembre 2009 à 07h00mn27s
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Mardi 17 novembre 2009 à 07h33mn43s, par Alain Lipietz
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