Succès sur l’effet de serre.


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Mercredi 12 septembre 2007

Semaine de commissions, absolument bondée, où je dois jongler entre les réunions, compter sur mes assistantes et collaborateurs pour me remplacer, mais qui me laisse pour une fois pas mal de satisfactions. Mon rapport pour avis sur l’intégration de l’aviation dans le système des quotas d’émission de gaz à effet de serre est discuté, amendé dans un sens positif… par les autres groupes, et voté en commission Economique et Monétaire ! Quant à mon rapport sur Commerce international et effet de serre, il est favorablement discuté en commission du Commerce international.

La discussion, à très haut niveau, en commission Economique et Monétaire, sur la crise financière, est extrêmement intéressante, et j’ai à nouveau l’impression que nous y sommes écoutés. En revanche, les informations sur les accords de partenariat économique (APE), que négocie actuellement l’Union européenne avec le Tiers monde, me laissent quelques inquiétudes. Mais ça, je vous en reparlerai en fin de semaine.

Aviation

La proposition de la Commission européenne d’intégrer l’aviation dans le système des quotas d’émission de gaz à effet de serre était déjà en soi une très grosse avancée : une des plus grosse échappatoire à l’accord de Kyoto (3 à 4% de l’effet de serre européen, mais celle qui croit le plus vite) était enfin pris en compte. Comme je l’ai expliqué, le rapport que j’ai présenté visait à la renforcer, mais il fallait y aller avec prudence. D’abord faire accepter le principe, puis resserrer la pression, en lâchant du lest pour avancer d’un côté et attendre pour récupérer ce qu’on a lâché, en bon disciple de Monsieur de Saint-Germain.

En fait, je suis seulement le rapporteur pour la commission Economique et Monétaire, mais c’est à priori la commission la plus hostile. Je savais pouvoir compter par exemple sur le fait que les choses se passeraient mieux dans la commission en charge du dossier à titre principal, la commission Environnement. Toutefois, obtenir un accord le plus large possible dans la commission la plus défavorable permet d’espérer que les choses se passeront bien en plénière.

La tactique était donc la suivante : présenter un texte légèrement durci par rapport à la proposition de la Commission, mais avec des justificatifs incitant les autres groupes, même libéraux ou conservateurs, à le renforcer d’eux-mêmes par leurs amendements. Pour cela, je n’avais qu’un argument : celui de la concurrence « non faussée » entre les compagnies aériennes européennes et les compagnies étrangères, entre l’aviation et les autres secteurs.

* Première bataille : la proposition de la Commission commençait par adopter comme point de référence pour les émissions de l’aviation une date (la moyenne sur 2004-2006) différente de celle (1990) des autres secteurs concernés par l’accord de Kyoto. Elle proposait d’attribuer à l’aviation un quota constant par rapport à cette référence « historique » de 2004-2006. Il me fallait d’abord faire prendre conscience à mes collègues que les émissions de l’aviation avaient crû de 80% enter 1990 et 2005 ! A partir de là, tout en acceptant ce privilège (« l’aviation s’est démocratisée depuis 1990, d’accord, mais maintenant elle doit être au même régime que les autres »), on pouvait arguer que l’aviation devait voir ses quotas décroître au même rythme que ceux de l’ensemble des autres activités (soit 8% pour l’Europe dans le cadre de l’accord de Kyoto, puis 20 à 30% pour la période suivante).

Premier succès : les autres groupes, qui n’avaient pas repéré tout de suite l’importance du cadeau fait à l’aviation, se rallient à ma proposition de rythme de décroissance.

* Deuxième problème : à partir de quelle date ? La Commission proposait 2011. Je proposais 2010, en signalant toutefois que cela allait entraîner un conflit avec les compagnies étrangères, notamment américaines, et je proposais de laisser aux avions décollant d’un pys tiers pour se poser dans l’Union un délai jusqu’au premier janvier 2013. Je soulignais lourdement à la fois l’avantage concédé ainsi aux compagnies des pays tiers, mais aussi la violence de la réaction des Etats-Unis, de la Chine et de leurs alliés, en évoquant la lettre de leurs ambassadeurs.

Nouveau succès : non seulement les grands groupes (PSE et PPE) acceptent d’avancer à 2010, mais aussi (premier signe du recul du libre-échangisme intervenu pendant l’été et qui va nous surprendre pendant toute la semaine), ils n’hésitent pas à imposer à toutes les compagnies aériennes et tous les vols cette même date de 2010.

* Troisième point clé : quelle part des quotas doit être distribuée aux enchères ? Lors de l’établissement du système de quotas échangeables pour l’industrie lourde, le consensus dans les grands groupes politiques était qu’il fallait distribuer les quotas aux entreprises selon leurs acquis historique ( Grandfathering, la méthode du grand-père). Dans ce cas, la totalité des quotas sont ainsi distribués aux entreprises existantes et les jeunes compagnies doivent en racheter à celles en place ! Les Verts et les ONG s’étaient battus pour qu’au moins une bonne partie soit vendue aux enchères, mais sans grand succès. Dans mon rapport et dans les débats, j’expliquais que c’était profondément injuste par rapport aux jeunes compagnies émergentes, en particulier en Europe de l’Est, que cela posait un problème de distorsion de la concurrence, et je proposais qu’au moins 10% des quotas soient vendus aux enchères. Ce qui avait en plus l’avantage de rapporter de l’argent aux Etats, second dividende qu’ils pourraient utiliser pour subventionner les technologies économes en effet de serre.

Bien entendu, j’escomptais que l’argument de la distorsion de concurrence conduirait d’autres députés à demander l’augmentation de la part vendue aux enchères, et je savais que la commission Environnement et une partie du Conseil était pour aller jusqu’à 100%.

Nouvelle très bonne surprise : les PSE et le PPE proposent d’eux mêmes de fixer à 50% la part vendue aux enchères. Je fais observer à la shadow rapportrice libérale qu’elle aurait pu proposer 100%, elle n’exclut pas de le faire en plénière…

Ainsi amendé, mon rapport est adopté à la quasi-unanimité . La représentante du WWF qui s’était inquiétée de ma proposition à 10 % vient me féliciter pour mon habileté. Bref, la semaine commence très bien !

CommerceInternational

Elle se continue tout aussi bien en commission du Commerce international, où a lieu la discussion (mais pas encore le vote) de mon rapport d’initiative sur « Commerce international et changement climatique ».

Avant les vacances, le « shadow rapporteur » du PPE, un Grec, semblait plutôt réticent. Je l’avais rassuré et j’avais pris en compte une partie de ses suggestions. Là, il se déclare totalement d’accord avec mon rapport. Il faut dire qu’entre temps, la Grèce a vécu un mois de juillet à 46° à l’ombre, et, complètement desséchée, a été ravagée fin août par les incendies…

Là encore, il faut s’attendre à des votes ultérieurs assez consensuels. De ces deux premiers rounds de la rentrée, je perçois deux nouveautés. D’une part, tous les groupes politiques sont maintenant très conscients de la nécessité d’accélérer la lutte contre l’effet de serre (avec tous les problèmes que ça pose, de la tentation du nucléaire au recours aux « bio » carburants). Mais existe aussi, sous tendue, une volonté d’en découdre avec les grandes puissances polluantes, Chine et Etats-Unis, qui ébranle l’hégémonie libre-échangiste dominante depuis tant d’années. On commençait à le sentir l’an dernier, mais, visiblement, deux nouveaux facteurs se sont développés cet été : la crise financière venue des Etats-Unis, et les tensions entre la Chine et les Etats-Unis sur les questions commerciales (affaire des jouets Mattel sous traités en Chine, etc). On y reviendra.

Dans les deux cas (effet de serres, et méfait d’un commerce global non régulé), les eurodéputés Verts voient leur discours, qui les isolait depuis des années, désormais validé : cela se sent dans une meilleure qualité d’écoute à notre égard.

Cooperation

Mais tout en espérant conclure favorablement ces deux batailles sur le climat, il faut commencer à prendre en compte les effets pervers qui ne manqueront pas d’en résulter, sur le nucléaire et les « bio » carburants. (À ce propos, les actes du forum sur « La querelle des agrocarburants » avancent sur ce site !).

D’où l’intérêt de la « réunion-sandwiches » à laquelle j’ai invité sur le thème « Changement climatique, biodiversité et coopération », en tant que président de l’intergroupe « Commerce international et développement soutenable ». Sont présents Sir John Kaputin, Secrétaire général des pays ACP (Afrique Caraïbes Pacifique), un représentant de la Direction générale du Commerce (Gareth Steele) et un représentant (Philip Mkos) de la Direction générale Développement de le Commission européenne, ainsi que Jean-Claude Jacques, représentant de l’Union mondiale pour la Nature (UICN).

La discussion est assez complexe, car si depuis quelques temps on discute de la dimension « commerce international » des deux grandes crises écologiques (effet de serre et perte de la biodiversité), dans les dimensions « Effet de serre et commerce international », et « Biodiversité et Coopération au développement » (euphémisme pour les rapports avec les pays les moins avancés du Tiers monde), c’est la première fois qu’on discute les trois en même temps.

La réunion est donc assez hésitante. J’essaie de vous la résumer en commençant par le discours prudent de Gareth Steele, le représentant de la DG Commerce : « Il faut dans les accords commerciaux viser à une diminution de l‘empreinte écologique de l’Europe ». Je ne sais pas si une telle idée est partagée dans la DG Commerce (celle du commissaire Mandelsson !) ou s’il a dit ça pour nous faire plaisir. Comment est-ce possible qu’un représentant de la DG Commerce appelle à une « réduction de l’empreinte écologique de l’Europe » ? Car, quand les pays les plus pauvres commercent avec l’Europe, en général, ils exportent leurs ressources naturelles, sous forme de matières première minières, ou issues de forêts qu’ils détruisent pour en vendre le bois ou pour les replanter en palmier à huile afin d’exporter de l’agrodiesel. Diminuer l’empreinte de l’Europe, c’est donc diminuer les exportations habituelles du Tiers-monde vers l’Europe !

Ca ne veut pas forcément dire qu’il faille diminuer le volume financier des relations commerciales avec l’Europe, mais qu’elles doivent changer de nature. À la limite, il va falloir leur acheter le « service environnemental » qui consiste à NE PAS détruire leurs richesses naturelles. C’est d’ailleurs ce que vient de proposer l’Equateur, en acceptant de renoncer à ouvrir à l’exploitation pétrolière un parc naturel particulièrement protégé, à condition que le reste du monde trouve le moyen de lui payer le service de sa conservation…

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle était arrivé le représentant des ACP : mettre au point les méthodes de « financement de la conservation de la biodiversité ». Et le représentant de l’UICN, dans son excellente présentation, avait eu l’habileté de souligner une découverte récente majeure sur la fixation de CO2 par les forêts tropicales. Jusqu’ici, on pensait qu’une forêt qui restait stable en volume avait un bilan neutre en CO2 (fixation chlorophyllienne par croissance - émission par évapotranspiration). On vient récemment d’établir qu’en fait, son bilan était largement positif en fixation.

Bon, tout ça reste des paroles en l’air, car je n’ai pas du tout l’impression que ces belles idées soient prises en compte dans les actuelles négociations APE (accords de partenariat économique).

Photo perreira, sous licence CC

Adresse de cette page : http://lipietz.net/?breve257

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Forum du blog

Il y a 2 contributions à ce blog.
  • Succès sur l’effet de serre.

    Bonjour,

    je suis très content à la lecture de cette chronique, cependant je suis navré de ne pas réussir à lire la lettre des ambassadeurs des états-unis.
    Pour un problème technique on ne peut acceder au document nommé VP_NonEU_200704_br228.pdf
    L’équipe d’Alain peut-elle résoudre ça ?


    Jeudi 27 septembre 2007 à 18h47mn15s
    lien direct : http://lipietz.net/?breve257#forum1844
    • Succès sur l’effet de serre.

      Aïe. Il s’agit sans doute du lien à partir de l’évocation de cette lettre (à la fin du paragraphe "Deuxième problème" dans l’onglet Aviation).

      Ce lien pointe vers un ordre de telechargement de la page :

      http://lipietz.net/ALVP/VP_NonEU_200704_br228.pdf

      Selon la façon dont vous avez réglé votre logiciel de lecture du houèbe (browser), votre ordinateur la télécharge simplement (et elle se trouve quelque part dans votre ordi, et par exemple Firefox vous propose un lien pour l’ouvrir) ou elle l’ouvre automatiquement.

      Chez moi, sur Mac, pas de problème, ni avec Firefox ni avec Safari. Elle apparaît même (mais en tout petit) dans l’infobulle (en laissant le doigt pointeur sur le passage souligné.)


      Jeudi 27 septembre 2007 à 19h23mn45s, par Alain Lipietz
      lien direct : http://lipietz.net/?breve257#forum1846
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