Kolossale manif à Strasbourg

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Mardi 14 février 2006

Lundi matin, on commence par une conférence de presse sur la directive service, commune aux représentants des différents partis, au siège de la délégation du Parlement européen à Paris. Toubon prend le premier la parole : il fait l’éloge du compromis PSSE-PPE. Immédiatement derrière lui, Béatrice Patrie, partisane du Non, lance la charge et laisse entendre que les socialistes français ne se rallieront pas à ce compromis (renseignement pris en arrivant à Strasbourg, ils le voteront, même Peilhon !). Lehideux, pour l’UDF, soutient le compromis PSE-PPE (ce qui, on le verra, n’est pas le cas de tous les libéraux-démocrates à Strasbourg). Quant à moi, j’annonce la tactique des Verts que vous connaissez déjà par mon site : nous défendrons dès le départ l’amendement de rejet total de la directive, puis nous voterons tout ce qui peut l’améliorer. Je laisse dans le flou ce que sera notre vote final, puisque nous ne savons pas quels amendements passeront.

Après moi, Francis Wurtz se lance dans une charge contre le compromis PSE-PPE, en démontrant contre l’évidence qu’il n’améliore pas la situation des salariés. Pourtant, ce compromis a été méticuleusement vérifié par le représentant de la Confédération européenne des syndicats, Josep Nemec. Un peu agacé, je reviens à la charge en expliquant que les compromis qui vont sans doute être adoptés protègent tout à fait le droit du travail… mais laissent la porte ouverte à une dérégulation par le biais de l’artisanat, et donc des « faux indépendants ». On sait ce qui s’est passé dans le cas du transport routier : toutes les grandes flottes de camions, propriétés des chargeurs, ont été dissoutes, et leurs camions ont été cédés pour une bouchée de pain à leurs chauffeurs licenciés qui sont devenus ainsi des faux indépendants, taillables et corvéables à merci.

Francis nous sort également une déclaration du Commissaire Mc Creevy, selon laquelle « il faut bien tenir compte du Non français et hollandais ». Les amendements à la Bolkestein seraient donc le résultat des Non ! Renseignement pris, on voit vite la manipulation : la déclaration de Mc Creevy est une réponse à une lettre commune des gouvernements… hollandais, et autres pays nonistes, ouverts (Pologne, Tchéquie et Grande-Bretagne, les 3 pays dont les députés européens ont rejeté la constitution) ou incertains (Hongrie), aux quels s’est joint étrangement un pays ouitiste (l’Espagne), et qui demandent le maintient du principe du pays d’origine ! Quant à l’autre grand thème, l’exclusion des services publics marchands (SIEG) qui était prévue par le TCE, on va voir ce que le vote va donner.

Lundi soir, Strasbourg. Débat et vote en Commission économique de mon rapport « i-2010 » sur la société de l’information. La droite et les libéraux, tels qu’en eux-mêmes enfin l’éternité les change, se surpassent. Ils arrivent même à faire sauter, dans ce rapport, la petite phrase qui souligne que les progrès fondés sur les technologies de l’information permettent des économies d’énergie et facilitent le respect des accords de Kyoto ! Mais, bon sang, qu’est-ce que ça leur coûtait d’accepter cette petite phrase ? Tous les économistes, classiques, néo-classiques, marxistes admettent qu’utiliser plus intensivement un facteur (ici : l’information) permet de faire des économies sur les autres (ici : les ressources de l’écosystème terrestre). Cela va de soi, c’est un argument commercial courant, c’est un constat économétrique : plus une société se tertiarise et s’informatise, plus vite augmente la productivité du facteur énergie. Mais non : si la droite ne dit pas encore ouvertement qu’il faut quitter l’accord de Kyoto, elle se crispe dès qu’on lui rappelle que la lutte contre le changement climatique est un but économique, et pas seulement diplomatique, à poursuivre avec constance.

Mardi, petite réunion d’explication de gravures avec le Collège exécutif des Verts (en fait deux personnes !) sur les petites divergences que nous avons eues dans les mois qui viennent de s’écouler : le blocage de la pétition des Verts européens pour amender la directive Bolkestein (sous prétexte qu’elle n’était pas amendable !) , le sabotage de l’initiative qui m’avait été demandée sur Banlieues, services publics et tiers-secteur.

Mais déjà il faut foncer voter. Il y a un rapport sur l’élevage des poulets en batterie : nos amendements pour donner un peu plus d’air à ces malheureux animaux sont repoussés. Grippe aviaire ou pas, les poulets resteront compressés. Mais nous votons quand même le rapport car il améliore tout de même nettement la situation de ces pauvres bêtes…

Le rapport sur les aides d’Etat est lui aussi fort médiocrement amendé : la droite, qui semble résignée à avaler des couleuvres sur la Bolkestein, se venge en votant les pires sottises. J’avais glissé sous forme d’amendement le texte de l’article 122 du traité constitutionnel qui imposait de voter une loi spécifique sur les services publics, faisant obligation aux Etats de les fournir et de les financer. Bien que j’aie repris le texte intégral, cet amendement est unanimement rejeté par la droite modérée… qui avait pourtant largement voté, à l’époque, le TCE ! Tout de même, notre amendement demandant de supprimer les aides d’Etat qui encouragent les pratiques nuisibles à l’environnement est adopté, mais il se trouve quand même 301 députés pour voter contre ! 301 députés qui votent qu’ils faut maintenir les aides d’Etat quand elles dégradent l’environnement…

Après les votes, le groupe Verts avec tous ses assistants, collaborateurs et députés, sort précipitamment pour rejoindre la grande manifestation syndicale européenne contre la Bolkestein. La manif est énorme, et même kolossale, tant est forte la présence allemande. Sans doute la plus grande manif syndicale européenne depuis celle de Nice qui visait à faire intégrer au traité la Charte des droits fondamentaux. Hélas, le Non au TCE… mais vous connaissez bien la musique désormais ;-)

On trouve bien sûr beaucoup de CGT, de CFDT, et même de FO et de CFTC. Manifestement, il n’y a pas que les permanents, mais tous ceux qui pouvaient prendre une journée sont venus manifester. La présence étrangère se limite essentiellement aux « géographiquement proches », Italiens, Belges, Allemands et même Suisses (alors que la Suisse n’est pas dans l’Union, ce qui prouve qu’elle devient une référence !), mais on repère aussi des Portugais, des Slovènes, des Polonais… Ceux-ci portent des brassards Solidarnosc. Je ne sais plus très bien ce que veut dire Solidarnosc en Pologne aujourd’hui. Mais qui aurait pu penser en 1981 que ce mouvement, premier ébranlement presque victorieux au sein de l’empire soviétique, manifesterait aujourd’hui à Strasbourg, avec le syndicalisme portugais, ressuscité en 1975 après une quarantaine d’années de dictature, au milieu du mouvement syndical européen, rassemblé pour peser sur le vote des représentants des citoyens européens ! Malgré tout, cette Union européenne reste, par son incroyable réalité, une source d’émotion.

Ver.di ...
... les Belges....
... les Polonais...
... les Portugais...

Extrêmement impressionnant : l’omniprésence du syndicat des tertiaires allemands, Ver.di… dirigé par un Vert ! Je savais que c’était maintenant le plus grand syndicat allemand. Ce qui m’étonne le plus, c’est sa forte composante masculine : je m’attendais à ce qu’un syndicat du tertiaire soit essentiellement féminin. Manifestement, il a réussi à agréger de nombreux ouvriers, sans doute des branches « services aux entreprises », c’est-à-dire des intérimaires…

À 3h moins le quart, je décroche avec Hélène Flautre pour rejoindre le Parlement, où commence le débat sur la Bolkestein. Le représentant de la présidence autrichienne est tout à fait correct : quoique de droite, ce pays, comme la France chiraquienne, s’oppose à la Bolkestein. C’est un point important qu’il faut comprendre : si une partie importante de la droite et du patronat s’oppose aussi au principe du pays d’origine et à l’absorption du statut des services publics dans le cas général des services, c’est parce que, pour les gouvernements, même de droite, la maîtrise des services publics reste un problème d’ordre public. Par ailleurs, en Autriche comme en France, le patronat est très majoritairement composé de petites entreprises qui n’aiment pas trop la concurrence internationale, et qui craignent tout autant que leurs ouvriers le « principe du pays d’origine ». C’est une des raisons qui font que, alors que le capital financier (Financial Time, Wall Street Journal) avait soutenu le Non au TCE, le Medef et la plupart des Unions patronales européennes étaient pour le Oui, en ce qu’il permettait de tempérer, y compris pour le petit patronat, les risques d’une concurrence « ouverte ». Comme ceux de leurs salariés qui ont voté Oui, en particulier en Espagne, ils préféraient une concurrence « non faussée ».

La Commission répond, par la bouche du Président Barroso, et du successeur de Bolkestein, McCreevy, qui nous avait déjà protesté de sa bonne volonté, en faisant profil bas. En gros : « Nous sommes prêts à re-rédiger dès la semaine prochaine la directive en tenant compte des amendements qui auront été adoptés par ce Parlement ».

Dans le débat, le président du PPE fait lui aussi profil bas. Le président des socialistes a un discours un peu trop triomphaliste, qui visiblement froisse les libéraux-démocrates qui interviennent derrière lui, et qui sonnent la charge en faveur du principe du pays d’origine. Francis Wurtz, au nom des communistes, a un peu évolué : il admet que comme nous, il votera tous les amendements possibles, mais il critique avec raison, et mieux qu’il ne l’avait fait lundi, les faiblesses du compromis PSE-PPE.

En notre nom, Heide Rühle, pourtant « realo » allemande, énonce notre tactique en termes extrêmement fermes : « Nous défendrons l’ancienne position de Madame Gehbardt que nous avions défendue en Commission du Marché intérieur. Puis, si nous sommes battus, nous voterons le compromis PSE-PPE ». Mais elle critique vigoureusement ce compromis en soulignant sa grande faiblesse : il ouvre la porte à un contournement par la prolifération de « faux indépendants ». Elle affirme fermement que si, en outre, l’ensemble des services publics marchand ne sont pas exclus de la directive Services, et réservés à une directive spéciale sur les services publics, les Verts voteront au final, même après l’avoir amendée, contre la directive.

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