Visiteurs de marque. Affaire Onesta. Zone euro.

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Jeudi 16 novembre 2006

Semaine à Strasbourg. Comme souvent, les votes en plénière sont interrompus pour le discours d’hôtes de marque. C’est souvent intéressant, parfois émouvant. Cette semaine, c’est les deux.

Mardi, la plénière accueille Mikheil Saakachvili, Président de la Géorgie depuis la « révolution des Roses ». On connaît la situation dramatique dans laquelle se débat ce petit État, antique civilisation et République née de l’explosion de l’ancienne Union soviétique. La Russie de Poutine n’a de cesse de le réabsorber, soit en soutenant la révolte de minorités nationales (et dans le Caucase, ce n’est pas difficile : Abkhazie, Ossétie du Sud), soit lui coupant le gaz et les débouchés à l’exportation.

Quand donc le président Saakachvili se présente à nous, il est un peu dans la situation du Président tchéco-slovaque Edvard Benès avant la Conférence de Munich (1938) : quand son pays était la veille de se faire arracher les Sudètes, puis carrément occuper et transformer en Protektorat par l’Allemagne hitlérienne. La présence de Saakachvili au Parlement européen est un véritable appel au secours. Il nous explique longuement que son pays est amarré au monde grec depuis l’expédition de Jason pour la Toison d’or, qu’il a fait énormément d’efforts pour s’adapter aux normes européennes d’État de droit et de libéralisme économique, qu’il est très ouvert aux revendication de ses minorités ethniques et cherche une solution pacifique, que le vin géorgien est excellent, que lui-même a étudié en France, etc... Son discours est interminable, alternativement en anglais, en géorgien et en français. Tous les députés européens suivent avec attention et même avec émotion. Je suis profondément convaincu de sa sincérité (malgré l’imprudent philo-américanisme qu’il a affiché depuis le début de sa présidence) et de son inquiétude. Même la référence à la Toison d’Or : il y a de plus en plus d’immigrés géorgiens en Grèce, descendants d’une présence grecque remontant à l’Antiquité. Je sais aussi qu’une grande partie des élites européennes, échaudées par l’affaire turque, est prête à jurer que les pays caucasiens ne feront jamais partie de l’Europe (donc : ni l’Arménie ni la Géorgie). Je sais surtout que, vis-à-vis de Poutine, l’Europe, redevenue une assemblée de nains politiques, est plus que jamais… munichoise.

L’hôte du lendemain est l’Emir du Qatar. Le Président Borrell le salue comme le pionnier de la démocratisation dans la région du Golfe (mes voisines me soufflent que pourtant les femmes du Qatar n’ont pas encore le droit de vote). Lui intervient essentiellement sur la question palestinienne, et je dois dire que c’est assez stupéfiant d’entendre enfin un discours noir sur blanc, sans circonvolution diplomatique, pour dénoncer avec fermeté la pusillanimité de l’Europe. « Comment peut-on exiger des Palestiniens qu’ils organisent des élections démocratiques à l’européenne, pluralistes [ et j’ajouterais : y compris avec le vote des femmes ! ] et, une fois connus les résultats, comme ils ne plaisent pas à l’Union européenne, sanctionner cruellement les populations ? » Une bonne partie de l’hémicycle applaudit, dans tous les groupes politiques.

Et l’émir de continuer en dénonçant l’intervention israélienne au Liban à Gaza. En fait, le Parlement votera jeudi une résolution assez ferme dans le même sens. Mais ça fait quand même une sacrée impression d’entendre un émir en grande tenue nous dire ça du haut de la tribune du Parlement de Strasbourg.

À part ça, il y a aussi des votes, bien sûr. La semaine commence bien. Le rapport Lehne sur l’immunité de Gérard Onesta est adopté à l’unanimité du Parlement. Il faut lire ce texte ! Comme Gérard le demandait, il n’invoque pas l’immunité de Gérard à propos de sa condamnation en tant que faucheur volontaire, car Gérard veut aller jusqu’à la Cour des Droits de l’Homme, mais il affirme son soutien à Gérard devant cette Cour. C’est une véritable claque au gouvernement français (déjà condamné par la Cour de Luxembourg) à propos de son laxisme vis-à-vis de la culture d’OGM en plein champ, mais aussi une claque à la justice française à propos du traitement discriminatoire infligé à Gérard (et à Noël Mamère).

Les autres votes sont beaucoup moins bons... Mardi, par exemple, vote sur le rapport Garcia Margallo, à propos de la situation économique dans la zone euro. José-Manuel Garcia Margallo est un PPE espagnol étonnamment ouvert et sympathique, surtout pour un membre de la Commission économique. Son rapport initial en commission était déjà pas mal. Nous (notre collaboratrice économique Inès Trépant et moi) avons proposé quelques amendements, il en a accepté certains. Et malgré un rituel appel à la flexibilisation du marché du travail que nous ne parvenons pas à faire sauter, nous nous apprêtions à voter pour ce rapport. Petit détail, un de nos compromis avec lui ayant été conclu après l’heure limite de remise des amendements aux traducteurs, je dois le présenter oralement en séance, avec son accord. Il s’agit simplement de regrouper deux de nos amendements sur un seul, qui appelait à une meilleure collaboration de la Banque centrale et du Conseil dans la gestion du taux de change. Mon amendement oral consiste à rajouter « dans le respect des responsabilités et prérogatives de chacun, pour remédier aux déséquilibres actuels ».

La procédure de l’amendement oral en séance est rare, elle n’est acceptable que quand l’amendement recueille un large accord au moment des dernières négociations. Ce qui semblait être le cas pour une phrase aussi banale ! Pour le repousser, il suffit que trente personnes se lèvent.

A peine ai-je lu cet amendement au micro qu’à ma très grande stupéfaction, un, puis deux, puis la quasi totalité du groupe libéral-démocrate se lève… à l’exception des Français et des Belges ! L’amendement oral tombe. Je suis sidéré et leur lance « Mais quoi ! vous votez contre le respect du Traité ? » Du coup, nous nous abstenons sur l’ensemble du rapport.

À la fin des votes, beaucoup de libéraux viennent s’excuser, ils ont « suivi le mouvement »… lancé par leur « shadow rapporteur » en Commission économique, le Hollandais Jules Maaten. Leur collaboratrice à la Commission économique ne comprend pas cette hostilité imprévue.

En réalité, mon amendement n’avait rien d’innocent. Je sais bien que, selon le Traité actuel et depuis Maastricht, c’est au Conseil, c’est-à-dire à un organisme politique, qu’il revient de déterminer la parité de l’euro. Or, on ne peut remédier à la surévaluation actuelle de l’euro qu’en baissant les taux d’intérêts, c’est-à-dire en allant contre la politique actuelle de la Banque centrale ! Les « économistes » du groupe libéral-démocrate savaient donc parfaitement ce qu’ils faisaient.

Le Non hollandais (et j’insiste : hollandais) a bel et bien ouvert les vannes à une remise en cause dans un sens encore plus libéral du traité de Maastricht lui-même. Nous l’avons vu il y a quelques semaines avec l’attaque contre l’article 86 qui subordonne les lois de la concurrence aux nécessités du service public. Nous le voyons à nouveau : les libéraux ne veulent pas qu’un pouvoir politique élu se mêle le moins du monde de la politique monétaire, qui doit rester le monopole des financiers.

Bon, vous êtes sans doute déjà au courant : mercredi le parlement a adopté la directive Services (ex-Bolkestein) en seconde lecture. Mais je vous le raconterai demain.

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