Wangari


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Lundi 22 janvier 2007

Il faut maintenant parler de l’influence extraordinaire de Wangari Maathai, la fondatrice, il y a trente ans, du Green Belt Movement, mouvement de la ceinture verte. Ce mouvement a commencé tout simplement en plantant des arbres. Puis Wangari et son GBM sont devenus de plus en plus Verts au sens classique du terme, c’est-à-dire avec un discours articulé sur de nombreux sujets, y compris l’autonomisation des femmes et des filles et ce qui va avec, avortement, contraception et protection contre le Sida.

Le prestige de Wangari est immense au Kenya. Dans beaucoup de villes africaines, les potagers éclosent autour des bidonvilles et le long des trottoirs. Mais là, autour de Nairobi, les potagers cèdent souvent la place à une multitude de petites pépinières, jusqu’aux abords du centre ville.

Pépinières au coeur de Nairobi

Semer des graines, les mettre en nourrice, les repiquer, les arroser, puis aller les planter jusque sur les moindres ronds-points, est devenu une sorte de religion populaire, très largement bénévole, et intellectuellement argumentée, que ce soit vers la lutte contre la déforestation ou contre le changement climatique (sachant que le bois assure la fixation du carbone, mais est aussi la source d’énergie renouvelable de base de la population kenyane).

Depuis son Prix Nobel, et parallèlement à la démocratisation du régime kenyan, Wangari est passée du statut de militante suspecte à celui d’incontournable courtisée par les chefs d’État africains. À celle que les militaires pointaient du fusil lors du premier Congrès Mondial des Verts (où Ingrid Betancour avait prononcé le discours de clôture…), on présente maintenant les armes, nous dit-elle en riant. Du coup, le GBM se retrouve associé officiellement au Ministère des forêts pour les opérations de reforestation. Et cette coopération reçoit à son tour le soutien des politiques d’aide au développement des pays donateurs et de la Banque Mondiale.

Ainsi, l’Agence française de développement (AFD) a invité les Verts et les socialistes présents au FSM (Harlem Désir et Safia Okotoré, une jeune militante bourguignonne d’origine somalienne, ainsi que le sénateur Yung (PS)), qui représente les Français établis hors de France, à une journée de démonstration de son accord avec le Green Belt Movement et le Ministère des forêts. On commence par un petit briefing avec Wangari et les cadres de son mouvement.

Wangari Maathai

Elle nous explique l’intérêt de planter. Dans l’ordre : érosion, énergie, alimentation, effet de serre, biodiversité, purification et fixation de l’eau. Elle demande aux parlementaires Verts présents, en particulier aux Français, de l’aider dans une mission qui lui vient de lui être confiée par les 11 pays du bassin du fleuve Congo : proposer des solutions pour la sauvegarde de leurs forêts.

Avec Wangari

Nous partons ensuite en 4x4 (là, on en aura vraiment besoin : voyez le clip !), à quelques heures de route, dans la montagne des Aberdare, où l’AFD finance la replantation d’arbres dans une forêt domaniale.

Visionnez le clip (avi, 5 Mo)
Vous pouvez utiliser, par exemple, VLC media player->http://videolan.org

Cette forêt couvrait entièrement les sommets du massif montagneux qui domine Nairobi, et d’où coulent les eaux qui alimentent la ville. Un peu comme dans le cas du paramo du Piura, cette forêt domaniale jouait le rôle d’une éponge alimentant deux rivières dont l’une fournit l’eau de la capitale. Il est donc décisif de la sauvegarder. Or, sous la dictature d’Arap Moi, elle s’est progressivement dégradée, perdant quelque 20% de sa surface.

Nous discutons avec les équipes qui nous reçoivent sur place : les femmes d’une communauté villageoise qui nous invitent à planter symboliquement quelques arbres avec elles, puis l’équipe gérant une pépinière qui fournit cinq communautés différentes. Nous les interrogeons longuement, cadres, paysannes et paysans, pour comprendre les problèmes.

Les bénévoles du GBM (Green Belt Movement))
Trois Verts (Belge, Suisse, Français) plantant un podocarpus palcatus
La pepiniere GBM des Aberdare
La coordonnatrice, bébé au dos, supervise
Les forestières bénévoles sont tres fières
Podocarpus deviendra grand

D’abord, pourquoi la déforestation ? Le feu, bien sûr. Les concessions cédées par corruption à l’époque d’Arap Moi. Mais aussi, ils ne le cachent pas, les prédations des communautés paysannes alentour. Ce ne sont pas seulement les coupes de bois, un peu sévères, pour cuisiner et se chauffer, c’est aussi le défrichement sauvage par les paysans dont les terres sont trop petites ou déjà appauvries. C’est encore le passage du bétail : soit que des éleveurs Masai se replient vers cette forêt, fuyant la sécheresse dans la Vallée du Rift(nous sommes ici à plus de 2000 m, et les pluies sont fréquentes), soit que les paysans des alentours fassent paître leur bétail dans des zones où les jeunes pousses sont trop petites et fragiles. La zone replantée avec l’aide de l’AFD porte encore les traces du défrichement sauvage et des anciens champs, et le terrain où nous venons de replanter a été ravagé deux mois auparavant par du bétail.

Les jeunes filles, machette en main...
...partent couper le bois.

On retrouve donc ici, dans toute sa complexité, le problème de la lutte pour les usages des sols. Cette forêt domaniale reste considérée comme ce qu’on appelait, au Moyen âge, la « vaine pâture », et subit la « tragédie des biens communs » que dénonçait l’écologiste Hardin : quand personne n’a vraiment la propriété d’un écosystème, il risque d’être surexploité. De plus, cette forêt, qui remplit une fonction essentielle pour la capitale distante de plusieurs heures de route, est une tentation pour les paysans qui manquent de terre. Enfin, nouveau problème, comment replanter cette forêt ? La tradition établie par les Britanniques était de planter en eucalyptus et en résineux comme le cyprès, essences « exotiques » pour le Kenya, à croissance rapide, qui consomment énormément d’eau et sous lesquelles rien ne peut pousser. L’industrie du bois établie alentour l’a été en fonction de ces essences « exotiques ». La politique du Green Belt est désormais de replanter en espèces « indigènes », pour restaurer la biodiversité. Cette politique est contradictoire avec celle de la Banque mondiale, qui aide aussi le projet en tant que « puits de carbone » (contre l’effet de serre), et privilégierait plutôt des arbres à croissance rapide comme justement l’eucalyptus.

La forêt defrichée

Autre point de la discussion : qu’y gagnent ces paysans-replanteurs ? Le Green Belt Movement est fondé sur le volontariat, et regroupe nationalement 250000 bénévoles, dans tout le Kenya. Il s’agit d’un véritable mouvement politique et social : on plante des arbres pour les mille raisons déjà énumérées. N’empêche qu’ici, les paysans se livrent à une tâche au service de l’État, et qui est nécessaire à la survie de la ville de Nairobi. Pourtant, à leur désappointement, ils ne perçoivent guère de rémunération. Un jour par semaine, il faut aller chercher des graines ou des jeunes pousses en forêts, les faire grandir dans la pépinière, puis les replanter. Ils ne seront rémunérés qu’au moment où un arbre aura durablement commencé à pousser. Seule petite rémunération accessoire, ils peuvent prendre des arbres à replanter chez eux…

Nous retrouvons le lendemain Wangari à l’un des ateliers du FSM, qui réunit trois Prix Nobel : elle-même, l’iranienne Shirin Ebadi, et l’américaine Jody Williams (animatrice du mouvement contre les mines anti personnel). Le discours de Wangari est extrêmement impressionnant. Elle rappelle d’abord l’urgence de la crise écologique, puis « on peut faire quelque chose », puis « on peut gagner », puis « et pour cela nous devons organiser la société civile pour imposer les intérêts généraux aux États africains ».

Nous la retrouvons encore à un grand atelier du FSM sur les biens communs, avec Danielle Mitterrand, infatigable militante de l’eau, qui dorénavant comprend très bien l’articulation entre l’arbre (qui retient et distribue l’eau) et l’eau (qui nourrit l’arbre) ! Le débat ressemble par bien des aspects au séminaire du groupe Verts-ALE sur « propriété intellectuelle et biens communs » du 4 décembre dernier : comment coopérer et partager, s’investir sans s’approprier ?

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