SNCF et Shoah : c’est reparti !
Dimanche 3 septembre 2006
Cette fois, c’est bien la rentrée : mardi dernier, débat en groupe à Bruxelles sur la résolution Liban à présenter la semaine prochaine. Négociations pour attribuer le prix Sakharov à Ingrid Betancourt et à l’ensemble des otages colombiens. Bon, on en reparlera…
Mais très vite, je dois rentrer à Paris tant les évènements se précipitent du côté des suites du procès de Toulouse. Les journalistes ont appris que « 200 familles » s’engouffrent dans la brèche ouverte par mon père et mon oncle, qui ont obtenu réparation de l’Etat et la Sncf pour leur transfert et internement à Drancy. Par ailleurs, la Sncf (mais pas l’Etat, qui plaide coupable) a fait appel du jugement de Toulouse. Les invitations pour les interviews, journaux, télé et radios se multiplient. J’espère que vous avez pu voir mon interview sur I>Justice.
Bien sûr, la nouvelle vague de demandes en indemnisations relance le flux de lettres d’injures, de reproches et de légitimes interrogations auxquels j’ai déjà répondu sur mon site dans la rubrique « Vos questions sur le procès Georges Lipietz ». La situation n’est quand même pas excellente sur le front des medias. Fait rarissime, avant même l’ouverture des procès et la publication des arguments de la Sncf, Le Monde s’engage contre nous et les juifs survivants dans un éditorial où il épouse les thèses des avocats la SNCF. Idem dans un article du Figaro intitulé « Les historiens défendent la Sncf ». Même les journaux qui m’avaient longuement interviewé, comme Le Parisien, publient plutôt des interviews des adversaires du procès. Curiosité : L’Humanité, qui n’avait publié qu’un article infamant au moment du procès de mon père, donne cette fois la parole aux deux parties : un avocat contre les procès, et l’une des nouvelles plaignantes qui reconnaît qu’au début, elle n’avait pas été convaincue de la légitimité du procès intenté par mon père. Peut-être L’Huma se rend-elle compte que ce « mouvement des survivants et de leurs familles » devient, comme en Argentine, un véritable mouvement social à dimension collective ?
C’est qu’en réalité, à notre connaissance, il y a déjà plus de 700 survivants ou enfants de déportés qui ont entamé une action auprès de l’Etat et de la SNCF. Mais comme ils sont regroupés autour de plusieurs avocats à travers toute la France, les journalistes ne semblent pas les avoir tous repérés à travers les divers communiqués qu’ils reçoivent !
700, ce n’est pas beaucoup. Il n’y avait déjà pas beaucoup de survivants, et le temps fauche ceux qu’ont épargné les Camps. C’est pourquoi la Sncf joue la montre, après le blocage imposé par le Conseil d’Etat de 1946 à 2001, et les retards du tribunal administratif de 2001 à 2006 (mon père est mort en 2003 !).
Je commence à connaître leur profil, à ces plaignants, car beaucoup m’ont écrit pour savoir comment faire. Les uns sont des survivants eux-mêmes, forcément octogénaires (encore que j’aie vu passer le mail d’un homme qui avait neuf ans au moment de son arrestation, et dont le train n’a même pas pu atteindre Drancy à cause de la Libération de Paris. M’enfin, la Sncf s’était quand même évertuée à acheminer ce train à bon port, si j’ose dire… ) Les autres sont enfants de déportés, quinquagénaires et sexagénaires, dont certains ont vu leurs parents partir pour jamais, ou bien les ont cherché partout à la Libération.
Nos adversaires sont les mêmes qu’avant les vacances. Premier groupe : les « spécialistes de la question » qui se sentent dépossédés par cette nouvelle vague de procès. Ce sont notamment les avocats pénalistes, par exemple ceux du procès Papon, qui n’avaient pas pensé à la voie du tribunal administratif : maître Arno Klarsfeld, maître Zaoui. Ce sont également les grands pontes de « l’histoire du temps présent » (Annette Wieviorka, Henri Rousso…) qui ont abattu un gros travail sur cette sombre époque, mais n’avaient pas creusé la question de la SNCF, et qui rencontrent là deux types de « rivaux ». Ils se sentent dépossédés par l’action autonome de ceux qui étaient « leurs objets », les déportés, dont ils semblent s’agacer qu’ils ne soient pas tous morts et posent encore en « victimes », et par l’action de la justice qui les écoute, comme c’est son devoir. (Dans la pensée unique française du jour, « victimisation » semble l’injure suprême, comme « judiciarisation », avec le sens, à peu près, d’ « américanisation » : faudra y revenir.) Mais d’autre part, ils se sentent interpellés par les travaux des historiens plus jeunes (Bachelier), plus « marginaux » (Ribeil) ou carrément amateurs ( Kurt Schaechter) qui, eux, ont « creusé » la Sncf.
Ensuite, il y a les « républicanistes » pour qui l’Etat français est intouchable et qui considèrent qu’aller en justice pour faire condamner l’Etat relève plus ou moins d’une « judiciarisation » de la société (comme je l’ai suggéré plus haut, cela veut sans doute dire « américanisation » : la France a renoncé depuis belle lurette à son titre de « mère des Lois » et « Patrie des Droits de l’Homme »). Typique semble-t-il, l’éditorial du Monde, dont certes l’un des avocat, Maître Baudelot, est aussi l’avocat de la Sncf, mais qui pousse le bouchon jusqu’à dire que « juger la Shoah », c’est la… banaliser !
Et puis il y a évidemment les antisémites : « Les juifs nous demandent encore de l’argent !! » Curieusement cela ne nous vaut pas le soutien de toutes les associations juives. Lors du « pic de repentance » de la France, dans les années 90, elles ont obtenu des subventions pour divers actes commémoratifs et estiment que le vieux juif déporté de base n’a plus rien à demander. C’est typique de Serge Klarsfeld, qui renie ses propos du Colloque de 2000 depuis que la Sncf finance son Mémorial. Ou du Crif qui écrit (contre une autre organisation juive qui nous approuve) « Le CRIF estime qu’en organisant des expositions de photos des enfants déportés dans les principales gares de France, la SNCF présidée par M. Gallois a eu un comportement exemplaire. » En langage catholique, on parlerait de « trafic d’Indulgences » !
On a du pain sur la planche. L’appel de la Sncf contre sa condamnation par le procès de Toulouse vient d’être transmis à ma mère (seule usufruitière de l’indemnité accordée à mon père). Il pèse des kilos ! On devine que la Sncf n’a pas chômé pendant l’été. Elle a les moyens de faire travailler une armée d’avocats, d’archivistes, d’attachés de presse… Nous nous heurtons à très forte partie. Mais avec les nouveaux plaignants et leurs avocats nous nous sentons moins seuls ! D’autant que les « petits » historiens (pas les mandarins de l’IHTP), par exemple ceux qui travaillent pour les Associations du souvenir liés aux anciens camps de concentration français, travaillent déjà avec nous.
Hélas ! un allié possible vient de disparaître. Nous apprenons la mort de Pierre Vidal-Naquet, qui fut à la fois un farouche combattant du négationnisme, et un vigilant censeur des fautes des gouvernements israéliens s’abritant derrière la mémoire de la Shoah. Il fut surtout un très grand analyste des mythes grecs, dont le travail, avec celui de Jean-Pierre Vernant, a fortement influencé mon Phèdre. Encore un de ces hommes qui m’ont intimidé…
Forum du blog
Il y a 50 contributions à ce blog.
-
Une question m’obsède, qu’à à voir la SNCF d’aujourd’hui avec celle de 1940-1944. Je suis sérieux, au-delà du nom, ça veut dire quoi de faire rendre gorge à l’entreprise d’aujourd’hui, ses salariés et ses usagers pour des questions pour lesquels ils ne sont pour rien. La seule filiation qu’il y a c’est le nom n’est-ce pas ? Mais alors si la SNCF avait changé de nom comme les chemins de fer allemands que se passerait-il ? Au fait, il y a un procès contre les chemins de fer allemands ?
Lundi 30 octobre 2006 à 23h29mn04s, par Hugo
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1127
-
"qu’à à voir la SNCF d’aujourd’hui avec celle de 1940-1944"
La SNCF a réclamé au gouvernement de la France libérée le paiement des prestations effectuées pour transférer les juifs à Drancy. C’est donc la SNCF de 1945 qui a décidé qu’il y avait continuité avec la SNCF de 1940-44. Elle assume la facture elle doit donc aussi assumer que la prestation vendue (wagon troisième classe) n’était pas conforme à le prestation fournie (wagon à bestiaux)
"ça veut dire quoi de faire rendre gorge à l’entreprise d’aujourd’hui"
Lisez le reste de ce blog. Vous verrez que Georges Lipietz (pas Alain) n’a pa pu porter plainte avant 2001. Ce n’est pas lui qui a décidé que de 1946 à 2001 il n’était pas possible de porter plainte contre la SNCF. Dès qu’il a pu il a attaqué.
Mardi 31 octobre 2006 à 02h02mn58s, par PJ-BR
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1128
-
Bien sûr. L’Allemagne n’a pas cessé de payer (y compris à mon père pour ce qu’elle lui a fait), elle a elle-même poursuivi ses criminels, etc Et pourtant elle ne s’appelait plus « IIIe Reich » mais « République fédérale allemande ». Mon père s’est posé la question (et a répondu par la négative) d’attaquer l’ancêtre de la RATP, qui ne portait pas le même nom. La responsabilité d’une personne morale ne tombe pas quand elle chhange de nom, pas plus que celle d’une personne physique.
Les Allemands qui continuent à payer aujourd’hui n’étaient pas nés, dans leur majorité, pendant la guerre. Il y a même d’anciens résistants anti-nazis parmi les contribuables allemands !
En fait votre question (déjà dix fois posée sur ce forum, vous devriez le lire ! ) revient à « pourquoi si tard ? pourquoi aujourd’hui ? pourquoi pas en 45 ? » Au lieu de vous scandaliser de ce retard !!
Vous trouverez la réponse à ces questions dans les conclusions du Commissaire du gouvernement et le jugement lui même au procès de Toulouse, ainsi que dans la réponse de notre avaocat Rémi Rouquette à l’appel de la Sncf (l’Etat, lui, qui sait ce qu’est la « continuité de l’Etat », n’a pas fait appel, et visiblement ça ne vous choque pas. Pourtant le problème est le même). Tous cela dans le dossier sur ce site. De plus j’ai rédigé un texte spécialement sur la question de la responsabilité civile « à longue distance » d’une personne morale.
Mardi 31 octobre 2006 à 02h04mn10s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1129
-
Pardon de vous avoir froissé, croyez bien que ce n’était pas l’objet mais simplement de comprendre. J’avais parfaitement connaissance de la raison qui ne permettait pas d’engager des poursuites avant et la plainte "tardive" n’était pas l’objet de ma question.
Y a-t-il une plainte déposée contre "Die Bahn" (les actuels chemins de fer allemands) héritiaire de la ReichBahn via la BundesBahn ? a-t-elle payé des dédommagements ?
Sinon pourquoi ?
Accessoirement, les nombreuses compagnies allemandes qui ont utilisé des déporté(e)s ont-elles payé des dédommagements à ces déportés et à leurs descendants ? Sinon y a-t-il eu malgré tout des recours engagés ? Si des recours ont été engagés qu’ont-ils eu comme résultats ? Si aucun recours n’a été engagé pourquoi ?
Jeudi 2 novembre 2006 à 13h11mn50s, par Hugo
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1144
-
Il va falloir qu’un jour je me décide à placer sur ce site une note (rédigée par notre avocat Rémi Rouquette) pour répondre aux mensonges d’Annette Viewiorka (voir sur mon site « La campagne d’une historienne ») sur « qu’est ce que les juifs ont vraiment reçu comme indemnisation ? »
La réponse est simple : de la part de la France, jusqu’au jugement Papon, rien, sauf, pour les survivants, des cartes d’anciens internés pouvant éventuellement donner des « droits à ». Puis quelques « dommages » au civil pour les victimes de Papon (donc les juifs arrêtés à Bordeaux et sa région), puis des indemnités pour les orphelins de juifs morts en camp (un peu élargies, après, aux orphelins d’autres déportés). Mais pour les victimes directes, rien, sauf , en cas de dommages médicaux, bien sûr et comme tout le monde, des pensions d’invalidité de la Sécurité sociale, qui fut et reste le principal agent de la solidarité nationale à l’égard des victimes survivantes et, de fait, le principal « payeur » des dommages infligés à l’époque par l’Etat et la direction de la Sncf.
Quant aux Allemands de la République Fédérale (à la différence de la République Démocratique qui eut, comme l’Autriche, le culot de se bombarder « héritière des victimes » de la dictature nazie), ils n’ont pas arrêté de faire repentance et de payer. Bien entendu, les compagnies ferroviaires héritières de la Reichbahn (et notamment la Bundesbahn) ont payé et paient encore. Mais cela ne concerne pas nos parents qui ont été libérés à Drancy par le consul de Suède, les Allemands ayant fui l’insurrection parisienne et la poussée de Patton (mais les gendarmes français continuaient d’y garder les juifs !!).
En revanche, la République fédérale et les entreprises allemandes ont payé et paient encore pour les victimes et les survivants de la Shoah, qu’ils aient ou non atteint l’Allemagne ou travaillé pour elle – hors STO, qui est encore une autre histoire -, à titre d’anciens « esclaves », et ce fut le cas de mes parents.
Pendant une brève période après la mort de mon père et avant l’attribution de l’usufruit de son héritage à ma mère, j’en ai un peu bénéficié et j’ai utilisé cet argent pour financer les traducteurs (Babel) du colloque que j’ai organisé à Paris sur le projet d’accord de paix israelo - palestinien de Genève.
Vendredi 3 novembre 2006 à 14h12mn40s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1147
-
Vendredi 3 novembre 2006 à 16h05mn37s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1148
-
Très intéressant article , merci ! mais il date en effet de 1999 et il précise que les entreprises allemandes récalcitrantes avaient encore... trois semaines pour arriver à une transaction. Dommage que vous ne nous ayez pas envoyé l’article ultérieu de Lorrraine Millot. En tout cas , en 2003, c’était fait : mes parents avaient reçu une compensation des entreprises allemandes et même moi j’en hérité d’un bout à la mort de mon père !
Le plus intéressant dans cet article, c’est que c’est toujours la même histoire : l’Etat assume (avant la France) sa continuité, et est prêt à payer , les entreprises se font tirer l’oreille. Je suppose que l’argument était le même que celui de la Sncf « On était en dictature, les Nazis décidaient de tout, d’ailleurs nos syndicalistes étaient en camp de concentration, les dirigeants de l’époque n’avaient pas leur mot à dire (tu parles !!) et nous, nos actionnaires et nos salariés de 1999, on était en barboteuse ou on n’était pas né… ».
Vous commencez à comprendre l’immense effort qu’il a fallu aux rescapés. Et c’est loin d’être terminé. Le musée du Belvédère de Vienne n’a admis que cette année (sur injonction d’une cour de New York) que ses Klimt avaient bel et bien été volés à une famille juive. Le Louvre en garde encore. Lisez la nouvelle édition du Hillberg sur La destruction des juifs d’Europe. Edifiant sur le pillage et l’esclavage des juifs par tous les pays (administrations et entreprises) de l’Empire Allemand, Reich, alliés et satellites.
Samedi 4 novembre 2006 à 00h55mn32s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1149
-
Merci de toutes ses réponses. Quellqu’un sait-il se qui a été versé par les chemins de fer allemands non pas au titre d’éventuelles spoliations de biens de juifs ni d’utilisations de travailleurs forcés mais au titre de transport de déportés dans des conditions de transport intolérables ? A l’image de la demande adressée à la SNCF.
Lundi 6 novembre 2006 à 17h54mn09s, par Hugo
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1150
-
Vous devriez demander à Lorraine Millot… ou à l’ambassade d’Allemagne.
Attention toutefois. Son article concerne les « esclaves », pas la déportation. Sur la déportation elle-même, je ne suis pas sûr que la ReichBahn ait été considérée en droit allemand comme une personnalité juridique distincte du Reich, et que donc la Bundesbahn ait été sommée d’indemniser à coté des indemnités payées par la RFA.
Je vous rappelle que dans le cas du procès de Toulouse, toutes les administrations françaises sont jugée en une seule fois (c’est « l’Etat »), mais la Sncf fait l’objet d’un traitement à part car en 1944 c’était une entreprise de droit privé (et son avocat continue à défendre cette ligne au procès en appel à Bordeaux), même si elle était investie d’un service public, et disposait donc d’une double autonomie, par rapport à Vichy, par rapport aux Allemands. Comme l’explique notre avocat Rémi Rouquette, si la Sncf avait vraiment été réquisitionnée par Vichy ou par les Allemands, c’est contre eux qu’elle se serait retournée après le procès de Toulouse.
Bon, je vous laisse à votre enquête sur les Allemands, qui ne concerne guère notre famille (arrêtée à Pau sur dénonciation de Français et transférés de Toulouse à Drancy par des Français, en vertu de lois anti-sémites françaises, par un service public français, pour y être gardé par des gendarmes français, puis libérée par le Consul de Suède à la suite de la retraite allemande devant l’avancée de l’armée Patton et l’insurrection parisienne).
J’ai un peu l’impression que votre fixation sur l’Allemagne (c’est la 3e message que vous m’envoyez, au lieu de téléphoner à l’ambassade d’Allemagne) traduit surtout une résistance (si j’ose dire) à admettre qu’il y ait eu collaboration française aux crimes nazis, si ce n’est sur ordre direct et incontournable de l’Allemagne.
Il est clair que l’occupation allemande a permis aux anti-sémites français (qui prônaient les mêmes mesures depuis les années 30 !!) d’arriver au pouvoir et de mettre en œuvre leur politique. Il est clair d’autre part que les hauts fonctionnaires qui ont fait le sal boulot étaient, pour certains, plus motivés par un sens de la hiérarchie « service-service » que par l’antisémitisme. Mais il serait complètement erroné de penser qu’ils agissaient principalement par philo germanisme.
Prenons le président de la Sncf sous l’Occupation, Fournier, principal accusé en quelque sorte du procès intenté par mon père. Il commence sa triste carrière de collabo en acceptant la direction du SCAP (le secrétariat central des administrateurs provisoires), c’est-à dire le service en charge de « l’aryanisation-déjudaïsation » » de l’économie française. Pour lui, il s’agit d’empêcher que la spoliation des juifs profite aux capitaux allemands, et de veiller à ce que les biens juifs restent en des mains françaises ! Nommé le 2 décembre 1940 (ça va très vite !!), il démissionne quelques mois plus tard parce que 3 superviseurs allemands s’installent dans ses locaux.
Nommés ensuite à la direction de la Sncf, il accomplit sa tache de déporteur sans état d’âme, se préoccupant seulement que la Sncf soit correctement payée et que les wagons français aventurés jusqu’à Auschwitz reviennent en France. Mais il reste ferme sur un point : il ne doit recevoir aucun ordre des Allemands, et n’obéit qu’au ministre français des transports, Bichelonne (voyez la citation d’une lettre de 43 dans ma réponse à Gallois->art1884]
Samedi 11 novembre 2006 à 15h58mn14s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1163
-
Une société prend son visage, son identité par ses actes. Aussi par ses
paroles, mais surtout par ses actes.
Il y a une nouvelle génération qui redéfinit le visage de la France. Cela
devient plus humain. Heureusement. C’est bien !
Tout le reste, c’est de la littérature. C’est les actes qui comptent.
L’enfant qui a fait des bêtises dit : j’ai pas fait exprès. Ou : c’était pas
moi.
Mais est-ce que on est sur ce niveau là ? Est-ce si facile ?
Pourquoi est il tellement difficile d’accorder la justice à un homme qui a
dû subir le pire ?
On ne peut pas réparer le passé.
Les punitions, ça sert surtout comme avertissement pour le futur !
"Ne faites pas ça ! C’est interdit ça. Si vous faites ça, on va vous punir".
Sans la punition on se rend complice : "C’est pas bon, mais on va pas vous
empêcher ...". Pas si grave que ça alors ? Allons-y ! C’est reparti !
Non ! Stop ! Cela ne va plus comme ça !
Cela c’est le jugement de Toulouse.
Cela c’est le nouveau visage après Toulouse.
C’est plus beau.
M. Ott
Lundi 18 septembre 2006 à 08h58mn04s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1063
-
Bonjour,
On s’est croisés deux ou trois fois à l’occasion de débats organisés par le CNDF et nous n’étions pas toujours d’accord sur les questions sociales et économiques. J’approuve par contre à 100 % votre action, en tant que fille et fils de déporté, contre la SNCF. Et je trouve les arguments de ceux -historiens, journalistes, avocats, associations- qui vous dénient ce droit de demander réparation, au mieux stupides. Ainsi, condamner la SNCF reviendrait à salir la mémoire des cheminots résistants. Mais, que je sache, les cheminots ne résistaient pas suite à un ordre de leur direction ! Dans le même logique, personne n’a jamais songé à accuser les prolos de chez Renault, entreprise nationalisée pour cause de collaboration, de collabos eux-mêmes ?
Amicalement
Catherine Lafon
Vendredi 8 septembre 2006 à 15h15mn26s, par catherine lafon (journaliste)
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1036
-
Merci Catherine...
Cette dérive des soutiens de la direction actuelle dans sa défense de la direction passée renvoie en fait à toute l’historiographie-hagiographie de la "personne morale résistante" qu’aurait été la Sncf. J’y ai cru, mon père y a cru, malgré la privation d’eau et le voyage de cauchemar, et nous n’avons mesuré ce qui s’était passé qu’avec le rapport Bachelier (cf ma réponse à Gallois).
Quant à votre juste comparaison avec la lutte syndicale, elle porte en fait encore au delà, sur tous le problèmes de la responsabilté civile d’une entreprise. Mais on a vu avec AZF que la direction n’arrrive que trop souvent dans ce cas à entraîner les salariés de son côté contre les victimes....
Samedi 9 septembre 2006 à 02h18mn49s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1039
-
En effet, c’est reparti... Le problème, finalement, c’est aussi que ce procès vous est échu à vous, Hélène et Alain. Des gens engagés politiquement, auxquels il est parfois reproché de se "faire mousser" avec cette histoire affreuse. C’aurait sans doute été mieux perçu par l’opinion - en tout cas les critiques auraient été autres - si un monsieur ou une madame Toulemonde avait hérité de ce combat et l’avait gagné. Mais ce n’est évidemment pas un hasard si c’est tombé sur vous. L’engagement et la détermination de votre père, qui se voient aujourd’hui avec ce procès, ce sont des forces qu’il vous a transmises, et que vous mettez au service du combat politique.
L’opinion... Je n’ai pas le souvenir de cette violence antisémite au moment du procès Papon. Au contraire, c’était utilisé par la droite contre François Mitterand, qui avait plus ou moins blanchi Papon, je ne me souviens pas exactement... Aujourd’hui en tout cas, dans mon entourage, c’est très tranché : les ami-e-s juifs qui trouvent que c’est une bonne chose, et qu’on a pas assez parlé de la Shoah, et que tout n’a pas été dit, et tous les autres, qui sont dubitatifs sur "remuer une si vieille histoire". Parce que en gros, les gens de bonne volonté "savent" ce qui s’est passé, et n’ont pas envie d’entendre reparler de ces horreurs. Moi-même, je dois dire que j’ai du mal, que j’évite de lire les témoignages ou de voir les films sur cette époque. Quand j’avais visité Prague et son cimetière juif, je n’avais pas voulu voir l’exposition des lettres et des dessins des enfants envoyés des camps... Se protéger de l’horreur...
En tout cas, bon courage,
Natalie
Mercredi 6 septembre 2006 à 19h52mn53s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1033
-
Pourquoi ne portez vous pas plainte contre l’Etat Allemand ?
Mardi 5 septembre 2006 à 22h04mn33s, par Olivier
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1031
-
??? mon père l’a fait depuis longtemps et les Allemands ont payé depuis longtemps.... pour ce qu’ils lui ont fait.
Là on parle de ce que l’Etat français et de ce que la Sncf ont fait.
Samedi 9 septembre 2006 à 02h22mn46s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1040
-
Parce que l’Etat Allemand a déjà reconnu sa responsabiltié, c’est la moindre des choses... dés 1962, une indemnisation a été versée par la RFA à la France pour que cet argent soit redistribué aux internés et déportés. Papa et Guy, Papy et Mamy ont ainsi été indemnisés par l’Etat allemand...
Un moyen soulevé d’office par le Juge rapporteur du tribunal adminsitratif était que cette somme versée en 1962 devait être retranchée de l’indemnité à venir. Le jugement y a répondu : cette somme indemnisait les préjudices causés par l’Allemagne, pas ceux causés par la France.
Nos parents ont été livré à la Gestapo par une française, transportés en 3éme classe par la Gestapo entre Pau et Toulouse, livré à l’Etat français qui a payé la SNCF au tarif 3eme classe (billet des congés payés !), en réalité en wagon à bestiaux, sans eau, sans toilette, entassés dans la chaleur d’un mois de mai étouffaut, jusqu’à DRANCY où ils ont été surveillés par des gendarmes français, même lorsqu’il n’y avait plus un seul nazi, alors que la deuxième DB était à 2 heures de Paris...
Que chacun assume ses propres responsabiltiés sans se défausser sur celles des autres, c’était le souhait de Papa... le jugement lui donne raison.
Samedi 9 septembre 2006 à 11h29mn16s, par hélène LIPIETZ
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1041
-
Je ne vous dit pas le contraire. Mais à l’époque, la France était occupée et gouvernée par un régime fantoche. L’Etat Allemand faisait donc ce qu’il voulait de la SNCF. Comment peut-on demander à l’Etat démocratique actuel d’assumer les faits et gestes du régime fantoche de l’époque ? C’est cela que je ne comprends pas. Si on y réfléchit, l’Allemagne n’exploitait pas seulement la SNCF, mais toutes les resssources des territoires occupés. Les voitures de la Gestapo roulaient en Traction au gazogène, et donc au bois. Faut-il donc poursuivre Citroën et l’ONF ? On ne s’en sort plus !
Contrairement à vous, je ne crois pas que l’Allemagne ni l’Europe n’aient assumé leurs crimes. Actuellement, ce sont les Palestiniens qui paient les crimes nazis et personne d’autre.
Bien cordialement.
Lundi 11 septembre 2006 à 19h29mn23s, par Olivier
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1047
-
A cause de la continuité de l’Etat. Les arrêts du Conseil d’Etat de 2001-2002, renversant une jurisprudence de 1946, a reconnu cette continuité. L’Etat, en tant qu’institution, est comptable devant les citoyens et résidents des fautes qu’il commet envers eux. C’est à ça que sert la justice administrative. Vous même y aurez peut-être recours un jour, et si vous êtes indemnisé, tous les contribuables paieront pour une faute qu’ils ne connaissent même pas.
L’Etat français de 40 - 44 a commis des crimes. Ils ont précédé les ordres allemands ("internés du Billet vert" : affaire strictement française, un an avant la Rafle du Vel d’Hiv). Puis la Sncf a aggravé les ordres de Vichy, en transportant les déportés dans des conditions inhumaines (j’y reviendrai en temps utile, mais les instructions de Vichy prescrivaient bien à la SNCF de donner à boire aux transférés !)
Le jugement de Toulouse a reconnu la responsabilité de ces deux institutions. Elles sont juridiquement distinctes, alors que l’ONF est englobé dans l’Etat (je l’ai déjà dit cent fois sur ce site : l’Etat, c’est la milice, la police, la gendarmerie, mais aussi la poste, les ponts et chaussées etc...) . La Sncf est poursuivie pour avoir maltraité les juifs (elle avait un rôle décisionnel sur "les priver d’eau ou pas"), mais elle transportait aussi les résistants etc.
Par ailleurs, les bucherons qui coupaient du bois ne sont coupables d’aucune discrimination ni mauvais traitement. La poste d’ailleurs acheminait les lettres de tout le monde sans discrimination. Votre remarque revient à dire que dans un procès pour assassinat au couteau il faudrait condamner le fabricant du couteau.
Quand à Citroën, je ne sais pas exactement ce que vous lui reprochez, mais une autre célèbre entreprise, Renault, a été confisquée à la Libération à ses propriétaires ultra-collabos.
Concernant l’Allemagne : Jean-Marc DREYFUS, dans son article dans Libération du 8 septembre, rappelle que contrairement à la situation en France, "en Allemagne, des dizaines de grandes entreprises ont mis sur pied des commissions d’historiens, comprenant souvent des spécialistes étrangers, pour écrire dans le détail l’histoire de leur compromission avec le nazisme. Bertelsmann, Volkswagen, la Deutsche Bank, plus récemment la Dresdner Bank (qui fut si nazifiée), pour ne citer que les entreprises les plus visibles, ont fait écrire les pages les plus noires de leur passé, sans laisser planer d’ombres ni sur les morts, ni sur les profits."
Et en ce qui concerne le fait que les Palestiniens paient aujourd’hui ces crimes européens, voyez ma réponse à l’Abbé Pierre
Mercredi 13 septembre 2006 à 16h58mn53s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1051
-
Alors il faut poursuivre les responsables de la SNCF de l’époque... pourquoi faire payer aux usagers actuels du rail les crimes des collabos ?
Votre dialogue avec l’Abbé Pierre est intéressant mais ne répond en rien à ma problématique. Au lieu de continuer à faire payer les crimes nazis (et donc européens) aux palestiniens, pourquoi ne pas créer un Etat juif en Europe ? Il faudrait certes exproprier des gens, mais on ne se gène pas quand il s’agit de construire des autoroutes ou des aéroports.
L’Europe assumera-t’elle enfin son histoire ?
Mercredi 13 septembre 2006 à 23h57mn02s, par Olivier
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1052
-
On tourne un peu en rond, non ? visiblement vous ne lisez pas les réponses qui sont données sur ce site à vos questions.
C’est la SNCF qui est condamnée (l’Etat aussi, mais cela ne vous choque pas, c’est déjà ça), et cela en droit administratif (voyez pourquoi dans « Vos questions sur le procès »). Notre père et notre oncle n’attaquaient pas des individus mais des systèmes, des institutions publiques qui ont commis des crimes.
Ces institutions sont l’expression et le moyen de la continuité de la société. Cela ne vous choque pas d’utiliser des gares et des voies de chemin de fer financées, amorties et payées par les usagers et les contribuables d’il y a plus d’un siècle. En déduction de ces avantages, vous paierez désormais une somme minuscule chaque fois que vous voyagerez en 1ere classe de TGV (source essentielle des profits de la Sncf) correspondant à l’indemnité que la Sncf versera à ses victimes pour les crimes commis il y a 60 ans (ç’aurait pu aller plus vite sans l’Arrêt Ganascia et les lenteurs anormales du Tribunal administratif).
Quant à la question « quand l’Europe assumera-t-elle enfin son histoire ? », c’est bien hélas la question qui vous est posée, à vous ! Manifestement (si vous êtes européen), vous le refusez : « Pourquoi faire payer aux usagers actuels du rail les crimes des collabos ? » C’est vrai quoi : il n’y a qu’à les faire payer aux Palestiniens.
Vendredi 15 septembre 2006 à 02h13mn23s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1053
-
Désolé, je ne comprends rien à votre position.
Elle aura des conséquences désastreuses. Les générations se renouvellent et certains jeunes qui connaissent mal l’histoire en retiendront que la Shoah fut organisée... par la SNCF.
Débrouillez vous avec votre conscience.
Vendredi 15 septembre 2006 à 16h36mn43s, par Olivier
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1054
-
Vendredi 15 septembre 2006 à 17h27mn54s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1055
-
Arrêtons de prendre les jeunes pour des idiots... ils savent souvent mieux lire que leur ainés parce qu’il n’ont pas les lunettes déformantes que les mythes gaullistes et communistes de l’après-guerre nous ont mis sur nos yeux "tous résistants"
Aujourd’hui nous assistons à un besoin de comprendre le passé, à un besoin de mémoire : les jeunes de la troisième génération d’Algériens en France, les jeunes des Antilles veulent comprendre pourquoi leur parents ont souffert et ils sont les premiers, dans mon quartier des Mézereaux, classé défavorisé, à venir me voir pour me demander si je peux faire pareil pour leur grands-parents ! et même il y en a un qui m’a demandé si on ne pouvait pas retrouver son oncle disparu par la faute des militaires algériens en 1993..
Arrêtons de prendre les jeunes pour des débiles : Ils savent lire et comprendre : non la SNCF n’a pas organisé la Shoah, Oui la SNCF n’a rien fait pour désorganiser la Shoah.
Et ma conscience, est d’abord celle de mon père( je suis sure qu’aujourd’hui, il est avec les enfants qu’il a vu partir vers la nuit et le brouillard et qu’il rit avec eux du bon tour qu’il a joué à tout ceux qui n’ont rien voulu voir et savoir) et j’entends son rire qui effece sa voix et ses larmes
Ma conscence est ensuite celle de mon oncle toujours vivant et enfin heureux, ! depuis 4 mois il revit, lui qui était une illustration tragique du complexe du survivant
et ma propre conscience elle est justement très propre, je pense que grâce à l’action de mon père, la France peut enfin affronter le 21eme siècle qui risque de nous apporter de nouvelles horreurs...
Le Passé doit être compris pour préparer l’Avenir.
Mercredi 20 septembre 2006 à 10h50mn11s, par Hélène Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1065
-
Merci et Bravo.Mon pere le Dr MOLDovan a ete interne a Drancy du 20 aout 1941 au 18 juillet 1943 ou il y a exerce ses fonctions de medecin,deporte a auschwitz du 18 juillet 1943 au 23 mai 1945.Apres quatre annees de calvaire et de souffrances il n osait pas en parler .
Samedi 23 septembre 2006 à 20h51mn34s, par Leichner Moldovan Louisette Francine
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1076
-
Bonjour Monsieur,
Pouvez vous me contacter au plus vite ? Je suis journaliste et travaille pour le Deutschlandfunk (radio publique allemande)
Merci d’avance,
Margit Hillmann
Mardi 5 septembre 2006 à 09h28mn13s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1028
-
Ce serait avec plaisir. Encore faudrait-il que vous ayiez laissé un e-mail pour vous joindre !
Merci
Mardi 5 septembre 2006 à 16h03mn58s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1029
-
Bonjour Margit,
J’ai lu votre message et je souhaite que vous m’accordiez 4 petites minutes pour écouter "Des Milliers de Larmes" sur mon blog :
http://caroline.musique.com/
Je souhaite également que vous fassiez écouter ce titre à un programmateur de la radio pour qui vous travaillez car peut-être accepterait-il de la diffuser.
Merci de me répondre, Caroline Imbar de Toulouse
Dimanche 8 octobre 2006 à 09h04mn22s, par Caroline Imbar
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1095
-
A Hélène et Alain Lipietz,
Je vous prie de m’excuser d’intervenir si tard dans cette discussion. Je vis aux Etats-Unis, et ce n’est que récemment que j’ai découvert l’existence de ce jugement Lipietz-SNCF. Tout ce week-end, j’ai fait du rattrapage, en lisant les textes qui figurent sur vos blogs respectifs. Pour bien délimiter le débat, j’ai extrait les phrases suivantes, à propos desquelles je souhaiterais réagir :
« Le mythe juridique de l’inexistence de l’Etat français du Maréchal Pétain » (texte du 7 juin Blog Alain Lipietz)
« L’Etat, c’est à dire la représentation de la Nation française, s’est conduit ignominieusement envers les Juifs, partie intégrante de la Nation » (réponse courrier du 17 juin Hélène Lipietz)
« Les institutions sont à la mesure des hommes qui les dirigent et de ceux qu’elles servent... oui la France fut vile, ... » (réponse courrier du 9 juin Hélène Lipietz)
« Trop longtemps avait régné la fiction juridique d’un Etat Français réfugié à Londres ou à Alger et de l’inexistence de l’Etat Vichyste. Cette fiction s’est traduite par une auto-amnistie de fait de l’Etat français ». (texte du 7 juin Blog Hélène Lipietz)Toutes ces phrases sont jetées comme autant d’évidences, et de façon triomphale. Pour tout dire, je trouve ce jugement de TA de Toulouse à la fois sans surprise et attristant. Je me bornerai ici à la question de la responsabilité de l’Etat, sans aborder celle de la SNCF, question complexe, qui repose, si j’ai bien compris, sur l’appréciation de son degré d’autonomie par rapport aux décisions des autorités administratives. Vu les développements récents, j’ai bien conscience que la question de la responsabilité de l’Etat passe largement au second plan par rapport à celle de la SNCF. Ce qui, à bien des égards, est fort regrettable, comme si la cause était entendue...J’espère toutefois que ce courrier retiendra vote attention.
Tout d’abord, ce jugement est sans surprise, en ce sens qu’il est dans la droite ligne de l’arrêt du CE Papon de 2002 (et semble t-il d’un autre arrêt de 2001 dont j’ignorais l’existence). Tout découle de là, et ce n’est pas la peine de revenir là-dessus, si ce n’est pour dire 2 choses.
(1)Tout d’abord, je ne vois pas au nom de quoi on reprocherait à des victimes de faire valoir leurs droits à indemnisation dans la mesure où les moyens de droit leur sont ouverts (fût-ce tardivement). Tous ces arguments fondés sur la morale, ou d’autres considérations, parfois déplaisantes (quand elles ne sont pas franchement à caractère antisémite), n’ont pas lieu d’être. Toute victime a droit à réparation, c’est une question de principe. Ce qui importe en revanche, ce sont les moyens juridiques par lesquels cette réparation du préjudice est mise en œuvre. Là est tout le problème.
(2)En la circonstance, on peut se demander comment une juridiction administrative - aussi prestigieuse soit elle - a pu rendre en 2002 un jugement à ce point contraire à une loi de la République, en l’occurrence l’Ordonnance du 9 août 1944. Qu’on ne dise surtout pas que cette ordonnance était sujette à interprétation : le texte est d’une limpide clarté et, qui plus est, celui qui l’a rédigé (René Cassin) est celui là même qui, en tant que Vice Président du Conseil d’Etat, en a inspiré l’interprétation jurisprudentielle dès 1944. La « volonté du législateur », comme on dit quand on essaye d’interpréter une loi, était claire et sans ambiguïté. Le citoyen que je suis considère que ce qu’une loi a fait, seule une loi peut le défaire. Et non pas la justice administrative. Je suis scandalisé par ce « coup de force » juridique commis par le Conseil d’Etat en 2002. Cela dit, vous n’y êtes pour rien, et vous n’avez fait que tirer parti de la possibilité qui vous était ainsi offerte d’engager la responsabilité pour faute de l’Etat républicain.
Ce jugement découle en fait d’une nouvelle façon de regarder l’histoire de notre pays, devenue à ce point dominante que l’on peut parler de nos jours d’une véritable « pensée unique ». Je la trouve à la fois attristante, car elle revient en fait à culpabiliser de façon injuste la génération de nos parents et grands parents (« la France a été vile » comme vous le dites sans nuance), et profondément erronée. Car quand on parle de la France, il faut savoir si on parle de la République Française ou de l’Etat français (Vichy), sinon on ne peut pas déterminer comment s’exerce le principe de « continuité de l’Etat ». Le fait est là : la République Française a continué d’exister, sans solution de continuité, tout au long de la guerre, en s’incarnant dans la France Libre d’abord, dans l’alliance de la Résistance et de la France Libre ensuite. Ce qui veut dire que, en droit, la « continuité de l’Etat » ne passe pas - n’a jamais passé - par l’Etat français de Vichy (voir l’article 1 de l’Ordonnance de 1944 : « en droit, la République n’a pas cessé d’exister »). D’ailleurs, ce n’est pas parce qu’il y a un gouvernement et une administration sur un territoire qu’il y a un Etat, quand bien même il en prendrait le titre. Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’Etat sans souveraineté (par exemple, tout le monde sait bien qu’il n’y a pas d’Etat libanais aujourd’hui, alors qu’il y a un gouvernement libanais, une administration libanaise et une armée libanaise). Et en 1940, Vichy avait remis sa souveraineté entre les mains de l’occupant.
S’agit-il d’arguties juridiques ? S’agit-il d’une vision abusivement juridique de l’histoire ? Nullement, c’est une réalité politique, institutionnelle et humaine, qui s’est écrite en lettres de sang, et dont les effets se font encore sentir de nos jours. Non, l’Etat républicain représenté par la France Libre n’était pas une fiction, et il n’est pas exagéré de dire que la France contemporaine est issue de la rencontre de Charles de Gaulle et de Jean Moulin. Sans cette rencontre, Giraud et autres pétainistes de la « Révolution Nationale » se seraient probablement imposés à Alger en 1943 - avec l’aide des Américains - et la suite aurait été toute différente. Pour faire vite, la France aurait le statut d’un pays comme l’Italie, c’est-à-dire celui d’un pays vaincu. Non, quand on parle de « la France », on ne peut pas faire l’impasse sur cette distinction. Des hommes et des femmes en sont morts, des Français se sont entretués (en Syrie par exemple en 1941, entre Français Libres et Vichystes, plus tard entre résistants et miliciens). Il faut respecter cela. Et surtout ne pas jouer sur les deux tableaux, comme l’a fait Jacques Chirac dans son malheureux discours du 16 juillet 1995 (beau et émouvant dans la forme, mais déplorable sur le fond). On ne peut pas en effet dire, comme il l’a fait, que « la France a commis l’irréparable » (je cite de mémoire), et, quelques paragraphes plus loin, que « la France n’était pas à Vichy ». Comprenne qui pourra. La confusion est totale.
Cette confusion est dorénavant savamment entretenue, et se traduit par des recours en indemnisation contre l’Etat Républicain pour des actes commis dans le cadre de la législation antisémite de Vichy. Une telle confusion n’est possible que si on postule que Vichy s’inscrit dans la continuité de la République. C’est ce qui ressort de votre texte quand vous stigmatisez le « mythe juridique de l’inexistence de l’Etat français ». Cette dernière affirmation me paraît totalement infondée, car c’est précisément parce qu’une réalité juridique avait été créée par Vichy qu’il a fallu l’Ordonnance du 9 août 1944. Comme vous le savez, toute une partie des lois passées sous Vichy a été réincorporée, de fait, dans le corpus juridique de la République, avec tous les effets de droit qui s’y rattachent (principe de continuité). Mais il fallait bien - toujours dans le cadre du rétablissement de la continuité de l’Etat Républicain - non pas annuler (car cela aurait voulu dire qu’elle avait existé en droit) mais déclarer « nul et de nul effet » la législation d’exception de Vichy, avec toutes les conséquences qui en découlaient, y compris l’impossibilité du recours en indemnité. En considérant, en droit, comme « inexistante » une législation qui avait bel et bien existé dans les faits, la République frappait du sceau de l’infamie la plus totale les lois antisémites de Vichy. Cet acte fondateur, à la fois symbolique et politique, était le plus fort qui fut possible. La République ne pouvait pas faire mieux. Dans ces conditions, parler comme vous le faites d’une « auto-amnistie de l’Etat » révèle une singulière incompréhension des conditions dans lesquelles doit s’exercer la continuité de l’Etat républicain, et aussi une forte insensibilité à l’égard de ce qui est du domaine du sacré et du symbolique dans une République fondée sur le respect des droits de l’homme.
Mais empêcher le recours en indemnisation dans le cadre de la responsabilité pour faute de l’Etat, ne voulait pas dire qu’il n’y aurait pas indemnisation. A cet égard, vous entretenez la confusion (volontairement, je pense) en laissant penser que les victimes n’ont pas pu pendant 60 ans obtenir réparation. Si, elles pouvaient obtenir réparation, mais par la loi seulement. Après la guerre, la République a effectivement voté des lois d’indemnisation pour les victimes de Vichy. Ces lois d’indemnisation ont notamment porté sur les spoliations de biens. Le cas des déportés a aussi fait l’objet de dispositions réparatrices, intégrées dans le code des pensions civiles et militaires. Un élément important est que le cas des déportés juifs n’a pas fait l’objet d’un traitement particulier. A l’époque on pensait qu’une victime était une victime, sans considération d’origine raciale. Faut-il s’en indigner ? Ces indemnisations ont-elles été bien faites, ou suffisantes ? J’imagine que non. Mais cela s’est passé ainsi, et fait partie notre histoire nationale. D’une manière plus générale, peut-on réparer/indemniser les préjudices causés par la guerre et la déportation ? Vous savez bien que non. En toute hypothèse, que je sache, rien n’empêcherait encore aujourd’hui la représentation nationale de voter une loi de réparation pour les victimes de la déportation, s’il apparaissait qu’une forte demande sociale continuait de se manifester dans ce domaine. Mais 60 ans après, cela a t-il encore un sens ?
Mais je tiens que la question de l’indemnisation est un élément totalement secondaire du problème, accessoire même. Ce n’est qu’un moyen utilisé pour d’autres fins. Dans les recours qui sont actuellement intentés contre l’Etat il y a essentiellement la recherche d’une responsabilité pour faute, que l’on souhaite voir attribuée à la France, et reconnue de façon solennelle par voie de justice. La faute de qui au fait ? Le régime de Vichy ? Bien sûr, tout le monde est d’accord là dessus ! Mais à quoi ça sert ? Vichy est mort et enterré, son procès a été fait et le jugement de l’histoire est sans appel. La République ? C’est sera quand même un peu difficile à faire passer ! Non, il faut que ce soit la faute de la France et des Français tout simplement. Catégorie la plus générale possible, volontairement imprécise, dont l’objet est précisément de transcender la distinction entre Vichy et la République. D’où l’absolue nécessité d’établir une continuité entre l’Etat français de Vichy et la République.
Pourquoi cet acharnement contre la France et les Français ? Je crois qu’il y a ici quelque chose de très profond qui tient à l’essor depuis une trentaine d’année d’une mémoire juive liée au Génocide. Cette mémoire, devenue obsessionnelle (sans connotation péjorative de ma part), ne peut pas se contenter de désigner la responsabilité de Vichy, qui est décidément un trop petit poisson. Il lui faut trouver un point d’ancrage à sa mesure, la France, donc le peuple français, dont la responsabilité collective serait engagée dans la déportation des juifs (« la France a commis l’irréparable », dixit Chirac le 16 juillet 1995 qui parle également d’une « faute collective »). Bref, ce qu’on n’a pas réussi à faire pour le peuple allemand, on y est arrivé avec le peuple français ! Qu’on se le dise, la France est un pays honteux, qui doit avoir honte de son passé. C’est le triomphe de « l’Idéologie Française », le célèbre livre de Bernard Henry Levy, paru il y a 20 ans : les Français sont fondamentalement, intellectuellement, moralement, organiquement ( ?) un peuple de pétainistes, potentiellement criminel. Et c’est pour cela qu’il y a eu Vichy. La France est donc coupable, forcément coupable. Récemment, parlant de ce livre dans un entretien au journal l’Express, Bernard Henri Levy considérait avec fierté qu’il se trouvait dans la peau d’un astrophysicien qui, après avoir déduit de façon mathématique, il y a 20 ans, l’existence d’une planète, était maintenant - grâce aux progrès de la science et des techniques- en mesure de la visionner au bout d’un télescope. Peut-on lui reprocher un excès d’immodestie, alors qu’il assiste - grâce à des propos comme les vôtres - au triomphe de ses idées ?
Rassurez-vous, je ne pense pas que vous pensiez ainsi. J’imagine même que vous ne vous reconnaissez pas dans cette détestation de la France - cette francophobie, osons le mot - dont je viens de faire état. Mais l’impératif de résultat commande le reste. Pour vous « La France a été vile », et elle doit être condamnée. Fût-ce au prix de sérieux arrangements avec la vérité historique. Qu’il me soit permis ici de soulever un point qui me parait crucial. Il ne peut pas vous échapper que cette entreprise de culpabilisation de la France et des Français est une forme de réhabilitation/re-légitimation du régime de Vichy. Car il y a au fond deux façons de voir les choses. Ou bien, comme je le pense, la défaite de la France a été l’occasion pour une fraction politique - issue pour l’essentiel d’une droite à forte tradition antisémite, et jusque là minoritaire - de prendre le pouvoir et de mettre en œuvre la Révolution Nationale. Ou bien, le régime de Vichy est issu des tréfonds de l’âme française, auquel cas la défaite a été l’occasion pour ce peuple dangereux et potentiellement criminel de libérer ses instincts refoulés. Dans ce dernier cas, le régime de Vichy bénéficie en quelque sorte d’une forme de légitimation, la France Libre et la Résistance n’étant plus que des épiphénomènes (une poignée d’individus, « qui ont sauvé l’honneur », pour reprendre l’expression rituelle). A un point tel que le contexte de l’occupation allemande n’est plus un élément essentiel du débat, seulement un accessoire. D’ailleurs, dans le langage courant, on ne parle plus de « l’Occupation », mais de « Vichy », glissement sémantique très significatif qui insiste sur l’autonomie du régime par rapport à l’occupant. Au fond, qu’ils rentrent chez eux ces Allemands, avec leurs divisions de panzers ! Ils n’ont rien à faire chez nous, ces empêcheurs de tourner en rond de l’examen de conscience national ! Pas d’ingérence dans les affaires intérieures du pays !
Tout ceci est infiniment attristant. Les enfants et petits enfants de la génération des adultes de 1940 doivent-ils avoir honte de leurs parents ? Pour y répondre, je me contenterai de citer un chiffre. On connaît assez bien le nombre de Français qui sont morts entre le 3 septembre 1939 et le 8 mai 1945 : un peu plus de 500 mille. Sur ce total, ceux qui sont mort en combattant l’Allemagne nazie, « les armes à la main », représentent environ 250 à 270 mille personnes : les pertes militaires de 1939-40, de la France Libre, des armées de la Libération, auxquelles il convient d’ajouter celles de la Résistance (les fusillés, les déportés résistants qui ne sont pas revenus, les FFI). Ce chiffre, en soi, révèle l’ampleur du sacrifice. Et par comparaison, il met la France pratiquement au même niveau que l’Angleterre ou les Etats-Unis. De façon surprenante, il est nettement supérieur aux pertes polonaises, pays pourtant crédité, à juste titre, d’une courageuse résistance face aux Allemands. Veuillez me pardonner pour cette triste comptabilité, mais il faut rétablir les faits. Car dans le cas présent, il s’agit d’une génération qui est jugée par ses enfants et petits enfants. Oui, au risque de vous surprendre, le prix du sang a été payé, et largement. Et c’est le sang de la République uniquement. Car en face, du côté de Vichy, il n’y a rien (et pour cause !), si on veut bien faire exception pour les martyrs de Mers-El-Kébir, et les soldats de Syrie en 1941 et d’Afrique du Nord en 1942, fourvoyés dans l’obéissance, dont le principal point commun est de n’avoir jamais tiré un coup de feu contre les Allemands.
Cette simple balance du sacrifice interdit de dire que Vichy, c’était la France. Il s’agit pour nous d’un devoir humble et sacré, un « devoir de mémoire », comme on dit de nos jours. Mais il s’agit de l’Histoire surtout, telle qu’elle s’est écrite ! Et qu’on n’a pas le droit de réécrire à des fins idéologiques. Une mémoire n’est « vraie » et authentique que si elle est ancrée dans le strict respect de la vérité historique. Rien à voir avec cette mémoire que la « pensée unique » est en train de construire pour les générations actuelles et qui, sous couvert d’un devoir de vigilance et d’une soit disante recherche de la vérité, est une vaste entreprise de culpabilisation du peuple français. Je dis bien « soit disante recherche de la vérité », car le comble dans cette affaire, c’est qu’on ne cache rien de nos jours. Il n’y a aucune entreprise de dissimulation du passé. Les historiens font leur travail, avec ardeur et persévérance, et dans la mesure des possibilités que leur permet la consultation des archives (le cas de la SNCF en est la démonstration). Je ne suis pas historien, mais on peut, me semble t-il, raisonnablement parler d’une véritable « école historique française » sur la question de Vichy. Résultat : de nos jours, on sait pratiquement tout sur Vichy, du moins l’essentiel (disons 90-95%), et de toute évidence ce qui reste à découvrir dans les archives ne fera que confirmer ce qu’on sait déjà.
Sans doute me direz-vous que vous n’êtes pas en désaccord avec tout ce que je viens d’écrire. C’est précisément ce que je vous reproche ! Car toute votre méthode repose sur un balancement insidieux qui consiste à imputer à la France les crimes de Vichy, mais sans jamais omettre bien sûr un petit couplet sur les courageux résistants « qui ont sauvé l’honneur », à faire condamner la SNCF, mais sans oublier d’avoir un mot de gratitude pour les courageux cheminots. Bref, concédons l’accessoire, pour aller à l’essentiel, la condamnation de la France et des Français. Même cette dernière condamnation ne va pas sans un « coup de chapeau » conclusif car, « la France sort grandie de ce jugement où elle a été capable de s’autojuger » (Hélène Lipietz, 9 juin). Ouf ! La France vaincue par le jugement de l’histoire, sort néanmoins grandie dans la défaite. Quel soulagement ! Assurément, pour aboutir à ses fins, il n’est pas interdit d’être habile, et de faire preuve d’un peu de doigté. Comme Jacques Chirac dans son discours du 16 juillet 1995, vous jouez sur les deux tableaux. J’appelle cela de l’opportunisme.
Vous l’avez bien compris, au-delà de vous, ces critiques s’adressent à « une certaine tendance », très actuelle et très dominante, dans la façon de regarder l’histoire de notre pays. En ce qui concerne votre cas particulier, je trouve normal, et très émouvant, que des enfants poursuivent, au-delà de la mort, un procès engagé par leur père. A votre place, je suis certain que j’aurais fait comme vous. Mais je crois bien, pour les raisons que je viens de développer, que j’aurais eu le triomphe discret (ce qui n’est vraiment pas votre cas !). Victoire posthume, titrez vous dans un de vos textes. Amère victoire également.
Mardi 5 septembre 2006 à 05h21mn55s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1027
-
bonjour,
quel long message. Je ne l’ai pas reçu sur mon site c’est dommage, car cela aurait été intéressant pour mes lecteurs qui ne sont pas les mêmes que ceux d’Alain.
Si vous m’y autorisez, je vais l’y mettre avec une réponse détaillée car je pense que vous soulevez de vraies questions mêmes si je pense que vos réponses sont erronées...
Juste une chose : le triomphe discret... euh difficile quand nous avons pleuré sur la lenteur de la Justice qui n’a pas permis à Papa de savoir qu’il a gagné... et j’ai pleuré en écoutant les conclusions du Commissaire du Gouvenement, en ouvrant l’enveloppe du jugement car 60 ans après les enfants qu’il avait vu partir étaient enfin reconnus comme victimes. Vous ne pouvez pas savoir ce que cela fait de se dire que les cauchemars de son père sont enfin vengés..
Quelque part, je pense que notre triomphe était une vengeance contre tous ceux qui dormaient dans leur lit quand les enfants roulaient vers les camps... ce n’est pas beau la vengeance... mais cela fait du bien...
Et puis quitte à avoir gagner, autant que d’autres le sachent pour faire eux aussi un procès et donc pourvoir tuer leurs propres cauchemars... sinon cela aurait été de l’égoïsme pur... Papa a fait ce procés
– pour ses parents, nos grands-parents
– pour les autres
– pour l’avenir
– pour que jamais plus les superstructures soient irresponsables
Donc désolée, je ne peux qu’être fiére de l’action de notre père et surtout de la réaction de Rémi Rouquette, mon homme depuis plus de 30 ans, qui a su dire à Pppa, dés le lendemain de l’arrêt Peletier : "on y va"
Mardi 5 septembre 2006 à 17h37mn32s, par Hélène LIPIETZ
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1030
-
1) Oui, bien sûr, vous pouvez faire figurer ce texte, dont vous êtes destinataire, sur votre propre site.
2) Le rôle d’un avocat est de défendre les intérêts de son client par tous les moyens, même légaux. C’est ce qu’il a très bien fait, en s’engouffrant dans la brèche ouverte par le Conseil d’Etat en 2001. Il peut effectivement être fier de ce qu’il a accompli.
Mercredi 6 septembre 2006 à 05h39mn58s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1032
-
Ouf ! quel texte !! tout d’abord, je vous remercie de l’avoir posté sur le forum de mon blog, ce long texte argumenté. Vous êtes en effet le premier, et le seul, depuis le procès de Toulouse, à protester contre la condamnation de l’Etat (et pas de la Sncf) ! Ce qui nous permet d’en parler.
Mais comme il demande une toute aussi longue réponse, beaucoup trop longue pour le style "forum de blog", et conformément à la politique éditoriale que j’explique dans mon "blog sur mon blog", j’en fais un article spécial que je mets sur mon site et que vous trouverez en cliquant ici.
Vendredi 8 septembre 2006 à 02h21mn49s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1034
-
Bonjour,
Je vous remercie pour votre réponse, longue et argumentée, et fort courtoise. Ce qui me fait un peu regretter le ton vif – conforme à ma nature – que j’ai employé dans mon texte. “Viril mais correct” toutefois, comme on dit chez vous à Toulouse, au pays du Rugby, sport que j’ai pratiqué pendant.20 ans. J’ai utilisé mon week-end à rédiger cette réponse. Elle sera longue, mais je vous rassure tout de suite : je n’attends pas nécessairement une réponse de votre part. Non pas que je veuille clore ce débat stimulant, mais j’ai bien conscience du caractère assez confidentiel de cette discussion, par rapport aux responsabilités d’élu qui sont les vôtres, et aux polémiques publiques dans lesquelles vous vous trouvez engagé. De toute façon, il en va de ce genre de discussion comme de tout débat politique : chacun reste campé sur ses positions, et la seule conclusion qui vaille, c’est l’extinction des feux. J’espère du moins que ce texte vous intéressera.
Tout d’abord, en dépit de l’éloignement, l’évolution actuelle de la pensée française sur son passé ne m’a pas échappé, je crois que le texte que je vous ai adressé en témoigne abondamment. J’ai bien noté votre surprise un peu apitoyée en recevant mon texte (« La responsabilité de la France et de l’État ? Soit, parlons en. Mais il faut que vous sachiez : cela fait longtemps que cette affaire est réglée, plus personne n’en parle. »). Je sais, la « pensée unique », le penser « historiquement correct », est une pensée sans cesse en mouvement. Il ne faut pas être en retard.
Je considère toutefois qu’il est absolument nécessaire de revenir sur cette question de l’État, ne serait-ce d’ailleurs que pour vous donner raison dans la mauvaise querelle qu’on vous fait. J’ai l’impression que cette affaire Lipietz-SNCF – telle qu’elle est présentée sur la place publique - marche sur la tête. Il faut la remettre sur ses pieds. Peut-on en effet condamner la SNCF, sans d’abord mettre en cause la responsabilité de l’État ? L’un ne va pas sans l’autre. Et si l’un est possible, pourquoi pas l’autre ? Au nom de quelle logique juridique serait-on autorisé à s’attaquer à la personne morale « État », et dans l’impossibilité de s’attaquer à la personne morale « SNCF » ? En droit, j’imagine que la question ne se pose même pas. Au plan moral, pas davantage. Vous n’avez fait qu’aller au bout d’une logique juridique irrémédiable, enclenchée par le Conseil d’État en 2001 et 2002. Je m’étonne que ceux là même qui ont chaleureusement approuvé la condamnation de la France et de l’État dans le discours du 16 juillet 1995 (Annette Wieviorka, Henry Rousso, Serge Klarsfeld) s’indignent maintenant des conséquences judiciaires qui en découlent.
Dans votre réponse, je mettrai une phrase en exergue : « Ce n’est pas haïr la France que …d’exiger justice et réparation pour les crimes commis…par l’Etat français (de Vichy) ». Certes, mais la condamnation de l’Etat Français de Vichy passe t-elle par la condamnation de la France, et donc du peuple français ? Toute la question est là. Elle est au centre du texte que je vous ai adressé, et votre réponse se garde bien d’aborder la question de front.
Revenons donc sur ce discours du 16 juillet 1995, d’où vient tout le mal. Je dois vous avouer que j’ai été affligé de voir de quelle façon ce Président de la République, nouvellement élu, a littéralement traîné dans la boue la France et le peuple français. Je me demande souvent si ceux qui ont approuvé cette déclaration ont lu les phrases terribles que contenait son discours. Sans doute ne faut-il pas dramatiser, du moins du point de vue de Jacques Chirac. Vous avez suffisamment d’expérience politique pour ne pas avoir compris que Chirac a voulu tout simplement, ce jour là, faire un « coup politique » : il a – pardonnez-moi cette expression triviale - « arrosé » la communauté juive, comme il a « arrosé » le département de la Corrèze pendant 30 ans. C’est aussi triste et désolant que cela. Mais il est vrai que les Français ont très largement approuvé cette déclaration. J’interprète ce phénomène de la façon suivante : les Français dans leur très grande majorité, et au plus profond d’eux-mêmes, ont souhaité s’associer à la mémoire du Génocide, en particulier à une époque (le début des années 90) où on notait une recrudescence des actes antisémites (rappelez-vous l’affaire du cimetière de Carpentras). Ils ont voulu en quelque sorte « laïciser » cette mémoire, faire que ce soit la mémoire de tout un peuple, et non pas celle d’une communauté. D’où les multiples demandes et injonctions qui ont été adressés à François Mitterrand à cette époque. Leur attente était à ce point forte qu’ils n’étaient probablement pas trop regardants ni pointilleux sur les moyens d’y arriver. En d’autres termes, ils avaient sans doute déjà implicitement, et peut-être inconsciemment, accepté l’idée d’une reconnaissance de culpabilité nationale. C’est ce qu’a fait Jacques Chirac, à la grande satisfaction de la communauté juive. En définitive tout le monde était content, sauf les vieux gaullistes, recrus d’épreuves et accablés par le poids des ans, et quelques irréductibles souverainistes.
Ce qui s’est passé m’a indigné. Il y a eu ce que j’appellerai un « abus de bons sentiments ». J’ai trouvé révoltant qu’on ait rendu un pays et son peuple, fût-ce avec son approbation tacite, coupable d’un crime qu’il n’avait pas commis. Et quel crime : complicité de crime contre l’humanité ! Car cette imputation est tout simplement contraire à la vérité historique. Tout le monde s’accorde à dire que le peuple français a été, dans sa très grande majorité et dans ses profondeurs, exemplaire dans ses relations avec les juifs durant cette période tragique. Serge Klarsfeld l’a très souvent souligné. De mémoire, je me rappelle Robert Badinter expliquant qu’une des raisons de l’attachement de la communauté juive à la France était le comportement des Français à leur égard en ces moments tragiques (Documentaire TV de Jean-Pierre Azema : « Les temps obscurs sont toujours là »). Vous-même d’ailleurs le laissez entendre dans votre texte. Ce que je dis ici à propos de la déportation des juifs, je ne le dirais certainement pas en ce qui concerne la colonisation, autre entreprise criminelle, qui a été largement approuvée et assumée par le peuple français. Vous avez raison, il n’y a pas de nation sainte, mais cela ne rend pas forcément la France coupable de complicité de crime contre l’humanité.
Il est parfois de la responsabilité des hommes politiques de ne pas suivre les élans de l’opinion publique, aussi bien intentionnés fussent-ils. Dans le cas d’espèce, c’est ce qu’a fait François Mitterrand, en dépit des pressions multiples et insistantes qui s’exerçaient sur lui. Il s’est refusé à une telle infamie. Il a bien vu qu’il y avait une ligne jaune que l’on franchissait, au delà de laquelle on réécrivait, on trahissait tout simplement, l’Histoire. Et pourtant, il haïssait de Gaulle, il n’aimait pas la France Libre (il avait été Giraudiste en 1943), et surtout, en raison de son propre parcours, il avait des intérêts personnels évidents à faire passer l’idée que Vichy aussi, c’était la France. Il a bien vu aussi, avec une singulière prescience, que c’est à la République qu’on finirait, dans cette affaire, par demander des comptes (son interview du 14 juillet 1992).
Certains exégètes subtils du discours de Jacques Chirac ont souligné que celui-ci mettait en cause la responsabilité de l’Etat, et non celle de la République. Sous entendu : on peut faire une distinction entre les deux : condamner l’Etat mais épargner la République. Quelle naïveté ! Quelle erreur ! Et surtout quelle absurdité ! On ne peut pas distinguer un Etat du régime politique qu’il incarne. Entre les deux notions, il y a une consubstantialité fondamentale. Avant toute chose, un Etat c’est une construction politique et morale, c’est un concept. Mieux, c’est une idée, qui précède sa réalité tangible. Et c’est au nom de cette idée que se noue une relation entre l’Etat et le citoyen. Ce peut être une relation fondée sur la liberté, la République ou la monarchie constitutionnelle par exemple, ou une relation fondée sur la sujétion, la dictature. Cette idée est une, et elle est totalitaire. Et c’est la raison pour laquelle, en aucun cas l’Etat français de Vichy ne peut s’inscrire dans une quelconque continuité républicaine.
Au fond, séparer l’Etat du régime politique qu’il incarne, c’est adopter ce que j’appellerai – à défaut de trouver une expression mieux appropriée - une conception naturaliste de l’Etat. Je me demande si ce n’est pas là le fond du débat qui nous oppose. A vous lire, l’Etat vient d’abord à votre conscience à partir de ses manifestations tangibles. Ce sont des institutions, des structures, des fonctionnaires, des bâtiments, etc. Dans cette représentation, la fonction du politique consiste à faire émerger de tout ce fatras des règles de droit ou de transparence (« pour que plus jamais des structures ne soient irresponsables », me dit Hélène Lipietz, avec gravité, dans un de ses messages). Donner un sens global à tout cela importe peu, ou du moins c’est secondaire. C’est la raison pour laquelle réintroduire l’Etat français de Vichy dans la continuité républicaine ne vous pose aucun problème particulier. L’exemple du Commissariat général du plan cité dans votre texte est remarquablement révélateur : le CGP a été créé sous la IIIème République, il a prospéré sous Vichy, et il a continué d’exister sous la IVème et la Vème République. Donc, cela montre bien que Vichy s’inscrit dans la continuité de la République ! Pour vous, les choses sont aussi simples que cela. Au fond, dans votre conception, la relation du citoyen à l’Etat est essentiellement celle d’un usager de service public. Cette conception correspond assez bien aux modes de pensée, à la « culture », de la formation politique à laquelle vous appartenez. Elle correspond aussi à une évolution de la société, où la relation du citoyen à l’Etat est de plus en plus vécue sur le mode du contrat ou de la négociation, et de moins en moins sur le mode de la contrainte librement acceptée. Mais elle requiert, pour être opérante dans le champ politique, une démocratie stable, apaisée et transparente. Elle n’est guère opérante, elle vole en éclats même, quand il s’agit de juger d’actes criminels commis dans la fureur d’une guerre civile. Il s’agit alors de déterminer quelle est l’origine de la violence d’Etat qui a présidé à ces crimes. Quelle est l’idée derrière le crime ? Vichy ou la République ? On n’échappe pas à cette question.
Revenons maintenant sur certains aspects de votre réponse, et tout d’abord la question du « mythe de l’inexistence juridique de l’État Français ». En premier lieu, on s’épargnera mutuellement un juridisme excessif, sur la légalité respective des Ordonnances du GPRF et des décrets ou arrêtés du Gouvernement de Vichy. La France Libre n’avait par définition aucune base légale, tandis que l’inconstitutionnalité flagrante du Régime de Vichy a été largement démontrée par René Cassin. Ce débat est vain et a été tranché par l’Histoire. Celle des vainqueurs comme vous dites. Je suis prêt a vous concéder qu’il y a eu deux Etats en même temps entre 1940 et 1944, celui de Vichy et celui de la France Libre (même si, au plan de la souveraineté – essentielle à mes yeux – il y aurait beaucoup à redire sur cette qualification pour Vichy, mais ne chipotons pas). C’est la situation type de guerre civile (Espagne en 1936-39, Commune de Paris en 1870-71). Au bout du compte, il y a un vainqueur, et c’est sa loi qui s’impose. Un Etat chasse l’autre, et pour les vaincus l’aventure se termine, en principe, sous les balles d’un peloton d’exécution. Au plan juridique, il s’agit de déterminer comment s’applique le principe continuité de l’Etat sur les terres conquises par le vainqueur. Tout ce que vous dites à ce sujet, aux 3ème et 4ème paragraphes de votre texte, est parfaitement exact, mais je ne vois pas en quoi vous pouvez en tirer la conclusion d’un « mythe de l’inexistence juridique de l’Etat français ». En effet, une fois la légalité républicaine rétablie, il y a effectivement – et complètement – inexistence juridique de l’Etat français du Maréchal Pétain. Le principe de cette inexistence est posé priori. Où est le mythe ? Tous les actes de Vichy qui ne sont pas expressément annulés sont réincorporés de fait dans la légalité républicaine, et s’inscrivent dès lors dans la continuité de l’Etat. Ceux qui sont annulés sont réputés ne jamais avoir existé et ne s’inscrivent dans aucune continuité. Où est la difficulté ? D’ailleurs, comme vous le savez, le terme de « fiction juridique » - qui semble ici désigner le traitement différencié ainsi appliqué aux actes de Vichy – n’a chez les juristes aucun caractère péjoratif.
S’agissant des actes annulés, vous me dites que l’impossibilité d’obtenir réparation en engageant la responsabilité pour faute de l’Etat « ne découlait pas mécaniquement des dispositions de l’Ordonnance d’août 1944 ». C’est bien possible, mais ce n’est pas ce que semble penser le Commissaire du Gouvernement du TA de Toulouse, pour qui cette disposition résulte de l’article 1 de l’ordonnance d’août 1944 (« en droit la République n’a pas cessé d’exister »), dès lors, dit-il, « qu’une valeur normative lui est conférée ». J’avoue être novice en la matière, mais je ne vois pas très bien comment l’article 1er d’une loi qui « rétablit la légalité républicaine sur le territoire national » pourrait ne pas avoir de valeur normative. C’est de toute évidence ce qu’ont pensé René Cassin et le CE en 1946. Poursuivant son raisonnement, le Commissaire du Gouvernement indique plus loin : « ce n’est que récemment que le CE, de manière explicite, par l’arrêt d’assemblée Papon du 12 avril 2002, a désormais dénié une valeur normative aux dispositions de l’article 1er de l’ordonnance du 9 août 1944 ». On ne saurait mieux dire que le CE a décidé qu’une loi de la République ne s’appliquait plus. Et si j’ai compris de travers, c’est que le Commissaire du Gouvernement du TA de Toulouse est un redoutable adepte de la méthode Greenspan, ancien Président de la Federal Reserve, qui terminait ses interventions de la façon suivante : « si vous m’avez écouté avec attention, et que vous avez compris ce que j’ai dit, c’est que je me suis mal exprimé ».
S’agissant de la question de l’indemnisation/réparation, il est parfaitement exact que je ne maîtrise pas bien le sujet. Mais la méconnaissance des détails et des circonstances n’empêche pas nécessairement d’appréhender le fond du problème. A cet égard, il me semble que vous me donniez raison, puisque selon vous la meilleure solution aurait été le vote par le Parlement d’une loi d’indemnisation générale. Que je sache, je n’ai rien dit d’autre : réparation par la loi, et non par la responsabilité pour faute de l’Etat Républicain. Je persiste toutefois à penser que, du côté des victimes, la recherche de la responsabilité pour faute reste un élément essentiel de la réparation. A cet égard, il est significatif que vous reveniez encore maintenant, cinquante ans après, sur la question de l’épuration/amnistie, dont vous semblez penser qu’elle été plus une machine à blanchir qu’à condamner. Comme vous, j’ai longtemps pensé que l’épuration avait été un phénomène assez limité dans son ampleur. En réalité, les travaux effectués par les historiens (je pense ici à Henri Rousso) laissent penser que l’épuration officielle a été d’une importance bien plus considérable qu’on ne le pensait généralement, à tel point qu’on peut parler d’un véritable phénomène social : 1500 exécutions légales (tribunaux civils et militaires), et 30000 sanctions professionnelles chez les magistrats, fonctionnaires, et militaires. En fait, le fond du problème est le suivant : à la Libération, c’est le procès de la collaboration qui a été fait, pas celui de l’antisémitisme d’Etat.
Autre question abordée : je vois que vous avez des idées très précises – chiffres à l’appui – sur ce qu’était l’état de l’opinion française entre 1940 et 1944. Vous êtes bien le seul, car c’est sans doute un des secrets les mieux gardés de l’histoire de la Deuxième Guerre Mondiale. Pour la bonne raison qu’il n’y avait pas d’enquêtes d’opinion. Et pour cause ! Le pays était sous la double emprise de l’occupation allemande et d’un régime dictatoriale. Nous parlions de « mythe » un peu plus haut ; en voilà un, celui des « quarante millions de pétainistes », popularisé avec succès par Henri Amouroux, qui fut lui-même, durant toute la durée de la guerre, journaliste dans un quotidien pétainiste de Gironde. Même la simple qualification de « pétainiste » recouvre un large spectre d’opinions et d’attitudes différentes : pétainistes collaborateurs, pétainistes légitimistes, pétainistes idéologiques, pétainistes attentistes ou opportunistes, pétainistes résignés, pétainistes anti-allemands (Uriage, de Lattre, Weygand), pétainistes résistants (Henri Frenay). Le cas le plus extrême étant celui du Capitaine de Vaisseau Honoré d’Estienne d’Orves, Français Libre dès juin 1940, qui, la veille d’être fusillé par les Allemands, écrit une lettre où il réaffirme sa foi dans le Maréchal Pétain. Vu l’ampleur de la tâche, je comprends la tentation qu’il y a à simplifier outrageusement le problème. Ce qui est certain, c’est que le Maréchal Pétain a bénéficié d’une incontestable légitimité et de la confiance de la grande majorité des Français en 1940. Ce qu’on sait aussi, c’est que cette confiance s’est effritée à mesure de l’essor de la politique de collaboration, et du développement de l’antisémitisme d’Etat. A mon sens, Léon Blum est celui qui a le mieux présenté et résumé le problème lors de sa déposition au procès du Maréchal Pétain : la relation qu’a entretenue le Maréchal Pétain avec les Français entre 1940 et 1944, c’est essentiellement l’histoire d’un immense abus de confiance.
Votre paragraphe sur les pertes militaires comparées de 1939 à 1945 m’a laissé perplexe. Ce que vous dites est exact, mais je ne vois pas ce que vous voulez démontrer. Vous avez bien compris qu’il ne s’agissait nullement dans mon esprit de comparer les rendements respectifs des appareils militaires américain, soviétique et français. Il ne s’agissait que d’évaluer la dimension sacrificielle du combat des Français contre les nazis. La tragédie du Vercors permet de bien poser le problème. Il s’agissait, comme vous le savez, de créer un point de fixation dans le dos des armées allemandes engagées dans la bataille de Normandie. Au total, les pertes des résistants furent considérables, pour un rendement militaire quasiment insignifiant. En dépit de cela, je tiens que le drame du Vercors est de ces actes, parmi d’autres mais particulièrement emblématique, par lequel une nation se retrouve avec elle-même. Le caractère insolite, et pour tout dire un peu dilatoire de votre réponse me laisse penser que j’ai touché juste. Je confirme donc : à l’aune du sacrifice consenti, la France n’était pas à Vichy.
J’en ai fini avec ma réponse. Je pense avoir traité l’essentiel des points abordés dans votre texte. Pour conclure, je me contenterai de rapporter une citation que j’aime bien, tiré du livre de Michel Winock, « La France et les Juifs ». Il s’agit des propos du grand-père du philosophe Michel Levinas au début du siècle : « Un pays qui se déchire, qui se divise pour sauver l’honneur d’un petit officier juif, c’est un pays où il faut tout de suite aller ».
Mardi 12 septembre 2006 à 06h58mn29s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1048
-
Il y a quelques heures, je vous ai posté le texte ci-dessous. Il ne figure pas sur votre blog. Peut-être ai-je fait une erreur de manipulation. Je vous l’envoie à nouveau, à tout hasard.
En relisant mon texte dans le métro en allant travailler ce matin (de Bethesda, station White Flint à Washington DC, station Farragut North) , j’ai rédigé ce petit complément que je souhaiterais ajouter à la fin du 9ème paragraphe :
“...On n’échappe pas à cette question. Et surtout on ne condamne pas la République à la place de Vichy ; et on ne culpabilise pas tout un peuple parce que Bousquet et Darquier de Pellepoix étaient des ordures. Fondamentalement, la jurisprudence 2002 du CE répond à une logique d’usager de service public ; la “jurisprudence Cassin” de 1946 répondait à une logique politique, et surtout morale (et non pas à des considérations pratiques comme vous le suggérez : elle résultait automatiquement de l’article 1er de l’Ordonnance d’août 1944, je reviendrai sur ce point plus loin). Je sais bien qu’en droit administratif la notion de “faute de service” peut se rapporter à des faits d’une extrême gravité, mais vous même sentez bien qu’il y a un “hiatus”, comme une gêne, si on la rapporte à une complicité de crime contre l’humanité. Avec Hélène Lipietz, vous vous sentez obligés d’utiliser des guillemets (votre article du Monde du 17 juin 2006). Assurément, l’affaire Lipietz/SNCF a été jugée avec des préoccupations et des modes de pensée disons...très contemporains. Le “retour sur soi” de la nation française sur son passé est une source inépuisable d’anachronismes.”
Mardi 12 septembre 2006 à 20h20mn53s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1049
-
Eh bien ! merci et de votre réponse, et de votre généreuse invitation à vous répondre brièvement. Le fond du problème est bien là : pour moi, l’Etat, ce n’est pas la France, et Chirac a, pour le moins, commis un "lapsus linguae". Des Français-e-s ont aidé les juifs, la France en tant que telle n’a pas persécuté les juifs, l’Etat (vichyste) l’a fait, a "commis l’irréparable et contracté une dette imprescriptible". Sur cette distinction entre "l’Etat" et "nous", je vous invite à lire sur mon site l’article " Affaire Lipietz/Etat & SNCF : nouvelles réflexions", une discussion avec la juriste administrative Isabelle Agier-Cabannes.
La conquête du contrôle de "la France" sur "l’Etat français" (ou des citoyens européens sur l’UE, etc) est un combat historique de longue haleine qui ne s’est pas terminé en 1789 ! Et pourtant, les institutions publiques sont la garantie et le moyen de la solidarité interrégionale et intergénérationnelle de la société. Nous (contribuables) payons pour l’accident d’AZF et pour la faillite du Crédit Lyonnais, alors que nous n’y sommes pour rien. Les Allemands d’aujourd’hui continuent à payer les dettes du III e Reich à l’égard des juifs et financent la reconstruction de l’ex-RDA alors que la plupart n’y sont pour rien.
Remarquez que ça vaut aussi pour les mutuelles...
Mercredi 13 septembre 2006 à 16h23mn42s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1050
-
Si je vous comprends bien, le cours nouveau de la pensée française sur son passé, dont vous vous gargarisez, a été entériné par ...un lapsus présidentiel. Il est permis de sourire : sacré Chirac, il nous aura tout fait... Peut-être pourriez-vous dire à Hélène Lipietz qu’en dépit de son profond légitimisme – auquel je rends hommage - il ne faut pas prendre tout ce que dit Jacques Chirac au pied de la lettre, même si c’est le Président de la République.
Il reste la question de l’État. Vous faites erreur : ce n’est pas une “structure étatique” qui a conduit George Lipietz au camp de Drancy en 1944, c’est une idée. Et derrière cette idée, il y avait des criminels (et non des « personnes morales »). Entre votre conception d’usager de service public, et ma conception morale et politique, il y a un profond désaccord qui vous vaudra de ma part, à coup sûr, un texte de 20 pages, solidement argumenté, et auquel, cette fois-ci, je vous demanderai de répondre point par point, paragraphe par paragraphe.
De façon un peu perverse, je me garde bien de vous donner la moindre indication sur le jour et l’heure où cette menace sera mise à exécution. Espérant ainsi qu’à chaque fois que vous vous mettrez à consulter le courrier de vos lecteurs, vous serez pris d’une sorte d’appréhension, mêlée de crainte.
Mais pour l’instant, je me repose.
Bien amicalement.
René Fiévet
Vendredi 15 septembre 2006 à 18h40mn42s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1057
-
"De façon un peu perverse, je me garde bien de vous donner la moindre indication sur le jour et l’heure où cette menace sera mise à exécution. Espérant ainsi qu’à chaque fois que vous vous mettrez à consulter le courrier de vos lecteurs, vous serez pris d’une sorte d’appréhension, mêlée de crainte."
Brrr, ça fait peur !!! lol :-)
j’aime bien aussi "courrier des lecteurs", ça donne un petit coté retro et désuet :-)
Bon, je sors. Désolé, ça n’a rien de constructif mais bon, ça fait tellement bien de rire un peu ! J’ai pas pu m’empecher de poster.
Vendredi 15 septembre 2006 à 21h36mn37s, par Michel
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1060
-
Désolée de vous répondre si tard, mais j’ai repris la longue route politique du Conseil régional... et le début, feutré, de la campagne législative et municipale sur Melun...
Sans oublier le mémoire en réponse à l’appel de la SNCF : je trouve les références des faits historiques cités par notre avocat : Rémi Rouquette a déjà écrit plus de 70 pages d’arguments juridiques, très détaillés, un vrai cours de droit public, à l’attention des ignorants du droit administratif. Ce droit s’est construit, peu à peu depuis la troisième République, a perduré en partie durant l’Etat français , et est reparti dans sa plus belle expression sous la 4 eme république et sous la 5éme...
Car c’est cela le droit public : une continuité d’esprit depuis près de 150 ans avec une para thèse ignoble lorsque le Conseil d’Etat a considéré que la présomption de judaïcité suffisait pour l’application des lois antijuives, contraires à l’Egalité, à la Liberté, à la Fraternité (présomption qui s’est appliquée à notre père) puis à la Libération quand, au mépris des traditions les plus anciennes, en refusant de reconnaître la continuité de l’Etat de France, de la troisième à la quatrième République en passant par l’Etat français...
Ce n’est pourtant que l’application d’un vieil adage, connu par tous les français : le roi est mort, vive le Roi... autrement dit il n’y a pas de discontinuité d’un régime à l’autre...
Le politique change, mais pas l’Etat. C’est vrai aussi en droit international... d’où la difficulté pour le droit public d’appréhender les nations sans Etat...
Enfin pour en revenir à vos dernières affirmations : Qu’Alain et moi, dans l’article du Monde nous sommes sentis obligés de mettre des guillemets à la notion de "faute de service". Vous attribuez cela à la perception que nous aurions de l’incongruité de la notion de "faute de service" qui peut se rapporter à des faits d’une extrême gravité.
Or, si nous avons mis des guillemets, c’est parce qu’il est extrêmement rare que la typographie journalistique reprenne les gras ou les soulignés. Nous voulions simplement souligner que la faute est indépendante de la volonté ou des modes de prestation : un service public se doit, depuis que la notion existe, d’être sans faute...
Même durant les temps troublés de l’occupation et à cause de celle-ci, la SNCF se devait d’assurer le meilleur service possible à tous ceux qu’elle transportait... ce qu’elle n’a pas fait en privant mon père (l’âge de ma belle mariée sous la pluie d’Août) et son frère, 16 ans, l’âge de mon fils, mes grands-parents (mon âge) d’eau et de lumière...
Bref, nos guillemets servaient simplement à mettre en avant la continuité du service publique qu’aurait dû assurer la SNCF, puisque le droit administratif avait déjà cette notion, avant guerre et l’a toujours aujourd’hui.
Quant à votre affirmation que « Le “retour sur soi” de la nation française sur son passé est une source inépuisable d’anachronismes. » (avec des guillemets !), elle est hors de propos car le retour sur soi n’est pas celui de la Nation française, mais de l’Etat français qui, à travers ses plus grands juristes, fonctionnaires, le Conseil d’Etat dés l’arrêt Pelletier, puis le TA de Toulouse dans le jugement LIPIETZ a rappelé des notions de droit administratif toute simples, que l’on apprend en première année de droit administratif, mais qui restent pour beaucoup une abstraction, y compris pour les fonctionnaires : Le service publique doit être exemplaire, surtout quand il exerce un monopole, les fonctionnaires, chargés de la mise en oeuvre de ce service publique, doivent veiller à ce que le service reste au service du public...
Parce que les hauts fonctionnaires de la SNCF de l’époque ont oublié cette évidence juridique, ils n’ont rien fait pour maintenir coûte que coûte un minimum d’humanité dans le transport des juifs comme des bestiaux, les ont traités comme des marchandises pour une plus grande rentabilité, ils ont permis que la souffrance des juifs commence dés la France.
La personne morale, telle le roi, ne meurt jamais, le service publique est hélas moribond.. j’espère que ce jugement rappellera à certains la notion même de "service" et son corollaire pour lequel mon frère et moi sommes devenus fonctionnaires : « servir » (avec guillemets car je ne sais plus comment on fait les gras)..
Hélène, ancienne agent public de l’Etat, ancienne fonctionnaire territoriale, intervenante en formation sur la « déontologie du fonctionnaire »
Au fait je n’oublie pas de vous répondre sur votre premier message... mais je n’ai pas encore eu le temps (voir mon intro...)
Mercredi 20 septembre 2006 à 10h24mn49s, par Hélène Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1064
-
France : le chemin de croix de Perla Zandt, ma Maman et mes 65 années d’enfer antisémite ! Qui va enfin payer ? Depuis 1940 ...
1940 : la police française qui garde le camp d’Argelès, viole ma Mère, enceinte, devant témoins, vivants ! Filmés !
1940 : naissance dans la Maternité d’internement d’Elne, pour les Mères juives (!). Film FR3 Toulouse ! Témoins vivants !
1941-1942 : 8 mois d’internement (ma photo à l’âge de 5 mois, dans le camp français sur mes sites) dans le camp de Rivesaltes, gardé par la police française. Témoins vivants ! Filmés !
1942-1944 : enfant caché par l’OSE. Témoin vivant !
1944 : déportation de ma Mère : Paul TOUVIER, SNCF, Gouvernement français : convois SNCF de Lyon vers Drancy puis vers Auschwitz ! 31 juillet 1944, convoi 77...3 semaines avant la libération de Paris ! Archives françaises ! Archives allemandes !
1946 : kidnapping avec la complicité de la Justice française… l’ONAC…Témoins vivants ! Filmés ! Archives françaises de 1942 à 1958 !
1962-2000 : spoliation de mes archives familiales : ONAC, JUSTICE, TRESOR PUBLIC… Témoins vivants !
2001 : je retrouve ma famille (de sang) maternelle aux USA… Le Frère de Perla, Morris, qui avait reçu l’accord des USA pour mon départ...Archives américaines...Témoins vivants, filmés !
1956-2006 : spoliation par la France de ma pension allemande de 1956…
Mon avocat de Cologne… Mon avocat américain...
1953-2006 : jurisprudence Finally et Procès de Toulouse contre le Gouvernement français et la SNCF… Lire la presse et Google ! Et les mails que j’adresse au Sénat, l’Assemblée nationale et les média européens et américains...Depuis New York !
1940-2006 : les dommages pour actes antisémites depuis 65 ans ! Lire le code pénal français ! Qui va payer pour mes larmes, depuis l’âge de 5 mois (mes sites) ?
Depuis 2000 : spoliation par l’ONAC (Défense) de ma carte d’interné politique et pension…Malgré le 100% Sécurité sociale ! Pour traumas (Shoah), dépression depuis l’âge de 14 ans...tendances suicidaires, résilience (Cyrulnick : interview FR3 : "c’est la haine qui m’aide à être debout"...car je ne peux pardonner ce que la France et la SNCF ont fait à PERLA, entre 1940 et 1944"...).
2006 : Arno KLARSFELD qui doit prononcer mon expulsion…vers mon pays d’origine : les USA !
Dès 1998, j’ai écrit deux fois à Monsieur GALLOIS. Qui m’a répondu ! Ses courriers dans mon livre en anglais ! Edité à New York... Répondu avec son clavier, pas avec son coeur !
Tous mes sites dans Google (5 pages...). Il vous suffit d’écrire la requête :
"wladimir zandt". J’offre aux journalistes et enseignants du monde entier, en anglais, espagnol et français le résumé de mes 1600 archives, 700 photos d’Elisabeth EIDENBENZ et Friedel BOHNY REITER (Secours suisse, 1939-1944), mes 200 heures de vidéo sur les 5 continents, collecte de mon enquête de 48 ans...commencée à l’âge de 18 ans (1958) pour retrouver le chemin de croix français de Perla, ma Maman, assassinée par la France (Gouvernement et SNCF).
Wladimir Zandt +33 (0) 6 03 36 87 06 (tribandes) pour me joindre aux USA quand je vis parmi les miens, retrouvés à l’âge de 60 ans...malgré les spoliations de documents des fonctionnaires français,...que la Shoah dérange...
Samedi 23 septembre 2006 à 10h21mn33s, par wladimir zandt (dit illégalement "Guy Bobichon", depuis mon rapt français, en 1946, Guy Bobichon)...
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1074
-
Dimanche 24 septembre 2006 à 20h17mn52s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1077
-
Bonjour,
Je souhaite que vous soyez nombreux à écouter une chanson "Des Milliers de Larmes" qui parle de la Shoah.
RV sur mon blog :
http://caroline.musique.com/
Merci, Caroline Imbar
Mardi 26 septembre 2006 à 17h31mn35s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1078
-
Je prends note de votre réponse sur les guillemets pour le terme “faute de service”. Je me suis mépris sur le sens de ces guillemets, mais ma bonne foi était totale : en principe on ne souligne pas les mots dans une dissertation.
Les guillemets pour “le retour sur soi de la nation française sur son passé” était une citation du texte d’Alain Lipietz. C’est un cas d’usage très courant, et admis, des guillemets.
Sur le fond de l’affaire, je ne suis pas sûr que nous soyons en désaccord sur tout, notamment sur le cas de la SNCF. J’ai examiné la partie SNCF de cette affaire, et j’ai un certain nombre de remarques à formuler. Toutefois, le message que j’ai envoyé m’a été refusé car il dépassait 2000 caractères. S’agit-il d’une mesure de rétorsion/prévention à mon égard, ou d’une nouvelle politique éditoriale fondée sur la déplorable méthode KISS ("keep it short and simple"), en vigueur dans certains milieux professionnels anglo-saxons ?
Mardi 3 octobre 2006 à 20h27mn12s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1085
-
Allons bon. Non, a priori, il n’ya pas de fonction limitative sur ce forum. Mais le site est en chantier suite à un changement de version du logiciel SPIP. Ou peut-être pensiez vous répondre sur le site de ma sœur Hélène ?
Mercredi 4 octobre 2006 à 15h50mn33s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1088
-
A l’attention de Monsieur Alain Lipietz
Monsieur,
Je suis très sensible à l’action qui a été menée devant le Tribunal de Toulouse par vous et votre famille contre l’Etat français et la SNCF.
Que pensez-vous d’une centralisation de toutes les affaires entreprises contre l’Etat et notamment la SNCF ?
Ainsi il s’agirait de créer une association dotéé d’un site internet mettant en relation l’ensemble des requérants dans ce domaine.
Dès lors que la classe politique, la doctrine et la plupart des associations touchant la mémoire juive préfèrent le consensus avec l’Etat et la SNCF, une telle initiative n’a pas été entreprise à ce jour et à ma connaissance.
A mon sens, elle est nécessaire. Elle sera fructueuse d’une prise de conscience des pouvoirs publics et sans doute du vote d’une loi.
J’ai conscience que vous consacrez beaucoup de temps à cette affaire. Je vous remercie du temps que vous voudrez bien accordé à cette initiative.
Il conviendrait d’informer les avocats et les parties de ce projet, mais je n’ai pas connaissance de leur coordonnées.
J’ai informé également à Monsieur Rémi Rouquette de cette initiaitive.
Je reste à votre disposition pour tout renseignement que vous souhaiteriez obtenir.
Bien à vous.
Antoine Rappoport
antoinerappoport@yahoo.fr
P.S : Je viens de sortir de l’Ecole d’avocat de Paris et la question touchant la responsabilité de l’Etat français est à mon sens et aux yeux de beaucoup un véritable imbroglio juridique et politique. J’ai pourtant participé à un DEA de philosophie du droit et de droit public interne à l’Université Panthéon-Assas Paris II...
J’ai l’impression que la plupart des juristes et Professeurs de droit, excepté le Professeur Danièle Lochak ne tiennent pas à s’impliquer dans le débat. A la lecture du livre de R. O. Paxton et M. R. Marrus "Vichy et les Juifs", ils ressort pourtant que dans les années 40, certains Professeurs de droit et juristes ne se privaient pas de commenter les textes portant sur le statut des Juifs, comme s’il s’agissait de textes ordinaires...
Samedi 21 octobre 2006 à 20h34mn00s, par Rappoport Antoine
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1115
-
Cher Monsieur,
Je me suis beaucoup intéressé à cette affaire. Contrairement à ce que vous semblez penser la responsabilité de l’Etat n’est pas un imbroglio juridique et politique. C’est une question politique extraordinairement claire (faut-il ou non légaliser le régime de Vichy ?), à laquelle Jacques Chirac a (malheureusement) donné une réponse positive dans son discours du 16 juillet 1995. Le reste s’en est suivi au plan juridique (arrêt Conseil d’Etat Papon 2002). D’ailleurs, l’Etat n’a pas fait appel de sa condamnation par le Tribunal de Toulouse.
La question de la responsabilité de la SNCF n’est pas non plus un imbroglio juridique. Le service public administratif de transport assuré par la SNCF entre 1940 et 1944 (totalement distinct des lois d’exception de Vichy) s’inscrit complètement dans la continuité de l’Etat, et la responsabilité de la SNCF peut parfaitement être mise en cause par le biais de la « faute de service » (dans la limite bien sûr des délais de prescription). C’est une jurisprudence constante du Conseil d’Etat depuis 1945. Reste bien sûr à prouver l’existence d’une faute, ce que conteste la SNCF qui a fait appel.
Vous devriez lire les conclusions du Commissaire du Gouvernement du TA de Toulouse, qui, à mon sens, posent bien le problème.
René Fiévet
renefievet@yahoo.fr
PS – le seul « imbroglio » juridique consisterait éventuellement à se demander si le CE pouvait rendre un jugement contraire à une loi de la République, l’Ordonnance du 9 août 1944, qui pose le principe de l’illégalité du régime de Vichy. Mais sur les 60 millions de citoyens que compte notre pays, je pense bien être le seul à me poser la question. D’ailleurs, pour reprendre la fameuse formule d’André Laignel, peut-on avoir juridiquement raison, quand on a politiquement tort ?
Dimanche 22 octobre 2006 à 18h29mn48s, par René Fiévet
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1122
-
Je crois avoir déjà répondu à René Fievet qu’il confond le décret de 44 rétablissant la légalité républicaine et abolissant les lois anti-juives, et l’arrêt du Conseil d’Etat (Ganascia, 1946) interprétant de façon surprenante (mais pratiquement justifiable) le décret en question, en disant « puisque le régime de Pétain est aboli, nul et non advenu, l’Etat français ne doit rien à ses victimes ». Ce ne fut qu’une jurisprudence, et comme telle elle a évolué. L’arrêt Lipietz de Toulouse, prolongeant les arrêts de 2001-2002, constitue un renversement de la jurisprudence, mais certainement pas du décret de 44 !
Mardi 31 octobre 2006 à 03h08mn52s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1136
-
Cher Monsieur
Votre proposition m’a plongé dans une longue réflexion.
Comme vous le remarquez à mots couverts, des tensions se sont fait jour à l’occasion du procès intenté par mon père, entre les victimes réelles et les associations prétendant les représenter. Je reçois des lettres d’association critiquant l’action de mon père, et des critiques adressées par de victimes et même des animateurs de petites associations, qui s’énervent contre les « grandes » associations qui auraient échangé le silence des victimes contre des subventions à leurs actions commémoratives…
C’est d’ailleurs ce que plaide aujourd’hui la Sncf, exhibant la lettre de soutien d’une association basée aux USA : un deal a été passé avec les associations, on les a subventionnées, alors les victimes ne peuvent rompre ce deal sans remettre en question ces subventions (voir sur ce point la réponse de notre avocat Rémi Rouquette.)
Vous proposez en quelque sorte de créer une nouvelle association, mais cette fois au service direct des victimes elles-mêmes…
Vous sentez bien le paradoxe de l’initiative ! Outre que l’on risque de se retrouver devant le problème précédent, je ne suis pas partisan d’ouvrir un front contre les associations qui ne nous soutiennent pas. Elles ont leur conception, honorable, de la manière de « servir la mémoire »
Et pourtant vous avez raison : il faut collectiviser les savoirs, les arguments, développés à l’occasion de l’action de mes parents, maintenant reprise par des milliers de personnes.
Je vous ferais donc la proposition suivante :au lieu de créer une association, pourquoi ne pas simplement ouvrir le portail internet que vous évoquez, regroupant tous les articles des victimes et de leurs avocats, leurs plaidoiries et les pièces qu’ils produisent ?
Je vous remercie encore de votre intérêt pour cette affaire et de votre généreuse offre de soutien.
Mardi 31 octobre 2006 à 03h06mn16s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1135
-
Chère Madame,
J’ai rencontré des avocats de requérants. Ils sont intéressés par ce projet.
La mise en ligne des articles parues dans la presse avec biensûr l’ accord des auteurs et de la presse serait intéressante. Par contre, je ne sais si les victimes et leurs avocats voudront mettre leurs mémoires en ligne.
Je me suis posé la question des actions des ascendants des morts en connaître leur nombre...
Je vous tiens au courant.
Bien à vous.
Vendredi 3 novembre 2006 à 11h31mn34s
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1146
-
Après la SNCF, il vous restera à poursuivre pour vous assouvir, les fabricants de locomotives, wagons, peut-être aussi à l’inventeur des trains vapeurs (la chaudière De Papin), rails, traverses, remblais, passages à niveaux, aiguillages, gares de triages, tunnels, gardes barrières, gares, chiottes des gares etcc.
Ils vous en restent des plaintes possibles et vous faire encore de l argent sur le dos des millions de gens qui n’étaient même pas nés,
Si les Français dans leur majorité, savaient, pourquoi les rabbins n’ont-ils rien fait, fait partir toutes les personnes susceptibles d’être renvoyés dans leur pays, es-ce qu’ils ne sentaient pas concernés, puisqu’ils étaient étrangers, pourquoi ne poursuivez pas les ricains et anglais qui savaient puisqu’ils ont travaillé presque jusqu’à la fin de la guerre, permettant à Rothschild et Rockefeller et Bush de continuer à faire fortune et même de fabriquer le Zyklon B
Ne vous gênez pas, vous arriverez bien à vous faire haïr un peu plus à chaque fois, d’après les archives en insistant bien, cela va ressembler à ce qui se passaient en allemagne entre 18-33.
Faire durer votre plaisir de nous voir prosterner devant le crif et sa bande en nous ponctionnant toujours un peu plus, raz le bol, il faut raviver, profitez toujours, encore et encore
Pauvre france, quant on sait comment se comportent les sionistes envers le peuple palestinien, qui eux ne sont pour rien dans la shoa, pas plus que moi d’ailleurs qui n‘étais pas né, mais qui va continuer à payer,
Encore pire que les nazis, avec les méthodes des boucliers humains, les bulldozers écrasant les pacifistes, les collabos par contraintes, chargés de faire massacrer leurs frères, qu’elle honte, mais faut-il être surpris, pour ma part, aucunement.
Mardi 20 mars 2007 à 12h41mn36s, par Maxwel
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1405
-
EUH... c’est un peu du chinois cette affaire de nombre de caractères... il faut que je demande à mon toilemestre... mais je ne crois pas car je n’ai jamais eu de message de votre part sur mon site, qui n’est pas un blog, enfin, pas encore...
je pense qu’au fond, nous sommes effectivement plus d’accord qu’à votre première intervention...
Sous peu, nous mettrons en ligne le mémoire en défense d’appel contre la SNCF ... sans doute vers le 25 ou 26, dés que la CAA l’aura envoyé à l’adversaire...
100 pages, des révélations inédites et un auteur digne des plus grands maîtres du barreau et surtout des plus grands administrativistes de notre droit : Rémi ROUQUETTE (un peu aidé d’Alain, Catherine, Maman et moi... sans oublié Guy !)
Dimanche 22 octobre 2006 à 21h51mn33s, par helene lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1123
-
En réalité il n’y a pas de limite quantitative aux réponses, mais je crains que René Fievet ait chercher à copier-coller son texte en word , contenant des titres et des « soulignés », directement sur le forum. Or ce forum, rédigé en Spip, ne comprend pas les codes de word. Je lui conseillerait de copier coller un texte nu, puis de rajouter titres et souslignements en utilisant le menu Spip en haut de la fenêtre.
À part ça, oui, le mémoire de Rémi est génial !! Il est aussi sur ce site. Mais quelle littérature il nous a fallu ingurgiter pour documenter la partie historique ! Pouark !
Mardi 31 octobre 2006 à 02h06mn12s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve165#forum1130
|
Calendrier des blogs
|
|
<<
septembre 2006
>> |
lu | ma | me | je | ve | sa | di | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 31 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 | 22 | 23 | 24 | 25 | 26 | 27 | 28 | 29 | 30 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 |
|
|
|
|
|