Le plan B-B-B à fond la caisse
Jeudi 6 octobre 2005
Debriefing de la réunion d’hier et avant-hier de la Commission des affaires constitutionnelles (à laquelle je ne participe pas). Les rapporteurs, le Vert Voggenhuber et le libéral Duff ont présenté leur projet de participation du Parlement européen à la relance du processus constitutionnel. Leurs idées pour relancer l’Europe politique d’ici à 2009 se sont heurtées à une vive opposition. D’une part, le parti socialiste européen préfère ne plus parler de la constitution et se concentrer sur l’amélioration de l’image sociale de l’Europe actuelle (celle de Maastricht-Nice ?). D’autre part, le PPE accepte de parler de renégociation, mais pense que rien ne se fera avant 2007, année d’élections en France et aux Pays-Bas, et de présidence allemande. Nouvel obstacle inattendu : les pays qui ont déjà ratifié la Constitution arguent qu’ils sont déjà la majorité des pays, représentant la majorité de la population européenne, et ne voient pas pourquoi l’opposition de la France et des Pays-Bas devrait les amener à revenir sur leur décision. On murmure d’ailleurs que l’Espagne s’apprête à prendre l’initiative d’une réunion des pays ayant déjà ratifié la Constitution ! L’affaire se complique…
Ainsi, comme je l’avais craint, il semble que l’on s’achemine vers une renégociation débutant au mieux en 2009, et non pas se concluant en 2009. Nous sommes donc condamnés à vivre dans l’accord de Maastricht-Nice jusqu’à au moins 2012 ou 2013. C’est-à-dire dans la « Constitution enfin trouvée » du néolibéralisme.
A noter que plus personne ne parle de renégocaition dans le camp des "Non de gauche". Je lis encore Politis : plus un mot sur le sujet ! L’innénarrable Jennar découvre avec un an de retard (21 juillet) que la Commission, condamnée par l’arret Altmark, a du réécrire sa "décision" sur les aides d’Etat, et attribue à un effet du Non le relevé des seuils... voté par le Parlement européen avec le rapport int’Veld.
Plus triste : un groupe de vieilles et vieux camarades de luttes se fendent (le 22 septembre) d’une tribune "Ce que nous ne voulons plus" pour énumérer les malheurs du monde, sans une seule proposition politique !! Ils y glissent : "Nous ne voulons plus qu’on construise des murs entre ceux qui sont portés par le même espoir de changement, quel qu’ait été leur vote du 29 mai"... et ils ne font aucune allusion à une quelconque démarche pour changer l’Europe !
L’espoir s’est aujourd’hui réfugié dans un petit secteur du Oui de gauche : les Verts.
Pendant ce temps les grands bénéficiaires du Non (les libéraux) ne perdent pas de temps. Le très social-libéral Tony Blair, le très libéral-libéral Barroso, l’ultralibéral Bolkestein incarnent ces grands bénéficiaires de l’opération. Le plan B , comme nous l’avions dit, c’étaient eux. Il y a quinze jours, Barroso a tiré le bilan du Non : il y a trop d’Europe politique, trop de « bureaucratie », il ne faut plus légiférer au niveau européen. Et de proposer la suppression de 72 directives en cours, y compris celle limitant le temps de travail des transporteurs routiers internationaux ! Seule devrait survivre, évidemment, la directive Bolkestein, c’est-à-dire l’ouverture généralisée des marchés de service sans harmonisation préalable, chaque producteur s’en tenant à la législation du pays d’origine », horizon désormais indépassable de la loi ! Pour ceux qui n’auraient pas compris que le TCE (qui instituait le concept de « loi européenne ») était exactement la logique inverse de cette directive, il leur suffit de relire les cris de triomphe de Bolkestein lui-même au lendemain du Non hollandais.
Bref, le Non français et surtout hollandais sont utilisés, comme on pouvait s’y attendre, pour enterrer définitivement l’idée d’une Europe politique, sociale et écologique, pour réduire l’Union européenne à ce qu’elle est devenue au fil de ses élargissement sans approfondissement, et à ce qu’elle restera définitivement dans le cadre du traité de Nice : un grand marché intérieur où la politique est impuissante, où la concurrence est donc « ouverte » (sans loi) et donc faussée.
Le retournement d’une partie de la droite qui, au printemps dernier, reconnaissait que l’article 122 rendait largement inconstitutionnelle la directive Bolkestein, et maintenant prétend en ricannant que les Français ont rejeté l’article 122, qu’il n’ya plus de différence entre les services publics et les autres, ou qui votait en première lecture une législation protégeant les travailleurs contre les rayons solaires, avant de la rejeter vers l’échelon national depuis cet été, était bien inscrit dans le Non franco-hollandais. Le grand bénéficiaire risque d’être évidemment Bolkestein lui-même, qui avait, on s’en souvient, salué triomphalement la victoire du Non (après avoir passé tout le premier semestre 2005 à écraser soigneusement le pavé de l’ours sur la face de cette pauvre Constitution).
Et comment prétendre que les libéraux interprètent à l’envers le message des électeurs , lorsque le sondage réalisé pour Arte et publié hier dans Le Monde du 4 octobre indique qu’une majorité d’Européens considère que les questions sociales doivent se régler à l’échelle nationale plutôt qu’européenne ! C’est le cas de 70% des Britanniques, alors que le syndicalisme et le parlement européen s’arc-boutent pour faire sauter l’opt-out qui autorise les patrons anglais à s’affranchir des maxima de temps de travail européen (l’opt-out). Mais c’est aussi le cas de 69% des Français. Le Non français était bien hélas ce qu’avaient entendu les Oui de gauche : majoritairement un vote contre l’Europe politique et sociale. Le mouvement ouvrier a pris 30 ans de retard sur le capitalisme contemporain. Heureusement, le mouvement écologiste est un peu plus réactif…
Ce matin, je dois me partager en trois : débat avec la Commissaire à la concurrence sur les aides d’Etat, en même temps, vote en Commission juridique sur la levée de l’immunité parlementaire de Gollnish, et à 10h et quart, débat à la BBC sur la proposition de dérégulation de Barroso. Le groupe Vert ayant adopté une attitude commune sur la levée de l’immunité (j’y reviens dans un instant), je choisis de commencer par l’audition de Madame Kreuss, la Commissaire à la concurrence et aux aides d’Etat. Naturellement, elle s’empare des Non franco-hollandais pour avancer son discours libéral : il faut diminuer les aides d’Etat et il faut stimuler la concurrence… Je m’inscris pour intervenir, mais la présidente fabiusienne, Pervenche Berès, ne me donne la parole qu’au bout d’une heure et quart de débat : c’est l’incident Trichet qui recommence ! Quoique rapporteur sur la concurrence et les aides d’Etat, je dois m’esquiver avant d’avoir posé ma question à la Commissaire.
Je cours donc vers les studios d’enregistrement au second sous-sol du Parlement. J’y retrouve un nationaliste anglais, un socialiste, et surtout la vice-présidente du groupe libéral, conseillère d’entreprise et « jeune leader mondiale » selon le Forum de Davos, la libérale allemande Sylvana Koch-Mehrin. Elle m’explique avec son plus éclatant sourire que Barroso a raison, qu’il faut supprimer toute cette bureaucratie, que nous sommes des individus libres et autonomes dans un monde ouvert à la compétition globale. Je lui réponds qu’une des directives supprimées par Barroso porte justement sur le temps de travail de routiers, et qu’il serait désagréable, pour un individu libre, de voir un de ses enfants écrasé par un poids lourd ivre de fatigue dans sa course à la compétitivité globale. Le nationaliste anglais m’objecte : « Mais il suffit d’obéir à la loi de son pays ». Ma réponse est facile : « Si c’est un camionneur polonais qui va livrer des pièces détachées en Angleterre en passant par l’Allemagne, à quelle loi devra-t-il obéir ? Ce que nous voulons, dès lors que nous avons un marché unique, c’est que les lois principales finissent par être les mêmes du Portugal à l’Estonie, comme elles sont les mêmes de la Californie à la Virginie ».
Et puis l’affaire Gollnisch ? Finalement, l’examen de la demande de levée de son immunité parlementaire, adressée par l’ex-garde des Sceaux Perben (adversaire de Gollnisch pour les municipales de Lyon) au Parlement européen, a de nouveau été repoussée… la rapporteuse, Madame Wallis ayant brutalement changé de position et jugeant désormais qu’il faut lever cette immunité.
Tel n’est pas l’avis des Verts, malgré ce qui nous démange. Lever une immunité parlementaire (surtout à la demande d’un concurrent électoral) est une affaire sérieuse et grave. Nous avons bien examiné les propos reprochés à Gollnisch. Ils sont pervers, mais dans les clous de la loi Gayssot réprimant la négation des crimes contre l’humanité. Gollnisch précise bien que des « centaines de milliers ou des millions » de juifs ont été assassinés par les nazis, par antisémitisme, que c’est un horrible crime contre l’humanité, mais que c’est aux historiens de discuter combien et comment. C’est vrai quoi ! Au moins un million et demi de juifs sur le front Est ont été exécutés avec des méthodes artisanales, et non dans des chambres à gaz ! La perversité consiste à insinuer que tout ça n’est pas clair, mais cette perversité est intrinsèque à la position politique du Front national. On ne peut pas reprocher à un parti fasciste de tenir des propos pervers, ou alors on l’interdit.
Comme dirait Voltaire : « Je hais ce que vous dites, mais, tant que ce que vous dites n’est pas en soi une apologie du crime ou un appel à la haine raciale, je me battrais pour que vous ayez le droit de le dire ».
Bon, tout ça me déprime. Ce week-end, j’avancerai sur Mallarmé, ça me changera les idées.
Forum du blog
Il y a 10 contributions à ce blog.
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Mon cher Alain,
je ne peux te laisser écrire, bien que toujours adhérent des Verts, que le seul espoir réside chez les Verts. Tu sous-estimes, me semble-t-il, la régression politique et idéologique boostée par la campagne du "non de gauche" et la cassure profonde qui en résulte. J’avais bien aimé le texte de Bernard Dréano pour "une alliance progressiste de la Saint Ferdinand" appelant à un rassemblement des "non et des oui de gauche sincèrement européens", mais je pense qu’on n’en est plus là. C’est pourquoi je m’investis à fonds dans "Sauvons l’Europe"...où je regrette quelques absents, dont toi !
Samedi 5 novembre 2005 à 17h46mn21s, par Henri LOURDOU
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Cher Henri
J’ai un peu de mal à suivre ton message un peu trop elliptique.
– Ce que je dis dans mon papier, c’est qu’au PE, seuls les Verts sont clairement pour une renégociation. Les autres sont pour en rester à Maastricht-Nice, pour le moment, en tant que PARTIS. Bien sûr , il y a des minorités qui veulent bouger, dans les différents partis.
– Tu es sans doute la première personne à me dire que je « sous-estime la régression idéologique du non de gauche ». Tu veux dire que j’ai tort de croire et dire qu’on peut encore travailler entre non de gauche et oui de gauche ? C’est ça que tu veux dire par « on n’en est plus là ? »
– J’avais critiqué le texte de Bernard Dreano dont tu parles. C’est vrai que c’était un des textes les moins « méchants » mais enfin il a contribué à l’enlisement dans Maastricht-Nice, avec des arguments si particulièrement emberlificotés qu’on finissait par ne plus savoir quels étaient les critères de la rationalité.
– Bravo pour ton investissement dans « sauvons l’Europe ». On n’en a pas d’echo au niveau européen, mais toutes les initiatives sont à soutenir du moment qu’elles réunissent les partisans d’une Europe politique fédérale.
Dimanche 6 novembre 2005 à 12h37mn47s, par Alain Lipietz
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Cher Alain Lipietz
Vous allez finir par nous convaincre qu’il n’y a rien à attendre de l’UE. Elle pourrait donc s’autodissoudre.
Cela pourrait bien arriver bientôt d’ailleurs : pas de consensus = pas de budget = plus d’Europe.
Lundi 17 octobre 2005 à 00h13mn10s, par Jean-Pierre
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Vous avez raison : 4 mois après le non , le scénario central est devenu celui du détricotage (cf mes scenarios prospectifs de mai).
Mais il ya deux sens possible à "dissolution de l’Union" :
– Le scénario BBB : plus du tout d’Europe politique (cf Mandelson qui propose de réduire de 70 % le budget de la PAC), mais poursuite d’une Europe du libre echange et de la concurrence fiscale et sociale généralisée. Plutot le plan Sarko.
– Le scénario populiste-national : révolte contre "l’Europe et les étrangers", mouvements de sortie de l’Union ou de remise en place des frontières douanières et expulsion des travailleurs etrangers communautaires, avec alliances "années 30" entre extreme gauche et extreme droite (cf KPD sous la republique de Weimar), premiers affrontements militaires entre (ex-)pays membres (sans doute du côté de la Hongrie ou de l’ex-Tchecoslavie), etc. Plutot le plan de Le Pen, de Villiers, ou Chevènement.
Lundi 17 octobre 2005 à 11h30mn11s, par Alain Lipietz
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Mes salutations à Alain ...
ben, moi, ce soir, je n’avancerai pas sur Mallarmé, même si je reste
foncièrement voltairien ! :-) Et bien évidemment anti-Gollnisch !
Si je rejoins Alain pour penser que les oui de Gauche sauce Verte sont
miscibles avec les sauces nonistes vertes, et donc espoir d’une autre
Europe, je ne peux plus supporter les analyses d’Alain qui continuent,
inexorablement, à faire fi - voire déni-, des motifs du vote noniste (
Vert inclus !).
Autant je respecte, foncièrement et totalement, la somme de travail
dantesque d’Alain, son action régulière de député européen dont à rendre
compte, mais concernant sa lithanie récurrente ( non=Nice), je ne peux
plus supporter !
Déjà au Cnir de mi-Juin, lors du débat post-TCE, Alain n’avait commis
aucune analyse critique, devenant pitoyable. Aux JE de Grenogle, bis
repetita ! Et même ante-TCE, à Guéret, Alain avait tenté de véhiculer (
certe courageusement cf Langlois de Politis) la position ouiste des
Verts, mais sans écho ( Pierrette, locale noniste verte et représentante des Verts locaux au Collectif de défense et dévelloppement des Services Publics), aurait été bien meilleure "vocaliste" si des egos en retrait (Yann) et des egos de scène ( Alain) n’avaient voulu paraitre autrement ...!
A Guéret, c’est la première fois de ma vie décennale verte que j’ai eu honte de mon appartenance partidaire ! Alain, on ne dit pas des dizaines de fois "ne nous divisons-pas" quand on donne le pain de la discorde ! ;-)
Quand comprendras-tu, Alain, en substance, qu’un NON n’était pas
pro-Nice !!! Quand comprendras-tu, malgrè tes qualités, que tu n’es, ni
l’Alpha, ni l’Oméga ! Nu seulement, pour rester dans l’alphabet grecque ! :-)
Que celà soit Gilles qui mange le chapeau, ou Alain, la seule chose que
je demande, aujourd’hui, c’est que mon choix réfléchi et raisonné de mon vote Non soit respecté ... et compris !!!!
Cordialement
JMi P
Vendredi 14 octobre 2005 à 19h45mn26s, par Jean-Michel Peyraud
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Les faits sont têtus !
C’est pour une autre EUROPE que certains avançaient le non
et on a la même jusqu’au moins 2012 ...
Bravo
Dimanche 16 octobre 2005 à 19h04mn47s, par Han Teng TU
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Je crois que dans cette histoire chacun à raison, tout simplement parce que l’on ne parle pas de la même chose. Cela n’est pas loin de la vieille distinction de l’intention et du mobile, familière aux juristes pénalistes.
L’intention, c’est le coté objectif de l’acte, le fait qu’on l’a accompli volontairement. Le mobile c’est la raison personnelle, subjective, pour laquelle on l’a accompli.
Généralement d’ailleurs, le droit se fout complètement des mobiles et ne prend en compte que l’intention. L’intention délictuelle est établie par le caractère volontaire de l’acte accompli. Ce n’est que dans des cas particuliers que l’on considère le mobile, par exemple en matière de violences, ou l’on considère si c’est pour donner la mort ou pas que l’on a frappé sur quelqu’un. Curieusement d’ailleurs, on parle alors d’intention au sens de mobile, mais c’est une autre histoire ;-)
En mettant un bulletin "oui" ou "non" dans l’urne, l’acte objectif a bien été d’accepter ou de rejeter la proposition de remplacement de l’existant (Nice et le reste) par le TCE car c’était la question posée.
Que cette acte ait été le résultat de motivations diverses relève du mobile, non de l’intention. En gros pour certains "non" verts le refus de valider ce qui s’est fait d’ultra-libéral en matière de construction européenne et espoir de provoquer un choc politique permettant de revenir dessus à plus ou moins long terme. J’entends bien, mais qu’elles qu’aient été la signification subjective de ton acte de voter non, et dès lors que le choix "je veux une autre Europe" ne figurait pas dans les choix proposés, il a consisté objectivement à maintenir le statut quo.
Dimanche 30 octobre 2005 à 02h18mn58s, par Henri Balmain
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Que rajouter à l’impeccable réponse d’Henri Balmain à Jean-Michel.Peyraud ? Il a dit avec la clarté d’un juriste ce que j’avais tenté d’expliquer pendant toute la campagne, ce que nous constatons empiriquement depuis la victoire du Non. Quelle que soit la pureté, la générosité, la sainteté des intentions des quelques 30% de femmes et d’hommes de gauche qui se sont joints aux 25% de droite pour obtenir la victoire du Non, la seule conséquence juridique est : « On en reste à Maastricht-Nice » Et cela pour un certain temps. Et politiquement, c’est-à-dire du point de vue des conditions de la lutte sociale et de la lutte écologiste, pour celles et ceux qui, comme moi, ont entendu, pendant six mois de débats de terrain, la longue plainte de notre peuple contre l’Europe ACTUELLE, celle de Maastricht-Nice, c’est aujourd’hui la seule chose qui compte.
En ce qui me concerne, j’ai dès le soir même salué l’INTENTION anti-Maastrichtienne du Non : « les intentions sont plutôt positives : beaucoup de gens ont cru sincèrement voter contre Maastricht-Nice en votant Non »).
J’ai très vite fait le deuil du Oui : dans Le Monde du 23 juin, « L’Europe du Non a commencé », je disais que « si les responsables qui nous ont promis une renégociation victorieuse du traité constitutionnel parviennent à en trouver les voies, je serai de ceux qui appuieront ces efforts, de toutes mes forces. Le Oui de Gauche ne doit pas céder à la tentation de la bouderie.... Il faut maintenant retrousser à nouveau nos manches, sur des lignes beaucoup plus éloignées de l’horizon de nos espoirs.. »
Au début du mois d’aout, j’ai développé cette idée d’une discordance entre les mobiles et le résultat. Lors de la plénière des Journées d’été de Grenoble, je l’ai comparée à ce qui définit la tragédie grecque, et j’ai formulé deux propositions pour en sortir . J’ai en même temps formulé le pronostic que plus rien ne bougerait avant les élections européennes de 2009, ce qui nous mènerait au mieux à l’entrée en vigueur d’un nouveau traité post-Nice en 2013 ou 2014.
J’ai suivi avec la plus grande sympathie la tentative de Duff et Voggenhuber de monter un scénario plus rapide, débouchant sur un référendum européen en 2009, ce qui notons-le ne réglait pas la question de : « Que faire avec les pays qui n’auraient pas voté majoritairement Oui ? », et qui entraînait de toutes façons un processus de ratification ne permettent pas d’envisager de sortir de Maastricht-Nice avant 2010 ou 2011.
L’objet de mon blog du 6 octobre « Le planB-B-B à fond la caisse » était de raconter comment cette tentative a, pour le moment du moins, avorté, comment l’Europe du Non s’installe pour le moment sans obstacle.
Maintenant, on travaille dans l’Europe de Maastricht - Nice jusqu’à la fin de la décennie au moins et il faut que chacun s’y habitue, l’intègre dans ses calculs, sa stratégie de (sur)vie, sa stratégie militante, que chacun en mesure avec précision les conséquences, apprenne à se battre sur CE terrain, sans se raconter d’histoire. J’essaie de le faire le plus précisément possible à partir de mon observatoire, celui où les électeurs m’ont envoyé ; ne compte pas sur moi, Jean-Michel, pour leur bourrer le mou.
En revanche, Jean-Michel, je dirai et continuerai à leur dire comme je l’ai fait « des dizaines de fois » à Guéret et depuis, sous le huées des anars et de ultra-gauches qui souhaitent la division et la défaite de la gauche française en 2007 : « NE NOUS DIVISONS PAS » face à l’adversaire , ne cédons pas à la tentation de penser que l’autre (celui qui vote Oui ou Non) est un traître qui porte le pain de la discorde. Nous sommes « discordants », c’est un fait massif et, au vu des résultats actuels, j’ai beaucoup plus lieu de penser que « vous » avez donné la France à Sarkozy, l’Europe à Blair et le monde à Bush. Mais la différence entre toi et moi c’est que je sais que tu l’as fait « de bonne volonté » et c’est pour ça que je continue et continuerai à dire, non que tu es vendu au libéralisme, comme des misérables me le criaient à Guéret, mais qu’il ne faut pas nous laisser diviser.
Et cela ne m’empêchera jamais , Jean-Michel, de défendre aussi la position des Verts, même si elle n’est pas majoritaire (en 20 ans de militantisme écologiste, elle ne l’a presque jamais été, même à gauche). Face aux huées dans une salle, on ne passe pas d’un porte-parole du Oui à une porte-parole du Non (et l’inverse dans une salle Ouitiste ? pour qui prends-tu les Verts ?). On explique, on se bat. Mais dans le débat il faut toujours garder l’idée d’une unité à maintenir. Sans rien concéder sur le fond, car demain tous ensemble nous devrons proposer une autre Europe, et le débat, désormais purement intellectuel, sur le TCE doit au moins nous permettre de repérer, article par article, quelles évolutions nous voulons.
Si les partisans du Oui de gauche ont assez vite fait leur deuil du Oui, j’ai un peu l’impression, Jean -Michel, que certains partisans du Non de gauche européens et fédéralistes n’ont pas encore, eux, fait leur propre deuil de leurs espérances dans le Non. Je rappelle l’excellente synthèse du CE des Verts (adoptée unanimement à l’AG de Reims), qui disait en substance « Tous les Verts sont d’accord pour considérer que le TCE présente une avancée réelle mais limitée par rapport à Nice. Ils divergent sur l’appréciation de la dynamique à laquelle conduirait une victoire du Oui ou du Non. »
Non seulement j’ai le plus grand respect pour ceux des Verts qui ont voté Non par haine d’une Europe qui resterait trop libérale, même avec le TCE, mais j’ai également compris leurs intentions : donner un coup de pied dans la fourmilière, provoquer un débat social européen débouchant, à terme assez rapide, sur une meilleure constitution que le TCE. Le débat comique mais qui finit par m’agacer sur la date à laquelle je devrais manger mon chapeau (1er novembre 2006 ou 2008) ne porte que sur la précision du mot « rapide ».
A l’heure actuelle, force est de constater que plus personne parmi les leaders du Non ne parle de renégociation. Tous sont maintenant obnubilés par la présidentielle de 2007. Se sont-ils donc tous résignés à en rester durablement à Maastricht-Nice ? Pour ceux qui préférait effectivement et même explicitement Nice au TCE (Le Pen , Villiers, Dupont-Aignan, Chevènement, Fabius, Buffet), c’est normal et c’est pourquoi je les critique. C’est plus étonnant de la part des « Non écologistes et fédéralistes ». Ce qui ne remet absolument pas en cause mon appréciation sur la légitimité du pari (malheureusement perdu) par ceux des militants ou dirigeants Verts qui ont appelé au Non en promettant une renégociation rapide, et encore moins ne conteste la sincérité du cri de colère qui a amené une bonne partie du peuple de gauche (y compris des écologistes) à voter Non avec leurs tripes, avec leur cœur... en croyant voter ainsi CONTRE Maastricht -Nice, alors que juridiquement ils faisaient le contraire. Car qui les en avait averti ? On a même entendu, comble de la manipulation, des nonistes leur expliquer : « La troisième partie c’est Maastricht-Nice (ce qui est inexact), donc en votant Non vous abolissez Maastricht-Nice » !!
Je reçois des confidences, par mail, par les gens qui m’accostent dans la rue, par les propos que l’on me rapporte, d’anciens abstentionnistes qui disent « j’aurais dû voter Oui », ou d’ancien électeurs du Non qui disent « j’aurais dû m’abstenir », je n’ai encore entendu personne ayant voté Oui dire « j’aurais du voter Non ». Ce deuil de ceux qui avaient espéré « autre chose » de la victoire du Non prendra un certain temps. Souhaitons qu’il soit le plus court possible pour que, tous ensemble, nous nous mettions au travail pour rechercher non seulement les contenus (ça fait 20 ans qu’on y réfléchit), mais surtout les cheminements tactiques REELS pour parvenir à une autre Europe.
Le problème, c’est que l’histoire ne repasse pas les plats. Comme disait l’autre, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Si nous arrivons un jour à une meilleure Constitution, elle devra s’appliquer dans des conditions bien plus dégradées qu’aujourd’hui, les effets du libéralisme se déployant jusqu’à cette date sans aucun obstacle politique à leur mesure. Pour filer la métaphore de Yann Forestier, nous ne battrons plus ni sur le Rhin ni sur la Marne, ni même aux Ponts de Cée, mais depuis Alger...
C’est pourquoi le groupe Vert au PE ne baisse pas les bras : chaque année gagnée sur la date du début de la renégociation de Maastricht-Nice sera bonne à prendre. C’est un des thème des journées parlementaires des députés européens Verts, à Marseille. Et nous n’en discutons pas seulement entre nous : la réunion du 1er décembre est coorganisée par des Verts, des communistes, des socialistes et des libéraux-democrates.
En ce qui concerne les échéances de 2007 - qui restent importantes pour limiter « localement » les effets de l’Europe ultra-libérale de Maastricht-Nice - je soutiens que les Verts ne tiendront leur place, qui peut être hégémonique à gauche, que s’ils savent incarner la synthèse entre cette « bonne volonté du Non », et le sens tactique et politique de ceux qui, au nom des mêmes valeurs, ont fait le choix de voter Oui, et s’ils savent proposer des solutions crédibles dans les marges de manœuvres beaucoup plus limitées que 10 ans auparavant. Je ne vois aucun des candidats verts déclarés qui en soit là, et je n’en suis pas là.
En octobre 2005, il est clair que la réalité présente, c’est l’Europe du Non, c’est-à-dire l’Europe de ceux des dirigeants européens dont aucun analyste sérieux n’a jamais douté que leur souhait était la victoire du Non : Blair, Barroso, Bolkestein. C’était eux le plan B, ils ont gagné une bataille, mais ils n’ont pas gagné la guerre. Ce sont eux qui ont la main, et nous devons organiser la résistance, face à eux, à leurs directives, à leur volonté de supprimer 70% des moyens de la politique agricole, etc
Je le fais au poste qui m’a été assigné par les Verts et par les électeurs. Comme tu peux le constater sur mon blog, Jean-Michel, même si notre programme de travail pour la transformation sociale s’est drastiquement réduit par rapport à ce qu’il aurait été en cas de Oui, cela me laisse un boulot écrasant qui suffit largement à mon bonheur.
Dimanche 30 octobre 2005 à 11h28mn44s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve101#forum384
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Alain,
le fait que tu produises une réponse argumentée à mon post mérite déjà respect !
C’est d’ailleurs une constante verte qu’il faut saluer : la possibibilité à chaque adhérentE de s’exprimer, le devoir que se donne chaque éluE à rendre compte ... Tu en es, Alain, une confirmation. Encore merci.
A l’heure où je t’écris, je sais que continuent à faire rage des exactions en banlieues. Les VertEs sont au front, com’ d’hab’, mais ne seront pas médiatiséEs, hélas et encore, com’ d’hab’ !
Bref, pour en revenir à ta riposte à mes propos, j’ai seulement l’envie dans l’instant de te renvoyer ce que je t’avais déjà écrit, le 18/02/05,en réponse à tes propos disant que " L’horreur économique absolue serait bien sûr d’avoir voté Oui à Maastricht et Non au TCE. mais c’est logique : Nice est la fixation de Maastricht."
Je t’avais répondu ( NDLR : dans quel autre parti que les Verts, trouve-t-on des échanges comme celui qui suit ? Des échanges possibles entre des adhérentEs basiques et leurs représentantes : les Verts ( confer Libé qui a déjà fait de nombreux articles sur cette spécificité partidaire) ont développés et continuent à le faire , des moyens de liens permanents entre les adhérentes, entre les éluEs et les militantes.).
Je disais donc, après cette aparté, que je t’avais répondu :
"Serai-je une horreur économique absolue ? :-)
J’ai voté "Oui" à Maastricht" et voterai "Non" au TCE.
A Maastricht, en 92, nous étions dans un contexte où, d’abord, les Verts étaient encore loin de leur positionnement actuel ( encore sur un ni-ni ), où les qualités de l’Europe n’étaient encore que globalement négatives aux yeux des citoyens, que l"appartenance à cette entité était encore d’une extrème fragilité bien relayée par les tenants indéfectibles de l’Etat-Nation Providence. Souvenons-nous des arguments déployés alors pour les afficionados du Non ...C’était terrible et surtout franchement anti-européen !C’est ce qui m’avait conduit à voter "Oui", malgré aussi une analyse très critique de Maastricht ....Ce n’était pas sur le détail du traité que j’avais voté OUI , mais sur la conviction que Maastricht permettait d’améliorer le sentiment d’appartenance à un identité européenne mieux affirmée ( monnaie unique, ...).
Pour le TCE, je voterai Non. Là non plus, par sur l’analyse intrinsèque du TCE, article par article, pour aboutir effectivement à dire " TCE=moins pire que Nice", mais sur la conviction qu’à un moment donné, il faut savoir dire "STOP", "c’est plus possible". Comme j’ai dit "Stop" à mon adhésion à la CFDT après 22 ans de bons et loyaux services en Mai 2003. Car à trop vouloir accepter le compromis, le "moins pire", on y perd son âme et sa raison d’être ! Et que le moment présent, même si dire "Non" ouvre des portes incertaines sur une éventuelle renégo du Traité + favorable à ma conscience politique, je suis convaincu que nous n’aurons pas de sitôt , dans l’hypothèse du "Oui", une nouvelle "fenêtre de tir" !
Bref, dans mon "état " actuel , je ne supporte plus l’argument rabaché " le TCE sinon Nice".Car c’est réduire à bien peu ce qui nous anime collectivement, et nous transcende au-delà des textes ...
très cordialement, même à Alain, car 3 mois en arrière, j’étais moins affirmatif ! "
Ben voui, trois mois en arrière, ( nov 2004) j’avais répondu Oui au référendum d’Attac sur le TCE ! Comme je m’abstiens aujourd’hui de renouveler mon adhésion 2005 à Attac qui s’est largement fourvoyé au-delà de son objectif ( éducation populaire) au profit d’une ligne flou, et dont Nikonoff n’apporte que dangerosité !
Perso, je ne regrette nullement mon NOn, car je l’ai malaxé, réfléchi, confronté. Derrière un p’tit oui possible, j’ai voulu crier un grand NON !
Perso, je n’ai jamais espéré un soulèvement populaire hexagonal pouvant influer rapidement sur le cours de l’Europe ... 2015/20 était déjà une échéance lointaine pour inverser le cours de notre histoire locale (Europe). J’ai été fort déçu, je le concède, par la manif post-référendaire de mi-juin, car cette manif qui, pour moi, devait être le prolongement de la dynamique du Non. Mais, présent, je n’ai vu qu’une manif terne, faible dans ses "actionnaires", avec un PCF très absent, une LCR très dissiminée, des PS totalement exsangue com’ d’hab !, des Verts qui avaient choisi la descence de ne rejoindre la manif qu’en cours de route ( République-Bastille). Allez, si l’on était 1500, c’était le maxi ! Bien inférieur à 95 quand j’étais République, avec ma pancarte "Chirac,fous-nous la Paix" suite à la reprise des essais nucléaires !
je m’égare, je sais ...
J’ai eu cet aprèm 1 de mes fistons au tèl. Et nous avons parlé de toi ! :-) Ni en bien, ni en mal. Seulement sur le fait que c’est vraiment "atroce" qu’une personne com’ toi ne soit pas apte à mettre son ego de côté, ego à recoudre, pour tenter, a minima, de comprendre - et surtout intégrer -le vote noniste ...
Car le vote noniste, c’est un vote d’espoir ....
Très cordialement
JMi P ( vert Bourgogne)
Mercredi 9 novembre 2005 à 00h14mn53s
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Cher Jean-Mi
Puisque ma mise au point était "finale", je ne vais pas y revenir.
Seulement sur l’élément nouveau, "ego".
Je pense comme toi que le respect mutuel entre militants et élus ou responsables (qui ne sont d’ailleurs à leur poste que de passage) fait partie de l’éthique des Verts. A ce titre je me suis très souvent assis sur mon ego.
Crois moi donc que si je reste fidèle à la décision majoritaire des Verts et leur analyse, ce n’est ni formalisme ni ego. Je pense, j’éprouve dans ma vie quotidienne, que le boulonnage de l’Europe dans Maastricht-Nice par le Non au TCE est une véritable catastrophe. Au contraire, je te rappelle que le PE s’était engagé à utiliser dès le 2 novembre 2006 son nouveau pouvoir d’initiative constitutionnelle pour initier la reforme suivante.
Mais tout cela n’a plus aucune importance, nous sommes dans Maastrict-Nice, les Français l’ont choisi par referendum (2 fois) et maintenant faut survivre avec.
Amicalement.
Mercredi 9 novembre 2005 à 20h36mn35s, par Alain Lipietz
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