Le complexe du petit frère
Vendredi 24 juillet 2009
Au bout de cette année éprouvante, mais qui s’est est achevée par ce mois de juin enthousiasmant, je retrouve enfin les randonnées autour de Serre-Chevalier. La première quinzaine de juillet, j’ai pu mesurer les difficultés que vont devoir affronter les Verts et les écologistes après le succès du 7 juin, notamment lors des débats à la fête-bilan d’Europe-Ecologie, à St Ouen le 4 juillet, et au cours de plusieurs réunions internes des Verts. Un premier test,intéressant, où j’ai eu l’honneur d’être invité à participer en soutien, fut l’élection municipale partielle d’Aix-en-Provence. Et, peut-être un contrecoup ? le départ des Verts de Martine Billard, que j’ai ressenti très douloureusement. Nous digérons peu à peu les responsabilités nouvelles que nous ont confiées les électrices et les électeurs, encore précipitées après le 7 juin par le processus ahurissant d’implosion du PS. Ces responsabilités, il faut l’admettre, intimident terriblement les Verts. Comme à la disparition d’un père ou d’un grand frère : cette impression d’être désormais en première ligne et de ne pas être prêts. Comme un petit frère qui pouvait se permettre bien des choses parce que le grand frère assurait le train-train. Maintenant, on est des grands, il nous faut à la fois assumer l’audace, et rassurer. Oui, nous avons l’ébauche des solutions face aux crises qui ravagent le monde, oui, cela demande un effort collectif, mais on y arrivera tous ensemble. À mon avis, les Verts n’ont pas de raison d’avoir peur : si la majorité des électeurs progressistes eux–mêmes nous ont fait confiance, c’est qu’ils nous ont reconnu au moins une capacité de diagnostic, et d’être seuls porteurs d’esquisses de solutions. En 2006, j’avais renoncé à me présenter aux primaires vertes pour la candidature à la Présidence de la République, parce que je ne voyais pas les solutions aux crises qui s’accumulaient. Je ne pas sûr que nous y voyons plus clair aujourd’hui, mais c’est bien les écologistes qui y voient le plus clair. C’est probablement toujours comme ça… De fait nous sommes devenus la « force dirigeante » du camp progressiste. Dirigeante en ce sens que c’est à nous de faire de propositions. Qui ça nous ? les écologistes politiques. Et dedans, les Verts, qui en tant que force organisée doivent eux-mêmes jouer un rôle de proposition vis-à-vis des héritiers d’Europe-Ecologie. Car c’est un point très clair de tous les débats avec les partenaires non-verts de cette aventure : ils et elles veulent bien, non, ont très envie de continuer à « faire de la politique » avec nous face aux multiples crises qui désarment la vieille gauche, mais ne veulent pas entrer dans un parti politique. Pas question pour eux de faire d’Europe-Ecologie un NPE, un Nouveau Parti Ecologiste. Que les Verts prennent leurs responsabilités et animent un réseau à géométrie variable d’engagements politiques où se retrouvent associatifs, syndicalistes, personnalités intellectuelles et culturelles. La théorie de cette « chose » n’existe pas, il va falloir continuer à improviser. Je pense que sur ce point les associatifs doivent donner leur avis, moi je suis depuis trop longtemps un militant du parti Vert. Les Verts sont pour la plupart d’ex-associatifs ou syndicalistes qui ont compris qu’on a besoin d’un parti pour faire des synthèses, animer des luttes, représenter dans les institutions. Que le « rôle dirigeant » de ce parti est de faire la synthèse des idées et de les re-proposer aux partenaires, pour qu’ils les fassent leurs ou les modifient. Comment ces partenaires se structurent eux-mêmes, dans leur action avec les Verts (étant entendu que leurs associations et syndicats sont eux-mêmes des lieux d’élaboration, mais souvent plus spécialisés et qui doivent rester indépendants des choix tactiques difficiles d’un parti), c’est à eux d’en décider. Dans « mon coin », le Val de Marne, nous avions la chance qu’existe dans plusieurs communes des collectifs d’une « gauche citoyenne » qui travaillaient localement, mais politiquement, en partenariat avec les Verts. Un modèle pas très loin de ce que nous avons fait dans Europe-Ecologie, où ces militants locaux nous ont souvent rejoints. Exemple de difficulté, pour eux et pour les Verts : beaucoup de Verts (pas tous) sont très clairs sur la nécessité d’aller dans les institutions, car il n’y a plus de temps à perdre face, par exemple, à la crise du climat. On ne « laisse pas passer un tour » volontairement, car pendant ce temps (pour prendre cet exemple particulièrement « cumulatif » de crise, mais c’est tout aussi vrai pour le chômage), l’effet de serre s’accumule et c’est irréversible. Où les associatifs en sont-ils face à ce que cela implique ? Comme l’a dit Dany Cohn-Bendit à St Ouen, « aux régionales nous serons autonomes au premier tour et chercherons des alliances avec la gauche et s’il le faut le centre pour gagner au second tour. C’est aussi évident que le jour se lève le matin et se couche le soir. La question est de savoir si l’aube est prometteuse et le soir glorieux ». Autrement dit : seront nous capables au premier tour d’offrir un débouché politique progressiste, et les électeurs nous donneront-ils les moyens de construire au second tour une alliance qui permettent de battre la droite et de s’attaquer sérieusement à la crise économique, sociale, environnementale. La façon dont Europe-Ecologie a distancé le MoDem est sur ce point très prometteuse. Que beaucoup de citoyennes et citoyens sans appartenance politique particulière, déçus de la gauche et de la droite, aient attendu « quelque chose du centre », c’était bien naturel. Ce qui importe c’est qu’ils nous aient finalement donné la prime, prime à ceux qui « traitaient le sujet ». À terme, cela nous permet d’espérer renverser la majorité de droite sans confier au centre la direction des opérations. Mais il reste beaucoup d’électeurs déçus de la gauche et de la droite et qui pour cela voteront encore au centre ou à la « gauche de la gauche ». C’est pourquoi il faut parler avec tout le monde, de l’extrême gauche au Modem. Dire aux premiers : « D’accord, d’accord, les socialistes sont nuls, mais on n’a pas le temps de traîner, on fait ce qu’on peut déjà faire avec la volonté populaire là où elle en est ». Dire aux seconds : « Bon, vous êtes méfiants, mais vous allez voir, ce qu’on va faire avec vous, ce sont les toutes premières étapes de l’indispensable, et on compte bien que vous ferez les pas suivants avec nous ». Se pose alors la question de la « crédibilité », qui ne se réduit pas la justesse des propositions, mais englobe la confiance qu’inspirent ceux qui les formulent. Tous les Verts, convaincus ou pas, ont joué le jeu pendant la campagne d’Europe-Ecologie. Ils sont ainsi apparus comme au service des gens. Les chamailleries internes, maintenant, c’est les autres. Mais les électeurs veulent encore plus : « Savez vous FAIRE les choses que vous proposez ? » Un atout énorme dans la campagne EE est qu’elle a mis en valeur les militants (verts ou associatifs) « de l’externe », ceux qui essaient de résoudre les problèmes en passant les alliances nécessaires. Y compris avec le PS. D’où la critique de Dany, à St Ouen, contre ceux des Verts qui se sont empressés de taper sur le PS une fois acquis un succès dont ils n’avaient guère été les artisans. Dans les multiples réunions débats auxquelles j’ai participé dans cette campagne, j’ai été frappé par la forte présence, à la tribune ou parmi les intervenants, de vice-président-e-s vert-e-s de région, des maires adjoint-e-s, bref de militant-e-s que les gens (qui en majorité n’étaient jamais venus à un meeting vert) connaissaient pour leur travail à leur service. Je suis maintenant retraité, mais si j’ai un conseil à donner aux écologistes et aux Verts pour les régionales, c’est de faire des listes conduites par des personnalités de ce genre, pouvant incontestablement (aux yeux de l’électorat) diriger une Région, et déjà un peu reconnus pour leur rôle en faveur de la région. Il suffit de choisir parmi les meilleurs des vice-présidents sortants, ou parmi des animateurs régionaux d’associations ayant conduit des batailles importantes. Et, autour de celles-ci ou ceux-là, des personnalités régionales qui se sont déjà fait reconnaître dans les médias par leurs propositions et leurs actions publiques. En deux mots : des « efficaces » et des « icônes ». Fuir comme la peste les « équilibres de courants internes ». Un exemple : je pense qu’en Ile de France (région où Europe-Écologie a obtenu presque deux fois plus de voix que le PS), la vice-présidente verte sortante chargée « de l’aménagement du territoire, de l’interrégional, de l’égalité territoriale et des contrats régionaux et ruraux » et en pratique, pour les médias, surtout du Schéma directeur de la région, Mireille Ferri, connaît aussi bien la région que le président socialiste sortant, Jean Paul Huchon, dont la réélection est très incertaine. Je pense qu’elle ferait une excellente tête de liste. Pourtant elle n’est pas de mon courant et pas même de la majorité actuelle des Verts !! **** Bon, il se fait tard, il faut dormir avant les randonnées… Je n’ai pas perdu la mauvaise habitude de rogner sur mon sommeil pour travailler. Je savais bien que la retraite vous enlève toute protection contre les sollicitations. Je subis un tas d’amicales pressions pour être moi–même tête de liste dans telle ou telle région, ou candidat à telle ou telle législative partielle. Mais je défends becs et ongles mon projet de livre sur Mallarmé, ce qui ne m’empêche pas de faire des articles d’écologie, comme celui-ci sur la dimension « nord sud » de la conférence de Copenhague. Je vous parlerai donc une autre fois d’Aix et de Martine…
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