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Accueil  > Vie publique > Alain Lipietz et les Verts > X-Ecologie : objet politique à respecter et à élargir. (http://lipietz.net/?article2463)

par Alain Lipietz | 28 juillet 2009

Bulletin du courant « Ouverture, Audace, Imagination » des Verts
X-Ecologie : objet politique à respecter et à élargir.
Journées d’été 2009, Nîmes

Les Verts français ont dû s’y résigner : ils ne seraient pas un parti de masse. À chacun de nos succès, on lançait des campagnes de recrutement, on parlait de « 30 000 » adhérents : bernique. Déjà qu’en France il n’y a pas de parti de masse comme dans les social-démocraties nordiques. Mais les Verts sont vite apparus comme le parti de ceux qui n’aiment pas les partis, et qui, même membres des Verts, disent « les politiques » en parlant des autres.

Ce n’est pas une caractéristique propre de l’écologie politique comme vision du monde, mais plutôt la trace de ce fait que la naissance des Verts (1984) accompagne la crise de la « forme parti » et de la représentation politique.

Et pourtant les écologistes se sont dotés d’un parti (et à certain moment de plusieurs). Parce que c’est indispensable : 1. pour débattre et faire une synthèse des idées traversant la nébuleuse de l’écologie politique ; 2. pour mener des campagnes de mobilisation et de luttes ; 3. pour entrer dans les institutions et coordonner les politiques publiques menées à différents échelons. Remarquons que le premier objectif peut tout aussi bien être rempli par un club, le second par une association. Le troisième est presque spécifique à la « forme parti », et ce qui la caractérise surtout c’est qu’elle poursuit les 3 objectifs en les articulant en permanence.

Débattre et choisir une position, mener des luttes en conséquence sur le terrain et dans les institutions : nous nous plaignons plutôt que Les Verts n’aient pas une telle cohérence. Il faut comprendre que pour les « inorganisés » de notre mouvance, c’est au contraire cette cohérence qui les détourne d’adhérer ! Ils ou elles se disent écologistes et sont « mobilisés » par telle ou telle bataille (de terrain ou législative, voire même diplomatique, comme par exemple la lutte contre la loi Hadopi ou pour un bon accord à Copenhague), mais refusent qu’un parti leur dicte une position sur tout. En cela ils participent au rejet général de la « forme parti ». Ils veulent s’en tenir, « à la carte », aux objectifs de niveau 1 ou 2. Le problème c’est que, du conseiller municipal au député européen, l’élu-e doit avoir des positions sur tout en fonction d’un point de vue écologiste, et rendre compte de ses choix devant les électeurs : sur la construction d’une mosquée, le tracé d’un TGV, la loi anti-foulard, le dépassement du traité de Maastricht par le TCE, l’intervention au Kosovo…

Pour contourner le problème, les Verts ont expérimenté : réunissant des Etats Généraux de l’Ecologie Politique, des Conventions Vertes, des « 3 heures pour l’écologie », organisant quantité de colloques au niveau de leurs groupes parlementaires (« co-élaboration » selon l’objectif 1), intervenant le plus souvent au travers de collectifs ad hoc pour mener des campagne (fronts écologistes et solidaires pour l’objectif 2), et sporadiquement offrant des « postes d’ouverture » aux élections. Sur 20 ans, je peux témoigner que nous y avons gagné une très bonne image dans les associations : « les Verts bossent avec nous ».

Europe Ecologie a vu un saut qualitatif : nous avons invité des associatifs, syndicalistes, intellectuels, à faire campagne avec nous pour être ou avoir des élus avec nous, sur une échéance ponctuelle, mais très importante (objectif 3) . Et ça a marché. La formule des « X-Ecologie » (d’ailleurs souvent pratiquée au niveau municipal, avec d’étonnants succès comme à Montreuil) est-elle donc la potion magique, par exemple pour les porchaines élections régionales ?

D’abord il faut bien en voir le principe : justement ne pas faire de X-Ecologie un parti, mais en même temps utiliser un parti (les Verts) comme noyau de « service », en quelque sorte, pour assurer la coordination et le suivi.

Ensuite il faut en respecter les limites. Les associatifs et syndicalistes d’Europe Ecologie pouvaient en être des responsables parmi les plus importants, ils n’engageaient pas leur structure. D’ailleurs, là où les comités de base EE ont fonctionné, ils n’attiraient pas particulièrement Greenpeace, FNE ou la Confédération paysanne, mais souvent d’autres associatifs, d’ailleurs souvent informels (« geeks » informatiques, artistes…), séduits par la démarche. Cet « effet de démarche » , renforcé par la qualité de nos réponses aux associations qui nous adressaient des questionnaires, a d’ailleurs pesé, discrètement, d’un grand poids : sans s’engager, bien des assoces faisaient passer la consigne de « voter EE ».

Il est tout à fait possible que, dans les prochains tests locaux, des associations souhaitent s’engager formellement, mais ne brusquons rien.

En revanche, c’est à nous de faire l’effort de diversifier les « représentants du monde associatif, syndical ou professionnel ». EE a visé, pour faire simple, les associations de défense de l’environnement. Mais déjà Eva Joly symbolisait les plus vastes préoccupations de l’écologie politique (contre la mondialisation sauvage…) Aux élections régionales, au moins deux types de militants doivent être nettement plus présents.

D’abord les représentant s de l’économie sociale et solidaire, et plus généralement les « artisans de bonheur », du « vivre ensemble », y compris les associations des quartiers de relégation, les féministes... C’est un milieu qui se reconnaît déjà largement comme représenté par l’écologie politique, parce que la gauche classique l’a abandonné, mais aussi parce que leur démarche entre en résonance avec l’écologie politique dans son sens le plus profond.

Plus difficile mais décisif est le milieu syndical. C’est la grande nouveauté : EE a obtenu le premier vote progressiste chez les ouvriers, le premier vote tout court chez les employés. La crise nous a aidé : les écologistes n’étaient plus les ennemis anti-productivistes de l’emploi, mais ceux qui avaient prophétisé que CES emplois n’étaient pas soutenables, et qui dorénavant proposent une « conversion verte » de l’économie, mieux que crédible : nécessaire. Nous avons su montrer que, pour faire décroître l’empreinte écologique, il fallait faire croître certaines activités et même le total de l’activité (dans l’agriculture, le bâtiment, les transports, la formation, la recherche).

Cette prise de conscience (on en a eu cent témoignages dans la campagne), est diffuse à la base, plus articulée chez les militant-e-s des syndicats, des CE. Les prochaines échéances seront l’occasion de la concrétiser.




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