Ouf, ça a été moins pire que si ça avait été pire ! N’exagérons rien, le gros de la vague bleue était déjà acquis le 10 juin, et le 17 ne pouvait être qu’un correctif, mais quel correctif ! Les Verts gagnent un quatrième député, Juppé tombe. Pas mal.
Jeudi, journée hyper-chargée. Déjeuner à Paris avec quelques camardes Verts du courant « ZEP » qui souhaiteraient que je me réinvestisse davantage dans la reconstruction d’une écologie sociale. Je leur explique la lourdeur de mes charges et la démobilisation relative qu’a entraîné chez moi le virage du 13 mai : je laisse le soin à de plus jeunes que moi de repositionner les Verts à gauche. Ce qui n’empêche pas, loin de là, de chercher à « rallier le centre » et les grandes associations, même non-radicales, qu’il s’agisse des chrétiens ou des environnementalistes. Ils s’affirment d’accord avec cette stratégie.
Les chrétiens justement… Le successeur de Michel Camdessus à la tête des Semaines Sociales de France, Jérôme Vignon, me demande d’intervenir lors de leur prochain grand raout de novembre. Pareillement, je dois à la fin de la semaine rendre un devoir de vacances pour la revue des jésuites, Projet : « Quand le rapport de l’homme à la nature change de nature ».
Mais je ne peux le faire ce soir car l’après-midi est particulièrement chargée. Après étude minutieuse du plan de métro, cela apparaît jouable.
Donc, premier rassemblement à Marie Curie (Ivry) avec les enfants et les parents de l’école de la fille de Dimitru et Tatiana. Ils sont moldaves. La mère est interprète internationale, leur fille est parfaitement intégrée et en tête de sa classe : un cas d’école pour la FCPE et le Réseau Éducation Sans Frontière. Le matin même, les copains du Val de Marne ont réussi à bloquer l’expulsion aérienne de Dimitru. Il est passé en jugement pour résistance à la force publique, mais ayant fait appel, il a un petit délai. La manif s’ébranle, enfants en tête. Je bavarde avec le maire-candidat aux législatives, Pierre Gosnat, (héritier d’une vieille dynastie communiste ! Et très optimiste pour le tour suivant), qui en profite pour me fait visiter sa ville.
Je lui fait observer : « Tout ça, c’est la faute à Staline ! - Comment ça ? - Si Staline avait laissé la Moldavie (la « Bessarabie ») à la Roumanie en 1945, comme il était historiquement légitime, Dimitru serait aujourd’hui Roumain et citoyen de l’Union européenne ! ». Nous continuons à deviser sur les incroyables transformations des confins est-européens.
Du métro Mairie d’Ivry au métro Montorgueil, ça va nettement plus vite que prévu. J’ai le temps me promener autour du gymnase où a lieu le meeting de Martine Billard. Ca s’annonce assez bien : des gens, me reconnaissant, me disent qu’ils ne viennent pas au meeting car de toutes façons, ils ont déjà voté pour « la Verte », et recommenceront dimanche. On me paie même un coup à boire !
Martine tenait à ce que je vienne au meeting pour parler de… la Constitution ! Elle avait voté Non, j’avais voté Oui, mais elle voulait que j’explique qu’on voulait tous la même Europe, même si nous avions eu des divergences tactiques sur le référendum.
En voyant arriver les auditeurs, je comprends la complexité du problème : Martine a réussi à construire une très vaste coalition, des bobos et des people jusqu’aux communistes. L’enjeu est évidemment de rallier l’électorat Modem sans perdre celui, beaucoup plus petit, du PC et de l’extrême gauche. Pour ce qui est du Modem, on s’y active depuis des semaines depuis le Parlement européen ! Plus particulièrement, je viens d’envoyer (après consultation de notre candidat Vert sur la même circonscription, et lecture attentive de la liste des candidats « à ne pas soutenir » établie par la direction des Verts), un message de soutien à Jean-Marie Cavada.
Les communistes, cornaqués par leur fringante candidate, occupent bien un quart de la salle, au fond. Beaucoup de visages chenus, qui ont eu des difficultés à grimper jusqu’au deuxième étage… C’est extrêmement émouvant pour moi de voir le vieux parti communiste à bout de souffle (en tout cas dans le centre de Paris), reporter ses espoirs sur une Verte, venue de l’extrême gauche anti-stal, et qui l’est un petit peu restée.
Bon, je me tire comme je peux de cette histoire de Constitution, comme je l’avais fait pour Initiative Catalogne Verte, mais je rappelle aussi que, même très minoritaire, une députée Verte comme Martine a été capable de gagner des batailles, au moins pour une nuit, à l’Assemblée nationale. C’est vrai qu’il y a chez Martine un aspect « chèvre de Monsieur Seguin »… C’est pourquoi je l’aime bien.
On m’a fait passer en premier chez Martine à cause de mon rendez-vous suivant : un débat à Sciences-Po sur les SIEG à la même heure ! Quand j’arrive à Sciences Po, c’est à peine commencé. Une petite salle est pleine, qui suit avec sérieux - et quelques années de retard - le débat : « Mais enfin, pourquoi cette mise en concurrence des SIEG en Europe ? » Je leur expose une brève synthèse de mes deux articles, celui sur l’aspect concurrence et celui sur l’ aspect compromis social des SIEG.
Dans le courant de la discussion, je m’aperçois que, depuis la France, on confond le débat sur les SIEG (qui sont essentiellement pour l’Europe les services « en réseau », où il est question de faire circuler les électrons français sur les câbles allemands ou les trains allemands sur les rails français), et le débat sur les services publics locaux (eau, ordures ménagères, etc) qui relèvent plutôt de la problématique des appels d’offres et des partenariats public-privé ou public-public.
Vendredi samedi dimanche, je m’attelle à mon devoir philosophique, [la réponse à Projet, bientôt ici en ligne.
Et dimanche soir tombent les résultats du second tour. Je suis sur FR3 Ile de France, entre un PS et un communiste, face à Valérie Pécresse (Ministre de la recherche), et un Nouveau centre. On savoure évidemment le « rééquilibrage », l’élection des 4 Verts (bravo Martine, Yves, Noël et François !), la bonne tenue du PC, la remontée des socialistes, et, petite satisfaction, la baisse systématique des chevènementistes. Grosse satisfaction personnelle : la baffe que prend Arno Klarsfeld qui, après avoir tenté de saboter le procès Papon (voir le livre de Maître Gérard Boulanger), est devenu avocat de la SNCF à New York et poursuit de sa hargne mon père et les derniers rescapés de la Shoah.
Les journalistes et mes deux collègues de gauche s’accordent à dire que tout ça, c’est la faute à la TVA sociale. Je mets les choses au point : les Verts sont pour la TVA sociale, entendue comme un transfert de l’assiette des cotisations, notamment patronales, de la masse salariale vers la valeur ajoutée, plus la déductibilité à la frontière. C’est un moyen de « faire cotiser les profits et les machines », c’est aussi un moyen de découpler le niveau de la protection sociale et la compétitivité : le Danemark, qui fonctionne ainsi, s’en porte très bien ! Mais le problème, c’est que Fillon, en couplant cette réforme à de massives réductions des impôts pour les riches, a trop laissé voir une manœuvre sordide : augmenter la TVA sous prétexte social pour compenser ses baisses d’impôts. Et ça, ce n’est pas passé. Le problème, c’est que ça tue dans l’œuf le projet très utile de TVA sociale.
Nous savourons aussi la défaite de Juppé : je souligne que, loin d’être le bon Ministre de l’environnement qu’il prétendait être, il a commencé sa brève carrière en autorisant un maïs OGM que l’Allemagne vient d’interdire en raison de sa dangerosité. Valérie Pécresse bondit : « En tant que Ministre de la recherche, je ne peux pas vous laisser dire ça ! » Ca promet…
Je discute à la sortie avec un des responsables de la chaîne. Il y a peut-être un nouvel effet « mandat unique » qui apparaît : même les Bordelais ne souhaitent plus voir leur maire au gouvernement dans un poste important. Plutôt une bonne nouvelle.
La carte de la France devient très impressionnante. Tout le Sud-Ouest et, semble-t-il, les grandes villes, sauf Marseille, reviennent à gauche. En revanche, l’Est semble perdu pour longtemps. Il est probable qu’il y ait là un effet absorption du Front national par la droite, mais il y a aussi l’effet des profondes divisions géographiques du Modem. Là où l’électorat Modem est de droite, il a permis l’élection des députés de droite dès le premier tour. Et là où cet électorat est prêt à basculer à gauche, il a viré sa cuti à l’occasion de ce second tour…
Donc, vous vous mettez en "jachère" du parti vert. Vous savez que vous en etes la (seule ?) référence "intello". Partout dans les blogs verts la démobilisation s’ajoute à la fragmentation. Ca prend l’eau de toute part, l’hydropisie menace. Il faut commencer par guérir le cerveau et la langue, car c’est là que ça pèche (le bon docteur Voynet l’avait bien dit) ; votre silence risque de peser lourd. Les verts sont un parti de diplomés scientifiques. il faut évidemment le rendre populaire mais aussi l’ouvrir aux autres diplomés, ceux qui sont issus des disciplines humanistes. Il n’y a qu’à voir le silence assourdissant qui a fait suite à l’article du sociologue Bruno Latour dans libé. Vous disiez, non sans raison, que la culture française issue des Lumières avait du mal à intégrer les problématiques vertes, mais le parti vert aussi n’a pas su s’ouvrir aux chercheurs issus des sciences humaines (et les jeunes comme vous dites ne sont pas forcément les plus ouverts). Tenez bon, car... y’a plus que vous. Populaire ne veut pas dire simpliste, et serieux ne veut pas dire technique ; il n’y a pas que les valeurs des verts qui doivent être "humanistes", mais le discours aussi, la phrase, les idées... en lien constant avec le précieux savoir accumulé dans les milieux associatifs. Soyons sérieux, soyons concrets, soyons critiques, soyons lyriques !
Vendredi 22 juin 2007 à 10h27mn12s
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Je n’ai pas l’impression d’être en jachère ni d’être silencieux (peut-être faudrait-il préciser sur mon blog non seulement ce que je fais - et je ne raconte pas tout- mais le temps que ça prend ?). Mais je trouve que je travaille un peu trop pour quelqu’un qui a passé sa vie à prêcher les 35 heures et la RTT. Il serait temps de mettre mes actes en accord avec mes idées… et consacrer un peu de temps libre à ce dont j’ai vraiment envie. Comme un livre sur Mallarmé…
En plus, je me demande s’il est vraiment possible de rester « intello » -et même simplement intelligent - tout en étant investi dans les batailles internes de parti (quel que soit ce parti, et les Verts ne sont pas les pires, quoi qu’on en dise).
Par ailleurs c’est un fait que la plupart de nos jeunes ou nouveaux adhérents, quand ils sont scientifiques, viennent des « sciences dures » et de l’informatique, et qu’il en fut toujours ainsi chez les Verts, et que les « jeunes intellos de sciences sociales », même s’ils se sentent proches des Verts, n’ont pas trop envie de s’y investir. Il y a une vraie crise de la représentation politique progressiste, dont témoigne l’échec, à mon avis grave, des adhérents à 20 euros, qui sont entrés au PS pour peser sur la désignation et la campagne de Ségolène, à lui faire dire quelque chose de convaincant.
Mais ils n’avaient peut-être rien à lui faire dire, c’est pourquoi je n’en veux pas trop à Ségolène. J’ai écrit ailleurs que, « dans le silence assourdissant des intellectuels », elle s’était bricolé une idéologie. Quand on pense que c’est Dominique Méda, auteure de « La fin de la valeur travail », qui était chargée de lui trouver des réponses à l’offensive de Sarkozy sur ce thème !
Mais dans ce cas c’est à une crise encore plus profonde, une dépression de la pensée réformatrice en France, qu’on aurait affaire. La campagne du TCE, et le silence radio des vainqueurs « nonistes » jusqu’à aujourd’hui, je veux dire pendant ce sommet européen d’aujourd’hui 22 juin, en est un triste symptôme.
Vendredi 22 juin 2007 à 13h34mn33s, par Alain Lipietz
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Je suis ravi de lire quelque chose de nuancé sur l’affaire de la TVA sociale et encore plus ravi que cela vienne de ta plume. Dimanche dernier j’étais évidemment soulagé de voir que la gauche se ressaisissait mais ce soulagement était un peu terni par l’analyse présentée partout, sans doute à raison, de l’impact du débat sur la TVA sociale sur le vote.
La TVA sociale n’est sans doute pas la panacée, mais dans un monde globalisé elle mérite bien qu’on y réfléchisse deux secondes sans se raidir de manière pavlovienne. Ce n’est certainement pas dans le programme de la droite ce qu’il y a de plus contestable. La loi sur les heures sups est mille fois plus perverse. Effectivement, si elle compense l’impôt sur le revenu, c’est un scandale, si c’est les cotisations sociales ça se discute !
Je trouve un peu optimiste ton analyse du vote des français qui auraient su séparer la bonne TVA sociale de la mauvaise prônée par Sarkozy. Je crois plutôt que, pour se refaire, une partie la gauche a habilement agité des vieux chiffons rouges. Toutes proportions gardées, cela me fait penser au débat sur le TCE.
Y a-t-il un espoir de gagner en assumant la complexité du monde et en présentant des solutions qui prennent en compte cette complexité ? Ou sommes-nous condamnés à la politique spectacle, la politique simpliste, la politique du JT de 20h ?
Vendredi 22 juin 2007 à 04h05mn20s, par François Labat
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Mais je crois que les électeurs ont vraiment perçu comme un "paquet " la franchise sur les remboursements, la hausse de la TVA sociale ou pas, et les cadeaux fiscaux aux riches, ceci étant financé par cela. Il n’ont peut être pas fait la distinction entre la bonne TVA et la mauvaise TVA, mais ils ont donné une première sanction à la mise en oeuvre du programme économique de Sarkozy, pas spécialement sur la TVA sociale.
Cela dit, c’est depuis des années un cauchemar d’avoir à expliquer cent fois que la TVA n’est pas forcément de droite, et c’est vrai que ça ressemble au théatre sur le TCE... Y compris avec le rôle de Fabius agitant le drapeau rouge.
Vendredi 22 juin 2007 à 19h48mn55s, par Alain Lipietz
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Comment ont voté les Français sur les fourrures de chiens et chats ?
Info sur le blog très intéressant, c’est vrai, de Richard Corbett - si vous qui m’avez donné son nom et je vous en remercie. Lui aussi a l’air de bien faire son travail de député comme Andrew Duff et Jean Lambert.
Amitiés
Aucune idée de ce que « les Français » ont voté sur les fourrures, je ne suivais pas ce dossier. Si c’était en vote « nominal » (c’est-à-dire électronique mais enregistré), on peut l’avoir par le site du parlement.
Sur le texte de Dany, j’irai peut-être ou non à Tours, selon mon état de fatigue, mais a priori ce qui me frappe c’est l’absence totale de proposition ou même de diagnostic sur l’état de la société, la « dépression » française.
Quant à Corbett, c’est en effet l’un des bons travaillistes du Parlement…
Amicalement
Vendredi 22 juin 2007 à 13h45mn04s, par Alain Lipietz
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Que pensez-vous du mini-traité de ce matin 4 heures ?
Je sais, je vous presse ! Prenez votre temps pour un billet élaboré mais une première impression en 3 ou 4 phrases ?
Merci pour votre réponse concernant Dany.
Cordialement
C’est un moyen de « faire cotiser les profits et les machines »
Ca fait plusieurs fois que je lis ça chez vous et que j’essaie de comprendre.
J’ai l’impression que ceci ne peut être juste que si les prix n’augmentent pas. Mais s’ils augmentent il me semble que ça sera de nouveau les salaires qui paient non ?
Merci de votre réponse
Mercredi 20 juin 2007 à 15h25mn48s, par Julien
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Supposons que globalement, les salaires représentent deux tiers de la valeur ajoutée, et qu’il n’y ait ni exportation ni importation. Pour remplacer, euro pour euro, une baisse de 3 points des cotisations sociales assises sur le seul salaire, il faut une cotisation supplémentaire de 2% assise sur la valeur ajoutée (je ne m’occupe pas ici de la déductibilité à la frontière qui est le principal argument en faveur de la TVA sociale).
Supposons que deux techniques existent pour produire des chemises : une à forte intensité en main d’oeuvre, l’autre à forte intensité en capital. Si le capitaliste cherche à imposer le même taux de profit sur la totalité de son capital (= coût salarial + machines), la part du profit dans la valeur ajoutée (= coût salarial + profit) est plus forte dans la technique la plus capitalistique.
Un basculement de 3 points de cotisation assise sur les seuls salaires vers 2 points de cotisations assises sur la valeur ajoutée aura pour effet de diminuer le prix de la technique la plus intensive en travail et d’augmenter le prix de la plus capitalistique. Cet effet mathématique est désigné de façon imagée par « faire payer aussi les machines et les profits ».
Cela ne « sauvera » pas forcément la première technique, mais, dans les cas où la différence de coût hors prélèvements sociaux est faible, cela peut rendre la première technique (celle intensive en travail) plus compétitive.
Si en plus on tient compte de ce qu’une TVA est déductible à la frontière alors que la cotisation sociale ne l’est pas, on comprend qu’un pays comme le Danemark, qui finance l’essentiel de sa couverture sociale par la TVA, puisse se spécialiser dans les industries de main d’œuvre très qualifiée et très bien payée, tout en ayant la meilleure protection sociale d’Europe. En France au contraire, le financement de la protection sociale par des cotisations assises sur le seul salaire pousse artificiellement les employeurs (en plus de toutes les autres raisons, telles que se débarrasser de potentiels grévistes) à « remplacer systématiquement les hommes par des machines ».
Vendredi 22 juin 2007 à 19h13mn35s, par Alain Lipietz
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Pour la déductabilité d’accord il n’y a rien à objecter là dessus. Bien que vous savez et il me semble vous êtes le premier à le dire le facteur coût des produits dans la concurrence est quand même fortement à relativiser.
Pour ce qui est de la fiscalisation de la cotisation sociale, ou pour le dire autrement l’élargissement de l’assiette, je vais peut être faire du marxisme d’école primaire mais on peut avoir des objections. Peut importe comment on regarde la chose, in fine la valeur vient du travail et c’est elle qui est taxé et il parait normal qu’elle soit taxé au plus prés là ou ça se voit au niveau du salaire sur la feuille de paie. La seule logique de taxer les profits vient quand celui ci dégage du sur-profit celui qui n’est pas reinvesti et dans ce cas l’état peut le taxer et jouer son role d’investisseur à la place des actionnaires ou des banques qui le récupérerait autrement. C’est l’impot sur les sociétes qui taxent explicitement le sur-profit. Quant à la TVA j’ai pas l’impression qu’elle va faire la distinction entre le sur-profit et le profit et dans ce cas elle peut aussi mordre sur l’investissement dans les industries à forte capitalisation. De plus la forte capitaliation ca veut aussi dire a fort contenu de travail fortement qualifié (celui qu’on voudrait favoriser). Ainsi c’est ce travail là le plus hautement qualifié qui est taxé plus ....
Mais est ce le but ? (peut être un transfert de charges des bas salaires vers les gros salaires ?)
Bref je trouve qu’avec la TVA on s’y perd pour savoir qui au bout du compte paie.
Les cotisations colle au salaire là ou il y a la véritable distribution et véritable lutte avec le profit et donc c’est clair.
Pour reprendre un slogan auquel j’adhére : "la meilleure taxe sur les profits c’est le salaire !"
Lundi 25 juin 2007 à 05h07mn13s, par Julien
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Alors c’est beaucoup plus simple. La Sécurité sociale est un système qui offre essentiellement vers le salariat des dépenses en nature (soins) ou en argent (aides aux familles, au logement, retraite) prélevées sur la valeur ajoutée des entreprises capitalistes. C’est donc une part du « capital variable » (un « salaire différé » si l’on veut). Les Verts se battent pour que ce soit un droit de « tous les résidents » (et non des cotisants) mais statistiquement ça ne change pas énormément.
Cette part du capital est prélevée selon un taux sur une assiette : le salaire direct.
Si on change l’assiette en prenant l’ensemble de la valeur ajouté (salaire plus profit), les effets vont être puissamment redistributifs vers le salariat, même à dépenses sociales égales (c’est vrai aussi pour la CSG : expérience en vraie grandeur à l’été 1997). En outre, il est connu par la théorie de la transformation de la valeur en prix de production que plus une industrie est lourde (plus le capital fixe est important) plus la part du profit augmente par rapport au salaire, donc plus cette industrie sera affectée par ce changement d’assiette.
Enfin, il n’y a pas de lien ferme théorique ni empirique entre le caractère capitalistique d’une industrie et la qualification de ses salariés. Les très capitalistiques (chimie, nucléaire) organisent d’ailleurs depuis l’origine une segmentation entre les qualifiés (« à elles ») et les non qualifiés (sous traitants). Comme la VA est concentrée dans le profit des firmes dominantes il n’est dès lors pas gênant de « bien payer » les rares ouvriers et donc de bien les former. Ce qui est d’ailleurs une autre raison pour changer l’assiette des cotisations.
Mardi 26 juin 2007 à 10h15mn12s, par Alain Lipietz
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Convaincant en effet. Mais finalement est ce que ça revient pas un peu avec la proposition de chirac y a un peu plus d’un an d’asseoir les cotisations sur la valeur ajouté totale ? Un peu aussi comme ce que propose la CGT avec la modulation de ces cotisations en fonction de la masse salariale ?
Mercredi 27 juin 2007 à 07h50mn11s, par Julien
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Mais bien sûr ! Depuis 1992 les Verts se battent pour la TVA sociale, comme beaucoup d’associations de chômeurs et beaucoup d’économistes. De temps en temps, depuis 15 ans, un homme politique (Arthuis, Chirac) fait mine de reprendre le flambeau. Comme je l’ai rappelé, le premier passage à l’acte fut sous Delors (avec la CSG puis le RDS, non-déductible à la frontière puisque prélevés après le partage de la valeur ajoutée entre les agents, mais assis sur l’ensemble des revenus).
L’idée de rendre les cotisations salariales « modulables » en fonction de la masse salariale me paraît intéressante mais je ne savais que la CGT la proposait et je n’en vois pas très bien la logique, pourriez vous m’éclairer ?
La TVAS reste proportionnelle, simplement elle fait aussi contribuer les profits (et les machines , selon les règles de l’amortissement et de la formation du taux de profit)… et elle est déductible à la frontière.
Vendredi 29 juin 2007 à 07h14mn44s, par Alain Lipietz
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Ce que j’en comprends c’est qu’on a des cotisations avec des taux variables, plus haut dans les entreprises qui ont une faible masse salariale. Mathématiquement (économiquement) ca revient sans doute au même. Politiquement c’est différent. La cotisation reste assise sur le travail, elle est constitutive du salaire.
Pour reprendre une citation de Franklin Roosevelt (vu dans le livre de Michel Husson "Les cassseurs de l’Etat social")
Favorable à la retraite par répartition, il déclara à un journaliste qui lui suggérait de financer les retraites par l’impôt : Je suppose que vous avez raison sur un plan économique, mais le financement n’est pas un problème économique. C’est une question purement politique. Nous avons instauré les prélèvements sur les salaires pour donner aux cotisants un droit légal, moral et politique de toucher leurs pensions […]. Avec ces cotisations, aucun fichu politicien ne pourra jamais démanteler ma sécurité sociale.
Vous avez bien compris que la CGT cherche à avoir des cotisations assises sur l’ensemble de la VA, faisant payer à la fois les salaires, les profits et les machines, comme le proposent les Verts depuis 15 ans (et à l’époque ce n’était déjà pas original).
Mais pour les raisons que je vous ai expliquées la CGT ne veut pas le dire ! et elle maintient la fiction que l’assiette resterait le salaire direct, mais modulé par la part des profits et la part du capital fixe. Comme vous dites, mathématiquement ça revient au même (en faisant abstraction l’aspect déductibilité de la TVA) . Mais politiquement c’est profondément réactionnaire (surtout pour une organisation qui a inscrit l’« Abolition du salariat » sur son blason.)
Depuis longtemps le Conseil d’Etat reconnaît que les droits sociaux sont des droits de la personne humaine résidente et non du salarié cotisant. C’est évidemment aussi la position des Verts.
Les Verts admettent que le cas des cotisations retraites salariées peut être distingué : on n’est pas prêt de découpler le salaire du revenu de vie active !
Quant à la citation de Roosevelt, qui fait de la retraite un droit de type propriété privée donc inviolable par un « fichu politicien » (c’est à dire par un renversement de législation : ce grand homme avait des faiblesses populistes), c’est en effet une option. Cela s’appelle la capitalisation (et non la « répartition » : n’importe quel fichu politicien comme Fillon peut modifier les paramètres d’une retraite par répartition). La retraite est dans ce cas garantie non par un mécanisme politique de prélèvement sur la valeur ajoutée du moment , mais par le droit de propriété privée par lequel des « fonds de pension », propriété collective des salariés, alimentent les pensions des retraités par les dividendes perçus sur « leurs » propriétés.
Ce mécanisme fait actuellement l’objet d’énormes critiques. Ou bien les fonds de pension arrivent à extorquer à des entreprises la plus value nécessaire au paiement des pensions (et on hurle au pillage des entreprises existantes) ou bien ils n’y arrivent pas et font faillite (c’est ce qui arrive en cascade actuellement aux USA)
On ne peut évacuer totalement le débat sur la capitalisation, surtout en France, 2e pays mondial pour la capitalisation (chez nous ça s’appelle « assurance-vie »). J’ai organisé jadis un colloque sur ce sujet : http://lipietz.net/spip.php?rubrique31.
En gros, si on veut un système partiellement « rosseveltien » , il faut que les fonds de pension « surcomplémentaires » soient gérés par les mutuelles (ou les syndicats).
Mais tout cela nous éloigne de la TVA sociale…
Lundi 2 juillet 2007 à 07h29mn00s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve244#forum1644
How is it that just anybody can write a blog and get as popular as this ? Its not like youve said anything incredibly impressive —more like youve painted a pretty picture over an issue that you know nothing about ! I dont want to sound mean, here. But do you really think that you can get away with adding some pretty pictures and not really say anything ? =-=
Jeudi 16 juin 2011 à 09h56mn31s, par Raphael
lien direct : http://lipietz.net/?breve244#forum3958
Au sujet de la TVA sociale : d’accord pour ne plus faire peser le système de solidarité sur le travail, mais pourquoi le financer par la TVA, plutôt que par l’impôt sur le revenu, qui a l’avantage d’être progressif, et plutôt faible en ce moment en France ?
Mardi 19 juin 2007 à 17h25mn01s, par Linca
lien direct : http://lipietz.net/?breve244#forum1617
C’est une tres vieille histoire. Les partenaires sociaux, et en particulier les syndicats, sont tres hostiles à l’idee de meler le circuit de financement de l’Etat et celui de la Secu, bien qu’une première barrière soit tombée avec la CSG "affectée" (sous Delors). Ils pensent que cette separation justifie la cogestion de la Secu (ce qui n’est pas si évident).
Ensuite la progressivité de la contribution sociale par rapport au revenu serait une révolution. On s’y achemine par étapes mais c’est très long : d’abord toutes les cotisations ont été plus ou moins "déplafonnées" (il a fallu une quarantaine d’années). Ensuite on a essayé (sous Jospin) de rendre la CSG progressive par un abattement à la base. Ce qui fut retoqué par le Conseil constitutionnel, sous le prétexte que l’atome contributif est le salarié pour la cotisation sociale et le ménage pour l’impot. D’où le bricolage de la "prime à l’emploi".
Pour le détail de cette affaire très compliquée, vous pourrez voir mon livre "Refonder l’espérance".
L’avantage de la TVAS (ou plus exactement d’une cotisation sociale sur la valeur ajoutée) et de la CSG c’est que la "forme" existe deja et qu’on n’a pas à faire avaler en plus l’idée de la progressivité. CSG et TVA ont au moins l’avantage (sur la pure cotisation sociale) de ne pas porter exclusivement sur le travail.
Il est tres dur de réformer les compromis sociaux de 1945-46 !
Mercredi 20 juin 2007 à 12h47mn26s, par Alain Lipietz
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Merci de votre réponse qui clarifie votre position...
Mais justement n’est-ce pas la régréssivité perçue de la TVA Sociale qui a eue les effets électoraux qu’on a vu ? Les syndicats sont sans doutes pour garder la maîtrise des rentrées des cotisations, mais j’ai l’impression que cette caractéristique de notre système n’est pas forcément très connue. En suivant les actualités, les campagnes électorales, on pourrait croire que c’est le gouvernement qui gère le système social...
Peut être justement un système progressif permettrait de faire passer la pilule de cette réforme des compromis de la Libération. (Et surtout, je vais donc lire votre livre... :)
Vendredi 22 juin 2007 à 10h14mn53s, par Linca
lien direct : http://lipietz.net/?breve244#forum1622
Je ne sais pas au juste ce qui empêche la CGT et surtout FO d’accepter depuis plusieurs décennies une fiscalisation des cotisations, hormis l’argument que je vous ai rappelé, qui est contestable mais qui est le leur. Je crois cependant qu’ils pensent sincèrement être « mieux » défendus comme gestionnaires paritaires si le financement de la Sécu n’est pas noyé dans le budget de l’Etat. Je vous rappelle que, pendant ces décennies, ces mêmes syndicats ont défendu des cotisations plafonnées (donc dégressives !!) et qu’il y a encore 10 ans ils s’opposaient au basculement vers la CSG (qui, tout en n’étant « que » proportionnelle, fait au moins contribuer les profits net)… Je doute donc fort que la caractère proportionnel de la TVA ait eu la moindre influence sur leur réticence : la cotisation assise sur le seul salaire est de loin le plus injuste de tous les prélèvements obligatoires, avant même la Taxe d’habitation.
Il est exact que le caractère paritaire de la gestion de la Sécu est de moins en moins évident, surtout pour le grand public, mais cela représente un nombre incalculable d’emplois de permanents syndicaux.
Je ne pense pas non plus que ce soit le caractère proportionnel de la TVA sociale qui ait provoqué le « ressac » du second tour, mais le fait que d’abord la droite avait gagné direct au premier tour (au second tour ne restait donc plus que les cas tangents, ceux qui demandaient le ralliement à gauche de l’électorat Modem) et surtout la prise de conscience du lien entre les énormes cadeaux fiscaux annoncés (bouclier fiscal, héritage, etc) et l’annonce de la hausse globale de la TVA sous prétexte de TVA sociale. Tout le monde, et moi le premier, a compris que le rééquilibrage du Budget de l’Etat se ferait par hausse de la TVA destinée à CE budget (et là c’est une régression sociale), sous le masque du transfert des cotisations sociales vers la TVA (qui est une mesure plutôt progressiste).
(Et tant qu’à lire mes livres, c’est surtout dans dans "La société en sablier" que se trouve le plaidoyer pour la TVA sociale. "Refonder l’espérance" raconte plutôt l’échec de la gauche plurielle à rendre la CSG progressive)
Vendredi 22 juin 2007 à 19h23mn05s, par Alain Lipietz
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