Début du détricotage
Jeudi 2 juin 2005
Raz de marée « Non » en Hollande. Le mal qui, depuis des années, taraudait ce pays autrefois le plus tolérant du monde, éclate au grand jour. La discussion n’a pas du tout porté sur le plombier polonais ou l’absence de l’avortement dans la constitution. Comme dans l’écrasante majorité du Non français, la motivation est claire : il y a trop d’étrangers aux Pays bas.
Beaucoup avaient complètement oublié que le problème numéro 1 de l’Europe n’est pas le caractère insuffisant des avancées du TCE par rapport à Nice, mais la montée épouvantable de deux types de populisme à travers l’Europe :
– le populisme type Le Pen, des ouvriers précarisés ou réduits au chômage, ceux qui se sentent aspirés vers le bas comme des grains de sable dans la « société en sablier ».
– le populisme de type autrichien, suisse, flamand, « panonien » (nord de l’Italie), celui des riches qui ne veulent pas partager avec plus pauvres qu’eux.
Le TCE représentait la timide contre-offensive des « solidaires », treize ans après le traité d’Union économique et monétaire de Maastricht, treize ans de triomphe du modèle libéral de construction de l’Europe (dix-neuf même si on compte l’Acte Unique). Le paradoxe, c’est que ces treize ans ont suffi à rendre extrêmement difficile une renégociation qui ne soit pas une aggravation (comme à Amsterdam ou à Nice) du traité de Maastricht, car Maastricht a créé les conditions d’une opposition populaire à l’idée même d’Europe. Je l’avais dit à l’époque de ma campagne contre Maastricht, et répété dans chacun de mes livres ultérieurs : Maastricht est un vaccin anti-Europe. La seule antidote aurait été une Europe digne d’être aimée. Le TCE en ouvrait la voie, mais ça ne se voyait pas au premier coup d’œil. Et l’alliance des souverainistes d’extrême droite, de droite ou de gauche, et des sociaux-libéraux, les pères justement de Maastricht et de Nice (comme Laurent Fabius), a réussi à barrer la route à cette alternative.
Je reçois un mail désolé de ma fille cadette. Son compagnon (Bosniaque de Sarajevo) lui glisse par dessus l’épaule : « Eux, au moins, ils ne se tuent pas entre eux ».
C’est vrai que si nous avons fait l’Europe, c’est parce que nous en avions marre de nous entretuer depuis deux mille ans. Mais les responsables de la désagrégation de la Yougoslavie, en 1988, savaient-ils où ils allaient ? Dans le débat franco-hollandais sur le TCE on a parlé des Polonais comme les Serbes parlaient alors des Bosniaques, on a parlé de l’Espagne comme les Slovènes parlaient alors de la Macédoine, on a parlé des Turcs comme tous parlaient des Kosovars.
Quant au groupe Vert au Parlement européen, nous avons décidé de transformer la réunion du 27 juin, qui devait travailler au premier amendement promis par le Parlement européen pour le lendemain de l’adoption du TCE, en réunion de brainstorming avec les acteurs sociaux (Confédération européenne des syndicats, Ligue européenne des droits de l’homme, grandes associations de protection de l’environnement etc) pour voir comment stopper le détricotage. L’Europe a un bas en échelle, va falloir remmailler.
Ah, oui, le gouvernement est formé. Et Chirac à 20%, 3 ans après avoir été élu à 80%. Quelque part, il y a longtemps, j’ai aussi parlé de « sud-américanisation de la France ».
Forum du blog
Il y a 18 contributions à ce blog.
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Bonjour,
Je pense que vous faites une erreur a vouloir faire une lecture du scrutin en fonction des affinités politiques de électeurs. Ses affinités politiques sont par essence trés instable et des recompositions importantes peuvent avoir lieu. En particulier le vote FN est un vote qui concerne en partie des électeurs potentiellement de gauche qu’il faut justement absolument regagner. Je trouve plus pertinent l’analyse sociologique qui elle est sans appel. Au plus on descend dans les classes sociales et la précarité au plus on vote non. Le peuple de gauche("en "potentiel") vote non. Le message est clair et je pense que le role des parti est de représenter leur électorat, et de donner au vote le sens que les électeurs en attende. C’est un vote contre le néo-libéralisme et le sens de ce vote n’a pas echappé aux altermondialistes du monde entier. C’est un vote contre le néo-libéralisme et résonne comme les gréves de 1995 et comme tous les manifestations contre les G8,OMC
Il faut maintenant rapidement capitaliser sur cette victoire symbolique et au passage a mon avis en France passer a la VIeme république. Le régime est en crise c’est le moment ou jamais. Les verts devraient etre en premiére ligne sur ce combat.
Samedi 4 juin 2005 à 10h49mn26s
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je vous joins les infos "qui etes vous" pour le précédent post.
"analyse sociologique". J’avais oublie de les mettre
Merci,
Julien
Samedi 4 juin 2005 à 13h32mn35s, par julien
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Que le néo-libéralisme corseté par les traités de Maastricht Nice soit terrible pour les travailleurs, j’aiété des premiers à le dire. Que l’on nous ait imposé "d’en rester là" (à ces traités) laisse pantois. Pour le comprendre on ne peut s’en tenir à l’analyse des intérêts objectifs (objectivement, pour les services publics et l’environnement, donc pour les intérets des plus pauvres, le TCE est meilleur que Nice), mais il faut prendre en compte la façon dont le vote populaire est influencé par ses leaders et par les "affinités politques". Et là les prises de position politiques reprennent leur droit. Si Le Pen et Fabius avaient appelé à voter Oui, vous croyez vraiment que le résultat aurait été le meme ?
Bon maintenant si pour l’Europe c’est fichu (vous avez remarqué qu’à J+7 aucun leader du Non ne parle plus de renégociation) il reste en effet du pain sur la planche au niveau français.
Lundi 6 juin 2005 à 15h58mn11s, par Alain Lipietz
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Cher Alain,
J’espère que vous n’avez pas manqué l’étude relativement exhaustive d’Hervé Le Bras dans Libération, où de nombreuses cartes soutiennent l’hypothèse suivant laquelle le vote "non" se superpose aux régions votant traditionnellement à gauche, et non aux régions où le FN reçoit usuellement le plus de votes.
c’est là : http://www.liberation.fr/page.php?Article=300741
Je ne partage pas non plus les allusions à une Europe qui refuserait la paix, précisément — comme je suis un peu paresseux ce soir, je me contenterait de recopier les propos d’Arnaud Montebourg dans le Monde d’hier,
[Comment analysez-vous l’ampleur du non ?]
" Comme une gigantesque prise de pouvoir des citoyens européens de France sur la construction européenne. Ils ont rejeté une Europe qui, au lieu de les protéger, les expose à une forme de compétition sauvage et sans règle entre salariés, entre systèmes de protection sociale et niveaux de service public. Après avoir fait la paix, civile et militaire, l’Europe ne pouvait pas consacrer dans une Constitution l’ouverture d’une guerre économique et sociale. Les électeurs ont confié aux dirigeants européens un mandat de renégociation dans ce sens."
Bien cordialement,
CR
Vendredi 3 juin 2005 à 22h56mn45s, par Camcom
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Cher(e ?) Camcum
Il ne vous a pas echappé que les cartes du "malheur ouvrier " que montre fort bien Le Bras sont aussi celles du vote FN. Là où le vote FN n’est pas celui du malheur ouvrier (Vaucluse) le Non est encore plus fort.
La question n’est pas là. La sociale-démocratie (Fabius, Montebourg et d’autres avant ou avec eux) nous a enfermés dans la prison de Maastricht-Nice. Le TCE etait un petit, tout petit trou pour en sortir. Ils ont réussi à convaincre une partie de la gauche de voter avec Le Pen pour ne pas essayer d’en sortir. Maintenant, s’ils étaient sincères, c’est à eux de montrer les moyens d’en sortir. Pas en décrivant comme ils l’ont toujours fait le paradis derriere la porte, non, mais en indiquant comment on sort. Mais on ne voit touours rien venir, sinon qu’ils s’en moquent. On s’en doutait un peu.
Relisez Montebourg : "l’ouverture d’une guerre economique" !! L’ouverture !!! et les traités qu’il a voté, et qu’il nous a invité à garder, ils ne l’avaient pas ouverte bien avant , cette guerre economique ? où etait-il ces 20 dernieres années ?
Quant à vouloir la paix... qui a jamais voulu le contraire ? Ma réponse à mon gendre est que ceux qui ont fait éclater la Yougoslavie voulaient aussi la paix.
Samedi 4 juin 2005 à 00h08mn06s, par Alain Lipietz
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Cher Alain,
En citant Montebourg je recyclais avec facilité un bout de texte déjà prêt qui rejoignait mon propos — j’avais oublié qu’en nommant l’auteur, je lui donnais simultanément de l’autorité ; ça m’apprendra...
Bref, supposons que la phrase soit de moi, j’aime cet argument, aucun crédit à Montebourg, ses amis, et à leur passé. Donc, ’disais-je’, "on a fait la paix civile et militaire et on ouvre, voire on grave, la guerre économique". A quoi vous semblez répondre, "on ne l’ouvre pas, il y avait Maastricht-Nice avant, alors pourquoi transiger ?"
D’une part, je plaide non-coupable pour Maastricht, 12 bougies à l’époque (et 25 aujourd’hui) (sic), et une large majorité de 18-29 ans s’est prononcée pour le non cette fois-ci... donc des gens à qui on ne peut pas reprocher d’avoir accepté Maastricht et de refuser le TCE. Nice était une affaire de gouvernements. Enfin, la perception et les effets du libéralisme (notamment bruxellois) ont énormément évolué depuis 1992. Si la question est, "préférez-vous le T(C)E à Nice", la réponse pourrait être effectivement oui. Si la question est, voulez-vous une construction européenne qui ressemble à ce TCE, la réponse est non. C’est de cette manière que, entre autres, la commissaire suédoise Margot Wallström semble avoir interprété le "non" (avec son « plan D » comme « démocratie » : "« pour répondre à la crise de confiance actuelle », explique-t-elle, fidèle à la tradition social-démocrate nordique, il faut surtout « renforcer la démocratie en Europe, être plus ouverts, plus transparents, montrer aux citoyens que nous les avons compris et entendus, et qu’ils ont leur mot à dire »" in Le figaro du 3 juin).
D’autre part, et précisément parce qu’il faut mettre un terme à cette construction-là, je ne crois pas que "le TCE [soit] un petit trou pour s’en sortir", i.e. "votons-le, on changera des choses plus facilement après". C’est à mon avis un gros pari. Je ne vois pas comment on aurait pu changer le TCE dans quelques années. Supposons en effet que d’ici là, on ait 15 Etats prêts à réformer, disant à l’unisson, "on ne veut plus de cette constitution" (alternativement : "on ne veut plus de telles portions de cette constitution"), avec un argumentaire qui vise à sortir du consensus malaimé de Maastricht-Nice. On se souvient qu’on a eu un TCE pareil à cause de rapports de force qui faisaient grosso modo qu’on avait obtenu les parties I et II au prix de la partie III. Cette partie III plaît donc à plusieurs Etats, et est même la condition à laquelle ils étaient prêts à accepter les parties I & II. Quel intérêt ces autres Etats, qui seraient dans ce futur proche réfractaires à un changement de constitution (puisque celle-ci leur est aujourd’hui favorable), auront-ils à accepter d’abandonner leur pouvoir d’unanimité ? puisque le droit les y autorise ? puisque ce sera se moquer d’eux que de leur dire alors que l’unanimité n’est pas un si grand mot, et que c’était juste pour faire joli ? aura-t-on un meilleur pouvoir de négocier à ce moment-là, en imposant à certains pays de faire fi de leur avantage au moins juridique ?
Soit : ça pourrait tourner comme les Articles de Confédération étatsuniens très imparfaits, requiérant l’unanimité et qui se sont transformés 10 ans plus tard en jolie constitution (réduite de 13 à seulement 7 articles), avec l’approbation des 13 Etats, tous d’accord pour ratifier le nouveau texte. Admettons qu’il ne s’agit pas du tout du même contexte ni des mêmes intérêts, et que j’ai de bonnes raisons d’être dubitatif en ce qui concerne les 25 Etats d’ici sur ce genre de happy end.
Ce qui est critiqué, c’est justement l’incapacité à penser une constitution qui laisse de la marge de manoeuvre à tous les Etats, plutôt que de vouloir embarquer tout le monde dans une barque où chacun se chamaille pour garder la barre. Les 50 E.-U. en question ont beaucoup moins d’articles, la même langue et la même culture (comparativement), et se chamaillent pourtant régulièrement à propos de l’influence fédérale, même 200 ans plus tard... Si déjà on se contentait de moins d’articles, plus minimaux, on aurait peut-être plus facilement un consensus. Et si on doit n’être que 15 ou 20 au début sur ce consensus, pour avoir un TCE acceptable par 70 % de la population dans les 15-20 Etats, pourquoi pas : on ne demande pas à tout le monde d’adhérer à l’euro en même temps. Une construction davantage bottom-up, c’est plus sympa !
Enfin, si pour l’instant on ne voit rien venir de ce genre ; hé, un compromis de cette taille ne surgit pas en 10 jours — en votant non je ne m’attendais pas non plus à ce qu’un nouveau texte parte à l’imprimerie nationale la semaine d’après... comme me l’ont signifié plusieurs amis ouistes après le vote, "maintenant, au boulot !". Damned, parti comme c’est, il va falloir s’encarter rapidement...
Quoiqu’il en soit (et je me range dans la catégorie des pro-européens fédéralistes, dont je veux bien croire qu’elle est largement minoritaire), on ne va pas faire une Europe pré-fédérale avec au moins 30% de souverainistes un peu partout — c’est plutôt imprudent, même si c’est vraiment triste. De même, j’aurais eu du mal à considérer que 54% de Oui (e.g.) auraient pu donner le droit de ratifier une constitution qui n’est modifiable dans les meilleurs des cas avec une majorité qualifiée, et plutôt en général à l’unanimité... S’il faut précisément une majorité qualifiée pour modifier un texte, au prétexte entendu qu’il est fondamental et qu’on ne peut pas le modifier à la légère, on s’accordera à ce qu’il faille une majorité qualifiée pour l’accepter. C’est plus sain, non ? et c’est valable là aussi pour la prochaine constitution...
Mais il faut être pragmatique, la fin, pas les moyens ?
bien cordialement,
CamcOm, n.m.
Dimanche 12 juin 2005 à 13h31mn19s, par Camcom
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Bon, on arrive à un debut d’accord : entre le TCE et Nice il aurait fallu voter Oui parceque Non=Nice... Il est parfois trop tard pour bien faire. Le fait que vous n’ayez pas voté Maastricht et Nice "en leur temps" n’a aucune importance. Vous avez eu l’occasion de choisir souverainement le 29 mai entre le TCE et Maastricht-Nice. Nous aurons surement un jour l’occasion de choisir entre Masstricht-Nice et une nouvelle proposition. Voterez-vous, voterai-je, pour ou contre ? ça dépendra de la proposition.
Ensuite, que le TCE soit plus réformable que Nice resultait automatiqement de la comparaison entre les articles 443, 444, 445 du TCE et l’article 48 (plus sec !!!) correspondant de Nice. D’où le scénario voté dès le 12 janvier par le PE (voir "Si le oui l’emporte" dont l’interet n’est plus qu’archéologique). Le passage à la règle des 4/5 était justement la reponse à la croissance du nombre d’Etats participants. (La suite et fin de votre message je ne la comprends pas tres bien)
Quant à la comparaison avec la constitution americaine, je pense que c’est une lourde erreur, que commet également mon amie Susan George, que de pousser trop loin cette comparaison. Les Etats qui se sont Unis le faisaient dans le mouvement meme de leur naissance. Puis ils se sont fait la guerre pour savoir si par exemple l’esclavage s’abolissait à l’unanimité ou à la majorité des Etats. Nous c’était le contraire : on s’est fait la guerre deux mille ans et on se posait la question, tout au long de la partie 3, de savoir ce qu’on voterait à la majo et ce qu’on voterait à l’unanimité. On a tranché : on en reste à Nice, c’est à dire plutot la position des "confédérés".
Samedi 18 juin 2005 à 11h41mn26s, par Alain Lipietz
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"Non=Nice" : Pourquoi réduire le résultat du référendum à sa seule logique immédiate, "TCE" ou-exclusif "Nice" ? Ne raisonnons pas à cadre statique, comme si le Non n’ouvrait pas sur autre chose que simplement Nice. Le Non se joue en deux coups. Pour le moment, c’est certes chaotique, mais ça permet d’expliciter les points de désaccord, au lieu de les étouffer par le compromis tendu du TCE. Par exemple, on entend que l’euro déçoit, voire déplaît — ah, c’est une nouvelle (pour moi en tout cas), triste, mais comment ça se fait ? n’éludons pas ce sujet, ni d’autres. Plus généralement, la crise politique actuelle en Europe montre à quel point l’édifice était bancal et mal construit (sans vexation), et à quel point d’ailleurs le Non n’ouvrait pas seulement sur "Nice" : Non=Nice+b.
J’admets que le TCE était davantage révisable que Nice (petit epsilon, mais >0). So what ? Ce n’est pas une raison pour dire oui à tout ce qui fait gagner epsilon (et perdre eta), à moins de croire fermement à l’équation "NON=ce qu’il y avait avant-qui-était-un-peu-moins-bien" — mais vous-même ne semblez plus y croire ("Nous aurons surement un jour l’occasion de choisir entre Masstricht-Nice et une nouvelle proposition", b), et c’est tant mieux !
Je suis convaincu que b sera bien plus enviable — et votre pari des petits pas qui pourraient converger dix, quinze ans plus tard (?) vaut bien celui-là (maintenant on n’a d’ailleurs plus le choix !).
Sinon, attention : je ne pousse pas la comparaison avec la constitution/construction étatsunienne univoquement : je dis précisément que je ne crois pas que cela puisse se passer aussi bien en Europe qu’aux E.-U. (ou ailleurs, nb). Que tous les Etats déjà-un-peu Unis aient accepté à l’époque d’abandonner les Articles de Confédération (révisables à l’unanimité) ne pouvait résulter que d’une profonde volonté commune.
C’était le sens de la "suite" (obscure ?) de mon msg : les Etats européens qui ont exigé dans le TCE des points qui "nous" dérangent (e.g. partie III), comme contrepartie de l’Europe politique des parties I et II, n’auront précisément aucun intérêt à accepter une constitution moins libre-échangiste, plus tard, dans 10 ans. Ces Etats s’opposeront à une révision de la constitution, ils en auront le droit constitutionnellement, et il sera très délicat de leur dire qu’en fait, tant pis pour eux. A moins d’espérer une happy end à l’américaine (par exemple), ce à quoi je ne crois pas, justement parce que je ne compare pas les pré-Etats-Unis aux Etats de l’UE (et l’épicerie actuelle semble me donner raison). C’était pourquoi j’affirmais que le TCE n’est pas le meilleur trou pour s’en sortir.
Plus généralement, et pour rebondir sur l’allusion à la guerre de sécession, l’histoire des fédérations (pas seulement américaine) nous apprend que les fédérations sont un objet très fragile, et qu’on ne fait pas durer sans un minimum d’enthousiasme populaire (et encore !). C’était le sens de la "fin" (obscure ?) de mon msg : (i) on ne peut pas se contenter d’un accord du bout des lèvres, 50.1% ; il faudrait 70% de votes populaires dans une majorité d’Etats (et la constitution pourrait s’appliquer temporairement dans ces Etats seuls), et (ii) de la même manière que pour l’euro, on pourrait penser à une construction bottom-up (progressive), avec une constitution simplement organique (et plus "subsidiariste") et seulement un "coeur" d’Etats (< 25) qui sont d’accord (ce point (ii) n’est visiblement plus très pertinent en ce moment, c’est dommage).
Encore une fois, même aux Etats-Unis (qui sont quand même convaincus de la construction américaine...), je crois fermement qu’on n’aurait jamais essayé de faire passer ne serait-ce qu’un bout de truc qui ressemblerait à la partie III dans la constitution, à mon avis à raison. Et pourtant ils sont moins farouches sur le libéralisme économique (mais davantage sur la démocratie...), et plus homogènes.
Quand vous dites, "nous c’est le contraire, on s’est fait la guerre, là on aurait été civilisés, on aurait voté", vous semblez dire (fais-je un contre-sens ?) que grâce au TCE il n’y aurait plus jamais eu de désaccords pouvant mener à une guerre ; mais, à la place, des votes, des consensus, et in fine la paix, la fin des divergences, avec rien qui ne puisse pas se résoudre au parlement sweet parlement. Mais combien de constitutions fédérales permettaient encore davantage de marges de manoeuvres, négociations, subsidiarité des Etats, et ont malgré tout amené à une guerre civile ?! comme si quelques articles (un bon contrat exhaustif) garantissaient la paix...
(by the way : l’esclavage était un motif pour la guerre de sécession — important certes — qui masquait mal des divergences bien plus profondes et plus agaçantes, notamment économiques (again)). Ce qui garantit la paix, c’est l’adhésion populaire commune à un projet commun. D’où, à nouveau, mon espoir des 70% d’Européens qui accueillent une constitution Européenne ("subsidiariste" et, rêvé-je ? un minimum fédérale). 70% semble une bonne masse critique...
...avec une autre constitution, bien sûr ; et moins ambitieuse dans un premier temps, s’il le faut.
Il n’est pas trop tard pour bien faire.
Au boulot ! (indeed) Et merci aux Verts d’avoir un discours sainement européano-centré anyway. Mais ça devrait se généraliser, là...
bien cordialement, CR
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ps/ pour info, il y a récurremment un "Fatal error : Call to undefined function : generer_url_forum_dist() in /data/www/l/i/pietz.net/html/inc-urls-standard.php3 on line 81" quand on poste un msg (le l/i/pietz.net peut-être) ; du coup on doute de l’envoi.
Dimanche 19 juin 2005 à 17h49mn02s, par CR
lien direct : http://lipietz.net/?breve60#forum262
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Ce que je disais (mais à quoi bon...) c’est que TCE = Nice + B, avec B suffisamment grand pour que qu’on vote Oui (Si TCE= à peu près Nice, on boycotte !!)
Voir le détail du calcul dans « Si le oui... Si le Non... » :- )
Et j’interromps le calcul à 2007 !
Vous me dite que la possibilité (quelle probabilité ?) d’avoir dans 10 ans Nice + b avec b>B (démonstration ? pourquoi pas b < B ???) vous suffit pour voter Non à Nice +B. Cela me stupéfie, quel que soit votre taux d’actualisation. Mais c’est peut-être une question d’age... J’espère que mes enfants (qui bien sûr ont voté Oui) et petits-enfants n’auront pas à payer trop cher votre choix de les faire attendre si longtemps.
Quant à la partie 3, mis à part le 122 (qui aurait changé le destin des services publics en Europe ) et le 271 sur la fondation du droit pénal européen (qui criminalisait le proxénétisme, malgré l’opposition de la Hollande), ce n’est rien d’autre que la liste, article par article, de ce qui change dans les procédures de vote, avec passage de « l’unanimité en conseil » à « la loi européenne ». La majorité et la codécision parlementaire devient la règle générale (avec encore trop d’exceptions). Si vous n’avez pas compris ça, je crains que vous ayez raté l’intrigue et la raison du rejet du TCE par 12 gouvernements sur 25. La première partie ne sert à rien sans la troisième.
Je suppose que vous plaisantez quand vous dites que dans 10 ans aucun gouvernement n’aura changé de position sur aucun de ses blocages sur la partie 3 et qu’on ne pourra pas utiliser les articles 444 et 5 (ils viennent pourtant de le faire lors de la reforme du pacte de stabilité, en mars). Sinon, comment envisagez vous qu’on sorte jamais de Nice ?
Quant à votre proposition, c’était celle des Verts : on vote dans tous les pays (mais à 70 % c’est une utopie, autant dire que vous préférez le souverainisme niçois) et en cas de majorité sur l’ensemble les pays, ceux qui ont dit non ont le choix ou de revoter Oui ou de passer à l’Espace Economique Européen, comme la Norvège. C’est ce à quoi revient votre « on ne leur applique pas la constitution », car par exemple ou bien leurs députés votent le volet dépenses obligatoires, dont la PAC (comme dans le TCE) ou ils ne le votent pas (comme dans Nice) et alors on les voit mal payer...
Pour filer la comparaison avec les USA, le TCE prévoit d’ailleurs le droit imprescriptible de sécession, ce que ne prévoit pas Nice.
De même l’élaboration de la Convention était enfin « bottom up », c’est pour ça que le résultat était bien meilleur que Nice.
De même votre point ii) était prévu dans le TCE.
Mais je ne vais pas vous casser les pieds avec tout ce que nous avons perdu. Vous avez tout mon site pour refaire vos calculs. Nous resterons dans le traité que vous préférez au nom de vos étranges mathématiques, et là-dedans nous continuerons à faire notre petit possible pour tenter de sauver ce qui peut l’être.
Lundi 20 juin 2005 à 01h50mn58s, par Alain Lipietz
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Avec une approbation référendaire généralisée du TCE, je pense que votre B aurait été bien plus petit que le b qui devrait surgir du Non, simplement et déjà parce qu’on aurait dangereusement éludé la remise en question généralisée qui a lieu en ce moment.
Nous avons une interprétation totalement opposée des délais : un nouveau TCE peut arriver vite, d’ici 3 ans, admettons (il en a fallu 4 pour le précédent pavé, et une partie du travail est déjà faite ; on a une idée du genre d’articles qui pose problème, de ce qui est admissible, ce qui ne l’est pas, etc.).
En ayant approuvé l’ancien TCE, je pense que vos petits pas n’auraient rien donné d’aussi significatif avant 10 ans, car via des joutes parlementaires (et quelle probabilité justement ?? cf. le slogan de Maastricht, "et demain l’Europe sociale !" ; dix ans plus tard, les petits pas n’ont pas donné mieux que Nice : Danke sehr !! — par un processus certes différent mais à mon avis équivalent, du fait des rapports de force).
Donc, oui, je dis que TCE=à peu près Nice, donc boycottons. C’est désagréable car c’est douter de la capacité des parlementaires actuels de bonne volonté (comme vous) à réussir à faire mieux que des petits pas, même avec l’arsenal du TCE (dont je ne remets pas les avancées en cause, re : les articles que vous citez pertinemment), dans le cadre où le Oui l’aurait emporté. Et je n’ai pas envie d’attendre dix ans de plus pour un résultat aussi pauvre. Sans vouloir cautionner ma (future) progéniture (svp).
Ensuite, je ne dis pas que dans 10 ans aucun gouvernement n’aura changé de position !! (ç’eût été une plaisanterie en effet !!! :-) ) Je dis que les — quelques ? — gouvernements (pas tous !) qui n’auront pas changé de position d’ici là n’auront aucune raison de se laisser faire. Et qu’il n’est pas certain que leur position, et pourquoi pas celle d’autres, ait changé dans un sens davantage social : là encore, je parie sur une nouvelle constitution tout de suite (d’ici 3 ans), plutôt que sur des petits pas qui pourraient bien, ou mal, tourner, d’ici 10 ans.
Surtout parce qu’en ce moment, le feedback populaire n’a jamais été dans une meilleure posture vis-à-vis de la voix des DG-* de la commission ; cf. entre autres Margot Wallström que je citais tantôt.
Mais je comprends qu’on puisse l’un et l’autre à présent se complaire longuement dans le contrefactuel... et j’aurais certainement été aussi suspicieux si le Oui l’avait emporté.
Plus généralement, je crois que vous éludez le danger de foncer tout de suite dans un compromis bancal, à l’issue incertaine (quels petits pas ? (*)), plutôt que de faire une petite pause (pourtant in fine moins longue que la voie du TCE, cf. supra) pour écouter l’avis, aujourd’hui négatif, des peuples sur leur vision de la construction européenne, telle qu’elle est après 50 ans. Et c’est bien les peuples qu’il s’agit d’embarquer dans ce projet (au demeurant fantastique).
50% d’approbation (et donc de rejet) serait aussi dangereux que 70% de Oui serait une utopie. Soit. Surtout avec ce genre de TCE. Mais ne me dites pas qu’on est incapable de trouver un projet commun qui enthousiasme vraiment, et simplement, plus de 50% (même 55%) des citoyens européens ! Ce serait si peu ambitieux, le projet mérite mieux.
bien cordialement,
CR
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ps/ je ne vois pas mon point (ii) dans le TCE ("une constitution simplement organique (et plus "subsidiariste") et seulement un "coeur" d’Etats (< 25) qui sont d’accord") Où est-il ? Ou alors ai-je mal exprimé mon point (ii) ?
(*) quels petits pas, i.e. quel genre de petits pas, en supposant que le TCE ait été approuvé, et donc que les représentants auraient pu loyalement en déduire que les peuples n’étaient pas tant choqués par la partie III — la remise en question de la complaisance libérale au sein du PS, et ailleurs, en ce moment, nous laisse penser que le Non a donné un signal contraire à celui qu’un Oui aurait donné. Y-aurait-il eu cette remise en question en cas de Oui ? Quelle interprétation du Oui sur le chapitre libéral ? Y-aurait-il eu alors une raison pour faire des petits pas anti-libéraux ?
Lundi 20 juin 2005 à 15h53mn27s, par CR
lien direct : http://lipietz.net/?breve60#forum266
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Je ne vois plus très bien l’intérêt de cette discussion. Le temps passe et vous semblez avoir totalement perdu la mémoire de ce monde possible dans le quel le Oui aurait été ratifié. Je vous rappelle qu’alors le "gain B" par rapport à Nice était défini (passage en codécision, dont le vote de la PAC pour 2007, constitutionnalisation de la charte des droits fondamentaux, art 122 sur les services publics, etc), à une date determinée, le 1er novembre 2006, et cela avec une probabilité égale à 1.
En face vous me faites le pari que vous aurez "dans 3 ans", en Juin 2008, un gain b supérieur à B. Je constate pour ma part qu’on n’en prend pas le chemin et je persiste à penser que votre pari est totalement irréaliste.
Nous sommes planté durablement dans l’Europe du Non , celle de Nice et de Tony Blair, beaucoup plus libérale que celle du TCE. Vous pouvez me dire "mais cette vallée de larme ultra-libérale n’est qu’une petite pause obligée pour arriver au paradis socialiste dans 3 ans". Desolé, Delors nous avait déjà fait le coup au moment de Maastricht.
Mais bon, nous verrons ! Rendez vous donc au 30 juin 2008.
Mercredi 22 juin 2005 à 18h32mn56s, par Alain Lipietz
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Il me semble que le "gain B" dont vous parliez concernait les avancées qu’aurait permises le TCE par la suite, pas simplement son contenu présent ("le TCE est un petit trou pour s’en sortir", sous-entendu : "regardez ce qu’on fera par la suite grâce au TCE").
Je suppose que vous plaisantez en affirmant que le "gain B" se réduisait à ce qu’apportait le TCE seul.
Si c’est effectivement le cas, ce "gain B" est sans hésitation bien plus faible que le "gain b" du Non ! — à moins de faire les calculs World-Bank-style (compter uniquement le gain des hopitaux, écoles, routes, etc construits, sans compter la perte due aux Plans d’Ajustement Structurel ; et l’analogie du TCE avec les PAS n’est pas gratuite).
Au crédit (immédiat !) du Non, on peut au moins mettre le vote sur les OGM, qui ne doit pas vous déplaire. "Au nom de la subsidiarité" a-t-on même osé dire. A moins qu’avec un Oui la commission ne se soit fait rembarrer de la même manière ? mais ce n’est pas non plus ce que semble en déduire le commissaire Dimas. (ni, précédemment et sur un sujet plus général, Margot Wallstroem).
Au crédit du Non, j’ajoute la gigantesque remise en question présente, que l’on aurait éludée. Et je l’aurais mise au débit du Oui. Mais apparemment vous n’y voyez pas un gain...
Au débit du Non, je mets la "vallée de larmes libérales" présente, certes. Mais le Oui l’aurait-elle évitée ?!!?? (et ne me répondez pas que, "si, justement, grâce au TCE (articles x, y, z) on aurait eu les moyens de changer ce libéralisme", parce que dans ce cas là le terme redevient "10 ans", et encore, pas sûr, cf. supra).
Je n’espère pas arriver au paradis socialiste dans 3 ans. Une constitution socialiste serait aussi tricher vis-à-vis de la droite, et je doute qu’on réusisse à faire mieux que 45 % de Oui avec ce genre de constitution. Encore une fois, on peut désirer un coeur de constitution, politique ; petite intersection d’intérêts communs — mais vraiment communs, et pas monnayés, par ex. Les accents subsidiaristes de ces derniers jours sont encourageants : une construction bottom-up, c’est un coeur de constitution, qui s’étaye peu à peu (7 articles, puis 10 amendements, etc., au fur et à mesure que les peuples se convainquent du projet commun). Pas un pavé qu’on essaye d’amender.
Passet vise juste à mon avis dans http://www.liberation.fr/page.php?Article=305465
Bien cordialement,
CR.
Lundi 27 juin 2005 à 12h32mn11s, par CR
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Je croyais avoir été clair dans mon calcul des avantages du Oui et du Non : je ne prenais en compte que les gains constitutionnels certains, puisqu’on votait une constitution. Le 1er Novembre 2006, on aurait eu le basculement de la majorité des domaines en codécision avec le parlement (y compris le vote des dépenses budgétaires donc de la PAC), la constitutionnalisation de la Charte, l’article 122 sur les services publics, etc. Bien sûr, il aurait ensuite fallu s’en servir pour la bonne cause, pour faire de bonnes lois et ça c’est une autre histoire. Il ne suffit pas qu’il y ait un petit trou, faut surtout mettre la pression.
Mais je vous ennuie, tout cela est si médiocre à coté du bond en avant fabuleux qui est en train de se mettre en place sous nos yeux grâce au Non...
Lundi 27 juin 2005 à 19h58mn21s, par Alain Lipietz
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Bonjour,
ainsi, il y a 62% de xénophobres aux Pays Bas. J’imagine que le Lipietz hollandais prétend qu’il existe 55% de fascistes en France.
Ravalez votre rancoeur, ce sont 20 ans de politique néolibérale de la commission qui sont ainsi censurés. Le mouvement va se poursuivre dans les autres pays où il y a un référendum.
Pendant la campagne des européennes, j’ai assisté à une réunion publique avec J-L Benhamias. Celui-ci avait alors affirmé à l’assistance que le parlement européen se transformerait en assemblée constituante une fois élu.
Eh bien, faites le donc (à moins que J-L B soit un parfait démago). C’est le moment où jamais !!!
Cordialement
Vendredi 3 juin 2005 à 15h52mn59s, par Jean-Pierre Branchard
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Vous pouvez aussi consulter les sondages sortis des urnes hollandaises... Là comme ici, la victoire du Non est la somme d’un vote souverainiste plus ou moins xénophobe, d’un vote libéral (bolkesteinien) contre une Europe politique, et d’un vote de gauche qui trouve que le compromis pour sortir de Maastricht-Nice n’allait pas assez loin. Mais en Hollande la proportion du second est encore plus forte.
Désolé d’être le messager des mauvaises nouvelles. J’espère en avoir de meilleures à vous apporter la prochaine fois. Dommage que vous ne vous soyez pas intéressé à l’avant dernier paragraphe de mon message.
Cordialement
Samedi 4 juin 2005 à 00h18mn22s, par Alain Lipietz
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M Lipietz,
je passe de tant à autre sur votre site pour apprécié vos analyses que cette fois je ne partage pas.
Je ne vois pas dans l’ouvrier polonais l’homme qui va venir me prendre mon travail de futur agriculteur, mais celui qui souffre et qui à besoin qu’on lui tende la main.
Je vous propose ce texte que j’avais écris avant le 29 mai et adressé à l’ensemble des quotidiens européens.
Je m’appelle Stève, j’ai 25 ans, j’habite à Angouleme dans l’ouest de la France et dimanche je vais voter non au référendum sur le traité constitutionnel européen.
Ce choix a vraiment été difficile à faire, car après avoir longtemps oscillé entre le non, l’abstention et le oui, j’ai tranché. J’ai fait l’effort de lire partiellement le texte, j’ai lu de nombreux articles et assisté à de nombreux débats. Dimanche au moment de mettre le bulletin dans l’urne, j’aurais à la fois des convictions et des incertitudes quant à mon vote.
Je vais voter non à ce traité, pour deux raisons principales :
Tout d’abord, d’un point de vue démocratique, je n’accepte pas que l’on ait intégré à l’intérieur de cette constitution des articles qui fixent des orientations de politique économique. Autrement dit un projet de constitution n’a pas à donner de prescriptions de politiques économique, quelle que soit leur nature quel que soit le respect que l’on peut avoir pour l’héritage politique de la construction européenne.
De mon point de vue une constitution doit permettre de régler le fonctionnement juridique de la politique européenne. Exemple : Quels sont les pouvoirs du parlement, du conseil, de la commission ? Comment organise t’on la vie démocratique de ces instances ? Quelles sont les articulations entre les politiques nationales et politiques européennes ?....
Donc le traité constitutionnel européen pouvait être un texte court précisant uniquement des aspects de juridiction (droit constitutionnel). Hors cette constitution entérine des éléments qui relèvent du débat politique que doivent avoir les élus européens pour décider quelles sont les orientations à donner à l’Europe pour construire son développement. Il s’agit donc d’un désaveu total pour la démocratie européenne.
Etant entendu que les politiques économiques n’ont rien à faire dans le traité voyons tout de même le traitement qui leur est réservé. Ce qui me qui me conduit à vous donner le deuxième argument pourquoi je vais voter non. La majorité des articles de cette constitution qui relèvent, je le répète, de choix politiques, sont des articles inspirés par une idéologie capitaliste. Certes il y a des avancées sociales dans la proposition de ce traité, mais elles ne seront rien en comparaison avec les méfaits que nous apporte l’économie libérale dans laquelle nous vivons aujourd’hui. (Destruction de l’environnement, isolement social, accroissement de la pauvreté, inégalité dans le partage des richesses...)
Alors je souhaiterais ouvrir mon argumentaire, pour vous faire comprendre que mon non, n’est en rien un non franco-français. J’ai l’impression d’après nos médias, que les autres pays européens notamment l’Allemagne et les nouveaux pays européens ne comprennent pas pourquoi nous tournons le dos à ce traité. Mais je veux leur affirmer que ma volonté est bien de voir nos peuples réunis pacifiquement sous la même bannière. Seulement je suis convaincu que nous n’arriverons pas à construire une Europe socialement équitable avec ce traité. Je pense que l’ouverture de l’Europe à l’Est va permettre, et on le constate déjà d’élever le niveau de vie moyen des populations de ces nouveaux entrants. Mais le traité constitutionnel ne changera pas le fait que le développement ne profitera véritablement qu’à une minorité de personnes en comparaison de l’ensemble de la population.
En France, on nous donne l’impression, notamment à travers les médias, que la majorité des pays de l’Est sont des ultra-libéraux, et que la majorité des populations de ces pays sont largement favorable à une économie libérale. Mais je ne suis pas d’accord avec cela, je pense en effet qu’il y a une petite part de la population relativement éduquée qui souhaite développer le modèle capitaliste. Mais la plus grande majorité des personnes de ces pays de l’Est, ne sait plus en quoi croire. La participation au référendum sur l’adhésion à l’Europe a été sur l’ensemble des nouveaux pays de 56 %, ce qui est relativement faible compte tenu des enjeux. Le taux de participation dans ces pays aux dernières élections des députés européens est encore plus affligeant que le notre (20% pour la Pologne, 26% pour l’Estonie, 28% pour la Slovaquie...). Alors je ne suis pas sur que la masse populaire de ces pays soit si convaincue de l’apport, que pourrait permettre, l’entrée de leur pays dans une économie de marché libre et non faussée tel que le propose ce traité. Je crois qu’ils cherchent surtout à se reconstruire en améliorant leur condition sociale et dans le respect des hommes.
Pour conclure je prendrais un exemple que je connais bien, c’est l’agriculture. Je suis salarié d’un syndicat agricole minoritaire qui défend les petits producteurs et les travailleurs agricoles. Les médias et une partie des intellectuels européens ne comprennent pas pourquoi une partie des agriculteurs français, qui ont, d’après ce que l’on pense, bénéficiés au maximum des aides Européennes pour pouvoir développer leur revenu vont voter non. Il s’agit en fait de rétablir une vérité d’après deux chiffres, en France 73% des aides vont à 20 % des agriculteurs. Il y a donc 80 % des agriculteurs qui doivent se partager les miettes d’un gâteau qui vu de l’extérieur peut paraître énorme. Et toujours dans un souci d’élargir le débat hors de nos frontières, je pense que la Politique Agricole Communautaire constitutionalisée par le traité va laisser de nombreux paysans des pays du Sud et de l’Est de l’Europe sur le bord de la route. Et le peu de moyens que souhaite se donner l’Europe (interdiction de recourir à l’emprunt, faible augmentation du budget européen avec l’arrivée des nouveaux pays), ne permettra pas de contrecarrer l’appauvrissement et la désertification des territoires ruraux des pays de l’Est. La libéralisation confrontera les agriculteurs des 12 nouveaux membres d’Europe centrale et occidentale avec des concurrents comme certains agriculteurs français ou danois beaucoup plus compétitifs sans leur donner les moyens de moderniser leurs agricultures.
Bref ce texte est peu ambitieux au vu de la transformation sociale et politique que l’Europe doit mettre en œuvre pour construire un modèle européen solidaire et durable. Est-ce que le modèle de société que nous propose les autres grandes puissances économiques (USA, Chine) dont on a beaucoup fait référence dans le débat, doit être notre idéal ?
Je crois qu’il faut résolument être utopiste pour croire que ces modèles fonctionneront sur du long terme (à l’échelle d’un siècle par exemple). L’exploitation des hommes et la destruction de la planète me laissent pessimiste quant aux chances de pouvoir construire un avenir à nos générations futures.
Il est alors urgent pour les européens de construire un modèle de société alternatif au tout économique. La rédaction de ce traité constitutionnel européen est une étape manquée par nos responsables politiques, il convient donc de le rejeter. Nos chefs d’Etat devront alors se concerter pour fixer un cadre institutionnel neutre à l’intérieur duquel la démocratie européenne pourra pleinement s’exercer. Ce débat nous montre aussi à quel point nous devons nous rassembler, nous les peuples européens pour débattre et déterminer quels sont les enjeux pour la construction d’une autre Europe celle qui prendrait en compte les attentes de ceux qui en ont le plus besoin.
Je suis désolé mais mon anglais et mon allemand ne sont pas très bon et ne permettent pas d’écrire dans une autre langue. J’espère que vous pourrez diffuser, ma lettre afin que les européens comprennent les raisons qui me poussent à voter non à ce traité constitutionnel européen. Je suis persuadé que mon vote et une chose mais qu’il est aussi important de l’expliquer aux européens qui n’ont pas suivi notre débat pour qu’ensemble nous construisions un débat continental.
Cordialement
Vendredi 3 juin 2005 à 15h31mn40s, par Stève Barreaud
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Merci de chercher à communiquer aux autres Européens que votre vote n’était pas contre eux. Mes moyens ne me permettent malheureusement de faire traduire votre texte dans les langues des autres pays.
J’aurais énormément à répondre à votre lettre qui date d’avant le referendum, mais d’une part je l’ai fait tout au long sur mon blog et d’autre part c’est fini : nous sommes dans l’Europe du Non. J’attends avec intérêt les amélioraitons que semblent, à vous lire, devoir entrainer votre vote. Je n’aurai malheureusement pas le plaisir de vous montrer celles qu’aurait amenées le mien.
Bien cordialement.
Samedi 4 juin 2005 à 00h26mn03s, par Alain Lipietz
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LE SENATEUR SOCIALISTE JEAN LUC MELENCHON, EN FLAGRANT DELIT DE JACOBINISME AVERE
Publié sur le site : http://www.brest-ouvert.net/index.php
mercredi 4 mai 2005
Le sénateur « socialiste » Mélenchon, grand animateur du camp du « non » au référendum du 29 mai sur le traité constitutionnel européen, attaque les initiatives de la majorité de gauche du Conseil régional de Bretagne en faveur de la reconnaissance et de la promotion du pluralisme linguistique et culturel :francais
Dans une question écrite n° 16318 du 3 mars 2005, il attire l’attention de M. le ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la délibération adoptée le 17 décembre 2004 par le conseil régional de Bretagne, dans laquelle celui-ci affirme « reconnaître officiellement, aux côtés de la langue française, l’existence du breton et du gallo comme langues de la Bretagne ». Il souhaiterait savoir quelle peut être la portée juridique d’une telle reconnaissance officielle et s’interroge sur sa conformité avec les dispositions constitutionnelles qui disposent que « la langue de la République est le français ».
Il s’interroge également sur la volonté exprimée dans cette délibération de développer la pratique de la langue bretonne dans la rédaction de documents officiels, le fonctionnement des services publics et le recrutement et la formation des personnels de ces services. Il souhaiterait connaître les mesures qu’il entend prendre avec les représentants de l’Etat dans la région Bretagne pour empêcher que ces projets ne compromettent l’égalité des citoyens dans l’accès aux services publics et aux emplois publics.(sic)
REPONSE de M. Philippe Martel :
LETTRE DE PHILIPPE MARTEL À JEAN-LUC MÉLENCHON
Philippe Martel, Chercheur CNRS, Montpellier. Spécialiste d’histoire culturelle de l’espace occitan.
Monsieur le Sénateur,
C’est avec une surprise teintée de tristesse et d’une certaine irritation que j’ai pris connaissance de l’étrange question écrite que vous avez jugé utile de déposer le 3 mars 2005 concernant l’éventualité d’une officialisation de la langue bretonne en Bretagne, couverte à vous en croire par le Conseil Régional de cette région.
Ma surprise ne vient pas du contenu de votre question : je sais depuis longtemps que les langues régionales vous déplaisent souverainement, (ou souverainistement ?), et que vous affectez volontiers d’y voir un effroyable péril communautariste menaçant la république dans ses fondements mêmes.
Ce point de vue ne vous est d’ailleurs pas propre : vous le partagez avec votre ex-camarade le néo-socialiste Chevènement.
Mais on aurait tort de le croire réservé aux derniers représentants du social-chauvinisme ou du national- molletisme, comme vous voudrez, qui ont si longtemps sévi à gauche : on le retrouve chez quelques gaullistes patentés -comme Monsieur Fillon, d’ailleurs, qui veille, à son poste de Ministre de l’Education Nationale à réduire du mieux qu’il peut l’espace laissé dans l’enseignement public aux langues régionales -et il a les moyens présentement d’être bien plus efficace que vous dans ce domaine : vous devriez l’en féliciter.
Vous savez sans doute que le Front National et le parti du vicomte de Villiers sont sur des positions assez voisines -si vous en doutez je peux vous le prouver. Et je m’en voudrais d’oublier les positions similaires des gauchistes niais du Parti dit des Travailleurs, dont l’existence même doit vous rappeler de vieux souvenirs.
Tous ces gens font mine d’avoir peur des langues régionales, comme vous. La peur étant par définition irrationnelle, je suppose qu’il est vain de vous expliquer que l’on peut parfaitement travailler au développement d’une langue et d’une culture régionales -pour moi, c’est l’occitan- tout en rejettant avec la même vigueur que vous toute tentation communautariste.
Et il serait tout aussi vain de vous expliquer que compte tenu de la réalité sociolinguistique bretonne, le risque d’y voir la connaissance du français disparaître au profit du monolinguisme breton est à peu près aussi réel que celui de voir le parti Socialiste mener avec succès une révolution prolétarienne. Ou encore que c’est une bien curieuse conception de l’égalité que de croire que restaurer en dignité une langue méprisée depuis des siècles par les bien-parlants et bien-pensants équivaut à concéder à ses locuteurs on ne sait quel privilège exorbitant au détriment de ces pauvres bien-parlants et bien-pensants.
Et du coup, il ne servirait à rien de vous signaler que le mépris des patois fait partie de ces réflexes de classe qui se sont transmis harmonieusement de feu l’aristocratie d’Ancien Régime à la très actuelle bourgeoisie et, malheureusement, à une bonne partie du mouvement ouvrier. Quant à mener avec vous une réflexion de fond sur l’incapacité chronique dudit mouvement ouvrier à penser de façon un tant soit peu dialectique la question de la culture, et de la pluralité culturelle en France, je suppose qu’il vaut mieux n’y même pas songer. Mais, je le répète, ce n’est pas cela qui me surprend.
Non. Ce qui motive ma surprise, c’est que vous ayez jugé bon de déposer cette question écrite au Sénat, et qui plus est dans la période que nous vivons. Etes-vous vraiment sûr que ne se posent pas à l’heure actuelle des problèmes autrement plus importants ? Le désir immodéré de céder à ce qui semble être une obsession pour vous n’a-t-il pas été plus puissant que l’appréciation objective de la réalité des choses ?
Plus grave : il ne vous a sans doute pas échappé qu’un des arguments des partisans du oui à la Constitution européenne, c’est précisément qu’au fond la position des tenants du non est dictée par le seul souverainisme, et par un vieux fond de nationalisme français obsidional. Il me semble que l’on ne peut imaginer meilleure confirmation de cet argument que l’existence de prises de positions comme la vôtre, si elle venait à être connue -et vous pouvez être sûr que des Bretons partisans du oui s’emploieront à ce qu’elle le soit -ils ont d’ailleurs déjà commencé. Mais après tout, peut-être bien que votre Non est effectivement dicté par le souverainisme et le nationalisme. Si c’est le cas, (et je ne crois pas que vous puissiez prouver le contraire) je le regretterai, et j’en concluerai qu’avec des amis comme vous, le non de gauche n’a malheureusement pas besoin d’ennemis.
Veuillez agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de mes meilleurs sentiments républicains.
Philippe Martel.
– Source : http://www.agencebretagnepresse.com/
Samedi 4 juin 2005 à 23h17mn22s
lien direct : http://lipietz.net/?breve60#forum246
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