Europe Ecologie : contradictions de campagne. Les convois de la honte.
Mardi 16 février 2010
La semaine dernière, plusieurs déplacements en régions pour Europe Écologie. À Bordeaux, Toulouse, au Pradet, grosse affluence (plus de 100 personnes à chaque fois) pour discuter, de façon approfondie, sur les propositions d’Europe Écologie concernant l’emploi. À Bordeaux, plus spécifiquement sur l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), la réunion commence par un « débat et témoignages » autour du document du Labo de l’ESS animé par [Claude Alphandéry] (lequel était présent au lancement d’Europe Écologie à Issy-les-Moulineaux, mais j’y reviens plus loin). À Plaisance du Touch (près de Toulouse) et au Pradet) (près de Toulon), on traite plus globalement le problème en présence des têtes de liste, respectivement [Gérard Onesta] et [Laurence Vichnievsky]. Cette question de l’emploi est bien au cœur de la conjoncture, directement « impactée » par les politiques publiques des régions qui seraient dirigées par des écologistes, et dans la compétence même des régions. Un autre débat social est en train d’émerger, celui des retraites, mais tout le monde s’accorde à reconnaître que les Régions n’y peuvent pas grand-chose. Quoique… Il ne faut pas seulement considérer les pensions de retraite, mais également les dépenses des retraités. Or une grande partie de leurs dépenses sont des dépenses d’énergie, et là, une politique régionale écologiste pèse d’un poids certain. Donc, gros succès des réunions-débats centrées sur ces thèmes de « l’écologie sociale ». Les groupes locaux Verts ou, plus larges, d’Europe Ecologie se montrent actifs et inventifs dans l’organisation de ces débats, ça va plutôt bien. Pendant ce temps, dans mon coin (le Val de Bièvre), une réunion à Cachan sur les transports n’attire « que » 43 personnes. Ce qui suscite un débat dépité sur une liste interne. Or j’ai des points de comparaison. Je n’ai jamais eu plus d’une vingtaine de personnes à Cachan en 20 ans de candidatures vertes. Nous avions eu il y a neuf mois une cinquantaine d’auditeurs, même salle, mais pour un débat contradictoire des trois listes de gauche aux européennes, avec le Front de Gauche et le PS. Jo Rossignol et Marie-Noelle Lienemann étaient annoncés… De toute façon une réunion-débat ça sert d’abord à unifier les arguments entre candidats, militants et sympathisants. Dans le Val-de-Marne où le second de liste était communiste il y quelques semaines, c’est pas du luxe… Bref l’audience est là. Malheureusement la direction de campagne régionale (et nationale) de l’Ile de France persiste dans sa ligne de conduite bizarre. Pas de grand événement sur l’ESS avec Alphandéry en Ile de France (mais on a déjà remarqué que la direction de campagne francilienne est contre l’ESS, en contradiction avec la ligne et la sensibilité de la plupart des militants) : c’est le Front de Gauche qui le fera (alors que le PCF n’avait que mépris pour ce « truc de cathos » il y a quelques années). Deux autres exemples. Hier lundi, je devais participer à un événement dont j’avais fait la proposition dés le meeting d’Issy-les-Moulineaux, quand j’avais constaté que non seulement Robert Lion était à la tribune mais que Claude Alphandéry était dans la salle. Stéphane Hessel était avec nous depuis les européennes. Ces personnalités représentent typiquement d’anciens grands commis de l’Etat qui ont consacré leurs retraites à l’ESS ou aux droits de l’Homme, furent au PS et se tournent aujourd’hui vers Europe Écologie. J’avais fait remarquer qu’à ce rythme on n’attendait plus que Edgard Pisani ! L’idée était d’organiser une après-midi de débats sur le thème suivant, certes pas très simple à exposer en quelques mots, mais qui confirme l’une de mes vieilles intuitions fortes. Il existe une certaine continuité entre les grands commis de l’Etat qui ont assumé la Reconstruction sous planification « à la française » après la Deuxième guerre mondiale, mettant en avant l’intérêt collectif et se défiant du capitalisme privé, et la forme d’implication des écologistes dans les politiques publiques de conversion verte et de « planification écologiste ». Bien entendu, il n’y a aucun rapport entre le modèle de développement prôné par les grand commis « mendésistes » ou gaullistes de la 4ème et du début de la 5ème République, modèle productiviste dans l’agriculture et l’industrie axé sur une urbanisation rapide et le déménagement du territoire, et le modèle de développement soutenable que prône les écologistes. En un sens, ils sont même opposés. Mais l’implication des hommes et des femmes dans la mise en œuvre de ce modèle, la bonne volonté sociale qui inspirait les uns et les autres, et surtout leur sens aigu du service public, du service de la communauté, rapproche les anciens grands commis et les écologistes. Le ralliement de « vieux lions » à Europe Ecologie méritait d’être souligné, surtout dans ses élections régionales, où les électeurs n’attendent pas des candidats d’avoir du charisme, mais des compétences pour apporter des solutions à leurs problèmes. Crédibiliser, crédibiliser, telle est la clé de cette campagne ! La réunion avait été bloquée pour ce lundi-ci et j’avais réservé depuis longtemps ma journée. Rien n’est venu. Lors du meeting de Montreuil (avec toutes les têtes de liste) un des organisateurs, qui m’avait indiqué la date, m’avait confié quelques soucis : à la direction, on souhaitait m’évincer de la participation à ce colloque car « j’aurais privilégié, pour la mise en place d’une fondation de l’écologie politique en France, la vieille fondation René Dumont » ! Comprenne qui pourra… Bref, je suis effectivement évincé mais rien ne se fait. De la même façon, j’apprends que l’après-midi programmée depuis les Journées d’été de Nîmes sur « une politique écologiste d’aide au Tiers-monde », prévue pour le 20 février, est également annulée… Autrement dit : une des plus intéressantes compétences de la Région, la coordination de la Coopération par le bas, décentralisée, est abandonnée par la direction d’Europe Ecologie. Or l’un des enseignements du succès d’Europe écologie aux élections Européennes, c’est que nous avions su rallier autour d’un certain nombre de figures comme Eva Joly (dorénavant présidente de la commission développement du Parlement Européen) toute la sensibilité Tiers-mondiste qui unifie par exemple la gauche chrétienne. Ce rejet des implications tiers-mondistes, au cœur de l’écologie politique française depuis René Dumont, ne fait que confirmer d’autres ruptures de la direction de campagne avec les mouvements sociaux qui se reconnaissent dans l’écologie politique (santé et travail, nourriture des pauvres, internet et logiciels libres, etc…). Encore une fois, je ne peux qu’affirmer devant les électeurs que ce choix émane de quelques personnes (que l’ont peut compter sur les doigts de la main) et absolument pas de l’engagement propre de la plupart des militants verts ou écologistes, ni de leurs candidates ou candidats… EE Créteil par exemple a organisé un débat sur ce thème refusé à l’échelle nationale et régionale. Car encore une fois, je ne peux que témoigner que, loin de suivre le mot d’ordre de la direction nationale de campagne (« Une campagne se gagne dans les trois derniers jours, économisez-vous pour la fin de la campagne »), un grand nombre de groupes locaux se sont engagés à fond dans la campagne dés le mois de décembre. Ils ont parfaitement intégré les leçons de la campagne des européennes : nous avions gagné par ce que nous étions partis tôt, et nous étions partis tôt parce que nous avions beaucoup de choses à expliquer en terme de contenus. À par ça, je continue à m’évader sur d’autres sujets (d’autant qu’on me libère des journées bloquées !). J’ai assisté à la « projection pour journalistes » du film de Raphaël Delpart, Les Convois de la honte, sur la participation de la SNCF à la Shoah. Le film, largement inspiré par les procès récents (Colette, la veuve de Kurt Schaechter, et moi-même apparaissons dans le documentaire) met les pieds dans le plat. Il insiste lourdement sur la divergence profonde entre la direction de la SNCF et la Résistance, mais aussi sur la réussite de cette direction (en particulier Louis Armand) à mobiliser de façon fantasmée l’héroïsme de la résistance cheminote pour « blanchir » la SNCF prise comme un tout. Il n’hésite pas à critiquer le choix de René Cassin d’amnistier l’Etat français (par l’arrêt Ganascia). Bref il rend au procès de mon père et de mon oncle toute son importance stratégique : un procès pour l’exemple, pour que ça ne se reproduise plus. Et c’est très bien qu’aujourd’hui le débat revienne, avec une approche historique et documentaire au service du futur, car la voie judiciaire est dorénavant bouchée. On se souvient que, après que le tribunal administratif de Toulouse ait reconnu sa compétence et condamné la SNCF, les étapes suivantes (en appel à Bordeaux puis au Conseil d’Etat) avaient proclamé l’incompétence de la justice administrative vis-à-vis de la SNCF, sous prétexte que… la SNCF n’est pas un service public ! Notre avocat Remi Rouquette a tenté une ultime tentative auprès de la Cour des Droits de l’Homme à Strasbourg, pour « procès inéquitable ». Il est en effet invraisemblable que, après 6 ans de débat, un tribunal (celui de Toulouse) s’estime compétent, et, 2 ans après, le Conseil d’Etat proclame que, depuis le début, la SNCF n’étant pas un service public, la justice administrative n’était pas compétente ! En France on ne peut donc plus savoir vers quelle juridiction se tourner. D’autant qu’au pénal, la voie est bouchée : le chef de gare de Toulouse a été immédiatement exécuté pour collaboration par les FFI, lors de la libération de Toulouse. Malheureusement, la plainte devant la cour de justice européenne n’a même pas franchi l’étape du greffe : celle-ci a, semble-t-il, autre chose à faire. Pour le film ? sortie le 10 mars, contacts artedisf@aol.com. Autre débat intéressant : dimanche dernier, un débat sur la Chine dans le cadre du festival du livre de sciences humaines à Paris. J’y présentais le livre de Giovanni Arrighi, Adam Smith à Pékin, que j’avais préfacé tandis que l’historien Mathieu Arnoux présentais le livre La grande divergence de K.Pomerenz (à paraître), sur le reversement du rapport de force entre l’économie chinoise et l’économie européenne au moment de la révolution industrielle. Un débat sur lequel je reviendrai.
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