Mercredi à Strasbourg se confirme ce qu’on pressentait : la Directive « Services » (ex-Bolkestein) est définitivement adoptée par capitulation du Parlement abandonnant ses prérogatives législatives au Conseil. Je raconte les ultimes événements dans l’article que j’actualise depuis près de deux ans, Où en est la directive Bolkestein ?
On se souvient qu’en février, en première lecture, nous avions gagné sur le rejet du « principe du pays d’origine », mais perdu sur l’exclusion des services publics du champ de la directive. Raison pour laquelle nous (les Verts) avions voté contre l’ensemble du texte ainsi amendé. Mais nous n’avions pas complètement perdu sur les services publics : le texte issu du vote du Parlement excluait quand même du champ de la directive les services sociaux « tels que » le logement social et les services aux familles (mais dans des formulations qui réduisent le « social » aux plus démunis).
Tous les efforts ultérieurs pour exclure les services publics du champ de la directive et rétablir l’article 122 éliminé avec le TCE (dont même les communistes avaient compris, mais un peu tard, la pertinence) avaient échoué : ce fut la triste saga du Rapport Rapkay sur le Livre Blanc sur les services publics.
Pendant ce temps-là, la Commission puis le Conseil restreignaient encore la portée des amendements de février, en supprimant par exemple les mots « tels que » précédant la liste des services sociaux exclus du champ de la directive Services. La liste donnée à titre d’exemples (logement, aide aux familles) devenaient du coup une liste limitative ! Et, il y a un mois, la Commission Marché Intérieur du Parlement, en charge du dossier, recommandait au Parlement de s’en tenir au texte tel qu’issu de l’examen en Conseil, sans même revenir en seconde lecture aux formulations de la première lecture.
Depuis, nous n’avons reçu que quelques lettres ou mails des citoyens concernant la seconde lecture. Les militants du Non de gauche, qui avaient tellement agité la menace Bolkestein pendant la campagne du referendum, semblent s’être évaporés, ou enlisés dans leurs batailles internes pour le contrôle d’ATTAC ou la désignation des candidats présidentiels du PS et de la « gauche de la gauche ». Quant aux syndicats, qui s’étaient victorieusement mobilisés dans toute l’Europe contre le principe du pays d’origine sur les règles salariales, ils se sont à peine manifestés lors du rapport Rapkay, et plus du tout sur la directive Services.
Dans ces conditions, c’est mission impossible sur le strict terrain parlementaire. La petite bataille d’amendements livrée par les Verts et les communistes de la GUE est néanmoins significative.
D’abord, un amendement de rejet global de la position du Conseil n’est voté que par les communistes, nous-mêmes, et une partie des députés souverainistes et d’extrême droite. Puis s’ouvre la bataille d’amendements proprement dits, qui se heurte au mur de l’accord PPE-PSE pour s’en tenir à la position du Conseil. Les meilleurs scores sont atteints pour notre amendement rétablissant les mots « tels que », c’est-à-dire ne restreignant pas le champ des services sociaux aux seuls logement social et services aux personnes les plus défavorisées. Cet amendement recueille les mêmes soutiens, plus la plus grande partie des socialistes français, belges et même italiens, ainsi que quelques députés libéral-démocrates appartenant en Italie à la coalition de Prodi. Mais même cet amendement, qui pourtant ne fait que revenir au vote en première lecture du Parlement, ne recueille que 149 voix, les autres socialistes, les députés français UDF, et bien sûr les députés UMP entérinant leur capitulation devant la position du Conseil et renonçant à défendre les services publics.
Nous nous abstenons ou votons contre des amendements communistes ouvertement national-protectionnistes, parfois quasi-médiévaux, tel l’amendement interdisant aux entreprises l’usage de l’internet pour transmettre depuis le siège du pays d’origine les documents réclamés par les autorités du pays d’activité ! Cet amendement ne précisait pas s’il fallait utiliser des parchemins recopiés et illustrés par des moines et envoyés par pigeon voyageur…
Finalement, le Parlement adopte en seconde lecture une poignée d’amendements mineurs. Ces amendements « comitologiques » (sur le suivi administratif) seront repris en seconde lecture par le Conseil (il l’a déjà annoncé). La messe est dite.
Au total, la bataille parlementaire sur la Bolkestein aura permis une victoire totale sur « le » point qui a suscité la mobilisation du mouvement syndical : l’exclusion du principe du pays d’origine. En revanche, la bataille pour l’exclusion des services publics du champ de cette directive, perdue en réalité au moment du vote du TCE avec la disparition de l’article 122, n’aura pu être menée à bien, faute d’unité des forces progressistes sur ce sujet.
Est-ce grave, docteur ? Probablement pas tellement. De toute façon, des directives sur les services publics, qu’il s’agisse des grands services en réseau ou qu’il s’agisse des services sociaux, ont déjà été et continueront d’être votées secteur par secteur. De plus, la directive Services n’est jamais qu’une directive, c’est-à-dire qu’elle doit être transposée en droit national, et là, il faut s’attendre à grande marge d’interprétation. En réalité, le flou juridique de la directive Services offre un pouvoir considérable d’appréciation à la Cour de Justice de Luxembourg.
La bataille sur la Bolkestein est terminée. La lutte pour la défense des services publics et des Biens Communs continue…
Et il n’y a pas que la Bolkestein dans la vie parlementaire. Mercredi, visite de divers lobbies. Accueil d’une classe de lycéens d’Ivry. Je leur fais voir l’hémicycle depuis la tribune.
Nous lorgnons une classe anglaise qui s’assoit à côté de nous. Les musulmanes y arborent des foulards, turbans et voiles des plus variés…
Jeudi, derniers votes de la semaine. Il y a par exemple le rapport sur la stratégie européenne de défense. Les Verts, pacifistes et non-violents, votent contre, mais la bataille d’amendements autour de la subordination des forces européennes à l’OTAN, affirmée par le traité actuel, et qui aurait été supprimée par le TCE qui ne parlait plus que de « compatibilité pour certains pays désirant appartenir à l’OTAN », aboutit à des équilibres subtils qui réaffirment pour la première fois (après le Non) l’autonomie stratégique des forces européennes.
Il avait été nettement question, lors de la campagne sur le TCE, de montrer, à l’occasion de la directive Bolkestein, ce que les militants des différentes causes européennes (AMI, OGM, C2I) savent depuis bien longtemps à savoir que, en l’état actuel des institutions, le Parlement Européen n’était, en gros, qu’une chambre d’enregistrement des politiques libérales choisies par les fonctionnaires de la Commission, entérinées par les haut-fonctionnaires des administrations nationales, soutenues du bout des lèvres par les états-membres.
Mais puisque par la suite les principaux partis de gauche ne remirent pas en cause leur analyse selon laquelle l’UE était la seule voie envisageable pour le progrès social, il a bien fallu choisir entre "pourrir" les primaires (ce qu’aucun des hiérarques PS ou candidats de la gauche dure n’a semblé souhaiter faire).
La chose est désormais démontrée : l’actuelle Union Européenne, avec ou sans TCE, a pour fonction essentielle d’être l’instrument par lequel la mise en concurrence des modèles sociaux des différents états-membres se fait, et en aucun cas l’outil de construction d’une norme politique ou sociale internationale.
Car, et excusez-moi de le souligner, attendre des citoyens de devoir se mobiliser à chaque nouvelle lubie de la commission européenne pose la question de l’utilité même des institutions, quelles qu’elles soient, Parlement ou Commission. Une machine qui tourne folle doit être arrêtée et réparée, pas réparée en marche.
Bien entendu, cette directive aura le mérite d’avoir des conséquences certes tout à fait visibles, mais tout à fait remédiables : et puisque les politiciens français, y compris les plus à gauche, s’obtinent à prétendre qu’il peut exister une voie de progrès social avec l’UE, il me semble tout à fait raisonnable de montrer, notamment aux militants du PS français, que les conséquences des choix faits par les députés socialistes français et européens au Parlement soutiennent la régression des services publics....
qu’il sera toujours possible de rebâtir un jour.
Samedi 18 novembre 2006 à 19h38mn44s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1171
Je crois, Mr Lipietz, que parmi ceux qui vous lisent, nul n’ignore qui vous êtes et la sincérité de votre engagement, sincérité qui vous vaut d’ailleurs le respect de ceux qui pourtant s’opposent à vous.
Si les services publics essentiels ont pu être construits une fois, ils pourront être reconstruits une seconde fois. Et peut(être faudra-t-il d’ailleurs en passer par là pour rompre avec la logique productiviste aveugle sous-jacente à nombre d’entre eux tels que nous les concevons aujourd’hui (EDF, GDF, aéronautique, p.e.). Et peut-être faudra-t-il, comme cela fût le cas pour la distribution d’eau, laisser les tentations inséparables du capitalisme ordinaire montrer et laisser transparaître leurs conséquences pour établir, pour quelques dizaines d’années du moins, l’intérêt d’autre types d’organisations de productions de biens et de services que les entreprises. Pactiser avec nos voisins d’europe de l’est est peut-être à ce prix.
Préserver ce qui peut l’être des services publics à la française peut-il se concevoir si ce que nous aimons à nous représenter comme un indice de progrès social n’est pas partagé à niveau européen ? J’avoue ne pas le croire, mais j’avoue aussi estimer nécessaire, même armé de la plus forte conviction, de laisser une chance à ceux qui ne partagent pas nos convictions de voir à quoi mènent leurs propres chimères.
Dimanche 19 novembre 2006 à 17h46mn59s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1177
Merci pour votre respect. J’essaie de me tenir dans ce site à un certain niveau d’argumentation permettant la réflexion collective.
Quelques brèves remarques.
– La France se distingue des autres pays (pas seulement d’Europe) par sa délégation systématique du service de l’eau au privé. Elle a ainsi construit plusieurs monstres mondiaux (la CGE, Suez, Bouygues…) qui colonisent littéralement le reste du monde. Le service public de l’eau, c’est à nous de le réapprendre du reste du monde.
– Vous classez l’aéronautique parmi les services publics. Peut-être avez-vous voulu dire le transport aérien ? Dans l’un et l’autre cas on aimerait savoir quand le peuple français a décidé de se doter de tels « services publics », pourquoi, et comment il les contrôle.
– La question vaut d’ailleurs en général pour le « service public à la française ». Vous notez avec raison son caractère productiviste. On peut aussi se poser la question de son caractère anti-démocratique, discriminatoire, etc., et de ce que nous pourrions apprendre des autres. Voir mon article sur le sujet
– Mais la tactique consistant à laisser la Commission et le Coneil pourrir les services publics pour les reconstruire plus tard revient à accepter le sacrifice d’une génération. Nous avons besoin aujourd’hui plus que jamais de service publics forts et démocratiquement contrôlés, et le mieux est d’amender vite et bien ce qui existe.
Dimanche 26 novembre 2006 à 17h15mn02s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1185
Je ne nie pas le rôle moteur de la France dans la tentative d’imposition par l’intermédiaire de l’OMC de la privatisation obligatoire des services publics essentiels (comme, par exemple, la distribution d’eau) dans les pays en voie de developpement et notamment l’Afrique : je constate simplement que la position de la France telle qu’exprimée auprès du Commissaire Européen au Commerce n’a pas significativement évolué à l’occasion des deux derniers changements de majorité au parlement (français).
En parlant, un peu ironiquement je l’admets, d’aéronautique, je faisais allusion au poids considérable des administrations d’état dans la gestion des entreprises théoriquement privées d’aéronautique militaires (Aerospatiale, Dassault, Lagardère EADS) ou civile (Airbus).
Je comprends que la stratégie du pourrissement vous gêne : elle me gêne également. Je constate cependant que la bataille des brevets logiciels a montré les limites de ce que l’on pouvait espérer atteindre avec du militantisme bénévole face à des professionnels cent fois plus nombreux grassement alimentés en fonds publics. Sans doute faut-il alors mettre nos concitoyens face à ses responsabilités, et notamment, ne plus prétendre avec une poignée de militants être en mesure de faire de l’UE ce qu’elle devrait être.
Lundi 27 novembre 2006 à 19h42mn27s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1191
Si les citoyens se mobilisaient au moment important (les élections) la composition du Parlement serait différente. Trop facile d’aller à la pêche le jour des élections et de pleurer tout le reste de la législature que les députés ne nous représentent pas.
Quant à la diatribe anti PS elle est contre productive. Refuser de pactiser avec le PSE c’est très bien... mais avec qui comptez vous former une majorité pour faire avancer vos idées anti libérale ? Tant que la "vraie" gauche voudra rester pure et refusera le compromis, et donc la discussion, elle ne construira rien, et donc laissera détruire tout ce qu’elle prétend défendre.
Et sur la défense des services publics je rappelle que l’article III-122 nous donnait obligation aux états de les financer. La gauche anti-libérale a milité contre cet article en même temps que le reste du TCE. Qu’elle assume, elle aussi ses responsabilités dans la destruction des services publics.
La GUE a certes tenté de rattraper le coup en d’utilisant le III-122 dans les débats sur cette directive (cf amendement de Francis Wurtz) mais ça ne retire rien à l’erreur de base.
Avec de tels amis (GUE et PSE sont aussi efficaces) pour les défendre les services publics n’ont pas besoin d’ennemis.
Et vous pouvez pester contre l’UE de Maastricht-Nice, je vous rejoins. Je vous reppelle néanmoins que la "vraie" gauche a milité pour sa prolongation. Lutter contre le libéralisme en le prolongeant le plus longtemps possible reste totalement inefficace.
Dimanche 19 novembre 2006 à 11h06mn09s, par PJ-BR
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1176
Au risque de me re-citer, Bolkestein aura été l’occasion de démontrer que le Parlement ne parvient à s’opposer aux projets des fonctionnaires de la commission qu’avec le soutien massif des populations concernées.
Je suis d’accord avec vous sur un point : si les citoyens se mobilisaient à l’occasion des élections au P.E., les choses évoluetaient dans le bon sens : mais je crois alors nécessaire de souligner que c’est n’est pas en votant PS que ce progrès se fera.
Lundi 20 novembre 2006 à 13h48mn02s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1178
@Gus,
"qu’avec le soutien massif de la population"
La bataille contre les brevets logiciels en est un parfait contre exemple. A part une minorité de la population, constituée de spécialistes, personne ne s’est mobilisé. Il n’y a pas eu de manifestations de masse dans les rues.
C’est clairement la mobilisation des députés qui a barré la route aux projets de la Commission.
Sans les bons députés la mobilisation de la rue ne sert à rien. Même sans la mobilisation de la rue un bon député agit. Donc la principale bataille c’est d’avoir les bons députés.
NB : Un bon député ce n’est pas celui qui cède à la pression de la rue. Un bon député c’est celui qui, quand il est alerté sur un point précis, écoute, se documente et agit, même si au départ il n’y connaissait rien.
Mercredi 22 novembre 2006 à 12h08mn38s, par PJ-BR
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1179
Cette bataille des brevets logiciels, j’y étais. à vrai dire, comme je l’avais par ailleurs écrit sur Publius, j’en étais depuis 2000, c’est à dire que je n’étais pourtant pas parmi les premiers, loin s’en faut. Car, souvenez-vous, les débats européens relatifs à la refonte de l’accord de 1973 remontaient au moins à 1995 ?
Je me souviens très bien du temps qu’il aura fallu, de l’argent qu’il aura fallu dépenser pour trouver un député qui veuille bien nous entendre. Parce que nous commettions alors l’erreur de tenir un discours généreux et idéaliste, et que les oreilles de nos députés ne sont plus capables d’entendre de tels discours. Et ceux qui lisent le blog d’Alain Lipietz doivent comprendre pourquoi : parce qu’un député européen n’est avant tout qu’un alibi pour valider "démocratiquement" une refonte de la société menée par cette administration européenne qui présente tous les caractères d’une association d’intérêts.
Alors, les grands discours sur la théorie de la démocratie représentative peuvent éventuellement être invoqués pour les pays démocratiques, mais pas en ce qui concerne l’UE, qui n’est pas une démocratie.
Samedi 25 novembre 2006 à 10h42mn55s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1182
Gus,
Une fois de plus nous sombrons dans l’antiparlementarisme.
Si déficit de démocratie il y a, il vaut mieux le chercher en France : Parlement godillot, constitution donnant tous les pouvoirs à l’exécutif, pantouflage des hauts fonctionnaires qui finissent employés par les entreprises qu’il contrôlaient quelques mois auparavant, faible représentativité des syndicats...
Cessons de reprocher à l’UE les maux qui affligent la France.
Et si nous ne voulons pas des députés complaisants avec la Commission ni avec le CIG il faut se bouger le jour des élections. Avec 40% de participation aux élections européennes les français n’ont pas le droit de se plaindre.
Dimanche 26 novembre 2006 à 16h46mn30s, par PJ-BR
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1183
Je dois ici sur un point donner raison plutôt à Gus, car en matière de mobilisation, tout est affaire de proportion. Dans le cadre de la directive « brevets logiciels », le Parlement a gagné contre la Commission et le Conseil, parce que tous les acteurs du logiciel libre et même une partie des PME du software se sont mobilisés. C’est peu dans la population totale, mais c’était assez pour alerter les « bons » députés et inquiéter aussi les autres, pour contrer les « gros » du secteur (Microsoft, Nokia…), etc. (Ah zut, j’ai pas fait de mot-clé, cherchez « brevets logiciels » par le moteur de recherche).
De même, le Parlement a imposé le retrait du Principe du Pays d’Origine de la Bolkestein parce que le mouvement syndical européen s’est mobilisé dès avril 2004 (et les artisans dès février 2004 !!) puis n’a plus desserré les crocs (ATTAC se réveillant six mois plus tard pour sombrer après le vote de février 2006 dans ses querelles internes).
A contrario, la mobilisation s’étant assoupie, la gauche et les Verts du PE n’ont rien pu faire pour sortir les services publics de la Bolkestein en seconde lecture, et rétablir lors du rapport Rapkay l’article 122 perdu avec le TCE.
L’avantage de la démocratie représentative, c’est qu’elle permet aux acteurs sociaux de souffler un peu. Nous, députés, sommes en quelque sorte payés pour être mobilisés en permanence.
Encore faut-il (et là je rejoins PJ-BR) :
– Que la constitution, c’est-à-dire les « métarègles » gouvernant le mécanisme d’adoption des lois, soit plus favorable aux élus qu’aux exécutifs et à leurs administrations. Ce n’est pas du tout le cas dans la constitution actuelle (Maastritch-Nice), ça aurait été nettement plus le cas avec le TCE, ce pour quoi je me suis battu de toutes mes forces pour le Oui.
– Que les députés soient représentatifs des aspirations démocratiques, sociales et écologistes des peuples. Et là, l’offre électorale étant pléthorique, ça ne dépend que des électeurs.
Je me souviens d’une réunion avec des ONG, surtout britanniques, sur les problèmes de coopération avec le tiers monde. Ils venaient d’apprécier vivement les discours des eurodéputées vertes britanniques (Caroline et Jean) et se plaignaient que malheureusement le Parlement soit à majorité de droite libérale. Je leur fis observer que justement la Grande-Bretagne était pour beaucoup dans cette majorité. Ils m’ont répondu que, le jour de l’élection, ils ne s’étaient pas déplacés pour aller soutenir les candidats de Tony Blair !! Je leur ai rétorqué que, si eux n’étaient pas capables de consacrer une demi-heure pour aller voter pour les ami-e-s vert-e-s de Jean et de Caroline, alors que les habitants de Timor Oriental allaient voter en risquant leur vie, ils ne devaient pas se plaindre que la Grande-Bretagne soit représentée par une marée de conservateurs, et que c’était plutôt à nous, les députés verts, d’en concevoir quelque amertume…
Dimanche 26 novembre 2006 à 18h00mn36s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1186
Rien à redire à votre analyse : concevez simplement ce que peut coûter à un modeste citoyen de s’impliquer dans un débat par ailleurs alimenté par des dizaines de milliers de professionnels (fonctionnaires et lobbyistes). Peut-être en tant que professionnel de la politique avez-vous du mal à concevoir que les personnes sensées consacrer leur vie aux affaires politique, ce sont les élus, et pas les citoyens, qui ne sont pas là pour vous amuser, vous inspirer ou vous aider, mais qui vous *délèguent* la défense de leurs intérêts.
Vous appellez à la mobilisation en oubliant un détail : à quoi servent les députés si ce n’est pour représenter les citoyens ? Si, comme ce fut le cas pour C2I, il aura fallu vingt six mois pour faire comprendre à un député européen non-partisan ce que les jeunes de seize ans comprennent spontanément, on peut légitimement se poser la question de l’utilité d’un parlement se prononçant et parfois soutenant des textes dont il ne comprend ni les tenants, ni les aboutissants.
En tout état de cause, au vu des efforts auxquels il faut consentir pour faire fonctionner cette europe, il me semble que c’est en 2009 qu’il faudra poser nettement aux aspirant-députés la question de la manière dont ils se représentent leur rôle et leurs missions. Et tout particulièrement aux députés du PS français et de l’UDF, dont il conviendra certainement de tirer le bilan.
Quand au risque d’échec final sur les brevets, dont je suis bien conscient, il ne fera que démontrer davantage ce que les militants savent : que même battus selon leurs règles par une mobilisation inégalée dans son organisation et son respect des règles et de l’esprit, même démocratiquement remis à leur place, les fonctionnaires de la commission européenne n’admettent jamais leurs erreurs et ne changent jamais de route. Et que le Parlement Européen dans son ensemble ne semble pas souhaiter réagir.
Car après tout, et vous le savez fort bien, ce sont des idéaux nobles et généreux qui ont fait que cette défense se créé, pour la défense d’un certaine idée du patrimoine collectif du savoir et de l’histoire humaine. Elle n’a cependant été entendue qu’en s’alliant avec l’industrie, qui n’est, et vous le savez, qu’une fraction infinitésimale du problème. Désormais, c’est à l’industrie de se défendre, si elle le souhaite. Et de subir les conséquences, si elle ne le souhaite pas.
à défaut, se posera la question du bilan de l’UE : est-il positif ou négatif ? Ne vaut-il pas mieux, comme le suggère d’ailleurs le bien trop réaliste Poutine, en revenir à un ensemble d’accords bilatéraux ?
Quand au TCE, Mr Lipietz, excusez-moi : mais dans la mesure où tout votre discours ne revient qu’à nier l’ensemble des arguments déployés pendant la campagne, je ne vois pas que vous répondre.
Dimanche 26 novembre 2006 à 19h59mn36s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1187
dans la mesure où tout votre discours ne revient qu’à nier l’ensemble des arguments déployés pendant la campagne, je ne vois pas que vous répondre.
Que la campagne des souverainistes de gauche (LO, LCR, PCF, Attac) était mensongère ?
Que sous prétexte que le TCE n’allait pas assez loin ils ont refusé un texte qui allait dans le bon sens ?
Qu’en prétendant combattre le libéralisme ils l’on en fait pérennisé ?
Qu’au final ils ont abusé ceux qu’ils prétendaient défendre ?
Et qu’ils continuent
Lundi 27 novembre 2006 à 11h38mn20s, par PJ-BR
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1189
Remplacer le traité à 27 par 27 x 26 / 2 = 351 accords bilatéraux dont il faut ensuite vérifier la compatibilité ? Que voici une excellente idée pour relancer l’emploi dans la fonction diplomatique !!
Avec bien sur 351 referendums.... sur des textes bien compliqués (y a pas de raison qu’ils soient plus simples que Maastricht-Nice ou même que le traité de la CECA), que les citoyens se feront un plaisir d’éplucher. Et bien sûr 351 parlements paritaires élus, pour pas laisser tout le suivi aux administrations.
Je préfère encore une bonne constitution à 27, en tout cas une constitution meilleure que Maastricht-Nice.
Le TCE était déja un progrès , comme l’ont montré de nombreux arguments échangés dans la campagne. Par exemple il interdisait le CPE et le CNE (cf 2e partie, articles 92 et 95) et fixait à la fois une orientation progressiste pour les lois futures et une méthode plus démocratique pour les élaborer. Mais les citoyens de 2 pays ont préféré s’en tenir à Maastricht. On fera avec...
Cordialement
Lundi 27 novembre 2006 à 12h15mn19s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1190
Sur ce tout dernier point, force est de constater qu’à peu près tous les reculs que vous signalez régulièrement sur votre blog n’auront été possibles que grâce aux compétences déléguées à l’UE. Qu’il s’agisse de REACH, C2I, Bolkestein, ou l’introduction des OGMs sur le marché européen contre l’avis de 80% des citoyens.
En effet, si des nations peuvent librement décider de copier les modèles sociaux de leurs voisins sans même devoir s’accorder entre eux, seuls des pactes internationaux peuvent les contraindre à réduire les institutions de chacun au plus petit dénominateur commun de l’un d’entre eux.
Mardi 28 novembre 2006 à 07h03mn04s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1192
Il est assez difficile de deviner ce qu’aurait été la législation française en 2006 et ses "reculs" si le traité de Rome n’avait pas été signé en 1957 !!
Dans la grande majorité des cas, les directives européennes sont décidées à l’unanimité du Conseil, donc chaque gouvernement les a individuellement acceptées voire promues (souvent sans contrôle d’aucun parlement : c’est grande différence avec le TCE).
Evidemment les pressions et effets d’entrainement jouent. Mais ce n’est vraiment que dans les cas de "majorité et codécision avec le Parlement" que les gouvernements se voient imposer des mesures qu’ils désapprouvent. C’est sous la pression de l’Europe que les gouvernements français ont résisté aux grands agrariens dominant la FNSEA en refusant les veaux aux hormones et les OGM (encore que là, l’habileté et la détermination de Voynet n’aient pas toujours été soutenues par le Parlement... ni par Jospin), et ont accepté de discuter REACH. Reach n’est pas terrible, mais sans l’Europe la France n’aurait sans doute rien fait du tout. 80 % de la législation européenne de la France en matière environnementale est d’origine européenne, et encore la France est lanterne rouge en matière de transposition dans son droit local.
Si les gouvernements français ont tenu, dans le TCE , à maintenir le nucléaire parmi les 4 points à l’unanimité en Conseil, en matière environnementale, c’est parce qu’ils savent que le nucléaire est minoritaire dans l’opinion, en France et surtout en Europe, et donc risquerait d’être interdit par un parlement, mais dispose en France d’Etats dans l’Etat (EDF, CEA, AREVA) et de lobbyistes presqu’incontournables à droite et à gauche : l’UMP et le PCF.
Mardi 28 novembre 2006 à 15h37mn26s
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1194
Sans m’opposer au principe général de l’hamonisation des législations (qui ne me semble pas être une question en tant que telle), je remarque qu’à l’heure où nombre d’états européen autorisent leurs régions à "légiférer" dans de nombreux domaines économiques et sociaux, le raisonnement par harmonisation systématique entre états qui semble être la seule "construction européenne" envisageable a un petit côté dogmatique.
En tout cas, son efficacité pour la destruction systématique des institutions des états-membres est remarquable. L’exemple de l’AMI, ou, d’une manière plus générale, l’aptitude du commissaire européen au Commerce à négocier à l’OMC sans même devoir informer les gouvernements ou les parlements m’a toujours semblé des plus frappants.
Par exemple, qu’est-ce que l’Europe aurait à perdre à permettre la concurrence des assurances-maladies dans toute-l-Europe-sauf-la-France si bon lui chante et si elle estime que c’est la voie du progrès ? Vous me répondrez que dans ce cas, cela interdirait à l’industrie française relative de s’étendre à l’étranger concurrence faussée, etc. : je vous répondrais volontiers : certes, et alors ?
Les services publics qui vont sont chers doivent-ils nécessairement être simultanément désirés par les 27 pour ête bons ? Si non, laissons donc faire ceux qui voudront le faire. Ceux qui en bénéficieront seront toujours plus heureux que si on leur avait interdit de le faire.
Vous ne pouvez ignorer que l’Europe à la française, celle de Delors et Mitterand, c’est celle qui alla jusqu’à invoquer le spectre communiste pour s’opposer à l’Europe de Spinelli au profit de l’Europe deloriste, avec ses piliers, ses jambes et sa jambe manquante. L’Europe de Spinelli est pourtant celle à laquelle aspireraient bien, au fond, nombre d’européens. L’Europe deloriste aura toujours cet énome défaut de permettre aux états de considérer individuellement leurs intérêts respectifs tout en regardant avec ce mépris partagé de leurs populations à l’exception, bien entendu, de leurs laquais.
Mercredi 29 novembre 2006 à 07h00mn53s, par Gus
lien direct : http://lipietz.net/?breve189#forum1195