Mélanges de juillet.
Mardi 31 juillet 2007
Comme deux fois par an depuis plus de trente-cinq ans, je passe une quinzaine de jours de vacances à Serre-Chevalier. Du coup, je me retrouve dans le Guide du Routard des Alpes 2007 ! Et comme toujours, l’air du Briançonnais fait revivre Francine. J’arpente en tous sens les Cerces et l’Oisans. La nature est toujours aussi belle, mais j’observe avec épouvante les lacs moribonds et le retrait des glaciers. Une merveilleuse soirée à La Grave, avec l’ensemble vocal Musicatreize, au festival Messiaen, que ma chère cousine Nicole Witt avait jadis aidé Gaétan Puech à lancer. Bien sûr, j’ai emporté l’ordinateur, pour rattraper le travail en retard, rédiger quelques articles. Par exemple le point sur la situation politique des Verts après la séquence électorale, pour le bulletin de la tendance où je m’inscris, « Audaces, un autre monde est possible ». (Vous en trouverez la version longue ici). Je travaille aussi à mon Mallarmé. Surtout, j’amorce la pompe sur le fameux site legrenelleenvironnement.fr, dont j’ai raconté ailleurs les aventures. J’y place quelques textes, notamment une réflexion sur les dangers et les opportunités ouvertes par cette opération. Et bien sûr quelques éléments sur « qu’est-ce qu’on fait, à l’Europe », d’où nous vient l’essentiel de la politique environnementale. Voilà, maintenant, que ce site vive de ses propres ailes, sous le contrôle de Michèle Rivasi et de son équipe ! À part ça, je suis mollement l’actualité. La présidence portugaise a publié son premier jet du « maxi-traité » européen pour la Conférence Inter-Gouvernementale. Stupeur : elle rétablit intégralement l’article 122 du TCE, celui qui rappelle la responsabilité des Etats de « fournir et financer » les services publics, et la nécessité d’une loi cadre ! Cela, en contradiction avec le mandat du Sommet de Juin ! Manifestement, la sociale-démocratie européenne ne lâche pas le morceau, sans doute sous la pression des syndicats de la CES… Comment cela va-t-il finir ? par un nouvel « opt out » lors de la CIG de Porto ? La gauche française, et la gauche de la gauche, semblent se désintéresser totalement du contenu du futur traité. Mais ça, ça n’a rien de surprenant. TourNous sommes bloqués au col du Lautaret par l’arrivée du Tour de France à Briançon. D’habitude tout s’arrange en fin d’après-midi. Là, ce n’est pas le cas : Sarkozy a tenu à venir soutenir le moral de cette institution discréditée. Le Tour, j’en fus longtemps fanatique. Il y a vingt ans, j’étais encore capable de deviner d’une année sur l’autre qui gagnerait le prochain. J’ai laissé tomber le jour où Bernard Tapie organisa l’arrivée au coude à coude, au sommet de l’Alpe d’Huez, des deux champions qu’il s’était achetés. Le fric était entré dans le Tour et avec le fric, la généralisation de la dope. L’épreuve sportive est devenue jeu de cirque. Non pas cirque au sens noble de l’art forain, mais cirque au sens romain : des spectacles de souffrance et de toc condamnant même ses champions à une mort par overdose. Le Tour 2007 s’annonçait comme le pire de tous. Il a tenu ses promesses au delà de toutes craintes, et la visite de Sarkozy en fut le signe. Là où il y a fric, là où il y a cirque, il y a Sarkozy. CirqueA propos du cirque sarkozyste. Le problème n’est pas qu’il en fasse trop (un jour ses « communicants » lui diront qu’il faut qu’il arrête). Dans sa campagne électorale permanente, nuage de fumée masquant les lois votées en douce, la n-ième loi répressive expédiant en prison les voleurs de poules récidivistes, la remise en cause du droit de grève et les mesures budgétaires versant des milliards dans la poche des plus riches en piquant 50 euros par an de la poche des malades, il affole à ce point la gauche et ses intellectuels qu’elle ne sait plus ce qui est le travail normal dans un Etat impartial et ce qu’il est indigne d’accepter. Que la France présente DSK comme candidat de l’Europe pour le FMI ? Où est le problème ? On a bien envoyé Lamy à l’OMC. Il y a une politique de la France pour occuper des postes qu’elle ne peut obtenir que par l’Europe, et cela indépendamment de la couleur politique du gouvernement ; il en a toujours été ainsi. Mais la danse du scalp sarkozyste, chaque fois qu’une personnalité de l’opposition est nommée à une place au gouvernement, dans l’Etat, ou dans un des services publics, finit par polluer toute nomination. Ainsi le refus d’Ariane Mnouchkine d’une chaire au Collège de France sous prétexte que, bien entendu, les sarkozystes la présenteraient comme un nouveau trophée, me paraîtrait aussi atterrant (mais dans l’autre sens) que le retournement de veste de Kouchner ou de Bockel. Ariane Mnouchkine est l’une de nos plus grandes metteuses en scène, elle a infiniment à dire. Son refus serait une perte pour le Collège de France, pour le théâtre, pour les auditeurs, pour le service public de la culture français. Qu’une grande partie de la gauche française ne sache même plus faire la différence entre l’équilibre, l’impartialité nécessaires dans les nominations de la haute fonction publique, et la coloration de la majorité gouvernementale et des lois qui en résultent, c’est un problème qui concerne d’abord cette gauche. Mais à sa décharge, il faut tenir compte de la glu qui soude dorénavant politique, affairisme et cirque médiatique, jusqu’à l’écoeurement. Le comportement de la chaîne publique France 2 alternant les louanges au Président et la défense inconditionnelle de la direction du Tour de France dont elle est le principal sponsor, Sarkozy toujours à l’antenne, jusque (quel hasard !) dans le public des opéras télévisés en direct (Le Trouvère, à Orange, retransmis par… France 2), jusqu’à un de ses ministres (Laporte) dans les spots publicitaires... Ce régime n’est pas une innovation française : l’Argentine de Menem, l’Italie de Berlusconi(et même d’une certaine façon, la Grande-Bretagne d’Allister Campbell) en ont donné l’exemple. Au moins cinq ans, il faudra apprendre à vivre avec. BulgaresVivre avec, c’est déjà avoir le courage de maintenir des distinctions. Par exemple, l’affaire des otages de Khadafi. Il était inévitable que les Sarkozy y mettent leur patte. Et alors ? Le caractère officieux du déplacement de Cécilia Sarkozy était-il le seul point sur lequel se focaliser ? Cette affaire traînait depuis huit ans. Initialement, ce n’est pas une histoire de prise d’otages mais de boucs émissaires. Suite à l’empoisonnement par le sida de quelques centaines d’enfants à l’hôpital de Bengazi (histoire équivalente à notre affaire du sang contaminé), le dictateur Khadafi s’est retranché derrière l’ignoble désignation de boucs émissaires, forcément des étrangers, et forcément ressortissants de pays trop faibles pour les défendre. Que pouvait dire la misérable Bulgarie ? Que pouvait dire la fantomatique Autorité palestinienne ? Face à la colère de l’opinion libyenne, Khadafi s’achetait la paix en torturant et en emprisonnant des innocents. Tout changea le 1er janvier 2007 (et même quelques mois avant), quand la Bulgarie entra dans l’Union européenne. Désormais, les infirmières bulgares et le médecin palestinien (à ce titre déjà protégé par l’Union mais en outre naturalisé Bulgare) se retrouvaient citoyens de la première puissance économique mondiale. De boucs émissaires, ils se muaient otages, de haute valeur marchande. Khadafi, éminent spécialiste, comprit immédiatement le parti qu’il pouvait tirer du changement de statut de la Bulgarie, et des négociations s’engagèrent avec l’Union. Dans une négociation pour faire libérer des otages, il faut apprendre à avaler des couleuvres. Khadafi, comme les FARC, relançait sans cesse les enchères, jusqu’à exiger in fine, pour humilier l’Europe et l’un de ses principaux pays, que la Commissaire aux Relations Extérieures de l’Europe, Madame Benita Ferrero-Waldner, et l’épouse d’un Président de la République en exercice viennent lui faire la danse du ventre en cerise sur le gâteau. Je le dis nettement : je remercie ces deux personnes d’avoir accepté, en notre nom, cette humiliation face à un dictateur, tortionnaire, preneur d’otages, et pour sauver les infirmières bulgares et le médecin palestinien. Danser la danse du ventre au nom d’un intérêt supérieur ou au bénéfice de tiers, je connais, je pratique, c’est le boulot de quiconque assume des responsabilités, même par ricochet. Les vraies questions étaient ailleurs, non pas dans le statut plus ou moins officieux de la délégation européenne et l’absence du ministre français des Affaires étrangères (encore une fois, la Commissaire aux affaires extérieures de la plus grande puissance économique du monde, excusez du peu !), mais d’abord le traitement médiatique qui fut donné en France de cette négociation. Benita Ferrero-Waldner se retrouvait, sous les caméras françaises, dans le rôle bizarre de « la dame en blanc à côté de Cécilia ». Plus grave encore, on ne pouvait que s’inquiéter des contreparties que Nicolas accorderait au bandit, pour le droit d’être associé au cirque. Je craignais le pire. Bingo ! Un juteux contrat de centrale nucléaire ! Et la prochaine centrale, c’est pour l’Iran ou la Corée du Nord ? Non ! pour la Chine… MénigonPetite nouvelle qui me touche, Nathalie Ménigon, ancienne militante terroriste d’Action directe est mise en semi-liberté… pour raison de santé. Ainsi Maurice Papon ne sera pas le seul à avoir bénéficié de cette mesure de clémence ! Nathalie Ménigon, comme d’autres prisonniers d’Action directe, est gravement malade. Je suis de ceux qui pensent que la République s’honorerait en les amnistiant. Je le dis, bien qu’il n’y ait pas eu repentance. Je le dis, en réaffirmant comme je l’avais fait à propos des assassins d’Erignac, comme je le répète sans arrêt à propos des paramilitaires et des guerilleros preneurs d’otage colombiens : une amnistie ne doit pas être une amnésie. Les crimes d’Action directe étaient graves. Leurs cibles étaient politiquement absurdes (le directeur d’une grande entreprise nationalisée et un directeur des industries de l’armement : en quoi cela a-t-il gêné ces industries ? Et en quoi le fait de diriger Renault était-il politiquement abominable ?) La réduction d’êtres humains à un statut de symboles que l’on abat parce qu’on n’aime pas ce dont ils sont le symbole, c’est un crime politiquement aussi grave qu’il est humainement grave de priver leurs proches d’un être cher. Reste que ces crimes étaient politiques, justifiés par une idéologie de solidarité à l’égard des victimes de l’armement et du taylorisme. Enfermer la poignée de militants d’Action Directe jusqu’à la fin des temps nous déshonore. Hasard de la programmation, Arte rediffuse le même jour L’horloger de Saint Paul, premier film de Bertrand Tavernier, avec Philippe Noiret : justement l’histoire d’un jeune qui assassine un vigile patronal facho, lequel a harcelé, peut-être violé, et licencié sa petite amie ouvrière. Le filme date de 1974 (il y a des références à la lutte de Lip, mais le fond est une réminiscence de l’affrontement Overney-Tramoni aux portes de Renault). Le père et le commissaire de police cherchent à sauver la peau du jeune. Le commissaire propose de retrouver des témoins du harcèlement et du viol. Le père se lève avec toute la dignité dont Philippe Noiret savait être capable et quitte la table, ce qui pour un Lyonnais n’est pas rien. Bref, le Bien, le Beau, le Noble, c’était de ne dénoncer que les aspects économiques de l’exploitation patronale ; le mal, l’impur, le compromis, c’était de dénoncer le harcèlement et le viol. Drôle d’époque ! Pourtant Tavernier est un auteur de gauche. Mais le féminisme n’en est alors qu’à ses premiers pas en France, la loi Veil ne passera qu’en 1975, et le féminisme ouvrier n’émergera que dans la seconde partie des années 70. Il faudra encore longtemps pour imposer l’idée que le viol est un crime, que l’oppression des femmes est politique. Ce genre de film, tout comme Histoire d’un secret de Mariana Otero, est bien utile pour rappeler aux jeunes générations quels murs ont dû renverser les soixante-huitard-e-s aujourd’hui si décrié-e-s.
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