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Accueil  > Vie publique > Alain Lipietz et les Verts > Restons modestes… mais retrouvons l’audace ! (http://lipietz.net/?article2084)

par Alain Lipietz | 31 juillet 2007

Journée d’été des Verts 2007, Quimper
Restons modestes… mais retrouvons l’audace !
Contribution pour le Bulletin « Audaces. Un autre monde est possible, mais il est dans celui-ci »
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Comme en 1993 ou en 2002, les résultats électoraux provoquent chez les Verts une légère déprime. Comme alors elle est aggravée par l’idéologie du désespoir en actes d’une partie de la direction : « on ne pèse plus rien, on n’a plus le rapport de force ni pour passer contrat avec la gauche, ni polémiquer publiquement avec la droite »…

Pourtant il n’y a pas vraiment de quoi. Nous nous en tirons avec un député et un sénateur de plus ; le score médiocre mais attendu de notre candidate présidentielle est compensé par le succès d’estime de sa campagne. Les défections au profit d’un concurrent, en pleine bataille électorale, ne furent chez nous qu’une poignée (dont certes, deux ex-secrétaires nationaux…) et seulement en direction de Bayrou ou de Bové, et pas vers la droite. Même rétroactivemnt, elles n’entachent guère la moralité des Verts. Le PS pourrait nous envier…

Comme toujours, la tentation chez les Verts est d’attribuer nos difficultés à nos statuts. Il y a des problèmes statutaires, ils ne sont rien par rapport à nos problèmes de pratiques. Nous souffrons surtout de graves problèmes ouverts par le renversement stratégique du Cnir du 13 mai 2007.

 1) Statuts et pratiques.

Faut-il vraiment sacrifier au rite biennal de la réforme des statuts ? Ecoutez nos électeurs, écoutez les autres verts européens. Ils vous diront plutôt « Votre problème à vous, les Verts français, c’est que vous vous engueulez tout le temps ». C’est assez injuste. Il n’y eu pas chez nous d’affaire Clearstream ni de bande vidéo comme celle lancée par DSK contre Ségolène.

Sauf que les autres partis ne prétendent pas sauver la planète ! Les ambitions que nous affichons exigent de nous des conduites irréprochables. Prenons même le cas de la proportionnelle : nous la discréditons jour après jour par le mésusage que nous en faisons en interne.

Oui, les Verts ont encore besoin de quelques ajustement organisationnels. Par exemple, en renforçant la prime à ceux qui veulent bien s’unir. Ou encore en organisant mieux la coordination entre les élus externes et les élus internes. Mais tout cela est avant tout affaire de pratiques. Notre dernière réforme (bien signifier aux médias, en réduisant à deux le nombre de porte-paroles, que ce sont eux qui parlent pour les Verts, le ou la secrétaire nationale s’occupant strictement de l’interne) n’est même pas encore appliquée, pourtant cela ne dépend que de nous ! Quant à l’idée fort simple qu’une fois une décision démocratiquement prise (choix du ou de la candidat-e à la présidentielle, choix de notre réponse au référendum sur le TCE…), chacun doit la défendre publiquement ou se taire, elle fait déjà partie de nos statuts. Il ne nous est plus demandé que le courage moral de l’appliquer. Je sais, c’est difficile pour ceux qui n’ont d’autres occasions d’accès aux médias que lorsqu’ils tapent sur les autres Verts…

 2) Stratégie politique.

Si le 13 mai 2007 nous avions accepté les maigres offres du PS, nous aurions sans doute deux ou trois député-e-s, et des centaines de milliers de voix de plus. Ce qui, politiquement et financièrement, n’est pas négligeable. Si nous avions accepté l’offre de juin 2006, nous aurions probablement, sinon un groupe politique, du moins les moyens de créer un groupe technique mixte beaucoup plus Vert, dynamique, attractif que l’actuel. Mais ces fautes tactiques sont mineures par rapport aux attendus du choix du Cnir du 13 mai. Rappelons les :

a- « Fin de la stratégie de majorité de gauche plurielle ouverte en 1996 ».

Je regrette, mais si les Verts doivent un jour appliquer des politiques publiques de développement soutenable pour sauver la planète, ils ne pourront le faire que dans une majorité, elle sera de gauche, et nécessairement plurielle. Elle s’étendra probablement au centre, vers Bayrou, comme l’Italie s’est sortie de la période berlusconiste par l’alliance avec Prodi.

L’expérience italienne a montré toutefois les limites de ce recours. Quand la gauche et les écologistes se placent sous la direction du centre, on ne va pas bien loin. Le moment venu, les Verts devront être capables d’assurer la direction, au moins idéologique, de la coalition de sortie du sarkozysme. Ils ne le pourront qu’en offrant inlassablement l’alliance aux autres forces, progressistes et centristes. Prenons exemple sur Mitterrand qui avait mis au point cette tactique en 1971, alors que la SFIO, exsangue, pesait 3 à 4 fois moins que le Parti communiste. (cf la primaire Deferre-Duclos 1969).

b- « Le parti socialiste ne sera plus notre partenaire privilégié ».

Le PS n’était pas et ne sera jamais notre partenaire exclusif. Politiquement, les Verts ont trois frontières : le centre, le PS et la gauche de la gauche, et il faut se réjouir de tout progrès dans les rapports avec ces trois voisins. Mais il existe des critères hiérarchiques. Une partie de la gauche de la gauche, la LCR, ne veut pas rentrer dans les institutions, elle est donc totalement inutile pour conduire les politiques publiques du développement soutenable. L’autre partie, le PC, a fait du productivisme, en particulier nucléaire, sa religion. Quant au centre, c’est un phénomène nouveau et intéressant, contrecoup de la réunification des droites sarkozystes et lepénistes, mais le Modem reste lié à la droite par tous ses élus locaux. Qu’on le veuille ou non, y compris aux yeux de nos électeurs, le PS reste la direction légitime d’une alternative à gauche. Si nous voulons un jour le supplanter dans ce rôle, nous devons savoir en tenir compte.

 3- Le rapport avec les associations.

C’est sans doute le problème le plus difficile qui nous est reposé dans la période. Non pas la ré-émergence d’un Génération écologie centriste (aux européennes 2004, Les Verts n’avaient fait qu’une bouchée de C. Lepage en Ile de France) , mais bien une re-ONGisation de l’écologie politique. Nos propres difficultés et erreurs ont rouvert la porte à la croyance que l’écologie était d’abord affaire d’associations négociant avec un gouvernement, quelle qu’en soit la couleur. Cette croyance a ses titres de noblesse, en France l’anarcho-syndicalisme, plus récemment la « politique anti-politique » qui fut celle de Solidarnosc et de la révolution de velours praguoise. L’idée que l’on ne doit pas chercher à occuper le pouvoir, mais à le conditionner de l’extérieur. Cette croyance s’est matérialisée par le succès de la non-candidature Hulot (qu’il eut justement l’intelligence, contrairement à Bové, de ne pas traduire en candidature), et même, par le Grenelle de l’environnement.

L’expérience historique montre que cette politique anti-politique ne mène à rien d’autre qu’au populisme. Une révolution dans nos modes de développement demande l’accès au pouvoir d’un parti, construit et argumenté, qui la représente.

Mais, ne l’oublions pas, la révolution sociale-démocrate qui, de Roosevelt à Beveridge, offrit au monde la porte de sortie progressiste de la Grande Dépression et de la Seconde guerre mondiale, n’a pu avoir lieu qu’en s’appuyant sur le ferme soutien des syndicats. Le retour des associations écologistes à la politique est donc une excellente nouvelle. Il reste à les aider à passer à l’étape suivante : soutenir le moment venu la force politique incarnant leurs vœux.

Ici, notre responsabilité est pleine et entière pour les années qui viennent, à commencer par période du Grenelle. Non pas dicter aux associations, avec arrogance, ce qu’elles ont à faire, mais proposer une synthèse de leurs aspirations et s’en montrer les plus actifs soutiens dans les institutions, dans un processus de co-élaboration qui ne saurait se limiter aux plus radicales d’entre elles. Nous devons continuer à faucher l’OGM avec les Faucheurs volontaires, tout en travaillant avec les meilleurs experts du Museum d’histoire naturelle, et en menant dans les institutions où nous sommes présents, des municipalités au Parlement européen, une lutte exemplaire.



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