Vacances, et retour des débats merdiques.
Samedi 4 août 2012
Plus d’un mois sans blog, à part le billet sur l’affaire de Gennevilliers… Je ne suis pas seulement bouffé par Facebook, plus réactif, mais pas archivable (vous pouvez lire et intervenir, sans même vous inscrire comme « amis », sur mon « mur » ou sur ma « page », attention à la place des .). Mais après trois ans de campagnes électorales presqu’ininterrompues depuis mon départ du Parlement européen, j’ai enfin entrepris de classer mes archives professionnelles et politiques qui s’accumulaient dans des caisses chez ma mère. Il a fallu d’abord construire une bibliothèque adjacente à mon pavillon, puis entreprendre de ranger (ce qui est loin d’être fini), puis archiver mes textes sur ce site… J’en ai encore pour des mois. J’ai signalé sur ma page Facebook mes archives les plus intéressantes (mais vous pouvez également utiliser les moteurs thématiques et par années de la colonne de gauche, entre 1990 et 1994) : sur la bataille des 35 heures (depuis le début des années 90), ou sur les dérives de l’Europe à partir de l’Acte Unique, ou… Tenez, par exemple, un texte sur la « création de nouveaux espaces économiques » , bien utile à l’heure où l’on parle de réindustrialisations, de pole de compétitivité, de « clusters », etc, ici. Ensuite, Natalie et moi sommes partis en vacances à la montagne, toujours dans le Briançonnais. Toujours beau, toujours sympathique. Puis, trois jours de replongée au festival d’Avignon. J’en parle dans un onglet, plus bas. Puis retour à la maison. Outre l’archivage des docs déjà scannés, quelques articles sur les débats « merdiques » en cours, pour tenter de les clarifier, loin des effets de manche de la politique politicienne : – Un article pour Le Sarkophage sur les débats merdiques du genre « mais si la révolution verte crée des emplois, ça va contre la décroissance et ça va lancer un capitalisme vert » (oui, oui, ça existe). – Un article pour Libé sur les raisons de fond de la crise de l’automobile française. – Un texte pour EELV sur le débat du Mécanisme Européen de Stabilité et le TSCG, ou : pourquoi il fallait voter Oui au premier et il faudra voter Non au second, et pas l’inverse, comme s’apprête à faire le PS. Non parce que le TSCG impose un droit de contrôle de chaque pays sur tous les autres (depuis Maastricht, il me semble impossible d’avoir une monnaie unique si on n’établit pas une solidarité budgétaire, et celle si est impossible sans un droit de regard de chacun sur les bêtises des autres, bref un fédéralisme politique). Mais parce qu’il prescrit une politique (la « règle d’or ») inapproprié à une période de « grande crise » et de grande transition. Car pour cela, on a besoin de créer de la « New money » , afin de financer à crédit les investissements de la révolution verte J’aurais pu aussi bien écrire un article en défense de la TVA sociale, que les Verts ont imaginée et défendue depuis 1992, ou sur le scandale de La Mouette à Avignon. J’en fais juste deux onglets ci-dessous. TVA socialeIl s’agit de reporter ce qui reste de cotisations sécu sur la TVA, pour financer la protection sociale. Les Verts se sont toujours heurtés à des arguments fallacieux du genre « la TVA est payée par les consommateurs, donc les pauvres », ressassé par toute la gauche depuis sa création. En réalité la TVA est beaucoup plus juste que les cotisations sociales, car prélevée sur la valeur ajouté (=salaires + profits des entreprises avant redistribution). Et par ailleurs et surtout, elle est déductible à la frontière, et inversement elle est chargée sur les importations. Elle « sort » donc le coût de la protection sociale du prix international des marchandises exportées par un pays , et charge à l’inverse le travail délocalisé comme s’il était domestique. Donc c’est une arme anti-délocalisation, équivalente d’une dévaluation (d’ailleurs quand l’Allemagne a instauré 2 % de TVA sociale, les autres européens ont crié à la dévaluation sauvage). Le Danemark, qui finance sa sécu par la TVA, a ainsi la protection sociale la plus élevée du monde sans que ça nuise à sa compétitivité. Mais toute la gauche, le Canard enchainé et certains économistes de la gauche de la gauche étaient toujours contre nous, et j’en ai marre d’expliquer. Voyez ce texte de 1996, dans Alter éco, je n’ai rien à rajouter. En réalité, si : pourquoi n’arrivons-nous pas à convaincre la vieille gauche ? Parce qu’en général les syndicats sont contre le transfert des cotisations sociales vers l’impôt, qui saperait la légitimité de la cogestion syndicale de la Sécu. Delors puis Rocard ont contourné la difficulté, en créant une taxe « affectée », la CSG, qui a le premier avantage de la TVA (frapper aussi les profits) mais pas le second (déductibilité aux frontières), et est directement affectée à la Sécu. Mais dire que sur 20 % de TVA, 18% iront à l’État et 2% à la Sécu, faut avoir confiance… AvignonUn mot sur Avignon et ses débats merdiques. Comme vous le savez, ce festival de spectacle vivant comprend un « In » (conçu par des responsables selon une certaine politique, et se matérialisant dans une trentaine de spectacles), et un « Off », une foire où toutes les troupes de France et de Navarre présentent leurs productions en espérant qu’une MJC ou un théâtre les invitera. 1200 offres en « off » cette année ! Les billets de spectacles du In, on les commandes à l’avance pour voir ce que nous propose la fine fleur du théâtre contemporain. Les billets du Off , on les achète sur place , à bas prix avec une carte d’abonnement, en fonction du bouche à oreille ou d’un coup de cœur pour une page de l’énorme catalogue du « Off ». On peut ainsi voir 4 ou 5 spectacles par jour… Nous avons vu 4 In et 6 off. En Off : – Un truc absolument magnifique, La nuit la plus claire qu’on ait jamais rêvée, très belle musique concrète et surtout texte superbe et magnifiquement servi de Philippe Jacottet sur la poésie. Comme un long commentaire d’un poème de Mallarmé : "toute poésie est une voix donnée à la mort." – Une très bonne mise scène de L’échange de Claudel, par la Cie Les larrons , mise en scène de Xavier Lemaire. L’échange est un texte d’une énorme puissance, ici remarquablement servi. En 68 on disait "plus jamais Claudel", sans doute pour faire place aux corps des acteurs. Maintenant que c’est fait, c’est bon de retrouver du texte en bouche… – A portée de crachat, monologue écrit par un acteur arabe israélien, Taher Najib (et joué par Mounir Margoum du théâtre de Sartrouville), sur ses tribulations à Ramallah, Paris, et l’avion CDG-Tel Aviv pour un vol le 11 septembre 2002. Désopilant. – Bien au dessus du silence : des poèmes de lutte et de résistance que les militants de ma génération connaissent tous, mais ici dépouillés de leur musique « de référence « (Ferré, Ferrat…) et « joués » , y compris « Tu n’en reviendras pas » ou « J’écris ton nom ». Impressionnants de force renouvelée, ces textes parfois éculés. Bon, et en « in » ? – Un solo de dance extraordinaire, The Old King, de (et par) Romeu Mura – Enthousiasmant Un ennemi du peuple de Ibsen, mise en scène en allemand par Ostermeier, faisant participer toute la salle à cette histoire vieille d’un siècle : un médecin qui dénonce la pollution des eaux thermales qui font vivre une petite ville… – Un ballet très imaginatif sur la finance, intitulé 15% (mais sur le fond passablement daté 2006 : aujourd’hui la finance prête à la France à taux réel négatif ! ) – Et, donc, un énorme plouf, La mouette de Tchékov, dans la Cour des Papes. Dès notre arrivée, le verdict de la presse est unanime : c’est raté. Mais on a déjà les billets, puis quand même, la Cour des Papes, Tchékov… Je confirme, c’est raté. Et ça mérite réflexion. 4 heures lassantes (de 22 h à 2 h du matin), pour des spectateurs qui ont payé des semaines à l’avance, et dont un tiers s’esquive à l’entracte, et, pour la troupe, l’honneur de l’invitation, et des mois de travail des comédien/nes, un metteur en scène qui inonde à l’avance les medias de commentaires trèèès intelligents sur la pièce et son propre travail… un ratage pareil demande explications. Je crois d’abord que le metteur en scène, Arthur Nauzyciel, s’est empêtré dans sa propre intelligence. Paraphrasant ce que dit de lui-même un personnage de la pièce, « il est intelligent, plein de talent, mais il ne vaut pas Tchekov ». Quand on met en scène du Tchekov , ne pas oublier que le génie, c’est Tchékov, pas le metteur en scène, si fin analyste soit-il. Ici, la fin de la pièce (le suicide de Treplev) est mise au début. Or une pièce de Tchekov, c’est une trajectoire, du truculent au déchirant, en passant par la nostalgie de désastres anticipés. Si on se croit plus fort que Tchékov et si on change l’ordre, attention, ça ne fonctionne peut-être plus, ni la truculence, ni la nostalgie, ni la déchirure finale (d’autant que la fin de La Mouette est moins « nécessaire », plus arbitraire, moins inéluctable, que la fin de Oncle Vania ou La Cerisaie, donc plus fragile). Ensuite, la Cour des Papes est un défi : occuper l’espace devant un immense public. Les comédiens, dispersés dans un décor de grandes feuilles de métal plantées dans du sable noir, font dans leurs différents coins des trucs formidables, quand on peut les suivre à la jumelle. Mais, vu des gradins, l’ensemble n’a aucun sens. Comme c’est la règle ici et cette année, on a eu droit à une video des premières « actualités » d’époque, projetée sur une tôle du décor ( l’arrivée du train à La Ciotat). Mais ce décor abstrait ne correspondait à aucun concept tchékovien (décadence, insignifiance et impuissance des petites élites de terre ou de robe, frivolité inquiète prima della revoluzione, ni « mouettien » (la maturation d’une actrice, le thème « sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques », etc) alors que, tiens il aurait bien fonctionné pour Médée ou Antigone. Quand même, c’est marrant : cet usage de la video se retrouve cette année dans toutes les mises en scène. Comme les effets sonores, voix Off, électroacoustique… Et cette quasi obligation qu’un acteur masculin se montre demi-nu ou tout nu, mais pas les actrices… Hasard de notre sélection ?
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