Eva et les crises de l’été


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Lundi 6 septembre 2010

Retour en fanfare des Journées d’été d’Europe Ecologie (voyez mon billet précédent). Dès le lundi 23 au matin, France 24 en français et en anglais m’interrogent sur la percée-mystère d’Eva Joly ; et rebelote, le soir, longuement, à C’ dans l’air. J’explique que cette percée de la candidature d’Eva à la présidentielle vient de ce qu’elle a su incarner (contrairement aux autres candidats potentiels) la réponse écologiste à l’une des 4 grandes crises qui ont occupé l’actualité cet été.

En fin de semaine, je (re) découvre aux journées d’été du NPA le fossé qui me sépare désormais des posture purement protestataires - « révolutionnaires ». Mais j’en parlerai dans un prochain billet (oui, oui , j’accumule le retard…)

Mais très vite nous rattrape l’actualité des mobilisations : contre le racisme d’Etat (le 4 septembre) , contre le projet de l’Etat sur les retraites (dans la rue le 7, au meeting francilien de Montreuil le 8) : ici, mon entretien dans Charlie-Hebdo.

À quoi s’ajoute, en ce qui me concerne , une avalanche d’interviews sur la menace de boycott adoptée par l’Etat de Californie (depuis rejoint par la Floride) contre la Sncf, si elle persiste à ne pas rendre des comptes sur sa participation à la Shoah. Voyez par exemple ici mon entretien au Monde.fr.

Crises

Un mot des crises de l’été avant de parler d’Eva.

L’actualité de cet été a revisité bien des thèmes de l’écologie politique : catastrophes climatiques, relance de la crise financière mondiale, riposte sécuritaire et raciste de Sarkozy au scandale Woerth-Bettencourt, et toujours les retraites.

Les crises climatiques d’abord. L’humanité a été servie : terribles inondations au Pakistan, terrible canicule en Russie-Ukraine. Un échantillon de ce qui deviendra la règle dans quelques décennies. La plus tragique, de loin, est la catastrophe pakistanaise, ignorée, je l’ai dit ici, par islamophobie (déjà, un pays dont la capitale s’appelle Islamabad !)

Mais la plus significative est la canicule russe. D’abord par la violence du démenti aux élucubrations d’Allègre. Ensuite parce que la Russie a une longue tradition de négation des périls de l’effet de serre. Le grand Vladimir Vernadsky, inventeur du concept d’écosphère et qui déduisit, il y a près d’un siècle, que la capacité du CO2 à capter les rayons infrarouges provoquerait une hausse de l’effet de serre quand la combustion du pétrole sous-terrain augmenterait significativement la concentration du CO2 dans l’atmosphère, pensait… que ce serait très bien de réchauffer le climat de la Russie, pour augmenter son rendement en blé !

Bon, ben là… 30% du blé ukrainien et russe partis en fumée, ces deux pays bloquent leurs exportations ! La chaleur , augmentée par les incendies , a rendu les villes russes invivables, le feu a menacé les centrales nucléaires et renvoyé dans l’atmosphère l’humus radioactif de Tchernobyl. Et ce n’est pas fini : l’Australie étant toujours aussi desséchée, le prix des céréales augmente dans le monde entier, les émeutes de la fin vont reprendre dans les pays les plus pauvres pris en étau, entre l’abandon des cultures vivrières sous les diktats de l’OMC, et la progression des agrocarburants… Bref, un retour aux origines écologiques de la crise mondiale de 2007-2008.

Mais par ailleurs, l’incapacité des gouvernements et des majorités libérales à « moraliser le capitalisme » a ressuscité la puissance des banques, qui mordent maintenant la main des Etats qui les ont sauvées à l’automne 2008. En France, cette immoralité consanguine de la richesse et des politiques éclate dans l’affaire Bettencourt-Woerth : ces gens qui s’estiment au dessus des lois se voient reprocher des turpitudes qu’ils croyaient, pour eux, parfaitement normales, alors que le commun des mortels finit en prison pour mille fois moins grave. Un monde à la Menem ou à la Berlusconi, où Monsieur concocte à Bercy l’ouverture de nouvelles niches fiscales tandis que Madame organise des tupperware pour la haute société afin d’expliquer comment profiter de ces nouveaux paradis fiscaux à domicile (ici un joli exemple)

Nouveau front réactivé par Sarkozy face aux scandales : une bonne grosse campagne sécuritaire-raciste, pour reprendre au FN les voix populaires que lui font perdre les révélations sur ces turpitudes.

La crise de la sécurité dans les quartiers populaires est une vraie question, « écologique ». Elle appelle des solutions fondées sur le recul de l’exclusion et la restauration du lien social (cf ici le colloque que j’avais organisé, suite aux évènements de novembre.) Mais Sarkozy, dont la seule solution, la répression, a très logiquement échoué (puisque la répression n’intervient qu’apres-coup), sait qu’il continue à incarner la volonté de faire reculer la délinquance dans les quartiers populaires (pas à Neuilly : elle y est, on l’a vu, d’une autre nature !).

Et c’est le grand festival. On propose de supprimer la nationalité d’une certaine catégorie de Français, comme sous Vichy. Des gens du voyage, français, créent des troubles dans le Loiret ? on lance une chasse au Rom roumain dans toute la France. Le seul lien est la qualité de Rom, mais les Roumains sont à la rigueur expulsables tant qu’ils n’ont pas (jusqu’en 2014) la pleine citoyenneté européenne…

Cette logique abominable est, dans sa monstruosité juridique, de même nature que la « rafle des billets verts » de mai 1941 (l’arrestation strictement vichyso-française des juifs étrangers). Bien sûr, on n’entasse pas les Roms à Pithiviers : juste dans des centres de rétention. Mais le langage est exactement celui que tenaient sur les juifs, dans les années 30, ceux qui en 40 arrivèrent au pouvoir.

Toute l’opinion démocratique s’indigne, la Commission européenne s’alarme. Cas rarissime : le pape critique le gouvernement français, suivi par des évêqes et la bonne presse, etc. Le pouvoir tente de mobiliser de « grands témoins » juifs (le CRIF, Elie Wiesel , Alain Minc) à son secours contre les cathos : « Ce qui est arrivé aux juifs est incommensurable, tour rapprochement est scandaleux ». Ce discours tente de jouer sur l’abandon de l’universalisme, qui a déconnecté la lutte contre l’antisémitisme de la lutte anti-raciste (voir mes contributions à l’enquête du Centre Simon Wiesenthal et au Congrès Juif Européen.)

Car il faut bien faire le constat : la philosophiquement juste critique de Lanzmann contre la confusion des victimes (dans Nuit et brouillard, le film de Cayrol et Resnais, comme dans la chanson de Ferrat) s’est transformé en arme aux mains des racistes : « Tant qu’on n’en est pas aux chambres à gaz et à 6 millions de morts, inutile de s’inquiéter ». Quand j’avais 15 ans on disait « Plus jamais ça », aujourd’hui on hausse les épaules «  : De toutes façons, ça ne sera jamais ça. »

Heureusement, cette sottise n’intimide plus grand monde : même la Licra participera, étendards déployés, aux impressionnantes manifestations du 4 septembre, répétitions générales des manifs du 7.

Car pendant ce temps-là, ni Sarkozy Woerth, ni les syndicats, ne lâchent le morceau : ils préparent cette insolite bataille de rentrée, qui laisse aux salariés à peine le temps de souffler. C’est que le pouvoir veut s’attaquer aux retraites de 2050 « en urgence » ! La notation de la France par les agences en dépend… Les réunions et meetings du Collectif citoyen sur les retraites reprennent. Nous mettons en ligne ici une synthèse de la situation début septembre, Charlie-Hebdo publie une interview que vous trouverez là et qui résume en gros nos débats des journées d’été d’Europe Ecologie.

(Retour aux onglets)

Eva

Bref, il y avait cet été de quoi « se faire un nom », pour un-e écologiste ambitieux !

Sur le climat et la crise alimentaire, sur l’immoralité et la crise de la finance, sur la désintégration sociale et la riposte raciste–sécuritaire du pouvoir, comme sur la crise de l’Etat –providence et le financement des retraites, il y en avait pour tous les goûts.

Or, la plus improbable des candidates à la candidature, 18 mois de vertitude au compteur et un accent à faire ricaner les humoristes, Eva Joly, emporte le morceau en un seul été : oui c’est elle que nous voulons, c’est elle qui doit représenter les écologistes !

C’est de cette percée que m’entretiennent donc les journalistes au retour des journées d’été. (Vous pouvez visionner le débat de C’ dans l’air). Ma réponse tient en un mot : incarnation.

Pour se présenter aux citoyens à une élection qui déterminera le chef réel de l’exécutif, un-e candidat-e doit être capable de « répondre sur tout ». Mais il ou elle commence par s’identifier à un combat. Chirac : l’agriculture, Sarkozy : la sécurité, Lula : les metallos de la banlieue de Sao Paulo, Morales : les cocaleiros… Indentification parfois étroite et gênante, mais qui permet cette alchimie appelée incarnation (on « incarne » une lutte, sa propre vie signifie déjà une cause collective), qui précéde la « représentation » d’un courant politique sur les thématiques plus générales.

À la veille des vacances, Jean-Vincent Placé énumérait 3 candidats légitimes : Cécile Duflot, Eva Joly et Nicolas Hulot. Le refus de Hulot, à plusieurs reprises, laisse supposer que son nom n’était jeté que dans les pattes d’Eva Joly. Mais surtout JVP ignorait un candidat déclaré : Yves Cochet.

Dans le courant de l’été, Cécile a déclaré qu’elle ne se sentait pas « de taille ». Remarquable lucidité/honnêteté pour un-e politique. En 2005, quand Cécile « se sentait prête », je ne me sentais pas « de taille » : je n’avais pas de réponse à plusieurs des crises de la société française.

Restent donc (pour le moment !) : Yves et Eva, et Eva a rappelé que le débat n’et pas fini et sera tranché… dans un an. Elle a parfaitement raison. La suite du débat entre les candidatures de type Yves ou Eva est nécessaire à Eva, non seulement pour la bonne forme, mais sur le fond.

Qu’a-t-il manqué à Yves (comme à Cécile) cet été ? L’incapacité d’incarner au moins l’un des combats de cet été. Il y avait pourtant la crise climatique, et Yves est un écolo « historique » (même si son évolution, depuis quelques années, m’avait amené dès 2006 à voter contre sa candidature.) Mais, depuis quatre ans, il s’épuise à répéter, avec talent, que les problèmes écologiques viennent du « monde souterrain », que le problème n’est pas tant l’effet de serre, l’excès de pétrole brulé, que l’insuffisance du pétrole à brûler ! Or ce n’était ni le problème des Pakistanais, ni celui des Russes, ni des futures victimes de l’inévitable explosion des prix alimentaires.

A l’inverse, Eva incarne parfaitement la lutte contre l’incroyable tissu de compromissions entre les grands centres de profit et le personnel politique de droite ou du centre-gauche qu’illustrent les affaires Elf ou Woerth. Aux journalistes qui m’objectent qu’elle n’incarne au plus que ces affaires-là, il m’était facile de répondre que, dans le bruit médiatique, « paradis fiscaux » , « bouclier et niches fiscales », « irresponsabilité des riches » et « complicité des politiques » sont une seule et même musique.

Le débat bascule alors vers le risque de populisme : dénoncer le système sous l’angle des scandales ne fait le jeu que du Front National. Argument recevable : c’est vrai que seule Marine Le Pen et Eva Joly incarnèrent cet été la lutte contre les scandales. Mais :

 Il est nécessaire que la fonction tribunicienne « dénoncer les scandales » soit tenue aussi par les écolos, sauf à l’abandonner à l’extrême droite. Il y a une demande populaire de « Qu’ils s’en aillent tous », que Eva (et pas Mélenchon), avec son accent et sa fraîcheur politique, peut incarner.

 Eva ne réduit pas le système à des scandales, elle part des scandales pour démonter le système. Elle ne dit pas « tous pourris », mais, en technicienne, juge anti-corruption, « Voici comment un Etat de droit peut vos préserver des pourris ». Dans de nombreux pays (comme la Colombie, de Ingrid à Antanas !), « vert » signifie d’ailleurs principalement « lutte contre la corruption et pour la réforme de l’Etat…

Il reste à Eva un an et demi pour passer de l’incarnation d’UN thème de l’écologie politique, à la représentation de toutes les réponses de l’écologie politique… Eva est une personne qui apprend très vite.

A par ça ; les débats font rage sur ma page Facebook et surtout sur mon « statut » , souvent riches et de mieux en mieux maîtrisés, respectueux. Mais ça me bouffe et je n’arrive pas à les synthétiser sur mon site…

Or les débats sur FB s’envolent comme les paroles, ceux d’un forum de blog restent comme des écrits. Ne serait-ce que parce que contrairement aux archives de la Sncf, ils sont classés, indexés.

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Il y a 3 contributions à ce blog.
  • Evernote

    A par ça ; les débats font rage sur ma page Facebook et surtout sur mon « statut » , souvent riches et de mieux en mieux maîtrisés, respectueux. Mais ça me bouffe et je n’arrive pas à les synthétiser sur mon site…

    Or les débats sur FB s’envolent comme les paroles, ceux d’un forum de blog restent comme des écrits. Ne serait-ce que parce que contrairement aux archives de la Sncf, ils sont classés, indexés.

    Face à un problème similaire, j’ai cherché des solutions et j’ai trouvé Evernote.
    Voir un exemple de ce que ça donne ici :
    http://www.evernote.com/pub/sentaugulo/politique


    Mode d’emploi rapide :

    Je vous ai envoyé à courrier at lipietz.net une invitation pour créer un compte

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    https://addons.mozilla.org/fr/firefox/addon/5457/

    Voila dans facebook il ne reste plus qu’a sélectionner les commentaires à sauvegarder, à cliquer sur Shareaholic : : Evernote


    Dimanche 12 septembre 2010 à 11h43mn13s, par jmfayard
    lien direct : http://lipietz.net/?breve402#forum3794
  • Eva et les crises de l’été

    Comment ne pas être d’accord avec (tout) ce que vous écrivez ?
    (Sauf pour ce qui concerne Yves Cochet. Je ne peux ni approuver ni m’inscrire en faux car je ne suis pas son parcours).
    Alors ?
    Et bien... je viens de me connecter sur le site d’EE et de... payer les 20€.
    (vous connaissez mon nom et mon adresse, vous pouvez vérifier javascript:emoticon(’:smiley-wink’)
    Puis-je inviter un max de vos visiteurs à faire comme moi ?
    http://avenircommun.europe-ecologie.fr/


    Jeudi 9 septembre 2010 à 05h22mn32s, par Joke
    lien direct : http://lipietz.net/?breve402#forum3785
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