La semaine dernière, vacances du Parlement, et aussi de chimio. Normalement, je devais être à Lima pour l’assemblée euro-latino-américaine, mais j’ai préfère rester avec Francine. Et pourtant, je ne peux échapper à un saut à Sao Paulo pour le congrès des Verts mondiaux.
Il n’y a pas foule à Paris : notre zone est en vacances. C’est pourtant un beau premier Mai.
Première « nouveauté », la très large unité syndicale. CGT (Thibault), CFDT (Chérèque) et UNSA sont en tête de cortège. Ce n’était pas arrivé depuis très longtemps, peut-être depuis le « recentrage » de la fin des années 70. Je me souviens qu’au début des années 70, quand s’était signée une plate-forme syndicale CGT-CFDT, l’extrême gauche (j’en étais !) avait dénoncé un virage à droite de la CFDT, alors très « soixante-huitarde ». Je suis sûr qu’aujourd’hui, beaucoup diront qu’en manifestant avec la CFDT, la direction Thibault de la Cgt manifeste son « recentrage » !
J’ai pourtant l’impression que, dans chaque pays européen, moins il y a de confédérations syndicales, plus il y a de syndiqués. La division syndicale explique le passage plus rapide en France que dans l’Europe continentale du « fordisme » au « néo-libéralisme ». Les grandes manoeuvres de regroupement syndical en cours, pour faire face à un changement des règles de représentativité qui seraient dorénavant basées sur les résultats aux élections professionnelles, me paraissent une excellente chose. Cela n’empêche absolument pas qu’il y ait des nuances politiques à l’intérieur de la même confédération.
Deuxième surprise de ce défilé, l’énorme cortège « CGT-Droits devant !! » pour la régularisation du séjour des sans-papiers travaillant régulièrement (c’est-à-dire avec bulletin de paie, cotisations, impôts etc). Le mouvement de grève en cours sur ce thème, qui complète magnifiquement l’argumentation de type Réseau Enseignement Sans Frontière pour le droit de vivre en famille, est la grande bonne nouvelle de ce printemps.
Que le patronat de l’hôtellerie, du nettoyage ou du bâtiment soutienne plus ou moins ne me fera pas changer d’avis. Ca montre le ridicule d’une stratégie de « l’immigration choisie » qui prendrait la forme d’un « brain-drain », d’un écrémage des cerveaux du Tiers-monde : les immigrés occupent potentiellement toute l’échelle des qualifications en France, et prioritairement les postes peu qualifiés « dont les Français ne veulent pas ». La régularisation des sans-papiers dans ces postes ne peut qu’améliorer à terme leur capacité de lutte et donc les conditions sociales pour tous, dans ces métiers… absolument pas exposés aux risques de délocalisation !.
Les Verts tiennent leur congrès mondial à Sao Paulo. La dernière fois, c’était à Canberra, et Ingrid Bétancourt avait prononcé le discours de clôture ! Elle sera d’ailleurs proclamée présidente d’honneur des Verts mondiaux.
Comme je l’ai dit, je n’avait pas l’intention d’y aller compte tenu de la santé de Francine, mais les organisateurs ont absolument tenu à ma présence à la tribune d’une des plénières. Je fais donc un saut de 36 heures qui, décalage horaire aidant, me permet de passer une demi-journée au congrès.
La plénière à laquelle je participe porte sur la biodiversité. Elle est très colorée, met bien en relief d’une part l’unité entre la lutte pour la biodiversité et la lutte contre le changement climatique, d’autre part la similitude mondiale des luttes pour l’environnement. Ainsi, un Vert de Mongolie Extérieure nous fait un exposé très intéressant sur la façon dont le développement extractiviste fondé sur l’or est en train de détruire la nature en Mongolie... Un problème que je connais bien en Amérique du sud, de la Guyane au Pérou en passant par le Brésil.
Pour ma part, j’interviens sur les agrocarburants.
Je raconte comment la petit phrase des députés Verts, cherchant à mettre un bémol à l’objectif européen de « 10% de biocarburants en 2020 », qui avait été rejetée par tous les autres partis en 2006, a fini par être presque unanimement adoptée dans le cadre de mon rapport sur « Commerce extérieur et développement soutenable, exactement un an plus tard. Cette phrase se retrouvera d’ailleurs dans la résolution finale du Congrès des Verts mondiaux...
Après la plénière, interminables embrassades et photos avec tou-te-s mes ami-e-s de par le monde (Maghreb, Amérique latine etc), et je cours à l’atelier « francophonie ». L’idée est de faciliter la coopération entre les Verts du monde utilisant le français comme langue internationale (et ne maîtrisant pas l’anglais...), de la Polynésie à l’Afrique et la Guyanne (mais aussi des Québequois, des Brésiliennes...)
Les délégué-e-s africaines insistent sur le besoin de matériel pédagogique sous forme audiovisuelle car leur base ne sait pas lire. Un problème que nous avions déjà rencontré au Forum social mondial de Mumbay. Il va falloir développer des podcast, des cassettes vidéo, des CD etc. Comme les islamistes, quoi...
PS Excellente tribune de Jean Quatremer dans Libération de ce jour contre les âneries qui s’écrivent sur les arrêts de la Cour de justice de Luxembourg (Laval, Viking, etc) sur le droit social applicable aux travailleurs « détachés » d’un pays à l’autre de l’Union. Ce qui me stupéfait, c’est qu’à l’heure d’internet, où tout peut facilement se vérifier (les arrêts sont en ligne ici, vous n’avez qu’à taper le nom de l’arret, par exemple Cassis de Dijon ;-)), on peut continuer à écrire n’importe quoi. Il faudrait que les sociologues s’interrogent un peu sur l’application de l’adage « trop d’info tue l’info » à l’internet. La campagne anti-européenne des nonistes, qui continue sous cette forme, en est un excellent exemple.
Tout syndicaliste confronté à ce type de problème (le travail transfrontière) devrait par exemple inscrire en lettre d’or ces articles de l’arrêt Laval (sur la boite estonienne qui travaillait en Suède et s’est fait bloquée par les syndicalistes suédois) :
« 103. À cet égard, il y a lieu de relever que le droit de mener une action collective [y compris le « blocus » , selon un autre article] ayant pour but la protection des travailleurs de l’État d’accueil contre une éventuelle pratique de dumping social peut constituer une raison impérieuse d’intérêt général, au sens de la jurisprudence de la Cour, de nature à justifier, en principe, une restriction à l’une des libertés fondamentales garanties par le traité.
104. Il convient d’ajouter que, aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c) et j), CE, l’action de la Communauté comporte non seulement un « marché intérieur caractérisé par l’abolition, entre États membres, des obstacles à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux », mais également « une politique dans le domaine social ». L’article 2 CE énonce, en effet, que la Communauté a pour mission, notamment, de promouvoir « un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques » et « un niveau d’emploi et de protection sociale élevé ».
105. La Communauté ayant dès lors non seulement une finalité économique mais également une finalité sociale, les droits résultant des dispositions du traité relatives à libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux doivent être mis en balance avec les objectifs poursuivis par la politique sociale, parmi lesquels figurent, ainsi qu’il ressort de l’article 136 CE, notamment, l’amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate et le dialogue social. »
C’est ce qu’on appelle en droit administratif français « l’autorité de la chose jugée et interprétée ».
PPS. En octobre 2008 le PE est revenu sur a question. Voir ici
« L’idée est de faciliter la coopération entre les Verts du monde utilisant le français comme langue internationale (et ne maîtrisant pas l’anglais...) »
À ce propos, est-ce que les Verts ont une position sur l’espéranto ? Si oui, ne faudrait-il pas montrer l’exemple en l’apprenant en interne afin de démontrer ses qualités de langue véhiculaire ?
Les Verts — qui ont un programme institutionnel et démocratique précis — voient-ils dans l’espéranto le moyen d’améliorer la démocratie supranationale (dans l’UE) puis internationale tout en préservant la diversité linguistique ?
Vendredi 9 mai 2008 à 05h41mn40s, par yoplait
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Les Verts sont officiellement « pour » l’Espéranto, et au Parlement européen, se battent pour qu’il soit utilisé comme une « langue-pont », c’est à dire comme relais entre les interprètes pour la traduction du Finlandais vers le Chypriote, par exemple. Cela dit, j’ai préféré passer mes années au Parlement à améliorer mon anglais et mon espagnol, d’abord pour pouvoir parler avec des gens qui connaissaient déjà ces langues, ensuite parce qu’il existe des très grandes oeuvres de la littérature mondiale dans ces langues.
Dimanche 11 mai 2008 à 10h21mn43s, par Alain Lipietz
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L’espéranto est une idée généreuse : effacer Babel. Mais pourquoi créer quelque chose d’artificiel plutôt que de partir de ce qui existe ? Beaucoup de gens ont essayé de me convaincre d’apprendre l’espéranto – en particulier en utilisant l’argument "Vous critiquez mais vous ne connaissez pas". Mais, je le reconnais, si je devais me à mon âge me lancer dans l’apprentissage d’une nouvelle langue, j’hésiterais beaucoup entre l’arabe, le chinois, l’allemand, l’espagnol, le russe, l’espagnol- ou essayer d’améliorer mon maigre italien - avant de songer à l’espéranto.
Jean-Paul Nerrière appelle Globish une forme simplifié de l’anglais. Il fournit même des outils pour traduire de l’anglais en globish. Utiliser l’anglais (sous sa forme simplifiée) ne signifie pas capituler devant la puissance des Etats-Unis. Cela entraînera forcément un appauvrissement de l’anglais et les "lettrés’" britanniques et américains en sont conscients.
Je préfère la tome des Bauges à la vache-qui-rit, cet assemblage de fromage d’origines diverses. Ou un bon vins de pays à un vin de table, assemblage de vin en provenance de "divers pays de l’UE".
Je sais. Je vais m’attirer les foudres des espérantistes. Mais foudroyer n’est pas convaincre. Un de vos visiteurs, Alain, l’aura peut-être compris.
Mais le Globish fait le lit de l’anglicisation des relations internationales, et place de toute façon les anglophones de naissance en situation de supériorité, sur ceux qui ont été obligé d’apprendre cette langue, difficile par sa prononciation, son vocabulaire truffé d’homonymes, et ses références culturelles à l’american way of life.
Le seul outil de communication qui ne donne aucun avantage de domination dans un dialogue est la Langue Internationale (Espéranto) : tous les terriens sont à égalité devant elle.
Jeudi 3 mars 2011 à 20h04mn56s, par Goelano
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2. Carrefour-market, design, fun, half-pipe, robes "casual", "city", "glamour", Peugeot 207 sw (pour station wagon), etc. etc. l’anglais fait vendre.
L’esperanto est-il glamour ? Ou comment peut-il le devenir ?
A supposer que je sois convaincu de l’intérêt de l’esperanto pour l’humanité (*), je ne vois très sincèrement pas comment "on" pourrait s’y prendre pour parvenir à l’imposer face à l’anglais de communication.
Très cordialement.
(*) Et je ne le suis pas ! Car l’esperanto est une construction anti-Babel sympathique et généreuse, mais artificielle.
Dimanche 6 mars 2011 à 01h23mn55s, par Joke
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Je suis moi-même espérantophone[1] et je ne savais pas que vous les verts dérogiez au mur d’ignorance et de préjugés dont j’ai pu faire maintes fois l’expérience et qui a été résumé par le suisse Claude Piron (ex-traducteur à l’ONU et à l’OMS) dans cet article : Espéranto, l’image et la réalité.
J’ai eu une expérience humaine similaire avec le projet Wikipédia dans lequel je me suis beaucoup investi dès ses débuts ou presque, à une époque où l’article "Pomme" se résumait à : ""La Pomme est un fruit"", et où le futur me paraissait exaltant mais très incertain. Nous avons connu, à ma grande surprise, une salve assez soutenue de réactions, articles et éditos violemment hostiles.
Dans les deux cas, ces projets me paraissaient intrinsèquement fondamentalement positifs (un nouvel outil et un nouvel effort pour diffuser le savoir // permettre à des gens de langues maternelles différentes de communiquer avec un confort inédit) ; je m’attendais à des réactions légitimes du type "pas intéressé" ou "c’est bien, mais ça ne marchera jamais" que j’étais prêt à assumer. Au pire, nous échouerons mais n’aurions fait aucun mal. Mais non, par un mystère que je ne m’explique pas, certains semblaient nous en vouloir profondément.
Alors vraiment, merci pour ce regard bienveillant.
Et vous avez évidemment bien fait d’accorder la priorité à l’espagnol et à l’anglais vu vos activités professionnelles.
[1] cher Joke, ce n’est pas une attaque contre les autres langues maternelles, je parle aussi allemand et anglais :-D
Dimanche 18 mai 2008 à 05h17mn45s, par Jean-Michel Fayard
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si vous n’avez pas assez d’une campagne électorale et de réunions à droite à gauche pour meubler votre retraite :trampoline, je donne des cours gratuit d’espéranto sur le site ikurso d’espéranto-jeunes, je serais ravi de vous faire découvrir cette langue qui, vous aurez de la peine à le croire mais c’est vrai, a inspiré des poètes très talentueux
oui le globish favorise les dominants … mais non tout les terriens ne sont pas à égalité devant l’esperanto, ne serai-ce que par ce que sa structure est de type indo-européenne.
Vendredi 4 mars 2011 à 11h37mn27s
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Je vous avais déjà interpellé rappelez vous sur ce blog à propos du traité de Lisbonne. Vous combattiez à l’époque les propositions faites par les nonistes pour obtenir un référendum, vous expliquiez, alors qu’il était évident que nous n’obtiendrions pas de référendum ainsi, que le seul moyen d’en obtenir un était d’accepter la révision de la constitution, et au final nous n’avons pas obtenu de référendum et le traité a été adopté sans que nous ayons pu, nous citoyens, nous exprimer.
Quelles ont été les initiatives des verts, et quelles ont été vos initiatives à vous, pour obtenir ce référendum une fois la révision de la constitution adoptée ?
Ma deuxième question concerne la politique monétaire européenne :
J’aimerais vous interpeller sur l’article 101 du traité de Lisbonne, qui explique que :
"Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des Etats membres, ci-après dénommées � banques centrales nationales ‘, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des Etats membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. "
Aujourd’hui à cause de cette interdiction visiblement, nous payons chaque année 40 milliards d’euros d’intérêts à des banques / assurances / organismes financiers / rentiers, c’est le 2ème budget de l’état.
En effet, avant cette interdiction l’état pouvait emprunter auprès de sa banque centrale et ne payait pas d’intérêts, depuis il ne peut plus le faire et paye donc des intérêts. Ces intérêts ce sont accumulés au point de plonger l’état dans un cercle vicieux où son budget en déficit augmente la dette, et donc encore plus les intérêts et ainsi de suite ... De 1978 à 2008, la dette est passée de 78 milliards d’euros à 1200 milliards d’euros ...
Cette interdiction date de 1973 ( réforme de la banque de France ), elle rentre dans le cadre du processus de mondialisation financière, elle trouve ses justifications dans les théories monétaristes de Milton Friedman, et ont aboutit, en Europe, aux statuts et aux règles actuelles de la banque centrale Européenne . Cette interdiction a été verouillée au niveau européen en 1993 ( Traité de Maastricht article 104 ). Et est reprise à chaque traité européen depuis.
N’est-ce pas la preuve que l’Union Européenne sert actuellement des intérêts particuliers ?
Aviez-vous remarqué cet article ?
N’est il pas temps de revenir totalement sur la politique monétaire Européenne et sur les statuts de la banque centrale ?
Mardi 6 mai 2008 à 10h14mn32s, par sandy
lien direct : http://lipietz.net/?breve300#forum2410
Je n’ai pas dit qu’un référendum sur le changement constitutionnel entrainerait l’organisation d’un référendum, j’ai dit que le Conseil constitutionnel français interdisait l’organisation d’un référendum sur le traité de Lisbonne avant la modification constitutionnelle. La bataille pour obtenir le référendum après cette ratification a été totalement sabotée en France par ceux qui prétendaient le plus bruyamment demander ce référendum : ils ont toujours présenté le référendum ou le refus d’une réforme constitutionnelle comme une façon de voter Non. Sans succès d’ailleurs : ils étaient à peine 400 devant le Congrès de Versailles.
Les Verts, au Parlement européen, ont tenté de déposer des amendements demandant la ratification par référendum européen, ils ont été battus... par la coalition des cathos polonais et des staliniens.
Une ligne de repli aurait été de ne l’organiser qu’en France. Nous étions pour, mais ce n’est pas avec nos quelques députés et sénatrices que nous pouvions renverser l’énorme majorité sarkoziste au Congrès.
J’avoue que je me sens un peu volé du "match retour", car je suis persuadé que les Français auraient largement voté Oui au traité de Lisbonne.
Votre deuxième question est infiniment plus complexe. D’abord, votre fameux article 101 n’est rien d’autre que la partie inchangée du traité de Maastricht : la Banque centrale ne peut pas prêter à taux d’intérêts nuls aux organismes publics. Je vous signale que même dans les années 1950, la Banque de France ne prêtait pas à taux nuls à l’État, mais elle le faisait en effet à des taux extrêmement privilégiés par rapport à d’autre créanciers. Si vous lisez mes débats avec la BCE, vous constaterez que c’est un de mes combats (et encore tout récemment) : rétablir la sélectivité du crédit, et en particulier ceux consentis par la BCE, et en particulier ce qu’on appelle la « création monétaire ». Nous sommes « pour » que des crédits ciblés, par exemple pour financer le développement soutenable, soient à des taux particulièrement bas, nous ne sommes pas « pour » prêter de l’argent pas cher à l’État français afin de construire un nouveau porte-avions nucléaire.
Cela dit, j’ai longtemps travaillé sur l’inflation provoquée par le financement des déficits publics par la « planche à billets ». S’il est vrai que l’émission monétaire permet que se nouent des échanges qui n’auraient pas eu lieu sans elle (et donc à en effet expansionniste, productiviste ou non selon la sélectivité des crédits), il est non moins clair que quelqu’un doit payer en vraie valeur (comme diraient les marxistes), c’est à dire en travail qui finalement ne sera pas rémunéré. La réponse est simple : ça retombe sur ceux qui ont le moins de possibilité d’indexer leurs revenus nominaux sur l’inflation, c’est à dire les salariés. Votre proposition est donc strictement anti-populaire. Comme le savent tous les syndicalistes et tous les ouvriers, qui détestent la hausse des prix.
Une politique keynesienne (combinant l’autorisation des déficits publics financés à bas coût par la Banque centrale en période des vaches maigres, et des remboursements accélérés en période de vaches grasses) permettrait au contraire de ne pas faire payer nos difficultés transitoires, ni par les plus démunis d’aujourd’hui, ni par les générations futures : c’est ce que nous appelons le développement soutenable.
Ainsi, je me suis battu en 2000 contre Laurent Fabius qui a distribué aux riches, sous forme d’abattements fiscaux, la « cagnotte », c’est à dire les recettes fiscales inattendues dues à l’expansion provoquée par les 35 heures, au lieu d’accélérer le remboursement de la dette publique.
Depuis, Sarkozy a fait bien pire : il a "donné aux riches" alors que Raffarin avait déjà surendetté l’État et que la crise des subprimes était déjà déclenchée.
Dimanche 11 mai 2008 à 10h40mn50s, par Alain Lipietz
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N’est elle pas vouée à l’échec dès lors qu’on en écarte les citoyens ?
Est-ce réellement démocratique comme façon de faire alors que nous citoyens n’avons pas pu choisir nos représentants pour écrire ce traité ( alors que nous avions surement des tas de demandes de modifications à formuler ) et avons été écartés de sa ratification ?
Concernant ma deuxième question sur la création monétaire et la dette.
Comme vous pouvez le constater sur ces documents, leur utilisation a bien été stoppée en 1973-1974 suite à la réforme de la Banque de France.
Concernant ma proposition que vous jugez je pense un peu vite impopulaire, c’est tout un débat à avoir =)
D’abord parceque l’implication création monétaire => inflation
n’est pas si évidente que cela ... Il me semble que c’est simplement l’abus de création monétaire par rapport à la création de richesses réelles qui est susceptible de provoquer une dévaluation de la monnaie et donc une inflation ...
Ensuite parceque malgré l’article 101 du traité de Lisbonne ( ou article 104 du traité de Maastricht ), la création monétaire n’a jamais cessée. Avec cet article justement, ce sont aujourd’hui les banques privées qui font tourner à fond la planche à billet. Pourquoi l’utilisation de la création monétaire par l’état serait elle source d’inflation et pas la création monétaire par les banques privées ?
Les chiffres sont à vérifier, mais il me semble que la masse monétaire augmente de 15% par an ...
Quand la BCE sauve les banques privées lors des crises financières par une énorme création monétaire, pourquoi là non plus cela ne serait pas source d’inflation ?
Ensuite parceque si les salaires augmentent, l’inflation est transparente pour les salariés. Il me semble quand même important de le rappeler. Et ce qui pose grandement problèmes aux salariés c’est plus la stagnation des salaires que l’augmentation des prix ...
Enfin, tout ceci est tout de même à mettre en parallèle avec le fait que cette interdiction soit la raison principale de l’endettement de notre pays. Vu l’importance de la question de la dette dans la vie politique, la droite justifiant par exemple sa casse de notre modèle républicain par l’existence de cette dette, ou encore vu les 50 milliards d’euros qui sont ponctionnés sur le budget de l’état à cause de cette interdiction, qui sont autant de millards d’euros qui pourraient servir à financer des tas d’autres choses ou à réduire les impots, il me semble qu’on peut se poser des questions sur la légitimité de cette interdiction non ?
Concernant votre proposition de prêts à taux sélectifs, ce serait clairement une avancée, c’est sur, mais je pense que le problème est plus profond que cela, comme je l’explique plus haut.
Mardi 13 mai 2008 à 13h18mn19s, par Sandy
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Je vous répondrai plus tard sur l’inflation, en attendant vous pouvez lire mes livres et articles sur le sujet, sur ce site.
Les traités, comme les constitutions (et juridiquement les traités sont supérieurs aux constitutions), présentent deux étapes : leur négociation qui se conclut par une « signature » des négociateurs, et leur ratification par les parties souveraines, chacune selon leur mode propre (assemblée, referendum), et par le PE.
Je rappelle que, en France, Maastricht a été ratifié par referendum et le TCE rejeté de même, Amsterdam et Nice ont été adoptés par le Congrès, Lisbonne aussi. J’ai voté respectivement Non à Maastricht (j’ai perdu), Oui au TCE (j’ai perdu), Non à Amsterdam (j’ai perdu, mais je n’avais pas eu à m’exprimer), Non à Nice (j’ai voté au PE , et j’ai perdu), Oui à Lisbonne (j’ai gagné). Je considère, étant contre Maastricht-Nice, que je me suis fait battre aussi bien par la majorité du peuple que par la majorité de ses députés. Donc la forme de la ratification m’importe assez peu (même si j’aurais aimer jouer sur Lisbonne le "match-retour" du TCE).
À l’échelle européenne, le TCE a été approuvé par 55% des européens appelés à voter par referendum.
Mais je pense que votre question vise plutôt la première étape, la rédaction ? Vous reconnaissez évidemment que lorsque 500 millions de personnes doivent se mettre d’accord sur un texte, ils sont obligés de passer par des représentants.
Maastricht, Nice, Lisbonne ont été rédigés par des conférences intergouvernementales. Tous les pays d’Europe ayant une constitution parlementaire (même la France, cf. les « cohabitations », en particulier celle de 2000 - Nice), c’est à dire que les citoyens choisissent leur parlement et le parlement son gouvernement, y envoyèrent une délégation de leur gouvernement, c’était donc une représentation démocratique au 3e degré.
Le TCE a été rédigé par une convention, c’est-à-dire une modèle réduit, à la proportionnelle, du parlement européen et des parlements nationaux. Disons que c’était une représentation au degré 1 et demi.
En outre, via le Comité Economique et Social Européen, 700 fédérations européennes d’associations ou de syndicats ont été associées au travaux, certaines comme ATTAC-France directement auditionnées par le praesidium. Le site web de la Convention était ouvert aux (très nombreuses) propositions.
Naturellement, dans ce double forum, les « demandes », comme vous dites, étaient loin de converger : les Polonais voulaient Dieu dans la constitution, certains pays étaient plus fédéralistes ou libéraux que d’autres , etc. La Convention est parvenu cependant à un consensus qui représentait une étape importante. Je pense que c’est la raison de l’énorme « gain » démocratique, écologique et social du TCE par rapport à Maastricht et Nice. Lisbonne, en revenant à la méthode de la CIG, ne pouvait être qu’un pas en arrière par rapport au TCE.
Mais le résultat de la Convention a dû ensuite être « refiltré » par une conférence intergouvenemetale à Naples (2003) qui l’a d’abord retoqué,15 gouvernements pro-américains, dont le Portugais Barroso, votant contre (voir mon article dans Libé de l’époque). Ensuite, l’Espagne ayant changé de camp à la suite d’une élection qui a chassé Aznar, la CIG de juin 2005 a accepté le plus gros du texte mais en rognant des points importants. C’est ce texte qui a été soumis à ratification.
Je crois qu’aucune constitution française n’a été élaborée de façon aussi participative.
Dimanche 18 mai 2008 à 11h45mn59s, par Alain Lipietz
lien direct : http://lipietz.net/?breve300#forum2430
Que beaucoup de monde ait participé à sa rédaction n’est pas le point qui m’importe vraiment.
Ce qui est important selon moi c’est que nous, citoyens européens, n’avons pas pu envoyer de représentants y défendre ce qui pour nous était important.
Les représentants qui y ont été envoyés, n’avaient aucune légitimité à prétendre nous représenter nous le peuple, vu que nous ne les avons pas élu pour cette tâche ... Si pour des tâches insignifiantes cela ne pose aucun problème, par contre pour quelquechose d’aussi important pour notre avenir et notre vie qu’un traité européen, cela pose un très gros soucis ...
Vous, député européen, vous avez été élu entre autre pour essayer d’infléchir les politiques européennes en allant défendre au parlement vos idées sur l’écologie le social et l’économie ...
Mais ces traités traitent de l’organisation du pouvoir en Europe, des institutions, comme vous l’avez dit ils se placent au dessus de nos constitutions qui sont pourtant normalement censées être les textes au plus haut niveau du droit, vu que par définition une constitution définit les droits du droit. C’est ce que font aussi ces traités Européens, et sauf votre respect, vous n’avez pas été élu pour vous occuper de ça, pas plus que n’importe quel autre membre des institutions de l’union européenne, pas plus que les associations, pas plus que je ne sais quels conseils conventions ou commissions ...
Et ce genre de chose, c’est ce qui crée ce fameux soucis de représentativité entre les citoyens et les politiciens ... Vous vous autonomisez, vous allez au delà de vos mandats, vous confondez de plus en plus les pouvoirs, vous perdez le statut de représentant pour finir par ne représenter que vous même et le retour des choses, c’est que nous citoyens nous sommes de plus en plus écartés des décisions ...
C’est un droit important et fondamental des citoyens que d’avoir le droit de choisir DIRECTEMENT et pas indirectement comme vous le faites bien remarquer, les représentants qui vont écrire les lois, ou même les traités qui auront valeur de loi ...
Et évidemment pour les traités européens le problème est encore plus important, vu qu’on nous demande, ou qu’on demande aux députés, d’accepter des textes comportant des centaines d’articles, et tout cela en bloc ... Oui à tout ou non à tout ... Comment un tel absolutisme pourrait-il être démocratique ? Ca aussi c’est une méthode malhonnête ...
Car on le sait bien, c’est le genre de méthode qui permet de faire passer en douce des trucs inacceptables en les dissimulant et en mettant en avant d’autres choses pour que les gens disent oui ...
Si nous ne disposons ni du droit d’envoyer directement des représentants écrire ces traités, ni du droit d’amender ces traités, avant de devoir les ratifier, c’est ce qui crée ce déficit de démocratie et c’est la porte ouverte à toutes les influences et les dérives qui vont contre la volonté générale ...
Si en plus de cela au bout du compte nous n’avons même pas le droit non plus au moins de le ratifier, si en plus de ça tout débat démocratique nous est interdit, là clairement la construction européenne se fait sans nous, sans les citoyens, et je ne vois pas quel avenir elle peut avoir en prenant une telle direction ...
Lundi 19 mai 2008 à 13h52mn41s, par Sandy
lien direct : http://lipietz.net/?breve300#forum2435
Votre critique devient maintenant très compliquée puisque vous y incluez les "lois" (en jargon Maastricht-Nice : les directives), et plus seulement les traités et constitutions.
1 Sur les lois
Je vous rappelle que vous élisez déjà directement, et à la proportionnelle (ce qui n’est pas le cas en France) une des deux chambres européennes qui votent les lois : le Parlement. L’autre chambre (équivalent du Sénat en France ou aux USA), le Conseil européen, qui représente les territoires ou les Etats, est comme en France désignée au suffrage indirect (c’est l’assemblée des gouvernements, élus par les Parlements nationaux). Le problème de Maastricht-Nice, c’est que le Conseil y est beaucoup plus puissant que le Parlement, et que l’unanimité y est requise trop souvent, donc la diplomatie l’emporte sur la démocratie. Deux défauts que corrigeait partiellement le TCE, et que doit partiellement corriger Lisbonne.
Maintenant, on peut carrément refuser le bi-camérisme et supprimer le Conseil, mais aucune démocratie européenne ne fonctionne en mono-camérisme. J’ai quelques idées aussi pour réformer le Conseil...
2 Sur les traités
Ensuite, les "méta-règles", les traités et constitutions : "comment on vote les lois". De ce point de vue, des traités tels que Maastricht et Nice doivent être considérés comme des constitutions. Avoir voté Non, c’est avoir choisi de garder la constitution de Maastricht-Nice avec tous les défauts que vous décrivez si bien.
D’abord, vous ne semblez toujours pas bien distinguer l’étape de l’élaboration (article par article) et l’étape de la ratification de l’ensemble ("oui" ou "non" à tel texte). C’est vrai d’ailleurs aussi pour les lois : au PE, comme dans toute assemblée, il nous arrive de passer des mois à élaborer des textes avec des centaines d’articles, passer des heures à les voter, et ensuite à la fin rejeter le texte complet. C’est un cas particulier du "paradoxe de Condorcet" (la non-transitivité des choix collectifs).
a) Sur la ratification d’ensemble, je vois que vous ne défendez pas systématiquement le référendum (personnellement, je reste "pour" des référendums européens sur les gros traités), mais vous déplorez le fait qu’on vote trop de choses d’un seul coup. Mais c’est le problème des compromis sur les questions complexes. Un texte fixant le fonctionnement de 27 pays entre fédération et confédération est forcément complexe...
b) Sur l’élaboration, vous niez que la Convention ait été représentative, sous prétexte qu’elle n’avait pas été élue explicitement pour ça. Je suis désolé pour les autres partis, mais tout le monde était au courant en 1999 qu’un nouveau traité était en cours de préparation, pour compléter les "left-over" d’Amsterdam, et nous, les Verts, avons fait campagne sur ce qu’il faudrait mettre dedans. Au moins, nos électeurs étaient prévenus. Nous avons voté contre Nice, qui s’est fait sans la participation des élus. Puis il y a eu la Convention sur le TCE, et l’essentiel de ses membres (les parlementaires) de la Convention étaient directement élus. La Convention s’est adjoint les organisations de la société civile, ce qui élargissait encore sa légitimité. Enfin, les élections européennes de 2004 se sont faites largement sur la reprise ou non du processus constituant, et nous avons annoncé la couleur. Là encore, les élections étaient directes. Le nouveau Parlement de 2004 a marginalement pesé sur la Convention qui n’en avait plus que pour un mois de travail (c’est à ce moment qu’a été rédigé l’article III-122 sur les services publics), puis on est passé à la ratification.
On aurait pu élire une assemblée spécifiquement constituante européenne à côté du Parlement, mais les expériences françaises ne sont pas très concluantes : celle de 1789 n’avait pas été élue, et la constitution qu’elle a pondu n’a duré qu’un an, celle de 1946 a produit un texte qui a été rejeté par référendum... Bref, je ne suis pas trop pour la coexistence de deux assemblées, l’une législative et l’autre constituante. Et je ne vois aucune "malhonnêteté" dans le fait qu’un Parlement élu au suffrage universel direct et proportionnel élabore une constitution.
Mardi 20 mai 2008 à 13h20mn41s, par Alain Lipietz
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Partisan du Oui au TCE et au traité de Lisbonne, je n’ai pas toujours été d’accord avec vous ces derniers temps (concernant l’attitude à avoir au Congrès ; je vous ai même parfois trouvé un peu de mauvaise foi !), mais là j’applaudis des deux mains !!! il est normal qu’on finisse par demander aux citoyens s’ils sont pour ou contre le compromis auquel sont arrivés les négociateurs, et il n’est pas juste de nier la légitimité des élus à se pencher sur la rédaction d’un traité constitutionnel.
Mercredi 21 mai 2008 à 13h05mn52s, par jseb
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On m’a reproché jadis de me comporter plus en polytechnicien qu’en politique. Et c’est vrai que dans ma tëte les options politiques (écologistes) sont subordonnées à la démocratie MAIS celle-ci à la logique. De même, Dieu, qui peut tout, ne peut créer une pierre si lourde qu’il ne puisse la soulever.
Ainsi, que l’on soit pour le oui ou pour le Non à Lisbonne, la démocratie dictait un référendum (que les Verts auraient logiquement préféré européen). Mais à partir du moment où le Conseil Constitutionnel, s’appuyant sur des articles formels de la constitution, disait que le traité de Lisbonne ne pouvait être soumis à ratification AVANT la réforme de la constitution française, alors TOUS les partisans d’un referendum auraient dû s’unir pour imposer la révision de la constitution française par le Congrès. Ceux qui s’y opposaient ne voulaient pas de référendum, ils espéraient bloquer Lisbonne à ce stade, sans consulter le peuple.
Eux étaient d’une parfaite mauvaise foi, sortant de leur chapeau face à mes critiques le coup du "référendum sur le référendum" (où ils auraient aussi voté Non... en disant que ça valait comme un Non au "vrai" referendum,) en me traitant (comme Politis) de "juridiste" obtus, pour, quelques jours après, s’indigner que Sarkozy cherche à contourner le Conseil constitutionnel (en consultant la Cour de Cass sur la rétroactivité du maintien en prison des criminels restés dangereux après leur peine).
Je n’ai jamais dit en revanche que la modif de la constitution française était une condition suffisante pour avoir un referendum.
Samedi 24 mai 2008 à 06h57mn03s, par Alain Lipietz
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J’en viens maintenant à la seconde partie de votre message. J’ai bien regardé les séries que donnent votre lien et les séries voisines : il n’y est pas question des taux d’intérêts mais des encours (en francs). Cela dit, il est possible que, dans telle circonstance, la Banque de France ait prêté au Trésor à taux zéro. De toute façon, ce qui compte, c’est le taux réel (taux nominal - taux d’inflation = taux réel) et dans les années 1970 il est fréquemment arrivé que ce taux soit négatif.
Qu’arrive-t-il alors (quand la Banque centrale émet de l’argent qui en fait ne sera pas remboursé) ? D’abord, elle suscite une production qui sinon n’aurait pas eu lieu. Mais ce "coup de fouet" peut être inférieur à la monnaie créée, et comme vous le dites, le solde se traduit par une inflation.
Faut-il actuellement baisser les taux pour donner ce "coup de fouet" ? Les Verts, qui ne sont pas productivistes, sont plutôt partisa ns de rétablir la sélectivité des crédits et de financer à taux privilégiés les investissements du développement soutenable. (Un autre argument en faveur de la baisse des taux, qui en termes réels sont déjà plutôt faibles, est de faire baisser l’euro par rapport au dollar, mais là, on rentre dans un débat sur la baisse endogène du dollar).
Ensuite, l’article 104 de Maastricht n’a pas inventé le mécanisme à deux étages de la création monétaire. Les banques "escomptent" le crédit que se font les agents privés et la Banque centrale les "ré-escompte". Le Trésor fait des dépenses non couvertes par les impôts et la Banque centrale fait des "avances au Trésor" (ou les banques achètent des Obligations du Trésor et les ré-escomptent auprès de la Banque centrale). Cette terminologie remonte à l’italien du Moyen Age !
Ensuite il vous "semble important" de rappeler que si les salaires augmentaient aussi vite que les prix, l’inflation serait neutre pour les salariés. Il m’avait semblé aussi important de souligner que ce n’est pas le cas, car les salariés n’ont jamais la même capacité que les capitalistes d’indexer leurs revenus nominaux sur les prix. C’est pourquoi l’inflation est toujours anti-populaire : elle est l’expression du conflit pour le partage de la valeur ajoutée, mais sert à reprendre aux consommateurs ce que les grèves et les conventions collectives ont donné aux salariés.
Enfin, l’endettement de notre Etat (pas forcément de notre pays !!) était tout à fait raisonnable en 2000. C’est Fabius qui, en redistribuant aux riches la "cagnotte" des excédents fiscaux, a entamé un processus de surendettement que Raffarin et Villepin ont prolongé, Sarkozy le poussant au délire à l’été 2007. Financer les cadeaux au patronat en faisant tourner la planche à billet me paraîtrait particulièrement anti-populaire.
Cordialement
Mardi 20 mai 2008 à 13h24mn28s, par Alain Lipietz
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Concernant l’arrêt Laval, vous observerez la solitude de Quatremer, par exemple, en face des analyses menées tant par la Confédération Européenne des Syndicats que la gauche nordique que par les invités à la conférence organisée le mois dernier au Parlement Européen pour étudier la portée de cet arrêt. Mais : n’y étiez-vous pas ? Dans ce cas, vous pouvez demander aux présents quelques copies des conclusions qui y furent présentées. Pour ma part, je ne serai pas surpris que ces affaires, aux côtés des positions de la Commission sur les services publics ou du moins, de l’interprétation qu’elle fait du protocole relatif attaché à Lisbonne compteront en 2009.
Sinon, vous m’aviez par le passé demandé quelques renseignements j’avais pu obtenir sur les accords UE/ACP sur le Commerce. Hé bien, notez que la confédération des syndicats africains a exprimé son opinion sur ces sujets.
Lundi 5 mai 2008 à 16h04mn46s, par Gus
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Croyez bien que la "solitude de Quatremer " est toute relative !
Vous devriez vous renseigner sur la rage des avocats, juristes et sociologues du travail devant le pilonnage que la "Gauche Unie Européenne-Ecologistes nordiques" (c’est le titre officiel de la GUE - le groupe communiste - que vous écorchez) inflige à une jurisprudence que je cite, et qui leur semble excellente et fort utile pour la suite de leur combat. Vous ne vous donnez même pas la peine de discuter des 3 articles que je cite, fondamentaux et jurisprudentiels, de l’arrêt Laval, alors que je vous les recopie et qu’ils contredisent point par point les sornettes de Khalfa, Supiot and Co !!) De la part d’un homme comme vous, est-ce bien raisonnable ?
Par ailleurs, la Cour pointe, comme le remarque Jean Quatremer, un vrai problème, que j’avais souligné dès mes travaux des années 90 sur les relations professionnelles du travail : les avancées sociales "fordistes " des social-démocraties nord-européennes sont institutionnalisées non par la loi mais par des conventions collectives non "étendues" par la loi. Exiger d’une entreprise lettonne qu’elle adhère à une convention collective suédoise, alors qu’elle reste facultative pour les entreprises suédoises (et heureusement ! car une fois une convention sociale signée dans une entreprise suédoise la grève y devient interdite !! c’est la "trêve sociale obligatoire" tant dénoncée par la gauche syndicale française) constituerait pour la Cour de Luxembourg, une discrimination, et elle a raison. La Cour elle-même recommande à l’Etat suédois de fixer par des règles d’ordre public (c’est à dire en votant une loi, ou en "étendant" la convention collective, à la française) ce qu’il considère être le socle des droits sociaux applicables sur son territoire.
Il y a une quinzaine d’années, donc, certains "fondation-saint-simoniens" français (et Nicole Notat) vantaient la supériorité du contrat scandinave ou allemand sur la loi française en matière sociale. J’avais alors signalé que tout irait bien tant qu’il n’y aurait pas trop de "passagers clandestin" (des entreprises isolées hors-convention), mais qu’avec le chute du Mur de Berlin, les entreprises allemandes ou scandinaves allaient généraliser la sous-traitance auprès de firmes de l’est européen, ce qui allait miner le système conventionnel de l’Europe du Nord.
Nous y sommes, et aujourd’hui par exemple les Verts allemands, qui, comme tous les Allemands mais aussi certains Italiens, défendaient la convention contre la loi, sont en train de se convertir aux lois sociales. En tout cas le puissant syndicalisme des sociales-démocraties du nord du continent devra s’adapter.
Mardi 6 mai 2008 à 11h24mn56s, par Alain Lipietz
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J’ai lu votre article, et, en particulier les trois paragraphes de l’arrêt que vous citez, avec grande attention. Puis j’ai cherché sur les sites et blogs anglophones si je trouvais des articles partageant votre point de vue et celui de Jean Quatremer...
Rien. Au contraire, l’unanimité c’est : la Cour de Luxembourg autorise le dumping social et réduit le droit de grève.
De la part des anti-européens, c’est normal : qui veut tuer son chien l’accuse de la rage. Mais les pro-européens, qu’est-ce qu’ils font ? Ils roupillent ?
Bien sûr, vous n’êtes pas comptable de leur inaction mais expliquez-nous !
La lassitude sans doute ? Moi-même j’avais lu et commenté l’arret Laval pour une amie Verte à qui on posait la question. Quand j’ai vu l’article de Khalfa, je me suis dit "faut que je reponde", ça m’aurait pris 1/4 d’heure de transformer en article ce que j’avais déjà écrit. Et puis je mes suis rappelé l’expérience du TCE : tout le monde peut dire n’importe quoi sur n’importe quoi, dès qu’il s’agit d’Europe, avec une égale probabilié d’etre cru. Alors j’ai préféré m’occuper un peu des miens. J’ai été très content que Quatremer s’y colle. J’ai reproduit ici les 3 articles fondamentaux de l’arrêt (les autres sont relatifs aux bizarreries de la "non-loi" suédoise), ils sont parfaitement clairs. Je pense que les avocats des syndicats les avaient deja notés et se fichent royalement des idioties que peuvent raconter les anti-européens. Et les ouiouistes bossent et en ont marre.
Mercredi 7 mai 2008 à 11h55mn46s, par Alain Lipietz
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