Verts : la renaissance ?
Jeudi 13 mars 2008
La poussée à gauche du premier tour des municipales doit encore être confirmée, mais d’ores et déjà, elle indique le grand retour des Verts à leur niveau des années 2000. Cette semaine à Strasbourg, grosse déception : après le coup porté par le gouvernement colombien aux tentatives de la diplomatie française pour faire avancer la libération d’Ingrid et des autres otages, le président du parlement, Pöttering (PPE allemand), prononce un discours affligeant, provoquant même un incident avec la famille d’Ingrid Betancourt. Elections localesIl ne faut pas vendre la peau de l’ours : une élection à deux tours ne se joue vraiment qu’au deuxième tour. Mais le premier tour constitue certainement un avertissement au pouvoir sarkozyste (25% des sondés reconnaissent qu’ils se prononcent, même aux municipales, sur des considérations nationales). Et en tout cas, ce premier tour constitue un sondage en vraie grandeur sur la remontée des Verts. C’est particulièrement sensible aux cantonales, puisque c’est un scrutin « de couleur » et non de liste. Au premier tour des cantonales, en effet, 20 candidats Verts obtiennent moins de 5%, mais 174 obtiennent entre 5 et 10%, 119 entre 10 et 15%, 38 entre 15 et 20%, 38 autres entre 20 et 40, et 13 au-dessus de 40% ! D’un coup, les Verts ont retrouvé leur étiage de l’époque de la « majorité plurielle ». Le « retour à 2001 » est d’une précision diabolique : pour les candidat-e-s vertes pur sucre au cantonales, le score moyen était de 11,63% en 2001, il est en 2008 de 11,54 %, et là où leur candidature était soutenue par un autre parti, la moyenne était de 21,38 %, elle est cette fois de 21,46 % ! et ce n’était pas les mêmes cantons !! Ce résultat reste toutefois en décalage avec la cote de popularité, bien supérieure à celle de tous les autres partis, dont jouissent les Verts dans les sondages. Il y a du désir de vert, il n’y a toujours pas de confiance dans Les Verts. Dans le cas des municipales, la situation est beaucoup moins claire, puisque, dans la plupart des cas, les listes « gauche plurielle » (souvent formées en 2001) ont été privilégiées au premier tour, sauf dans quelques cas, comme Paris et Lille. Ce qui nous assure dores et déjà un nombre de conseillers municipaux supérieur à 2001. Si on s’intéresse spécialement aux résultats des listes autonomes « Vertes et ouvertes », ou aux listes d’union conduites par des Verts, on s’aperçoit que 18 font moins de 5%, 44 entre 5 et 10%, 22 entre 10 et 15%, 5 entre 15 et 20%, 15 entre 20 et 50%, et 4 maires verts sont élus dès le premier tour, dont l’un, Jean-François Caron, réélu à Loos en Gohelle (62) avec le score ahurissant de 82,1%. Bravo les copains et les copines ! Et pourtant : grosse tendance de l’électorat à zapper le premier tour (surtout pour notre électorat intello en vacances dans la zone C, l’Ile-de-France) et à reconduire les liste de « majorité plurielle » sous la bannière du maire sortant (généralement socialiste) en lui attribuant tous les mérites de ce qui a été fait en sept ans . Paris, comme toujours, en est la caricature. Les Parisiens ont plébiscité la politique du tramway, des couloirs à bus et à vélo, de libération des voies sur les berges de la Seine en été, c’est à dire la politique de l’adjoint aux transports, le Vert Denis Baupin... et c’est la liste des Verts conduite par Denis qui a morflé ! Sauf justement l’excellent… maire Vert du 2è arrondissement, Jacques Boutault qui, avec environ 30 % des voix, fait presque jeu égal avec sa concurrente des listes Delanoë ! Moralité : l’autonomie des écologistes au premier tour , ça ne peut pas se faire « de temps en temps », mais presque systématiquement pour « sauver le vote à deux tours à défaut de proportionnelle ». C’est un risque, mais un risque stratégiquement indispensable. Paris paie sans doute l’absence d’autonomie des Verts aux régionales d’Ile-de-France en 2004. Cette élection nous était donc très défavorable à priori. Outre les medias qui nous avaient enterrés, le "bonus" d’une bonne gestion avec le PS profitait au maire sortant, les "hésitants" (qui votent pour nous quand c’est le PS qui est en fin de course gouvernementale : 1988, 2002) ont voté Modem pour sanctionner (déjà ! même pas un an d’état de grâce !) le sarkozysme. Ses électeurs doivent aujourd’hui assister avec consternation au spectacle du Modem vendant ouvertement son soutien de second tour au plus offrant. Invité le soir de l’élection à FR3 régional, je suis interrogé par le journaliste : « On ne parle que du Modem, et pas des Verts, pourquoi ? » Je réponds tranquillement « Parce qu’il est évident que nous ne nous rallierons pas à la droite. On propose la fusion à la gauche au second tour, et si elle ne veut pas de l’écologie, c’est son affaire. Nous n’avons aucun « suspense » à entretenir. » Sarkozy, dans son discours de Toulon, sans doute étayé d’une batterie de sondages, a joué la carte de « re-séduire » l’électorat lepeniste plutôt que l’électorat centriste. Il a sans doute de bonnes raisons. Les électeurs vraiment centristes savent dès lors ce qu’ils ont à faire. Dans le cas de Paris, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître certaines difficultés liées à la campagne des Verts elle-même. J’ai découvert avec étonnement qui avait été choisi comme têtes de liste dans certains arrondissements (étonnement qui semble avoir été partagé par l’électorat). J’ai été surpris de ne pas retrouver sur la liste verte la maire-adjointe chargée de l’eau, Anne Le Strat, aujourd’hui connue dans toute l’Amérique latine au même titre que Danièle Mitterrand ou Raymond Avrilliers (de Grenoble), pour sa lutte contre la privatisation de l’eau. De même, j’ai appris en direct lors de la réunion au Kremlin-Bicêtre, par un collaborateur de Denis Baupin, que les Verts-Paris étaient dorénavant pour le péage urbain, après des années de polémiques publiques entre Denis et moi sur ce sujet, mais qu’il choisissait de l’appliquer, non pas à l’entrée du cœur de ville (comme à Londres, Stockholm, Manhattan, etc) mais pour l’usage du Boulevard périphérique, autoroute circulaire commune à Paris et à sa banlieue. Il avait certainement ses raisons, mais c’est le genre de chose à laquelle on doit préparer l’opinion des années et des années à l’avance ! Pour ma part, et faute d’avoir pu en tenter l’expérience à Villejuif, je me suis intéressé dans cette campagne au cas spécial des "gauches partielles en banlieue rouge " : quand Les Verts s’allient avec des socialistes (ou plus rarement des communistes), dissidents ou pas de leurs propres instances, contre des « inamovibles » de l’autre parti de gauche, installés depuis des lustres, afin de rééquilibrer, verdir et redynamiser la gauche au second tour. Bilan : ça ne fait pas grande différence que le PS soit en dissidence ou pas, dès l’instant que sa section locale fait bloc. La liste « Vert-PS » de Chevilly-Larue (PS en dissidence) a mieux marché que celle de Vitry (PS officiellement soutenant, légère et peu compréhensible chicaya venue des instances Vertes, mais la « cantonale » verte soutenue par le PS fait un très bon score). A Aubervilliers, St Michel sur Orge, où les listes Verts-PS avaient l’investiture PS, on frôle le score du maire « vieilles pratiques » sortant. Et je ne vous parle pas du duel Voynet - Brard à Montreuil : Dominique peut gagner, sur le papier, au second tour ! Mais au premier tour, on est devancé par le « dinosaure » sortant, presque partout. En revanche on s’en tire mieux aux cantonales. Moralité : le rôle du clientélisme dans ces municipalités-dinosaures est énorme. Le vote pour le Conseil général permet moins de clientélisme : il leur est plus défavorable. Et le jour où ils perdent la ville, ils perdent tout, et après, la ville est très difficile à récupérer (Argenteuil). Ici (à Villejuif), en 2001, nous étions à la fois l’opposition de gauche et l’opposition centriste, puisqu’il n’y avait alors que deux listes, celle de droite et nous, face à l’éternelle liste archi-dominée par le PCF. On a souffert cette année de la concurrence centriste : un Modem inconnu nous coiffe de quelques voix, à 14,2 % pour nous, 14,4 pour eux ! Mais, pour la première fois, on oblige la liste PC-PS à un second tour (45 %). Ils n’ont pas besoin de nous sur le papier, mais le PS aurait lui intérêt à la fusion à la proportionnelle, car alors PS+Verts ferait plus que le PCF, et ça donnerait de l’oxygène dans un conseil municipal "PCF de toujours". Hélas ! le PS est trop « finlandisé » pour le comprendre et le PC trop intelligent pour ne pas voir le danger. Ils refusent la fusion « à la proportionnelle » que nous leur proposons (et qui fait partie de leur programme officiel !), on va donc se maintenir ! Ingrid : un échecL’exécution de Reyes continue à faire des vagues. Le journal colombien La Jornada du 5 mars a réussi à reconstituer les faits : trois négociateurs français devaient rencontrer Reyes dans ce campement. Quelques jours auparavant, Luis Carlos Restrepo (l’homme du président Uribe chargé des négociations avec les FARC) avait averti les Français (pourtant officiellemnt chargés par le Président Uribe d’une médiation avec les Farc !!) de ne pas se rendre dans le campement de Reyes. Ce qui explique l’expression du Quai d’Orsay (« Reyes était notre interlocuteur depuis longtemps mais ne l’était plus depuis plusieurs jours »). Mais cela démontre aussi le caractère prémédité du bombardement du campement de Reyes et laisse mal augurer de la volonté réelle du président Uribe de soutenir la médiation demandée par lui à la France, l’Espagne, la Suisse, l’Église et Cuba, pour obtenir un accord humanitaire avec les FARC. Ce que je lui avait doucement fait remarquer. Des étudiants colombiens et mexicains étaient là pour assister aux discussions ! (Une Mexicaine et une Colombienne ont survécu, elles sont dans un hôpital à Quito). Malgré tout, le travail de tous les médiateurs (y compris le mien, à ma modeste mesure) a continué. Il devait déboucher mercredi à Strasbourg sur un discours solennel du président Hans-Gert Pöttering esquissant plus ou moins le compromis auquel nous étions parvenu. Depuis ma rencontre avec J-P Jouyet, et toute la semaine dernière, j’avais bien rappelé aux responsables de la diplomatie française ce qu’ils devaient expliquer aux leaders de la droite au Parlement européen, l’allemand Pöttering et le président UMP du groupe PPE, Joseph Daul. Pour sauver Ingrid et les otages, il faut tenir compte des majorités comme elles sont... Hélas, le mardi soir, on nous communique le discours de Pöttering. Aucune des pistes de négociation pour un accord humanitaire ne s’y retrouve. Au contraire, Pöttering salue les propositions du président Uribe : encercler les positions des FARC pour y envoyer des médecins examiner l’état des otages ! Proposition à la fois prétentieuse (si l’armée colombienne avait les moyens d’encercler les « Fronts » des FARC, ça se saurait, depuis cinquante ans…), dangereuse (un campement des FARC contenant des otages, quand il est encerclé, peut réagir en tuant les otages) et absurde (si des FARC encerclées acceptent de négocier avec l’armée qui les encercle, ce qu’il faut obtenir, c’est la libération des otages et pas seulement l’envoi d’une visite médicale ! ) Malgré tous nos efforts et ceux de la diplomatie française, nous n’arrivons pas à faire bouger Pöttering. En revanche, l’ambassadeur colombien est sur le terrain, à Strasbourg, dès le début de la semaine. À la lecture du projet de discours, Fabrice Delloye, l’ex-mari d’Ingrid Betancourt, refuse de participer à cette mascarade. À la fin du discours de Pöttering, les députés brandissent ou applaudissent les portraits d’Ingrid que les Verts leurs ont distribués. Savent-ils quelle occasion a été perdue ? À part ça, rien de follichon pour mes sujets à cette séance de Strasbourg (vous pouvez toujours aller voir sur le site du Parlement). Mais la nouvelle de la semaine, c’est que j’ai un nouveau petit fils, Romain (en français) et Roman (en anglais et en bosniaque) ! PS. Si vous avez loupé cette semaine Le monde selon Monsanto, de Marie-Monique Robin, sur Arte, courez acheter le livre (éditions La Découverte). C’est un pavé mais qui en vaut la peine ! De la dioxine aux OGM, une multinationale qui vous veut du bien...
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