Marchés publics, vins, aviation, redistribution
Vendredi 13 avril 2007
Semaine de Commissions à Bruxelles : toutes mes Commissions se réunissent en même temps. Ça va zapper ! En plus, il faut contribuer (par écrit !) à la campagne de Dominique, et recevoir les lobbies… MarchésPublicsJe présente pour la première fois mon rapport sur « Stratégie de Lisbonne et marchés publics ». Légèrement provocateur, mais très calme, je rappelle que la stratégie de Lisbonne prévoit « un Etat social actif et dynamique dans le domaine de l’environnement, de l’emploi et du développement économique », et que cela peut sembler en contradiction avec les règles de la concurrence. Je rappelle la note rédigée avec l’aide de notre stagiaire à la Commission juridique, Tiziana Lonardo : La Commission de Bruxelles interprète dans un sens restrictif les articles 86 et 87 du Traité qui permettent effectivement cet État social actif et dynamique, la Cour de Justice interprète ces articles dans un autre sens, « actif et dynamique ». Les trois articles de mon rapport peuvent donc se résumer un seul : « Suivre la Cour de Justice ». Légère surprise de l’assistance, qui ne me connaît pas aussi légaliste et ne sait pas que la loi est aussi anti-libérale. Un socialiste fait observer : « Mais de toutes façons les collectivités locales ont le droit de fixer la maximisation de la qualité de l’environnement dans leurs appels d’offre ! » Je réponds qu’il n’y a donc pas de problème avec le 3e point de mon rapport. Le représentant de la Commission européenne, assez agacé, intervient : « Vous m’étonnez beaucoup, il faudra voir ces points où la Cour de Justice contredit la Commission ! » C’est le coordinateur du PPE, Lehne, qui lui répond : « Le rapporteur a tout à fait raison. Il existe des Traités, qui sont interprétés par la Cour de Justice. La Commission essaie de les déformer par des recommandations adressées aux Etats, qui s’écartent de ces Traités. Il faut en finir avec cette méthode de la « soft law ». La seule légalité, c’est celle des Traités, des arrêts de la Cour et des Directives dérivées de ces Traités ». Ce soutien de la démocratie chrétienne allemande ne m’étonne pas excessivement : pour elle, la règle est simple : les collectivités font ce qu’elles veulent à l’intérieur des länder, et au dessus des länder, c’est la concurrence ! Je crois que les « anti-libéraux » Français pourraient obtenir beaucoup plus des Allemands s’ils prenaient en compte cette volonté d’autonomie municipale et régionale qui existe en Allemagne. AITAJe reçois une importante délégation de l’AITA (Association internationale du transport aérien), dont j’apprends au passage qu’elle regroupe non pas les États mais des compagnies aériennes… ce qui devrait limiter considérablement son poids juridique ! Ils viennent me voir à propos de la proposition de la Commission européenne d’inclure l’aviation dans le système de marché des quotas d’émission de gaz à effet de serre, sur laquelle je dois présenter un rapport. Ils sont bien d’accord, me disent-ils, mais à condition que le système soit inclus dans le système général de marché des quotas (le seul qui existe réellement est le marché européen, qui inclut tout l’industrie lourde : sidérurgie, verre, ciment etc.) Car, expliquent-ils, ils est peu probable que l’aviation puisse diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, il faut donc qu’elle puisse acheter les quotas des autres… Je leur réponds que puisque l’AITA refuse d’être astreinte (comme le sont par exemple les automobilistes) à une écotaxe sur le kérosène, le système des quotas est en effet la seule solution qui permette de les faire contribuer à la lutte contre l’effet de serre. Mais je m’étonne : « Considérez-vous donc que l’industrie aéronautique soit plus mature que l’industrie du ciment, et qu’il n’y ait plus de progrès technologique possible lui permettant de réduire la production de gaz à effet de serre ? » Ils sont très embarrassés, et visiblement ne comprennent pas que le coût qu’on leur impose à travers l’achat de quotas vise justement à leur faire choisir des avions plus économes en carburant ou à rendre le transport aérien plus cher et donc plus réfléchi. Je leur rappelle que la seule perspective d’avoir à limiter la consommation de kérosène a déjà provoqué l’échec de la première version de l’A 350 d’Airbus. Quant à l’idée qu’ils pourraient se dispenser de faire des efforts en achetant les quotas des autres, je leur signale que, par exemple, l’industrie du ciment a en perspective, dans les 20 prochaines années, de reconstruire la plupart des logements sociaux de l’Europe de l’Est, sans compter la crise du logement qui sévit en France ! Il est hors de question que l’avidité des passagers aériens renchérisse le prix du logement pour les classes populaires… « Et d’ailleurs, leur demandé-je, quelle est votre perspective de réduction à l’horizon 2020 ? Pour l’ensemble de l’Union, la Commission propose une réduction de 20 à 30 %. ». Manifestement, ils ne sont pas prêts à répondre à cette question. Je leur demande alors : « Et comment voyez-vous l’allocation initiale des quotas entre les compagnies aériennes ? Par un système d’enchères, qui favoriserait les compagnies les plus propres ? En fonction des consommations antérieures (grand fathering) ? – Eh bien, nous pensons à un système de bench marking – Très bien, c’est quoi votre système de bench marking ? – Heuh, nous ne l’avons pas encore défini. » Ultime argument « Mais si les États Unis créent un autre système de quotas ? — Et alors ? Les avions qui font le va et vient USA-Europe achètent bien leur kérosène une fois en Europe, une fois aux USA, non ? Ils achèteront en même temps un quota de pollution une fois en Europe, une fois aux USA. » Bref, ils ont voulu se payer ma tête et celle des générations futures, et ils savent que je le sais. Nous nous quittons très en froid. Voir Lettre de l’ambassadeur des Etats-Unis et quelques autres pays à la présidence du conseil européen (pdf, 70 ko). VinsPendant ce temps, des votes ont lieu en Commission économique, auxquels je ne peux donc participer. Madame Lulling (droite luxembourgeoise et membre de l’intergroupe Vin du Parlement – oui, oui, ça existe !) a réussi à faire voter, en l’absence du rapporteur libéral démocrate, qui était contre, la fin de l’harmonisation des accises sur les vins et spiritueux entre les pays européens. Autrement dit, chaque pays serait maintenant libre de supprimer les taxes sur les alcools et les vins, déchaînant ainsi la contrebande à l’intérieur de l’Union ! De sa part, il s’agit évidemment d’une revendication ultra-libérale, qui passe ouvertement par un recul de l’harmonisation des taxations en Europe. Et le PPE et les libéraux ont voté ça ! C’est un coup terrible au système français de défense des vins de qualité, une incitation à l’alcoolisme et à la contrebande. En tant que Chevalier du Tastevin de Bourgogne, je réagis au quart de tour en envoyant un communiqué à la presse. RedistributionJeudi, je m’envole pour Vienne où je dois participer à une conférence pour les Verts autrichiens sur l’Europe et la politique de redistribution. Une grève assez difficilement compréhensible des aiguilleurs aériens me bloque en France une demi-journée. J’arrive pour intervenir le dernier, après avoir manqué la conférence de presse. Je comprends en cours de route que le débat a été confus sur deux sens possibles du mot « redistribution » : * La redistribution capital-travail, qui passe fondamentalement par des lois, de minimum salariaux ou de maximum de temps de travail : et c’est plutôt là-dessus que les Verts autrichiens m’attendent, pour témoigner sur la loi des 35h. * La redistribution entre les régions riches et les régions pauvres de l’Europe, et là, ça passe par des mesures budgétaires qui impliquent un gonflement du budget européen. J’explique en long et en large les leçons des 35h. Elles ont évidemment un effet redistributif, mais on ne peut pas les présenter comme ça. Ceux dont on réduit le temps de travail, et qui de ce fait voit ralentir la progression, voire baisser leur pouvoir d’achat (à cause de la limitation ou de l’annualisation des heures supplémentaires) doivent d’abord percevoir ce « partage du travail » comme une amélioration de leur qualité de vie, ce qui implique, pour les plus pauvres, une hausse du salaire minimum horaire, et une véritable liberté d’usage de leur temps libre, que l’annualisation leur a ôtée. Quant à l’Europe, il est bien évident que la défaite de l’Europe fédérale qu’introduisait le TCE devant l’Europe intergouvernementale de Mastricht-Nice a eu dans les deux cas des effets désastreux. * S’agissant de la redistribution capital-travail par la réduction du temps de travail, c’est déjà de la compétence du Parlement européen en codécision. Mais le rapport Cercas-Alonso sur la loi de 48 heures maximum en Europe, sans annualisation ni opt-out, est bloqué en Conseil par le gouvernement britannique et ses alliés qui tiennent à conserver les possibilités d’opt-out (c’est à dire de se dispenser des limites de temps de travail imposées par l’Europe). Dans une situation où la codécision aurait été générale, un pays n’aurait pas pu se permettre de bloquer en Conseil un compromis réalisé au Parlement. * En ce qui concerne la croissance du budget régional européen, je rappelle que c’est la Conférence intergouvernementale de juin 2004 qui a retiré du TCE ce qu’y avait mis la Convention : la participation du Parlement européen à la programmation budgétaire à 5 ans y compris pour le volet recettes. Quant au volet dépenses, je rappelle que dans Maastricht-Nice, le Parlement ne vote que 45% des dépenses, alors qu’il en aurait voté 100% avec le TCE. Et là encore, l’actuel Parlement avait demandé un budget beaucoup plus conséquent afin d’aider, par des politiques régionales, les 12 nouveaux pays. Le lendemain, longue interview sur la situation politique électorale en France, puis 3 heures de discussion en petit séminaire sur la politique de l’Union européenne vis-à-vis de l’Amérique du Sud. Je rentre à Paris où je reprends comme un choc, sur les autobus et les métros, la hideuse campagne de pub : « Pas de cul, pas de fric ». La Meute et Florence Montreynaud ont beau s’activer sur le web, la critique cinématographique clamer son dégoût : cette horreur ne choque manifestement plus aucun organe de régulation. Nous en sommes à revenus à Marx : « le mariage, institution bourgeoise de la prostitution »…
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