TLC KO, vive l’Association ?


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Samedi 26 novembre 2005

Jeudi, aux aurores, nous partons pour Guayaquil, la capitale économique de l’Equateur, qui est à ce pays ce que Santa Cruz est pour la Bolivie : la capitale de la droite. On retrouve la même opposition entre la sierra de gauche et les basses terres de droite. On dit que les présidents se font à Guayaquil et sont renversés à Quito. Mais ici, Guayaquil est un port sur le Pacifique, au milieu des fameuses bananeraies...

Dans un square de Guayaquil
Un courant politique célèbre a fait de la sauvegarde de ces horreurs son fonds de commerce

La grande nouvelle de la veille, c’est que les négociations qui traînent depuis deux ans pour un traité de libre échange (TLC) entre USA, Pérou, Equateur, Colombie, sont suspendues. Elles ont butté sur les questions agricoles e les questions de propriété intellectuelles. Les trois pays latino-américains refusent en effet de voir leurs marchés locaux de riz et de maïs inondés de produits nord-américains hyper subventionnés, et de marchandiser sans protection les droits sur la biodiversité et les savoirs indigènes correspondants. Cet échec du TLC est, espérons-le, la répétition générale de l’échec de la conférence de l’OMC à Hong-Kong en décembre !

A notre arrivée à Guayaquil, nos hôtes ont bien fait les choses. Décidés à montrer que ce sont eux qui savent recevoir le Parlement européen, ils ont organisé une sorte de pièce de théâtre : une rencontre très officielle et très cérémonieuse entre la fraction équatorienne du Parlement andin et la délégation du PE pour la Communauté andine.

Avec Juanita Vallejo, VP du Parlandino

Je passe au pupitre et, théâtre pour théâtre, je me lâche :

« Je salue la nation équatorienne, initiatrice de l’indépendance de l’Amérique du sud, qui a rejeté les manœuvres de division des Etats-Unis. Ce que vous proposera, je l’espère, à partir de 2006, l’Union européenne, c’est quelque chose de tout différent. D’abord, nous ne voulons pas discuter pays par pays, mais avec la Communauté andine tout entière, d’égale à égale. Nous travaillons à l’unité, non à la division. Par ailleurs, nous ne vous proposerons pas un traité de libre-échange, mais un accord d’association prenant en compte les droits humains, droits démocratiques, sociaux, environnementaux. L’Union et la Communauté Andine peuvent exercer un rôle de leader dans les négociations mondiales sur l’effet de serre, car vos 5 pays sont à la fois exportateurs d’ énergie fossile et victimes des ouragans de plus en plus dévastateurs. De même, nous sommes prêts à reconnaître vos droits sur la biodiversité et le savoir de vos peuples indigènes ».

Sur ce dernier point, je m’avance un peu. Et je sais qu’entre l’Union et l’Equateur, il y a l’épine de la guerre de la banane. Je m’en suis expliqué dès le premier jour avec le Président, avec son ministre des affaires étrangères, et surtout avec Yanus, le négociateur "Bananes". L’Union européenne est décidée à maintenir une certaine répartition de son marché intérieur : 20% pour ses propres producteurs, (essentiellement les Dom Tom français et les Canaries), 20% pour les pays les plus pauvres de la zone ACP (Afrique Caraïbes Pacifique, essentiellement les autres Iles sous le Vent), et le reste pour les grands exportateurs que sont les pays de la banane-dollar sur le continent sud-américain, dont le plus grand est bien sûr l’Equateur. Cela passait jusqu’ici par un système de quotas ; l’OMC nous demande de procéder par un pur système de droits de douane. Mais évidemment les pays non-ACP hurlent que les tarifs sont trop élevés, les ACP (dispensés de droits de douane) hurlent qu’ils ne le sont pas assez. Et je sais que même les Colombiens accusent les Equatoriens de vouloir piquer tout le marché européen des bananes. Je conseille vivement à tous mes interlocuteurs de se mettre d’abord d’accord au sein de la CAN , puis avec le CARICOM (le bloc des Caraibes), puis de discuter à 3, UE-CAN-Caricom de la répartition de notre marché, on verra ensuite par quel mode de régulation, quota ou tarif. Yanus me confie : "Nous ne sommes pas dogmatiques du tout-tarifaire".

A la fin de la réunion, une nuée de journalistes tendent leurs micros. Ils veulent des précisions sur ce que peut être un accord d’association. Y aura-t-il des aides au développement ? Je lâche malicieusement : « Bien sûr, mais en tant que député, j’aurais du mal à expliquer à mes électeurs qu’il faut que l’Europe apporte de l’argent aux pauvres équatoriens, alors que le Congrès équatorien vient de voter des diminutions d’impôts pour les riches équatoriens ! ». Tous rient : ils savent bien que cette loi scandaleuse a été proposée par le maire de Guayaquil, Jaime Nebot.

A part ça, comme on nous l’avait dit, Nebot est un excellent maire. Nous visitons une zone du projet Zumar (un accord de coopération euro-équatorien sur la rénovation des zones urbaines marginalisées) , dans le bidonville Bastion popular. Ce bidonville était construit sur pilotis dans un marécage. Après les gros travaux de drainage, le bidonville s’auto-organise avec l’aide de la municipalité et de l’Europe, en se poldérisant sur place : des camions, surveillés par les femmes pour éviter qu’ils ne soient volés, distribuent des tas de terre et de gravats à tous les carrefours, et les habitants rehaussent les rues et les terrains sur lesquels ils reconstruisent, en plus dur, leur baraques.

La pépinière du Centre polyfonctionnel
les habitants de Bastion Popular viennent y fleurir leur bidonville

Visiblement, Nebot a su s’entourer d’une équipe connaissant à fond les expériences mondiales de traitement des bidonvilles, telles qu’elles ont pu être synthétisées dans les grandes réunions comme la conférence Habitat de l’Onu à Istambul. A côté de Bastion popular, nous apercevons une toute autre technique : là ; la municipalité fait tout, elle a nivelé un terrain, l’a équipé, et des ouvriers montent à toute allure des maisonnettes préfabriquées.

Nous terminons par la visite du Centre polyfonctionnel financé par l’Union : un paradis pour enfants avec écoles, crèches, centre de protection maternelle et infantile, jardins, stade, piscine etc. Toute cette visite se fait sous les acclamation des jeunes qund ils reconnaissent le drapeau de l’Union sur notre minibus. On rigole en évoquant les caillasses qu’on récolterait à Clichy-sous-Bois. A quand un plan Zumar pour l’Ile de France ?

L’après midi, discussion avec le directeur de l’office des exportations, la Corpei. Pour la dixième fois du séjour, je répète notre position sur la guerre de la banane. C’est alors qu’arrivent deux jeunes de la FENACLE, fédération de syndicats qui regroupe principalement des travailleurs des industries exportatrices, la fleur et la banane. Ils nous peignent un tableau cauchemardesque des conditions atroces de surexploitation des travailleurs et en particulier des enfants dans la culture et le conditionnement des bananes. Le directeur de l’exportation ne sait plus où se mettre ! A la sortie, fonctionnaires et députés européens sont unanimes : il ne faut plus acheter une seule banane équatorienne…

Le lendemain, cerise sur le gâteau de notre visite : je dois faire un discours devant les élèves des lycées français, italien et allemand de Quito. Ces lycées fonctionnent un peu comme les moins chers des collèges privés de qualité, en tout cas beaucoup moins chers que le collège américain. Le gymnase est plein d’enfants. Une chorale de petits Equatoriens nous chante l’hymne européen, l’Hymne à la joie de Beethoven, en espagnol…

la chorale du lycée La Condamine entonne l’Hymne à la Joie

Je leur fais un discours commençant par la description des difficultés linguistiques de la vie quotidienne au Parlement européen, et j’essaie de leur expliquer pourquoi nous avons accepté qu’un Allemand ait rédigé notre hymne européen, alors que pour ne froisser personne, il n’y a aucun visage de personnage célèbre, ni même aucun monument identifiable sur les billets de banque européens…

Une lycéenne équatorienne joue l’hymne européen
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