Rentrée sur-occupée. Journées d’été EELV. Eva. Gladys.
Jeudi 8 septembre 2011
Eh oui : près d’un mois et demi sans blog ! Ce que mon été fut super-occupé. Certes, en juillet et début août, nous avons pris des vacances. D’abord, comme toujours, à Serre Chevalier : la montagne est toujours aussi belle... Puis une virée dans le Nord-Ouest de l’Espagne, jusqu’en Galice. La Galice est un endroit merveilleux. C’est une sorte de Toscane installée en Bretagne (sur la côte) ou en Auvergne (dans l’intérieur) : des places chaleureuses dans des centres historiques où les familles bavardent devant un pot et quelques tapas, tandis que les enfants jouent jusqu’à 11 heures du soir... Sauf que ces places sont en granit, avec des hortensias bleus… Et ils ont un vin blanc extraordinaire ! Sans compter les poivrons de Padron, le jambon serrano, etc. Bien sûr la mer est plutôt froide, mais sur la côte Nord et dans les Asturies elle est tout à fait agréable, avec des plages magnifiques. Et sur la route, partout les traces, monastères, bastides, du chemin de Compostelle, de plus en plus revivifiées : on voit des marcheurs tous les 500 mètres. Mais dès le 15 août, travail d’arrache-pied, jour et nuit. Je dois rendre un livre sur le procès de mon père et de mon oncle contre l’Etat et la SNCF, plus une conférence pour le 20ème anniversaire du Centre du Développement International de la London School of Economics, ce jeudi, et deux conférences d’invité pour l’Université de Kyoto et pour le congrès de la Société d’Economie Politique Japonaise, à Tokyo, la semaine prochaine. Et le tout interrompu par les Journées d’Eté d’Europe Ecologie, pour lequel j’avais un tas d’interventions à préparer… Le livre, intitulé La SNCF et la Shoah. Le procès G. Lipietz contre Etat et SNCF se présente, comme son titre l’indique, en deux parties : l’histoire des procès de mon père (jusqu’à la capitulation honteuse de la justice administrative, et la capitulation millimétrée de la SNCF), et une plus grande partie sur la responsabilité propre de l’Etat pétainiste et surtout de la SNCF dans la perpétration de la Shoah en France. Je comptais simplement développer ma conférence au festival de Blois de l’an dernier, en un peu plus d’une centaine de page. Finalement, il y en aura presque 400 ! C’est que la lecture attentive d’archives auxquelles j’avais accès mais que je n’avais pas lues suffisamment attentivement, faute de temps, pendant les procès (c’était la période de la fin de vie de Francine et de ma plus intense activité parlementaire) m’a permis de découvrir des éléments nouveaux, qui auraient pu servir utilement aux procès. D’autre part, Colette Schaechter (la veuve de Kurt, qui a découvert la fameuse facture de la SNCF adressée à la France Libérée pour les wagons de la déportation) m’avait apportée de nouveaux documents au début de l’été. Bref, je pense que mon livre sera un document assez important. J’ai donc essayé de le faire le plus pédagogique possible, avec des annexes historiques et tout et tout. Parution : mi-octobre. Quant à mes trois conférences, elles portent sur des sujets extrêmement voisins. Les Japonais veulent avoir mon analyse de la crise et mes propositions de solutions ; les Anglais, qui sont plutôt d’accord avec ce que je raconte d’habitude, veulent surtout savoir quelles sont les chances politiques réelles d’un "Green Deal". J’ai donc écrit un gros papier que vous trouverez dans quelques jours sur ce site, où j’avance ma réflexion sur les développements de la crise de cet été (l’aggravation de la crise financière devenue une crise de solvabilité, y compris des Etats les plus importants comme les Etats Unis, le risque du retour de la crise de liquidité en cas d’annulation non maîtrisée d’un partie des dettes, et bien sûr l’aggravation des crises de fond : récession provoquée par les politiques d’austérité généralisée, poursuite des crises climatique et alimentaire...). Quant à la demande plus spécifique des Britanniques (est-ce que l’alternative verte est politiquement jouable ?), je me suis amusé à recenser les difficultés politiques que nous rencontrons, à comparer la situation actuelle à la crise des années 30, et à faire une dizaine de propositions pour une bonne pédagogie du Green Deal. A part ça, je l’ai dit, cet été fut marqué par les Journées d’été d’Europe Ecologie, à Clermont Ferrand. Enormément de monde comme d’habitude, malgré la date de cette rentrée, très précoce dans le mois d’août. Enormément de conférences, énormément d’ateliers...Pour ma part j’ai été mobilisé presque en permanence, donc je n’ai pas vu grand chose d’autre que les ateliers auxquels je participais : – sur la planification écologique – sur la politique alimentaire soutenable et le Tiers secteur – sur l’artificialisation du monde et les préjugés technologistes – sur l’Europe face à la crise et aux populismes – sur la réduction du temps de travail et les retraites... Je vais tâcher, au fur et à mesure que j’en aurai le temps, de placer sur mon site un décryptage ou un résumé de mes interventions, ou mieux un résumé de tout le débat de ces ateliers… en espérant que ces résumés seront fait par quelqu’un, car moi je n’ai pas le temps. Mais surtout les journées d’été ont vu le lancement de la candidature Eva Joly, avec une conférence de presse sur les questions économiques (dont la mise au point ne m’a pas entièrement satisfait), et surtout le "grand meeting de clôture". Les organisateurs avaient organisés un cirque un peu ridicule, genre PS-UMP, avec entrée spectaculaire de l’héroïne du jour entourée des dignitaires dont les places avaient été désignées chaise par chaise... Ballet parfait, digne du grand Fouquet.... Sauf qu’il a fallu se ranger dehors sous un soleil de plomb avant de s’ébrouer face à la nuée des caméras, et qu’à l’intérieur de l’immense gymnase, il faisait une chaleur à crever. Enfin bref : Eva Joly absolument adorable, toute seule à son pupitre accueillant avec un débordement d’enthousiasme tout norvégien la longue houle des acclamations. Et surtout, une habile mise en scène de ses soutiens, à travers de petites tables rondes presque entièrement féminines, qui à mon avis, ont bien fait comprendre pourquoi elle avait gagné la primaire avec une telle avance sur un corps électoral 4 fois plus important que les Verts traditionnels, pourquoi elle suscite un tel intérêt chez les professionnels engagés comme dans les quartiers populaires. Par exemple : le témoignage de Irène Frachon (la pneumologue qui a lancé l’alarme sur le Médiator). Elle raconte sa démarche, du professionnel à l’associatif, sa lutte pour alerter les politiques...et en l’occurrence, le politique qui a bien voulu s’intéresser à l’affaire fut un homme de droite ! Elle est applaudie très fort quand même. Ce qui traduit extrêmement bien la démarche des gens, ce qui les pousse vers Eva Joly : une immense onde d’indignation en France, qui cherche à s’exprimer de bas en haut contre le cynisme criminel d’une industrie et d’une finance qui gouvernent le monde sans contrepoids depuis des dizaines d’années. Onde d’indignation, animée par Des héros ordinaires comme dit Eva, qui se cherche des relais politiques. Un itinéraire qui se reproduit par centaine de milliers de fois en France, par million de fois en Europe et que, dans sa propre histoire de vie, Eva Joly incarne à la perfection. En ce sens, elle rassemble beaucoup plus largement que le trop strictement environnementaliste Nicolas Hulot . (Je sais que lui-même va bien au-delà, mais il n’a pas su l’incarner, ou l’a montré trop peu, trop tard). Tiens, à propos de ces destins individuels hors du commun : Gladys Acosta (en logo de ce billet)… Nous étions devenus très proches à la fin de son séjour au Pérou, où elle se posait de plus en plus de questions sur les impasses de l’extrême gauche marxiste traditionnelle (elle était aussi une dirigeante du Parti Unifié Mariateguiste). Mais tandis qu’elle était au Guatemala, un jeune Fançais qui venait de passer le bac vint la voir et, enthousiasmé par son action, créa à Mont-de-Marsan un groupe UNICEF. Ce groupe UNICEF a soutenu le travail de Gladys, comme, lorsqu’elle était exilée à Paris, des chrétiens de gauche, en particulier du 13ème arrondissement, avaient misé sur elle en finançant ses études de Droit. Et voilà que, pour son soixantième anniversaire, le groupe UNICEF de Mont-de-Marsan invitait Gladys ! Nous sommes allés participer à la fête, entre Serre-Chevalier et la Galice. Petite fête très sympathique, très émouvante. A nos chansons et discours d’accueil, Gladys a répondu en improvisant un discours magnifique, évoquant tout ce passé, mais développant surtout les considérations très intéressantes sur le militantisme à un "haut niveau" : Vous m’avez portée jusqu’à ce que je suis devenue, jusque dans les hautes sphères de l’ONU, et je sais que vous avez aussi soutenu d’autres personnes, que mon destin n’a été qu’une occasion de votre engagement au service de tous. L’ONU, c’est véritablement très décevant, mais c’est encore la seule chose que nous ayons réussi à créer pour exprimer notre commune Humanité. Travailler dans les hautes sphères de l’ONU, c’est travailler dans l’abstraction, et on risque d’oublier qu’on travaille pour les Humains. Alors c’est très important que des groupes de base comme le votre militent directement en appui d’une politique de l’ONU, comme au service des enfants du Monde... Gladys est une de ses "héroïnes ordinaires" devenues "héroïne visible" au niveau international, comme l’ancienne petite juge Eva Joly, comme tous ces héros ordinaires auxquels Eva Joly a consacré un livre. À table, je discute avec le fameux jeune homme qui était allé autrefois trouver Gladys au Guatemala. Maintenant, il est avocat, au Haut Commissariat de l’ONU aux Droits de l’Homme, en Haïti. Je lui parle d’une autre personne de ce genre, originaire de Pau, que j’ai rencontrée au Venezuela et qui travaillait pour le Haut Commissariat pour les réfugiés en Colombie : ce sont des amis d’enfance... Et naturellement, tous les deux sont rentrés à Europe Ecologie, pour voter Eva.
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