Confédération paysanne. Négociations CAN. Marchés publics.
Vendredi 9 février 2007
Semaine de groupe à Bruxelles : occasion pour moi d’achever mon rapport sur les marchés publics pour la Commission Juridique, et de m’activer pour l’accord d’association Union Européenne – Communauté andine. Le travail du groupe est essentiellement consacré à la préparation des votes de la semaine prochaine à Strasbourg, j’en parlerai en temps utile. Il me faut également réagir à la capitulation du Commissaire à l’Environnement, Dimas, devant l’industrie automobile allemande, et répondre longuement à des attaques récurrentes, sur une liste interne des Verts, contre la présence sur mon site d’un moteur de recherche Google affichant dorénavant de la publicité. Occasion de vous préciser comment chercher quelque chose sur mon site ! Mais la grande et triste nouvelle est la débâcle de la Confédération paysanne aux élections des chambres d’agriculture. Conf PaysanneMardi tombe en effet le verdict terrible des élections aux Chambres d’agriculture qui ont connu une forte participation. Légère progression du syndicat majoritaire, la FNSEA, écroulement de la Confédération paysanne qui passe de 27 à moins de 20 % des voix, et forte progression de la Coordination rurale (syndicat de droite) qui la rattrape. C’est une véritable catastrophe. La Confédération paysanne, syndicat des paysans progressistes et écologistes, est renvoyée 20 ans en arrière. Toute aussi inquiétante est la progression de la Coordination, qui peut être localement animée par des militants actifs, mais qui est globalement l’héritière de l’ancienne FFA : c’est le syndicat de droite correspondant à De Villiers. Je fus un ami très proche de Bernard Lambert, fondateur des « Paysans travailleurs », l’ancêtre de la Confédération paysanne. À l’époque, j’animais le Front paysan de mon groupuscule, la GOP. La lente progression de la Confédération paysanne dans les Chambres d’agriculture, jusqu’à la conquête de celle de Loire-Atlantique, aujourd’hui perdue, me semblait un des plus sûrs indicateurs que, malgré tout, le militantisme servait à quelque chose. Ce terrible revers brise net cet élan. Il ne manquera pas de conséquences tragiques en matière de capacité d’action de la Confédération, qui doit en outre partager avec les Verts les énormes dommages-intérêts dont sont victimes les faucheurs volontaires d’OGM. Je ne pense pas qu’en soi, la candidature de José Bové, annoncée pendant la campagne, ait pu jouer un grand rôle. Même si les bases paysannes n’aiment pas ce mélange des genres (comme le suggère l’actuel porte-parole Régis Hochart, que vous avez pu voir en compagnie de Dominique Voynet lors de sa campagne à Fribourg), ça ne les aurait pas poussés à reporter leurs voix vers la Coordination rurale ou vers le syndicat majoritaire. Le mal est plus profond. J’essaierai très prudemment de risquer quelques hypothèses. Il y eut d’abord l’engagement de la Conf’ contre le TCE. Que les petits paysans se sentent victimes de l’Europe actuelle, et de sa dérive accélérée depuis la fin des années 80, j’en suis parfaitement conscient et ils ont parfaitement raison. Que cela ait amené la Confédération à voter Non à un traité qui modifiait profondément les règles de contrôle de la Politique Agricole Commune (en plaçant pour la première fois son budget sous le contrôle du Parlement européen, et en confiant à ce Parlement un droit d’opposition aux décisions de la Commission en matière d’OGM), cela me parut tout de suite incompréhensible. En un mot, il n’y avait pas de base pour un Non de gauche au TCE dans la paysannerie, tant le TCE apparaissait supérieur à la Constitution de Maastricht-Nice d’un point de vue syndical. En fait, le discours du Non de la Conf’ n’était qu’une critique désespérée de l’Europe actuelle, et cela, le Non de droite de la Coordination rurale, Non anti-européen, nationaliste et « décliniste », pouvait le faire beaucoup plus efficacement. Il ne m’a pas échappé, pendant ma longue campagne pour le Oui à travers toute la France, que dans les petites villes où je passais, là où les meetings de Bové faisaient 400 personnes, ceux de De Villiers faisaient parfois 4 fois plus… Je m’étais souvent interrogé sur les motivations des dirigeants de la Conf. Lorsque j’avais débattu avec son porte-parole de l’époque, François Dufour, pendant un meeting à St Lô, je l’avais vu pâlir et se braquer quand j’avais souligné que si le TCE passait, le Parlement européen pourrait, dès le budget 2007, négocier avec les syndicats, les consommateurs, les associations de défense de l’environnement, la réorientation de la PAC. Visiblement, cette argument l’avait plutôt renforcé dans son Non, et je m’étais demandé pourquoi. Une hypothèse possible est que même la Confédération paysanne considérait que la paysannerie française, et même les petits paysans, étaient plutôt mieux défendus par la politique agrarienne du gouvernement français que par une alliance paysans – écologistes - consommateurs à réaliser dans le Parlement. Pourtant, je peux témoigner qu’une telle alliance y est majoritaire, au moins contre les OGM et la malbouffe. Même dans la composition actuelle du Parlement ! Après le référendum, j’avais discuté cette hypothèse avec un très vieil ami qui animait avec moi le Front paysan de la GOP, et qui était devenu permanent à la Confédération. Comme toujours, il avait mûrement réfléchi et m’avait dit : « Je ne suis pas sûr que cela ait été théorisé en ces termes. Pour moi, l’explication est beaucoup plus simple. La Confédération tend de plus en plus à se prendre pour un mouvement para politique, et réfléchit de moins en moins comme un syndicat. En tout cas, je suis sûr qu’elle ne s’est jamais ouvertement posé la question de savoir si les intérêts des petits paysans seraient mieux défendus avec le TCE que si on garde Maastricht – Nice ». C’est peut-être le diagnostic le plus solide : la Confédération, dans sa juste volonté d’élargir l’horizon des paysans, en déportant son discours vers une sorte d’anti-globalisation, aurait négligé le travail concret de luttes et de négociations. Et c’est de ce fait-là qu’elle aurait préféré surfer sur la révolte anti-Europe que sur la possibilité qu’offrait le TCE d’agir pour une meilleure Europe, pour les paysans, les consommateurs et l’environnement. Mais, à ce travail de pure dénonciation, les électeurs préfèrent l’original à la copie : la Coordination rurale et De Villiers et Le Pen, plutôt que la Confédération paysanne et Bové… Ce qu’on appelle « travailler pour le roi de Prusse » ! La leçon vaut aussi pour les Verts. Savoir résister aux facilités de l’idéologie du désespoir et de l’apocalyptisme, savoir expliquer « Oui, l’écologie politique peut relever les défis du XXIè siècle, on sait comment faire, chaque pas en avant est bon à prendre, pour construire l’Europe démocratique comme pour résister à l’effet de serre, à condition de commencer tout de suite. Voilà comment on va faire, et avec vous. » Toujours se souvenir et rappeler que le Vert est la couleur de l’espérance Marchés publicsMon rapport en Commission Juridique m’aura au total demandé pas mal de travail et de réflexion. Pourtant, c’est un rapport minuscule : un avis sur un rapport d’initiative (que l’on attend toujours) venu de la Commission du Marché intérieur et confié à Madame Mc Carthy. Mon rapport, au second degré et pas du tout législatif, est soumis à une contrainte de longueur ridicule. La Commission du Marché intérieur s’est en effet posé la question de la compatibilité entre la stratégie de Lisbonne et la politique européenne en matière de marchés publics… Rappelons d’un mot ce qu’est la stratégie de Lisbonne. Il s’agit d’une stratégie dessinée au sommet de Lisbonne en 2000, c’est-à-dire à l’époque où l’Union européenne avait une majorité de chefs d’États et de gouvernements sociaux-démocrates, avec des ministres Verts dans plusieurs pays. Contrairement à ce qui a été dit au moment de la campagne de Jospin et depuis, pendant la campagne du TCE, cette stratégie de Lisbonne ne se résume nullement à la libéralisation des services publics en réseau (gaz, électricité, rail). Au contraire, elle consiste essentiellement à vouloir faire de l’Europe « la zone la plus compétitive du monde dans l’économie de la connaissance », et dans ce dessein, elle prône non pas la baisse des coûts salariaux, mais au contraire l’investissement en capital humain (c’est-à-dire la formation professionnelle et générale) et les investissements en infrastructures (fibre optique) et dans l’éducation et la formation (équipement en ordinateurs etc). Bref, une compétitivité par le haut, par la qualification, l’implication et la productivité du travailleur plutôt que par la baisse du coût salarial. Pour réaliser ce projet, le sommet de Lisbonne prônait un « État social actif et dynamique ». Oui, oui, vous avez bien lu, État social actif et dynamique. C’est-à-dire avec plus de dépenses publiques, mais moins sous la forme de subventions aux entreprises privées que sous la forme de politiques horizontales (les fameux investissements dans la recherche, la formation et les équipements en nouvelles technologies). Plus précisément, « dans la poursuite d’objectifs tels que l’emploi, le développement régional, l’environnement... ». Or cette notion même d’investissements publics à caractère très territorial, incluant la protection de l’environnement et l’intégration régionale, semble évidemment contrevenir aux règles de la concurrence abstraite sur l’ensemble de l’Union, selon lesquelles un marché public passé par une collectivité doit s’adresser aussi bien à une entreprise de la région qu’à une entreprise située à l’autre bout de l’Europe ! Pour contourner cette contradiction apparente, s’est développée la problématique des « partenariats public-privé ». Un « partenariat » implique une certaine rigidité dans les liens entre les autorités publiques gouvernant un territoire et les entreprises qui y opèrent (quelle que soit d’ailleurs leur nationalité). D’où une certaine déstabilisation de la doctrine libérale… et sans doute pas mal de possibilités qui s’ouvrent pour l’action des conseillers municipaux ou régionaux progressistes ou verts… Tiziana Lonardo, juriste en stage à la Commission Juridique, a réalisé pour moi une remarquable étude sur les positions divergentes de la Commission Barroso et de la Cour de Justice en la matière. Vous verrez, c’est un peu technique, mais en gros, elle m’a fourni la base jurisprudentielle pour avancer sur trois points. * La Cour (contre la Commission) affirme que lorsqu’un marché public est passé, (y compris pour une concession) par une autorité publique gouvernant un territoire, c’est l’intérêt général de la communauté locale qui doit être pris en compte, et non pas le « moindre coût » pour l’autorité adjudicatrice . Autrement dit, celle-ci doit prendre en compte le gain pour l’emploi local, pour l’environnement local, même si ça lui coûte un peu plus cher. * La Commission considère que n’importe quel contrat doit faire l’objet d’un appel d’offre, sauf évidemment s’il est réalisé « in house », c’est-à-dire par les propres services de l’autorité locale ou par une entité qui lui appartient à 100%. La Cour est beaucoup plus souple. Elle considère qu’un partenariat public-privé institutionnalisé, par exemple sous la forme d’une SEM (Société d’économie mixte) à la française, peut-être considéré comme « in house » si l’entité mixte est subordonnée à l’autorité publique qui en possède la majorité, et exerce l’essentiel de son activité sur le territoire de cette autorité. * En ce qui concerne les regroupements de communes ou de régions (tels que nos syndicats de communes ou communautés d’agglomérations), la Commission est tout aussi terrible : elle considère que ces rapports sont d’ordre privé et donc sont aussi soumis à la concurrence ! Elle répond là à la sollicitation des entreprises allemandes qui s’indignent quand le service des eaux d’une grande ville propose ses services aux communes de banlieue qui lui sont associées. Ici, la Cour ne dit rien de très clair. Les propositions de mon rapport sont simples : sécuriser juridiquement la position de la Cour sur les deux premiers points, dire que la réorganisation et la coordination des autorités territoriales ne regardent qu’elles, et que les partenariats public-public ainsi constitués ne forment qu’une seule entité publique. Nous verrons bien… CANLa préparation de l’accord d’association avec la Communauté andine (CAN) bat son plein… Du moins du côté européen. Du côté andin, on ne peut pas en dire autant. D’abord parce que la Communauté andine ne sait plus exactement sous quelle forme elle va négocier : le Venezuela est parti, le Chili veut rentrer. Ensuite, parce qu’elle est profondément divisée entre la Colombie d’une part, et les nouvelles présidences de Bolivie et d’Équateur d’autre part (Morales et Correa), le Pérou adoptant une position intermédiaire pas très claire mais plutôt pro libérale. Enfin, parce que le départ du Venezuela a plongé les organes de coordination des gouvernements de la Communauté andine dans une crise profonde dont peine à sortir la présidence actuelle : la Bolivie d’Evo Morales, qui dispose de peu de moyens, y compris techniques et humains. Bon, on verra ça de plus près le mois prochain quand nous irons en délégation en Bolivie. Ce que nous savons, par les discours de la Ministre des affaires étrangères de l’Équateur, comme par une lettre du 31 janvier d’Evo Morales, c’est que les deux pays de gauche de la région tiennent à la CAN, tiennent à l’accord d’association avec l’UE – en refusant que ce soit un accord de libre échange – et rêvent de dépasser tous ces problèmes en relançant la Communauté Sud-américaine des Nations (CSAN), avec le Mercosur et le Chili. Le 25 janvier a eu lieu le vote du rapport Yañez en Commission des Affaires étrangères. Ce rapport est plutôt bon <doc464|left>. Il épouse, sur de très nombreux paragraphes, le point de vue progressiste européen et andin… jusqu’aux points « t » à « w » où il reprend la position libérale pour un accord de libre échange ! Autrement dit, il fait la somme des deux positions ! Les points « s » et « x » marquent cependant un compromis raisonnable entre les deux visions. Justement, mardi nous avons une réunion organisée par la fondation Heinrich Böll (liée aux Verts allemands) entre les ONG et les responsables de la négociation. Sont là des représentants de la Commission, du Conseil, et les ambassades d’Espagne et de l’Équateur. Soulagement : la représentante de la Commission affirme clairement qu’il ne sera pas question d’un accord de libre-échange. Mais je comprends, à quelques remarques sarcastiques du représentant du Conseil, que le lobbying des ennemis d’Evo Morales (et sans doute de Correa) en Europe est extrêmement intense. Or le gouvernement bolivien ne parvient pas à faire nommer un ambassadeur auprès de l’Union, car la nomination de cet ambassadeur est soumise au veto du Sénat bolivien, qui est dans l’opposition ! N’oubliez pas de lire les autres onglets !
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