Bref retour aux anciennes amours
Samedi 2 juillet 2005
Hier et aujourd’hui, la section “Sociologie urbaine” (RC 21) de l’Association internationale de sociologie tenait congrès à Paris. Barbara Lipietz, ma globe-trotteuse de cadette, y présentait un papier sur la politique urbaine à Johannesburg. C’était pour moi l’occasion de la voir, de passage en France, mais aussi de retrouver mes anciens collègues de sociologie, d’économie et de géographie urbaines ou régionales « radicales ». Ils étaient presque tous là. Ceux qui étaient déjà là quand j’ai commencé (Edmond Préteceille). Mes contemporains qui occupent aujourd’hui les sommets de ces disciplines, qui m’ont inspiré et qui ont édité, discuté, traduit mes papiers d’économie urbaine ou régionale (le Nord-Américain Michael Storper, la Britannique Linda McDowell, la Brésilienne Licia Valladares, l’Allemand Roger Keil, l’Italien Enzo Mingione etc). La génération qui me suivait immédiatement (Yves Saintomer...). Et puis les jeunes pousses, que je découvre. Nous sommes tous contents de nous retrouver. Je leur dis ma nostalgie du travail avec eux – et même de ma vie de chercheur, liquidée il y a quelques mois. (A ce propos : vous allez voir ré-apparaître dans la colonne de droite de mon site, sous le blog, toutes mes archives en voie de numérisation, au rythme d’une par jour à peu près). Mais en même temps, j’écoute d’une oreille un peu critique les exposés sur la politique urbaine. Maintenant passé de l’autre coté du miroir, je sais la part de hasard, de temps, d’amitiés qui fait passer un militant des « nouveaux mouvements sociaux » dans les institutions municipales ou autres, et ce qui en résulte dans son comportement. (J’avais sur ce point mis les pieds dans le plat à Porto Alegre en analysant ces contradictions). Lors d’un débat d’hier sur l’articulation mouvements sociaux / institutions, je fais remarquer que beaucoup de conseillers municipaux se considèrent eux-mêmes comme l’incarnation directe des mouvements de citoyens de leur ville, et en viennent souvent physiquement ! On me répond que, paradoxalement, la sociologie urbaine s’intéresse très peu aux partis politiques et en particulier à leur rôle dans la gestion municipale, ce qui est un peu fort de café... Michael Storper (qui est professeur à Los Angeles et à Sciences-Po Paris) me raconte comment toute la presse financière anglo-saxonne souhaitait ardemment l’échec du Oui et comment il voyait avec révolte une partie de la gauche française se précipiter dans le panneau.... Tous deux bons connaisseurs de l’Amérique latine, nous tombons d’accord sur ce diagnostic : l’Europe, en refusant de se doter d’une dimension politique, vient de rater une marche de même gravité que les pays latino-américains qui ont choisi le libéralisme économique à la sortie des dictatures, dans les années 80, au moment même où l’Asie du Sud-Est décollait. Le grand débat, omniprésent dans les interventions, c’est bien sûr la montée générale, dans le monde, de la xénophobie et de la peur de l’autre. L’image emblématique est celle du 11 septembre 2001, quand la plus prestigieuse des World Cities s’est reconnue poreuse aux attaques extérieures. Beaucoup d’exposés sur la tendance des communautés urbaines des classes moyennes et populaires à se barricader contre l’extérieur. Et puis cette réunion est pour moi l’occasion de découvrir les “jeunes”. Il y a bien sûr Barbara. Inutile de vous dire que je suis un père gâteux de ses enfants et petits enfants, comme l’était mon propre père. J’avais découvert Barbara comme intellectuelle et comme activiste lorsque le groupe Vert au Parlement européen lui avait confié la mission de préparer un événement sur l’eau lors du sommet de Johannesburg (10e anniversaire de la conférence de Rio). Elle avait concocté une journée de visite dans le plus cradingue bidonville de la ville, Alexandra, construit sur une couche d’ordures autour d’une rivière transformée en cloaque. Elle y avait organisé un débat avec les syndicalistes du service de l’eau, les représentants communautaires, le président de la Compagnie des eaux du Grand Johannesburg, etc. J’avais pu la suivre pendant son dernier jour de réglages : elle était à tu et à toi avec les leaders du bidonville, ANC ou Inkata. Une amie m’avait dit alors : “C’est une version de toi considérablement améliorée, de 200%. 100% parce que c’est une femme, 100% à cause du progrès des générations”. Elle se défend avec bonne grâce de la situation pénible de se retrouver avec son père dans le même milieu professionnel. Son papier est fort intéressant : elle explique comment la démocratie consultative et partenariale à Johannesburg a échoué à représenter l’intérêt des plus démunis, alors que la démocratie représentative arrive tout de même à défendre certains de leurs intérêts sociaux. Ce qui, de façon surprenante, résonne avec mes deux derniers blogs (sur la BEI et sur la renégociation de la Constitution). Mais pour moi, la découverte de ce jour est Julie-Anne Boudreau, chercheuse canadienne, qui présente un papier intitulé “L’évolution de l’architecture spatiale des mobilisations politiques : stratégie, pratique et imaginaire”. Elle parle des formes de mobilisation spatiale des nouveaux mouvements sociaux, face à un monde globalisé perçu comme de plus en plus dé-sécurisant. Elle distingue deux types de stratégies : consolidation des communautés de réseaux, consolidation des communautés territoriales. Mais ce qui me stupéfie, c’est que, tout au long de son discours, on peut remplacer l’expression qu’elle emploie à de nombreuses reprises, “construction d’un espace politique urbain”, par les mots “construction d’un espace politique européen”, et ça marche tout à fait. Par exemple, elle cite un animateur de comité de voisins angelinos : “Oui, les gens sont intéressés à tracer leurs propres frontières, et je ne pense pas que ce soit pour rejeter les autres au dehors, ou pour s’autolimiter, mais c’est un peu une façon de dire : OK, quels sont les intérêts propre à notre communauté, et jusqu’où s’étend-elle ? ”. Vous voyez ce que je veux dire... Sans jamais faire la comparaison avec le problème de la construction des espaces supra-nationaux, elle donne spontanément deux raisons de cette similitude : il s’agit d’espaces qui ne sont pas pré-définis par la notion de souveraineté (justement le type d’espaces « construits en marchant » qui m’ont intéressé toute ma vie), et le fait qu’après 25 ans de néo-libéralisme, le politique cherche à revenir, mais pas par le vieil Etat-Nation fordiste…
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