La rupture Verts/PS
Lundi 14 mai 2007
Dimanche, Conseil national interrégional des Verts. Objet : les dernières propositions d’accord faites par le PS pour les législatives. Je ne reviendrai pas sur le refus des socialistes de proposer, avant la présidentielle, un accord sérieux qui aurait donné une toute autre allure aux futures législatives et donc à la présidentielle qui vient de se terminer par la défaite que l’on sait. En réalité, il y a un an, le PS avait déjà fait des propositions, très éloignées programmatiquement des urgences de la crise écologique et sociale, et, du point de vue de la représentation des Verts, très éloignées de la simple équité telle qu’on peut la mesurer par exemple aux résultats des régionales ou des européennes précédentes. Les Verts eurent peut-être alors le tort de lâcher la proie pour l’ombre, et d’oublier le dicton « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Il était bien clair que plus on avancerait vers les élections, moins le PS serait prêt à accepter un programme radical et à laisser aux Verts des circonscriptions auxquelles s’accrocheraient très vite, comme des berniques, des candidats socialistes putatifs. Dès la fin de l’année 2006, le PS remet les négociations à l’issue de la présidentielle… Ce qui lui laissait le temps d’écraser les Verts sous l’argument du vote utile, et de perdre la présidentielle faute d’allié. Bravo l’artiste. N’étant pas membre du Cnir, j’étais venu avec curiosité voir ce qu’étaient enfin les dernières propositions du parti socialiste. Disons-le clairement, elles étaient nulles. 14 circonscriptions étaient réservées aux Verts, dont 6 où Ségolène avait été majoritaire. Et un accord programmatique souvent en dessous du discours de Ségolène et du programme même du parti socialiste. Pire, certaines propositions étaient de véritables provocations. Ainsi, dans le Nord, une circonscription qui en 2002 avait été réservée à l’ancien secrétaire d’État Vert à l’économie solidaire, Guy Hascoët (lequel avait échoué à quelques voix) semblait tout naturellement devoir être à nouveau réservée aux Verts, mais ceux-ci avaient cette fois présenté un militant très lié au terrain et… d’origine maghrébine. Refusé. À la place, les socialistes offraient au secrétaire régional des Verts une autre circonscription d’où ils dégommaient… une socialiste. Oui, vous l’avez deviné, d’origine maghrébine. Il est assez difficile de savoir si un accord aussi médiocre, transmis par téléphone, et sans négociation sérieuse, résultait d’une volonté ouverte du PS d’en finir avec les Verts, ou tout simplement de l’état chaotique dans lequel semble actuellement plongé le parti socialiste. L’un n’est pas plus rassurant que l’autre. Face à un tel mépris, on comprend l’écœurement qu’ont pu ressentir les délégués Verts au Conseil national interrégional. Cela dit, c’est sur la base d’un tel écœurement qu’il fallait commencer à penser politiquement. D’une part, en termes d’offre de circonscriptions gagnables, l’accord représentait un progrès microscopique par rapport à l’existant. Mais il ne demandait en échange strictement rien d’autre qu’un appel à voter pour la gauche au second tour, ce qui (mis à part quelques cas de candidats socialistes ultra-nucléaristes ou racistes, et pour autant que cela puisse voir quelque effet sur les électeurs…) était bien dans les intentions des Verts, avec ou sans accord. Le problème n’était pas d’obtenir une déclaration des Verts qu’ils étaient contre Sarkozy, mais de construire un front de l’espérance face à Sarkozy ! Par ailleurs, si médiocre fût-il, le projet d’accord programmatique présentait quelques avancées intéressantes pour les Verts, qu’ils ne pouvaient obtenir d’aucun autre parti susceptible de participer au gouvernement. En particulier, qu’ils ne pourront pas obtenir de l’ex UDF avant longtemps. Comme les Verts n’avaient strictement rien à perdre à accepter cet accord, même s’ils n’y gagnaient pas grand-chose, l’important me semblait être de donner un signal fort aux électeurs : « Tout n’est pas perdu, une coalition des forces de gauche et des écologistes peut encore limiter la toute puissance de Sarkozy ». C’est ce signal-là que, dans leur rage, les Verts viennent de refuser. Vous lirez vous-même la motion finalement adoptée. Elle fait une croix sur la possibilité de victoire (mais là, la responsabilité socialiste est écrasante), mais elle ne s’en tient pas là. Elle fait aussi explicitement une croix sur la stratégie qui avait donné à la gauche et aux écologistes la victoire de 1997. Enfin et surtout, sans dire un mot en matière de programme, elle proclame : « les socialistes ne sont plus nos alliés privilégiés ». Autrement dit, comme il est évident que nous n’avons pas besoin d’accord électoral pour aller faucher des champs d’OGM ou manifester contre les expulsions de sans-papiers avec les électeurs de Bové ou de Besancenot, et comme il ne peut plus guère s’agir du Parti communiste, elle proclame l’ouverture de possibilité d’alliances, sans hiérarchiser, avec l’ex UDF devenu Mouvement démocratique (Modem). Soyons tout aussi clairs : depuis des mois, et bien avant l’élection, je signale sur ce blog les évolutions intéressantes de l’UDF et plus généralement au niveau européen, de l’ALDE. En fait, dans une Europe dominée par la droite, j’étais depuis le début de ce mandat partisan de rechercher une alliance ALDE-PS-Verts-GUE au niveau du Parlement européen. Mais il faut être encore plus clair : actuellement, quand il y a affrontement au sein du Parlement, nous nous retrouvons dans 90% des cas aux côtés des communistes (attention, ce n’est vrai que depuis cette mandature, grâce au fort apport au groupe GUE des écologistes nordiques, anti-nucléaires et anti-clonage humain, et à la régression du Parti communiste français), dans 60% des cas nous pouvons nous allier avec les socialistes, et peut-être dans un quart des cas, avec les centristes de l’ALDE. Encore une fois, si médiocre soit-il, l’accord programmatique que nous proposaient les socialistes était plusieurs pas en avant par rapport à ce que nous proposerait le Modem. Or justement, la déclaration adoptée par le Cnir se garde prudemment de parler de programme, la raison avancée de la rupture avec les socialistes étant uniquement « on n’a pas assez de postes ». Signal aussi fort que gravissime. D’un coup, les Verts français viennent de se rallier vers ce qu’il y a de plus contestable dans le parti Vert européen : la recherche d’alliances sans principe et sans boussole pour arriver au pouvoir. Poliment, "l’ancrage à gauche" est certes rappelé, mais en tant qu’écologiste, j’avoue ne plus très bien savoir distinguer la droite de la gauche non écologiste sur de très nombreux points. Est-on de gauche quand on vote l’exclusion des jeunes filles musulmanes voilées alors qu’on accepte les jeunes filles catholiques portant des croix au cou ? Est-on de gauche quand on préfère le traité de Maastricht-Nice au traité constitutionnel européen ? Est-on à gauche quand on baisse les impôts des riches (comme en 2000-2002) plutôt que de réduire la dette pesant sur les générations futures ? Beaucoup diront que sur ces points, Bayrou est sans doute plus à gauche que Fabius… Signal très fort donc, et immédiatement mis en application : le soir même, dans la région Provence Alpes Côte d’Azur, un pan entier du parti Vert se détache pour négocier sous la houlette de Jean-Luc Bennahmias les investitures du Modem. Oui, la situation est critique. Critique pour l’Europe, pour notre pays, pour la gauche et pour les Verts. Mais j’avoue ne plus guère avoir la force, pour la énième fois, de "refonder l’espérance". Photo MetalCowboy.
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