Des Journées d’été Vertes mémorables.
Mardi 26 août 2008
À la stupeur des journalistes, les Verts ne se sont pas engueulés. Au contraire s’est dessinée, lors de ces Journées d’été de Toulouse, une large alliance entre associatifs (incarnés par Hulot), syndicalistes (incarnés par Bové) et politiques (incarnés par les Verts) se référant à l’écologie. Tout ça est encore très fragile, mais le formidable enthousiasme qui secouait les plénières avait de quoi vous réchauffer le coeur. Pour moi, qui depuis des mois plaide en faveur d’un « big bang » de l’écologie politique, j’ai un peu l’impression de toucher au port. Mais comme toujours, les journées d’été des Verts sont d’abord des journées studieuses. Dizaines de plénières, de forums, d’ateliers. Naturellement, je suis très sollicité dans les domaines économiques et sociaux, et (agrocarburants obligent) agricole. Big bangCela fait des mois que nous plaidions pour, et même des années que nous l’avions tenté : on s’achemine bel et bien vers des listes d’union « associatifs-Verts-syndicalistes » écologistes pour les européennes. Chacun y aura mis du sien. Le message de Nicolas Hulot, transmis par vidéo car il est en Chine, témoigne de son habituelle prudence, mais aussi d’un anti-libéralisme qu’on ne lui prêtait pas. On le comprend, on ne peut pas être à la fois « le passeur » et l’arrivée. En revanche, José Bové, qui a déjà beaucoup fait passer, dit clairement et honnêtement que cette fois il s’engage politiquement avec l’écologie politique. Mesurons bien le problème (et j’avoue que je ne l’ai pas toujours fait). Nous (le groupe Vert au Parlement européen) avions commandé une étude sur l’électorat Vert et la sensibilité écologiste. Surprise : celle-ci avait atteint un pic dans l’opinion publique vers 1989-92 (la période Tchernobyl – Rio), qui s’était largement estompé au cours des années 1990 et 2000. Depuis 2 ans, cette conscience écologiste remonte dans l’opinion publique, sans avoir encore atteint le niveau du pic précédent. Le nouveau pic sera certainement plus durable car maintenant, la crise écologique s’est installée. L’humanité a perdu 20 ans... Mais, comme à l’époque, c’est-à-dire dans les années 1980, la montée de la conscience écologiste dans l’opinion passe d’abord par un stade associatif et syndical : l’idée que l’écologie concerne tout le monde, et que la revendication écologique doit « donc » prendre une forme associative-revendicative s’adressant à un patron quel qu’il soit, au gouvernement quelle qu’en soit la couleur. D’où le parasitage de la candidature Voynet par le Pacte écologique Hulot (que Sarkozy même a signé). Le Grenelle de l’environnement (où au total les Verts étaient dans tous les collèges, jusqu’à un quart des participants), et les suites calamiteuses que lui ont donné les parlementaires de droite, ont brisé ce rêve d’une écologie purement associative. Encore fallait-il en faire l’expérience ! Les associatifs prennent aujourd’hui conscience que, sans écologistes politiques aux postes politiques, on ne fera pas de politiques écologistes... Mais en même temps, les Verts prennent conscience que, s’il est vrai qu’on a jusqu’en 2015 pour agir, il faut agir dès ce mandat-ci de Nicolas Sarkozy, sans attendre de le renverser en 2012 ! Bref, les échéances sont claires : travailler ensemble tout de suite, dans les municipalités fraîchement élues et dans les régions, préparer ensemble les européennes de 2009 et les régionales de 2010, et nous l’espérons, préparer ensemble 2012... Le problème est que, pour les dizaines de millions d’individus qui en France prennent conscience des problèmes écologiques, « là où en est José Bové », c’est déjà trop politique, d’où la prudence d’un Nicolas Hulot, mais il n’est pas le seul. Il faudra agir avec pédagogie et doigté. Un petit point m’a fait de la peine : à la fameuse tribune finale de ces Journées d’été, il y avait aussi... François Alfonsi, pour Régions et peuples solidaires, et tous les journalistes ont oublié d’en parler. Les régionalistes sont pourtant nos plus fidèles alliés, car eux savent bien ce que veut dire penser globalement et agir localement. Il n’y a pas trois, mais bien quatre composantes dans le rassemblement en cours. En revanche, et comme je l’ai expliqué dix fois aux journalistes, les divergences que nous avons eu avec José Bové sur le TCE ou le traité de Lisbonne n’ont aucune importance. C’en était comique lors de son discours : dans sa description de l’Europe qu’il veut, y compris lorsqu’il proclame que les élus du peuple doivent contrôler la politique agricole, ou que le Parlement européen doit proposer une Constitution, tout cela, qui n’est pas compatible avec le traité de Nice, était dans le TCE. Mais, du moment que nous sommes d’accord sur les objectifs, José, une fois élu, aura bien le temps de s’apercevoir où sont les moyens de ces objectifs. Social, économieLa situation (ouverture de la crise globale du néolibéralisme, couplée avec la crise alimentaire et la crise énergie-climat) a amené les Verts à me solliciter particulièrement, du fait de mon métier d’origine : économiste. Mercredi : atelier sur les fondamentaux de l’écologie politique. Il s’agissait pour Alexis, le webmestre des Verts, et moi, devant les cadres des Verts, de mettre au net notre socle commun afin d’en faire des podcasts à diffuser sur le site des Verts. Problème : nous avions prévu deux heures, or les « cadres des Verts » avaient besoin de beaucoup plus de temps pour discuter des « détails ». Par exemple, il est connu que les valeurs cardinales des Verts sont l’autonomie, la solidarité et la responsabilité. Ce simple point, la responsabilité, et plus particulièrement la question « n’est ce pas une valeur trop religieuse ? », nous a pris plus d’une demi heure de discussion ! Le surlendemain, plénière sur la crise alimentaire (avec le professeur Mazoyer et José Bové). Mazoyer remet les pendules à l’heure sur l’extrême pauvreté et le faible équipement d’un milliard de paysans. Grosse discussion sur la nécessaire régulation des prix agricoles. J’explique comment, en tant que député européen, face aux organisations agricoles du Tiers-Monde, j’ai toujours fait la distinction entre les subventions aux exportations qu’il faut abolir, et les subventions aux revenus personnels des paysans européens qui sont parfaitement légitimes compte tenu des fluctuations des prix et de l’insécurité des revenus de l’agriculture. Problème : interdire les subventions à l’exportation, comme par exemple aux exportations de coton américain (qui n’est d’ailleurs pas un produit alimentaire), exige que cette régulation de l’agriculture ait aussi une dimension mondiale... On pourra d’ailleurs bientôt en dire autant à propos de la limitation des agrocarburants, de leur subordination aux impératifs de biodiversité et de production alimentaire, etc, etc. Plénière sur l’Europe sociale : là, c’est est assez consensuel, sauf que, visiblement, les Français ne comprennent pas très bien la diversité des mécanismes de régulation du rapport salarial en Europe. Ainsi, nous devons, le représentant de la Confédération Européenne des Syndicats Joël Decaillon et moi, expliquer qu’il n’est pas simple d’imposer un SMIC européen, même modulé par « abattements de zone » (comme on l’a fait en France de 1945 à 1968) en fonction de la productivité locale. Certains pays, qui sont restés parmi les plus sociaux-démocrates, régulent par le « contrat » plus que par la loi, mais ne rendent même pas obligatoire l’adhésion d’une entreprise nationale à une convention collective ! Decaillon me glisse que le syndicalisme italien lui-même n’a pas bougé depuis 1968 : il est contre un SMIC fixé par la loi, car pour lui, c’est un enjeu syndical ! Sur ce point, les Verts allemands, eux, ont bougé : ils ont compris que dans une Europe qui se globalise elle-même, il faut un socle de régulation législative, sinon les conventions collectives allemandes s’écrouleront. Forum sur l’économie : il s’agit d’expliquer comment la double crise, écologique et économique, détermine le programme des Verts pour les prochaines européennes. Débat assez intéressant sur l’autonomie relative de la crise strictement économique. Le néolibéralisme, exactement comme le libéralisme d’avant 1929, est aujourd’hui en train de provoquer une crise par insuffisance du pouvoir d’achat des plus pauvres et excès des profits des plus riches, et donc excès de la capacité d’épargne oisive des plus riches. C’est la crise des subprimes : les « salariés pauvres » se sont surendettés pour se loger auprès d’usuriers qui ont revendu leur titre de leurs dettes à des épargnants, en dehors de toute régulation, les pauvres ne peuvent plus rembourser, du coup tout le monde plonge, même les banques. Mais en même temps, la crise écologique érode cet amortisseur, ce garde-manger gratuit que représentaient les richesses naturelles pour l’humanité. Non seulement les ouvriers, employés et de plus en plus les classes moyennes précarisées ne peuvent plus payer leur logement, mais ils ne peuvent plus payer leur chauffage, leurs transports, leur nourriture : les matières premières deviennent trop chères pour eux ! Dès lors, la mise en place d’un « keynésianisme Vert », c’est-à-dire l’organisation de prêts à bas coût pour les dépenses publiques d’intérêt vert, pour les travaux d’économie d’énergie dans l’habitat, dans les transports, etc, répond à la fois à la demande d’emplois et aux besoins de nouvelles productions de richesses qui ne soient plus en déduction de la nature : faire croître certaines activités pour obtenir une décroissance de l’empreinte écologique de l’humanité. CopropriétésUn exemple très concret : l’atelier sur les copropriétés. Les Verts du 13e arrondissement de Paris (plus précisément mon assistante Natalie, forte de 7 ans d’expérience extrêmement participative de maire adjointe à Rochefort, et un syndic bénévole, Charles Rémy) en avaient eu l’idée. Une fois qu’on a compris que la bataille, dans les bâtiments « tertiaires et résidentiels » (22% du CO2 produit et 48% de l’énergie consommée – mais les Verts sont aussi hostiles au nucléaire qu’au CO2 !) se livrera d’abord dans « l’ancien », c’est-à-dire dans des bâtiments déjà construits et occupés, comment une ville ou une région peut-elle avoir une politique écologiste dans le domaine du bâti ? Sur les édifices publics, sur le parc HLM, certes, mais quid du parc majoritaire de logements, c’est-à-dire les immeubles privés gérés par des assemblées de copropriétaires ? Était donc organisé un atelier auquel ils avaient invité Denis Baupin, premier des Verts adjoints au Maire de Paris, et moi-même (en tant que « Monsieur BEI » du Parlement européen). Nous nous attendions à un atelier tranquille, mais la petite salle de l’Université de Toulouse (72 places) est bondée, des participants sont debout ! Deuxième surprise, lorsque s’ouvre le débat, ce ne sont pas des militants de l’UFC venus demander comment diminuer les charges, mais principalement des maires adjoints, des vice-présidents de région, ayant parfaitement identifié la question politique se cachant derrière l’intitulé de l’atelier ! De fait, un ami me confiera que, à la Caisse des Dépôts, depuis les dernières élections, on voit défiler les maires adjoints Verts venant chercher des financements pour les politiques d’économie d’énergie (isolation, pompes à chaleur, solaire thermique, photovoltaïque etc). L’assemblée de copropriétaires comme cellule de base de l’application des accords de Kyoto ? Il fallait y penser... Mais cela montre bien que la démocratie participative couplée avec des politiques publiques est la condition sine qua non pour résoudre la crise écologique. GéorgieEnfin, bilan des eurodéputés. Je ne vous raconte pas ce que j’y ai dit : mon bilan, comme celui des autres, est sur Sinople On attendait particulièrement Marie-Anne Isler-Béguin, présidente de la délégation pour le Sud-Caucase, qui s’était précipitée vers Gori lors de la guerre russo-géorgienne. J’en discute également avec Bernard Dreano. Cette affaire me rappelle Chypre : des imbéciles (l’EOKA-B) avaient tenté de réunir de force Chypre à la Grèce (énosis), les Turcs étaient intervenus, et depuis l’île est divisée, avec épuration ethnique ! De même, le très décevant Saakachvili est passé à l’attaque de la région sécessionniste d’Ossétie du Sud (mais où Géorgiens et Ossètes cohabitaient convivialement depuis le conflit gelé de 1994), sans doute pour se refaire une popularité, peut-être poussé par les Américains, peut-être attiré (comme Saddam Hussein au Koweit) par des signaux trompeurs des Russes (qui l’avaient laissé récupérer l’Azarie). Les Russes ont sauté sur l’occasion et ont cassé la Géorgie. L’inénarrable Sarkozy a fait un petit tour loin de Carla, bradant le plan en 4 points de l’Union Européenne, et lâchant de fait tout aux Russes. Quand on commence par être lâche vis-à-vis des Chinois dont on dépend peu, on ne fait guère peur aux Russes autrement menaçants. À ce propos : les JO sont finis. Comme je l’expliquais dans mon blog précédent je les ai hélas « boycottés », mais j’ai lu les résultats : Union Européenne, 494 millions d’habitants : 279 médailles dont 87 en or. Les Chinois ne seraient pas doués ? ou leur régime, hyper-mobilisé depuis des années, n’incite pas à vraiment « aimer » le sport ? Saluons à ce sujet la tranquille assurance de ceux qui « aiment » (j’en suis) comme de ceux qui « s’en fichent » : Jamaïque : 2,6 millions d’habitants, 11 médailles, dont 6 en or.
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