Les Etats généraux de Grenoble


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Mercredi 23 juin 2010

Le Week-end du 18/19/20 juin se tenaient à Grenoble les Etats Généraux du Renouveau, un des classiques raouts de Libération, mais cette fois appuyé par le Nouvel Observateur, et surtout préparé par les associations.

Bien sûr, qui rapproche « Grenoble » et « associations » pense à la tradition 2ème gauche de Grenoble : Dubedout, Mendès France, Rocard…et c’est vrai que c’est le public dominant dans les salles. Mais les associations qui ont préparé le questionnement aux politiques couvrent un spectre beaucoup plus large. Par exemple sur les retraites : le collectif citoyen fondé par Attac et Copernic a plus de poids que la Fondation Terra Nova.

Quant aux intervenants invités, politiques ou spécialistes, il saute aux yeux, en parcourant le programme, que le poids d’Europe Ecologie est désormais équivalent à celui de toute la gauche classique, PS compris. Le laboratoire d’idées, c’est maintenant EE.

Je participe à trois débats : Quelle alternative à l’économie casino ?, Faut-il faire contribuer les retraités ?, La réforme : pourquoi, comment ?

Finance`

1er débat : Quelle alternative à l’économie casino ?

Je rappelle brièvement mon analyse de la crise actuelle, avec cette dimension de crise de solvabilité des ménages, puis de liquidité des banques, puis de solvabilité des Etats, et en même temps la nécessité de financer la révolution verte.

Que faire ? Pour les nouveaux réseaux de l’entraide et de l’investissement local : le recours aux monnaies locales. Et pour les grands réseaux (type trains, tramways…) : le financement par la BEI (Banque Européenne d’Investissement), refinancée auprès de la banque centrale européenne avec la garantie du budget européen.

Jean Peyrelevade fait mine de s’énerver, mais, après le débat, reconnaîtra que ce n’est pas idiot.

Retraites

2ème débat : La proposition de la fondation Terra Nova, consistant à faire cotiser les retraités pour financer le trou des retraites.

Notons d’abord que ce n’est pas le principal débat de Grenoble sur les retraites, Malheureusement, c’est Cécile Duflot qui devait représenter EE au débat principal, elle n’est pas venue, elle ne m’a pas prévenue.

EE était donc absente, au grand désappointement des militants qui s’étaient mobilisés. Je dois donc tirer la discussion, de ce point de détail des propositions de Terra Nova vers une discussion plus générale. Et le dimanche Eva Sas, animatrice de la commission économie des Verts, participe au troisième débat retraites, organisé par le collectif Exigences citoyennes sur les retraites.

La proposition de Terra Nova part de l’idée que les retraités d’aujourd’hui seraient plus riches que les actifs… Ce discours, maintenant très populaire dans la presse, c’est le mythe des baby boomers qui ont profité de la bonne période de l’après-guerre et maintenant bénéficient des retraites dont jamais aucune génération antérieure ou postérieure ne pourra profiter. Bref : remplaçons une analyse de classe par une analyse de termes de générations.

J’explique tout d’abord que même les journalistes comme ceux de Libération qui défendent cette idée, et soulignent que la bonne date de naissance fut 1948 (je suis de septembre 1947…), insistent plutôt sur la « bonne époque » qu’ils ont vécu que sur les retraites dont ils vont bénéficier. Ils ont « échappé à l’Occupation et à la guerre d’Algérie ». Je reconnais parfaitement cette chance historique.

Mais à part ça, bien entendu, le bon coup en matière de retraite, c’est la génération… de mon père et de mon oncle. Ils ont connu et l’occupation et la déportation et, pour mon oncle, la guerre d’Algérie. Mais mon père, entré dans la carrière en 1947, a eu de faibles cotisations de retraite toute sa vie puisqu’il y avait très peu d’aînés retraités « à la répartition », puis a bénéficié d’une confortable retraite appuyée sur de nombreux cotisants à partir de 1987 – 40 ans plus tard !

Alors regardons maintenant les baby boomers de 1948. Mettons qu’ils trouvent un boulot à 20 ans en 1968. Ils leur reste exactement 10 ans à travailler dans la bonne époque des « 30 glorieuses ». A partir 1978 ce régime économique, le fordisme, est complètement en crise et la fracture du salariat entre les inclus et les précaires commence à se déchirer. C’est alors que commencent « les 30 piteuses » : la fracture s’élargit de plus en plus, c’est ce que j’appelle « la société en sablier ».

En 2008 quand cette promotion « heureuse » passe à la retraite, elle a vécu 10 ans de bon et 30 ans de déchirement, il y a ceux qui sont restés du bon côté et qui ont effectivement de bonnes retraites, et la grande majorité qui n’a connu que des alternances de chômage et de précarité.

Je cite pour illustrer cette nouvelle génération de retraités un exemple donné dans le dernier numéro de Convergences (journal du Secours Populaire) : une femme abandonnée par son compagnon à 40 ans qui survit ensuite de petits boulots en petits boulots jusqu’à une retraite misérable. Pour elle, la plus minime augmentation de la CSG et la plus minime décote sera une catastrophe.

Or cette situation va devenir typique. Elle reflète la généralisation chez les actifs d’une des deux figures de la société en sablier : les « nouvelles Fantines », ces femmes seules contraintes à la précarité salariales. La journaliste Florence Aubenas vient de leur consacrer un fantastique livre témoignage, Le quai de Ouistreham, certainement le livre politique et sociologique le plus important de cette année.

Cela n’implique absolument pas d’oublier que les autres grandes victimes de la société en sablier c’est « les nouveaux petits poucets », c’est à dire les jeunes condamnés à une longue période de chômage, de précarité, en tout cas de non cotisation. Ils seront évidemment les principales victimes des réformes de Fillon-Sarkozy. Mais ce n’est certainement pas en demandant aux nouvelles Fantines retraitées de cotiser davantage que l’on règlera le problème des « nouveaux Petits Poucets » !

Si l’on veut en revanche faire payer les riches retraités (dont la figure satanique, brandie par Terra Nova est Zacharias, ex-PDG à la retraite-chapeau particulièrement dorée) alors cela passe par un retour massif à la progressivité de l’impôt sur le revenu, avec une tranche largement confiscatoire (80%) comme Roosevelt en avait donné l’exemple.

Il y a d’autre problèmes avec les poropsitions de réformes émanant de cercles proches du PS, qui visent particulièremnt les précaires, par exemple en calculant le montant de leur droit à la retraite non plus sur 10, non plus sur 25 ans, mais sur l’ensemble de leurs années de travail, y compris celles de stages sous-payés ! Voir la proposition Terra Nova , et aussi celle de T. Piketty et A. Bozio On en reparlera.

Réformisme

3ème débat : la réforme

Besancenot qui devait venir a jeté l’éponge : son bureau politique lui a interdit de venir discuter de réforme avec les réformistes…l

Le débat tourne donc à un duo entre Pierre Moscovici, interprétant de fait la position du PS pour 2012, et les 2 contestations sur sa gauche, celle de Martine Billard (aujourd’hui au Parti de Gauche mais restée très verte) et la mienne.

Je présente à nouveau notre conception du réformisme radical et nos axes pour le « new deal vert ». Pierre Moscovici me cherche sur l’équilibre des comptes publics et la question de l’Europe. Je lui réponds très fermement en lui rappelant les durs affrontements de la majorité plurielle en 2000 :

• Lors de l’éviction de Christian Sautter et son remplacement par Laurent Fabius, nous étions pour réserver la « cagnotte » (excédent de rentrées d’impots dû au boom économique) au désendettement de l’Etat, et c’est le PS qui a entamé cette terrible erreur, poursuivie par la droite, de s’endetter en période de croissance. Nous n’hésiterons pas, quant à nous, à augmenter les impôts des classes supérieures et moyenne supérieure pour rembourser la dette publique, car nous aurons besoin d’argent pour financer les services publics.

• S’agissant de l’Europe, nous nous sommes affrontés à l’époque du traité de Nice avec Lionel Jospin et lui (Moscovici) qui défendaient une « fédération d’Etats-Nations » (c’est à dire une confédération !). Nous sommes, et nous pensons avoir raison, de plus en plus clairement pour une Europe fédérale dotée d’un puissant budget pour faire face à la crise actuelle.

Pierre Moscovici concède qu’il faut maintenant se résoudre au « fédéralisme budgétaire »…

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