La BEI et la convention de Aarhus
Mercredi 29 juin 2005
J’organisais aujourd’hui une réunion sur la politique d’information de la Banque européenne d’investissement. Mon rapport de l’an dernier sur la BEI avait marqué une étape dans le processus de rapprochement trilatéral entre cette banque, les ONG qui la surveillent (CEE Bankwatch) et le Parlement européen. À vrai dire, ce processus, tour à tour cordial et conflictuel, constitue un véritable cas d’école sur les possibilités de cette triple interaction entre mobilisation de la société civile, représentation parlementaire et Institutions financières internationales. Ce rapport de l’an dernier ouvrait en même temps une période nouvelle : la Banque européenne d’investissement s’engageait à réexaminer l’ensemble de sa politique de communication et de transparence, et le Parlement affirmait sa volonté d’être associé au processus de consultation qu’annonçait la Banque pour redéfinir cette politique. Tout le sel de l’affaire était dans le contexte : la mise en place par l’Union européenne du plan d’action pour se mettre en conformité avec la convention de Aarhus. Vous ne savez pas ce que c’est que la convention de Aarhus ? C’est pourtant une convention extrêmement importante pour les écologistes. Il s’agit d’un traité international propre à l’UNECE (la zone européenne de l’Onu), garantissant au public l’information, la participation à la prise de décision, et l’accès à la justice, en matière de décision publique pouvant avoir des conséquences environnementales. Or, nous savions que la présidence hollandaise avaient reçu de la BEI, en décembre dernier, la demande de limiter le droit d’accès aux documents relatifs à ses projets, dans le cadre de l’application de la convention de Aarhus. Pendant ce temps-là, la BEI poussait son offensive de charme générale en développant de façon effectivement spectaculaire sa politique de communication sur les aspects généraux de sa politique. Mais pas tellement sur les projets concrets qu’elle finance et qui sont bien l’essentiel des décisions qu’elle prend, et qui sont bien les décisions qui concernent le public en matière environnementale… Le contraste entre la transparence établie par la BEI sur tout ce qui concerne sa gouvernance (les risques de délit d’initié, les risques pris dans ses placements, la lutte contre la fraude…), et l’opacité relative qui demeure sur ses projets concrets, incarne bien un des problèmes de la représentation « multipartenariale » de la société civile. Les « puissants » ont beaucoup plus de facilité à faire représenter leur intérêt dans le jeu de cette démocratie consultative que n’en ont les petites gens, les simples habitants qui subissent les retombées locales et les pollutions entraînées par les grands projets d’investissement. Cela n’invalide pas les formules de démocratie consultative ou de démocratie directe impliquant les ONG. Mais il faut savoir que le combat ne s’y livre pas à armes égales, et que c’est plutôt la démocratie représentative, où chaque personne pèse pour une voix, qui en définitive garantit le mieux la représentation des plus démunis. Les Amis de la Terre rappelaient par exemple qu’il y a six ans, un officiel de la Banque européenne d’investissement pouvait claironner : « Nous ne sommes responsables que devant les marchés », c’est-à-dire devant le Financial Times et devant la communauté financière internationale. C’est l’intervention du Parlement européen qui avait permis de remettre la BEI sur le droit chemin : au service des habitants de l’Union européenne et de la politique de celle-ci. On retrouve ce biais dans les premiers documents présentés par la BEI relatifs à sa nouvelle politique de communication. Elle est impeccable dans sa communication à l’égard de la communauté financière, elle est un peu légère en matière de communication vers les populations susceptibles d’être associées à la prise de décision et d’avoir accès à la justice dans le cadre de la convention d’Aarhus. Et en même temps, le fichier de la BEI accompagnant ses présentations dans le processus en cours de consultation commence par une citation… de moi-même, saluant la collaboration croissante entre le Parlement et la Banque [1] ! C’est dans ce contexte qu’avec le réseau d’ONG CEE Bankwatch Network j’ai pris l’initiative d’organiser cette réunion entre la direction de la Banque et les ONG, réunion pour laquelle j’avais préparé, avec l’aide de notre collaborateur Martin Koehler et des ONG, un projet de charte définissant la politique de communication de la BEI. Ce projet avait été co-signé par la rapportrice sur la BEI de la Commission développement du Parlement européen, Gaby Zimer. J’avais associé à cette réunion non seulement le Bankwatch Network et les Amis de la terre Europe, mais j’avais obtenu le soutien de la Global Transparency Initiative, un rassemblement d’ONG pour lutter contre l’opacité des décisions publiques. Etaient donc présents à la tribune non seulement le secrétaire général adjoint de la Banque européenne d’investissements, Rémi Jacob, et plusieurs de ses collaborateurs-trices, mais aussi Toby Mandel, de l’association Article 19 (une ONG qui se bat sur le droit à l’information, au nom de l’article 19 de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme), Toby Mc Intosh, de l’ONG Freedom Info, et bien entendu Magda Stoczkiewicz, du CEE Bankwatch et des Amis de la Terre. Je commence par une intervention fort aimable pour la BEI à l’intention de Rémi Jacob (dont je sais qu’il est plutôt parmi les « réformateurs » de la BEI), mais néanmoins très ferme. En gros, je fais remarquer que les actuels documents préparatoires de la BEI sur sa politique d’information consacrent plus de place à expliquer ce qu’il n’est pas possible de divulguer qu’à expliquer pro-activement ce que le public peut exiger. Or la convention d’Aarhus vise bel et bien à mettre le public en position de contrôler en temps utile toutes les décisions publiques ayant un effet sur l’environnement. Elle est fondée sur la claire conscience que devant « l’explosion des risques environnementaux » au cours du XXIe siècle, on ne s’en tirera qu’en associant au maximum le public à la prise de décision avant que les catastrophes n’arrivent. Il appartient donc à la BEI, non seulement de se convaincre elle-même, mais de convaincre ses partenaires et clients, qu’il faut appliquer à la lettre et dans son esprit la convention de Aarhus. En effet, la ligne de défense de la BEI, pour justifier ses réserves sur la pleine application de la convention de Aarhus, c’est qu’elle travaille avec des « tiers » : les entreprises privées qui lui empruntent de l’argent, et que celles-ci peuvent ne pas souhaiter informer le public de leurs intentions d’investissements. Je relis les articles de la convention de Aarhus : même si cette convention prévoit explicitement la possibilité de ne pas divulguer certaines informations commerciales ou financières, elle affirme explicitement que tout le reste doit être détaché et communiqué au public. Je vais plus loin : c’est même à la BEI d’expliquer à ses clients qu’ils ont tout intérêt à consulter le public sur les projets ayant un impact environnemental, car en cas de problème ultérieur, la BEI ne sera plus là, mais eux auront à payer les pots cassés devant la justice… Face au déluge de critiques courtoises mais très précises des ONG présentes sur les premiers documents de consultation de la BEI, Remi Jacob ré-affirme qu’il s’agit simplement d’un premier brouillon, qui sera bien entendu suivi par une totale re-rédaction d’ici la fin de l’année. J’ai donc bon espoir que la réunion d’aujourd’hui n’aura pas été inutile…
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