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1er octobre 2000 PROPOSITION DE RÉSOLUTION Réforme fiscale dans les États membres
4 octobre 2000- Rapporteur : Pierre Jonckheer Le Parlement européen,– vu le rapport de la Commission sur les finances publiques dans l’UEM 2000 (ECFIN/339/00)1,
ConsidérantA. considérant que, lorsque l’on examine l’évolution des systèmes fiscaux nationaux, il est indispensable de garder à l’esprit que ceux-ci font partie intégrante des différents choix collectifs, culturels et politiques des sociétés, et qu’ils reflètent ceux-ci, B. considérant qu’il est tout à fait légitime, dés lors, que le niveau général de la fiscalité ainsi que la structure du régime fiscal restent du ressort des administrations nationales, C. considérant que les disparités des régimes fiscaux des États membres sont importantes, le niveau global de la fiscalité exprimé en pourcentage du PIB variant de 34-37,2% en Irlande, en Espagne, en Grèce, au Portugal et au Royaume-Uni à 46,6-54,3% en Belgique, au Danemark et en Suède, D. considérant qu’une tendance s’est fait jour récemment dans une majorité d’États membres à réduire le niveau global de la fiscalité exprimé en pourcentage du PIB, E. considérant que les États membres ont pris un certain nombre d’engagements, lors du Conseil européen d’Helsinki, en ce qui concerne le développement durable et, lors du Conseil européen de Lisbonne, au sujet de la réforme économique et sociale, engagements qui rendent nécessaires des dépenses publiques dans les domaines de la recherche, de l’éducation et de la formation, ainsi que des investissements substantiels, F. considérant que le processus d’intégration économique en Europe, notamment la libre circulation des capitaux, a réduit de facto l’autonomie politique des gouvernements et des parlements nationaux et mis les systèmes nationaux en concurrence les uns avec les autres, ce qui limite leurs choix politiques dans des secteurs clés de la fiscalité, par exemple en ce qui concerne l’impôt sur le capital et les taxes sur la pollution, G. considérant que le Conseil ECOFIN du 1er décembre 1997 s’est mis d’accord sur un certain nombre d’objectifs politiques communs, notamment : maîtrise de la concurrence fiscale dommageable, prévention de pertes de recettes fiscales excessives et aménagement des structures fiscales dans un sens favorable à l’emploi, H. considérant que la fiscalité constitue un instrument important, parmi d’autres, pour réaliser les objectifs de protection et d’amélioration de l’environnement visés à l’article 6 du traité, I. considérant que, en l’absence de dispositions européennes, il est intéressant d’examiner l’évolution de la fiscalité au niveau national au regard de ces différents aspects et de déterminer si cette évolution est conforme aux objectifs déclarés des États membres, J. considérant que le présent rapport a pour objet de déterminer si la convergence des politiques fiscales induite par la concurrence entre les économies nationales et la mondialisation va dans le sens souhaité par les États membres et par l’Union européenne dans son ensemble ou si une coordination plus étroite, voire une harmonisation entre les États membres est nécessaire dans certains secteurs de la fiscalité, K. considérant que si les charges fiscales qui pèsent sur le travail sont élevées dans l’UE, toute stratégie visant à réduire ces charges doit tenir compte du fait que les chiffres globaux relatifs à la fiscalité du travail comprennent généralement les cotisations de sécurité sociale obligatoires, qui déterminent dans une large mesure le niveau de protection sociale d’un pays, L. considérant que l’impôt sur les sociétés est caractérisé par d’importantes disparités de taux dans l’UE, mais que ces taux tendent à diminuer et que certains États membres s’emploient à élargir l’assiette de l’impôt sur les sociétés afin de compenser en partie cette diminution, M. considérant que, si le présent rapport s’appuie dans une large mesure sur des données provenant de la Commission, d’Eurostat et d’autres sources, il convient de noter que des comparaisons entre les moyennes nationales et européennes sont dénuées de sens du point de vue analytique et ne peuvent être considérées comme concluantes, même si elles sont fréquemment utilisées par les gouvernements pour justifier certaines décisions, Promotion de l’emploi et incitation au travail grâce au système fiscal1. fait observer que l’imposition du travail a augmenté sur tout le territoire de l’Union au cours des dernières décennies, ce qui fait que, à l’heure actuelle, ce facteur est plus lourdement grevé que tous les autres au sein de l’Union ; 2. se félicite par conséquent de la convergence des politiques des États membres vers une réduction de la taxation effective du travail et estime que cet objectif doit continuer à être poursuivi ; 3. estime toutefois qu’il importe de faire en sorte que la réduction de la charge fiscale frappant le travail soit compensée dans d’autres domaines afin que, en fin de compte, il soit possible de consentir des dépenses pour des services publics essentiels et de maintenir un système de protection sociale universel ; 4. partage l’opinion largement répandue selon laquelle le système fiscal doit inciter à renoncer aux prestations sociales et à l’économie occulte pour passer à un travail régulier et qu’il y a lieu de réduire les taux marginaux élevés qui frappent les bas revenus afin qu’il devienne intéressant, du point de vue financier, d’accepter un emploi ; 5. se félicite de la décision prise par un certain nombre d’États membres qui ont saisi l’occasion offerte par une décision récente de l’UE pour diminuer la TVA frappant les services absorbant beaucoup de main-d’ ?uvre durant une période transitoire de trois ans ; invite la Commission à effectuer une évaluation à mi-parcours afin de mesurer les effets de cette décision ; Rééquilibrer la fiscalité du capital et du travail 6. constate que les revenus du travail sont soumis à des taux d’imposition nettement plus élevés que ceux des autres facteurs et partage l’analyse de la Commission selon laquelle une concurrence fiscale internationale accrue a peut-être contribué à la modification structurelle des systèmes fiscaux et à l’écart qui s’est creusé entre la charge fiscale frappant le travail et celle frappant le capital1 ; 7. fait observer que le taux frappant le capital devrait encore diminuer dans plusieurs États membres, ce qui donne à penser que si le taux frappant le travail ne diminue pas lui aussi, l’écart entre les deux continuera de se creuser, au détriment du travail ; 8. estime par conséquent nécessaire d’accroître les efforts tendant à renverser cette tendance afin de réduire la fiscalité du travail, une action coordonnée au niveau de l’UE pouvant contribuer à cet objectif ; 9. est d’avis qu’il conviendrait de réexaminer le rôle que peuvent jouer les droits de succession et l’impôt sur la fortune et sur les biens patrimoniaux au sein d’un régime fiscal équitable, à l’effet d’évoluer vers une répartition plus équilibrée de la richesse, sachant que l’impôt réel est moins sujet à évasion ; 10. estime que la multitude des exonérations qui permettent aux entreprises de limiter leurs obligations fiscales est un problème à régler et que les États membres devraient s’efforcer de simplifier leur code des impôts pour réduire au minimum le nombre des exonérations et éliminer les échappatoires dès qu’elles sont constatées ; 11. regrette l’introduction de régimes fiscaux spéciaux, au niveau national, qui faussent la concurrence sur le marché unique et aboutissent à des délocalisations pour motifs fiscaux ; demande aux États membres d’aligner leurs régimes fiscaux sur le code de conduite de l’UE en matière d’impôt des sociétés ; 12. craint que les avantages de la suppression des régimes spéciaux ne soient compromis si celle-ci entraîne un nivellement par le bas, chacun cherchant à faire mieux que les autres en matière de réduction de l’impôt sur les sociétés ; réclame par conséquent l’instauration d’un taux minimal obligatoire sur tout le territoire de l’Union européenne ; reconnaît que cela suppose l’harmonisation de principes comptables fondamentaux, par exemple les régimes d’amortissement ; Faire payer les pollueurs13. constate que, en dépit d’années de discussion et de promesses concernant la taxe environnementale, la fiscalité de l’environnement ne joue toujours qu’un rôle limité dans les États membres (entre 5 et 9% de la fiscalité totale) ; se félicite de ce que certains États membres ont récemment mis l’accent sur la fiscalité environnementale, dans l’intérêt de l’environnement et de l’emploi ; 14. félicite en particulier les États membres qui s’efforcent d’utiliser le produit des taxes environnementales pour réduire les charges fiscales pesant sur le travail et promouvoir les investissements favorables à l’environnement ; 15. fait observer que la formule retenue par plusieurs États membres pour augmenter progressivement la fiscalité environnementale dans le cadre d’un programme à long terme semble constituer la meilleure manière d’assurer un changement opportun des points de vue économique et social, et qu’il convient de poursuivre dans cette voie ; 16. considère qu’une coordination plus étroite de la fiscalité au niveau de l’Union est la condition pour que les États membres retrouvent plus de liberté pour adapter les régimes fiscaux nationaux à leurs valeurs et à leurs choix politiques ; 17. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission ainsi qu’aux gouvernements et aux parlements des États membres. EXPOSÉ DES MOTIFSIntroduction Lorsque l’on examine l’évolution des systèmes fiscaux nationaux, il est indispensable de garder à l’esprit que ceux-ci font partie intégrante des choix collectifs, culturels et politiques de la société, qu’ils reflètent. Il est donc tout à fait légitime que les niveaux généraux de la fiscalité ainsi que la structure des régimes fiscaux continuent de relever de la compétence des administrations nationales. Les disparités entre les États membres sont et restent notables : exprimés en pourcentage du PIB, les niveaux généraux varient de 34-37,2% en Irlande, en Espagne, en Grèce, au Portugal et au Royaume-Uni à 46,6-54,3% en Belgique, au Danemark et en Suède, et la part de la fiscalité indirecte (1997) va de 30% ou moins (Suède, Irlande, Belgique) à plus de 43% (Irlande, Grèce). Il n’empêche que le processus d’intégration économique a de facto réduit l’autonomie politique des gouvernements et des parlements nationaux et mis les systèmes nationaux en concurrence les uns avec les autres. De plus, il convient de noter que la Commission et le Conseil ont lancé un débat sur la qualité des dépenses publiques des États membres, problème qui touche au c ?ur même de la souveraineté nationale. S’agissant de la politique fiscale et en particulier de la fiscalité directe, la résolution du Conseil ECOFIN de décembre 1997 est l’acte politique qui, en l’absence d’harmonisation européenne dans le domaine de la fiscalité directe, pose la question de la maîtrise de la concurrence fiscale entre les États membres ainsi que des mesures à prendre pour endiguer l’évasion fiscale. Un certain nombre d’objectifs politiques ont été définis au sein de l’Union et l’instrument fiscal, parmi d’autres, est un outil approprié pour les atteindre. La promotion de la création d’emplois, par exemple, sera facilitée par une réduction du coût global du travail, en particulier pour les salaires les moins élevés, la modification du poids relatif de la charge fiscale qui frappe le capital et le travail, l’impôt sur les sociétés et ses effets sur les décisions en matière d’investissement dans le cadre du marché intérieur et en particulier la révision des régimes fiscaux spéciaux, enfin, l’instauration d’une taxe sur l’environnement est un instrument reconnu comme opportun pour réaliser les objectifs du traité. En l’absence de dispositions communautaires, il est intéressant d’examiner l’évolution de la fiscalité au niveau national sous l’angle de ces différentes questions et de déterminer si cette évolution est conforme aux objectifs déclarés. En d’autres termes, la convergence induite par la concurrence entre les économies nationales et par la mondialisation va-t-elle dans le sens souhaité par les États membres et par l’Union dans son ensemble ou faut-il renforcer la coordination, voire harmoniser certains aspects de la fiscalité des États membres- Le présent rapport repose dans une large mesure sur des données fournies par la Commission, par Eurostat et par d’autres sources. C’est à la lumière de ces éléments que les aspects évoqués ci-dessus seront examinés. À ce propos, il convient de noter que des comparaisons entre moyennes nationales et européennes n’ont guère de sens du point de vue analytique et ne peuvent être considérées comme concluantes même si elles sont fréquemment utilisées par les gouvernements pour justifier certaines décisions. Une certaine unanimité politique semble se dégager parmi les gouvernements européens pour réduire le niveau global de la fiscalité exprimé en pourcentage du PIB et, par souci d’équilibre budgétaire, réduire en proportion les dépenses publiques générales (également exprimées en pourcentage du PIB). Le rapporteur n’entrera pas dans ce débat, même si l’on peut s’interroger sur la cohérence de cette approche compte tenu de différents engagements pris par les gouvernements, notamment dans les conclusions du Conseil européen de Lisbonne, et du soutien apporté au processus d’élargissement. Promouvoir l’emploi et l’incitation au travail par la fiscalité L’imposition du travail a augmenté sur tout le territoire de l’Union au cours des dernières décennies : ce facteur est aujourd’hui le plus taxé de tous. L’impôt qui frappe le travail a représenté 49,9% du total de l’impôt en 1997 (les chiffres vont de 63,9% en Suède et 56,6% en Finlande à 37,3% au Luxembourg, 38% en Irlande et 39% au Royaume-Uni). Selon un modèle économétrique établi par l’OCDE1, une réduction de la fiscalité du travail aurait une incidence maximale à long terme sur l’emploi dans la mesure où elle augmenterait directement la demande de main-d’ ?uvre : un glissement de 1% du PIB du travail vers l’impôt sur les sociétés augmenterait l’emploi de 0,76% pour l’ensemble de l’UE. Eu égard à ce qui précède, il n’est peut-être pas étonnant que la plupart des États membres aient cherché ces derniers temps à réduire les taux d’imposition du travail dans le cadre de leur réforme nationale. Les taux marginaux d’impôt sur le revenu frappant les revenus peu élevés ont été réduits en France, au Danemark, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Grèce, en Irlande, aux Pays-Bas, en Autriche et en Suède. Le revenu minimal imposable a été relevé en Allemagne, en Espagne, en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. Les cotisations de sécurité sociale versées par les travailleurs ont été réduites en Belgique, en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni et les cotisations des employeurs ont également été réduites dans un certain nombre de pays, par exemple en Grèce (de 50% pour les nouveaux recrutements), en Espagne, en France, en Italie et au Royaume-Uni. D’après la Commission, le taux d’imposition du revenu personnel devrait baisser de plus de 1% dans la zone euro et sur l’ensemble du territoire de l’UE2 et la diminution de la charge fiscale frappant le travail sera particulièrement sensible en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas et en Autriche. Par contre, le taux de la fiscalité devrait augmenter au Portugal seulement. Il convient de noter que les chiffres globaux relatifs à la fiscalité du travail englobent toujours les cotisations sociales obligatoires qui reflètent dans une large mesure le degré de protection sociale qu’offre un pays. À moins que, par ailleurs, les revenus ne soient augmentés pour compenser, une réduction de ces cotisations entraîne normalement une réduction du niveau des droits sociaux collectifs et individuels, ce qui oblige les gens à cotiser à des régimes privés pour s’assurer un niveau de protection sociale équivalent. Du point de vue statistique, cela réduit la charge fiscale frappant le travail (c’est ce qui explique le faible niveau d’imposition du travail aux États-Unis par exemple) mais ne procure pas nécessairement des avantages réels aux intéressés. Certains peuvent se trouver avantagés et d’autres pas et la cohésion sociale peut se trouver compromise si aucune compensation n’est prévue. C’est principalement le niveau de protection sociale collective vis-à-vis des grands risques qui reflète les choix culturels et politiques différents opérés par les États. Il ressort de travaux de recherche qu’un abaissement de l’impôt sur le revenu marginal du travail peut avoir une incidence sur l’emploi. Le gouvernement du Royaume-Uni a introduit en avril 1999 un taux de base de 10% pour l’impôt sur le revenu (pour les 1 500 premières livres de revenu imposable) dans le cadre d’un train de mesures visant à rendre le travail rémunérateur. Des travaux de recherche menés par l’Institut d’études fiscales pour la Fondation Joseph Rowntree avaient pour objectif de déterminer si les réformes du gouvernement du Royaume-Uni auraient une incidence sur le nombre de personnes acceptant un emploi. Il a été constaté que les mesures d’incitation financière affectent les décisions individuelles en matière d’accès à l’emploi, et ce dans une plus large mesure chez les femmes que chez les hommes1. Ces travaux indiquent aussi que le crédit fiscal pour les familles actives mis en place par le gouvernement aura un effet positif sur la mise au travail des hommes et des femmes. Dans le cadre d’une vaste réforme fiscale connue sous le nom de "paquet Whitsun", le gouvernement danois a également cherché en 1998 à réduire les taux d’impôt sur le revenu, en particulier pour les revenus les plus faibles, qui ont bénéficié de la réduction la plus sensible. Pour 2002, les taux marginaux seront réduits d’environ 7% en ce qui concerne les niveaux de revenu tout juste supérieurs aux prestations maximales, ce qui devrait renforcer l’incitation à accepter un emploi. L’Allemagne réduira les taux frappant les bas revenus à 15% et relèvera le seuil d’exonération fiscale des revenus. La réforme fiscale annoncée par le gouvernement français en avril 2000 prévoit aussi des réductions de l’impôt sur les revenus les plus faibles. Ces réductions, qui devraient représenter 11 milliards de francs français, se traduiront par une réduction de plus de 10% de l’impôt des ménages gagnant moins de 100 000 francs français et de 5% pour les ménages gagnant entre 100 000 et 250 000 francs. De plus, 650 000 ménages seront exonérés de l’impôt sur le revenu. Un certain nombre de pays ont également saisi l’occasion offerte par la décision de l’UE pour abaisser la TVA sur les services absorbant beaucoup de main-d’ ?uvre : Belgique, Grèce, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni (seulement île de Man). Il est vraisemblablement prématuré de calculer les effets possibles de cette politique sur l’emploi. Il semble largement reconnu que le régime fiscal doit inciter à renoncer aux prestations de sécurité sociale et à l’économie occulte pour prendre un emploi, ce qui signifie que les taux élevés frappant les faibles revenus doivent être réduits afin qu’il soit intéressant du point de vue financier de renoncer au bénéfice des prestations sociales pour prendre un emploi. Le problème des cotisations sociales, qui sont généralement supérieures à l’impôt pour les emplois faiblement rémunérés, doit être réglé par les États membres, et ce au moyen de transferts appropriés visant à déjouer le piège du chômage. La convergence des politiques des États membres vers une réduction de l’imposition du travail est bienvenue et devrait être poursuivie sans relâche. Toutefois, il importe de veiller à ce que les réductions de la charge fiscale frappant le travail soient compensées dans d’autres domaines afin d’aboutir à un résultat neutre qui permette des dépenses relatives aux services publics fondamentaux ainsi que le maintien des régimes de sécurité sociale. Les possibilités de glissement fiscal du travail vers les autres facteurs comme les capitaux, les entreprises et l’énergie, sont examinées ci-après. Rééquilibrer l’impôt sur les capitaux et l’impôt sur le travail Les chiffres les plus récents fournis par la Commission indiquent que le revenu du travail est pénalisé par des taux nettement plus élevés que les revenus des autres facteurs. En 1999, le taux frappant le travail était près de deux fois plus élevé que celui frappant le capital dans l’Europe des Onze (39,8% contre 20,9%)1. Pour deux personnes bénéficiant d’un revenu de 100 000 euros, l’une grâce à un emploi salarié et l’autre grâce à des investissements, il restait à cette dernière près de deux fois plus qu’à la première. Cela ne saurait être considéré comme équitable et n’incite pas à travailler (de ce point de vue, la situation la plus défavorable est observée en Allemagne où le taux réel frappant le travail est près de trois fois supérieur à celui frappant le capital)2. L’impôt frappant les capitaux n’est supérieur à l’impôt sur le travail qu’au Royaume-Uni et en Irlande : 30% ou plus sur le capital. Dix pays pratiquent des taux comparables pour le travail. Entre 1970 et 1999, on observe dans la zone euro une augmentation de la fiscalité frappant le travail de 7% du PIB alors que la fiscalité frappant le capital n’a augmenté que de 2% et les taxes à la consommation de 1%3. Les coûts non salariaux du travail, qui correspondent à l’impôt sur le travail sans la part correspondant à l’impôt sur le revenu, représentent 70% du total de l’impôt sur le travail. La Commission fait valoir que "l’imposition du capital pose de plus en plus de problèmes en raison de l’approfondissement de l’intégration économique et de la libéralisation des flux de capitaux. Il s’ensuit que le renforcement de la concurrence fiscale internationale a peut-être contribué à la modification structurelle des systèmes fiscaux et à l’écart qui s’est creusé entre les charges fiscales frappant le travail et le capital."4. Les effets de la mobilité internationale des capitaux peuvent être observés dans le rapprochement des charges fiscales frappant le capital parmi les pays de l’UE et leurs principaux partenaires commerciaux au cours des trente dernières années5. En 1999, le taux d’imposition du capital dans l’Europe des Quinze s’établissait à 23,6%, contre 22,7% aux États-Unis et 18,7% au Japon6. Toutefois, on constate des divergences notables au sein de l’Union : en 1999, le taux le plus élevé s’observait au Royaume-Uni - 35,1% - suivi de près par le Luxembourg - 34% - cependant que l’Allemagne accusait le plus faible - 15,9%7. Le taux frappant le capital devrait diminuer de plus de 1% en Allemagne, en Grèce, en France, en Irlande, en Italie, aux Pays-Bas, en Autriche et au Royaume-Uni1, ce qui suggère que si le taux frappant le travail ne diminue pas aussi, l’écart entre les deux continuera de se creuser, au détriment du travail. En une époque où il s’avère de plus en plus difficile de taxer les facteurs mobiles de production comme les capitaux et où une réduction de la charge fiscale frappant le travail est réclamée, le moment est peut-être venu de revoir le rôle que pourrait jouer les droits de succession, l’impôt sur la fortune et l’impôt sur les biens patrimoniaux dans un système équitable. L’impôt réel joue un grand rôle dans des économies capitalistes évoluées comme celle du Royaume-Uni (3,7% du PIB et 11% de la fiscalité totale), aux États-Unis (3,5% et 12%) et au Japon (3,2% et 11,5%) mais un rôle relativement moins important dans des pays comme l’Allemagne (1,1% du PIB) ou encore le Danemark, les Pays-Bas et l’Espagne (moins de 2% du PIB)2. Imposer le patrimoine contribuerait à une répartition plus équitable des richesses et présenterait l’avantage qu’il est généralement plus facile d’évaluer ce facteur que le revenu du capital, ce qui fait que le risque d’évasion fiscale est moins grand. De plus, le glissement permettrait de faire peser la charge fiscale sur ceux qui "possèdent" plutôt que sur ceux qui travaillent. Une possibilité intéressante consisterait pour les États membres à passer à une imposition de la propriété foncière reposant sur la plus-value du terrain après viabilisation (de la même manière que toute plus-value spéculative devrait être imposée). En l’état actuel, conserver des terres non viabilisées apparaît généralement comme un des meilleurs investissements possibles, l’appréciation de ces terres n’étant pas taxée aussi longtemps qu’elles ne sont pas mises en vente. Une telle politique fiscale revient à privilégier ceux qui ne font rien. Elle est inéquitable, inefficace et elle détruit le marché foncier. Une telle réforme permettrait aussi aux municipalités d’aménager des logements familiaux peu onéreux à proximité des gisements d’emploi. Il est clair qu’il n’y a pas convergence parmi les États membres à l’égard de l’objectif consistant à alourdir la charge fiscale pesant sur le capital pour compenser les réductions de la charge frappant le travail. La mobilité internationale des capitaux et la concurrence fiscale entre les États membres ont contribué à creuser le fossé entre impôt sur le capital et impôt sur le travail. Ce problème ne peut être réglé que par une action coordonnée au niveau européen. Les États membres devraient non seulement veiller à ce que chacun acquitte l’impôt sur le revenu du capital et à ce que les entreprises supportent une part équitable de la charge fiscale. Impôt sur les sociétés Le taux de l’impôt sur les sociétés est très variable dans l’Union européenne. Il est en baisse depuis une trentaine d’années. Les taux vont de 10% pour les activités de transformation et certaines activités financières en Irlande à 40%, par exemple, en Allemagne (avant la réforme récente)3. Toutefois, si les taux d’imposition ont baissé dans l’UE, les recettes fiscales ont légèrement augmenté au cours des vingt dernières années, tant en pourcentage du PIB qu’en pourcentage de la fiscalité totale. Cela traduit le fait que l’assiette de l’impôt sur les sociétés s’est élargie. Toutefois, si les taux continuent de baisser, il y aura finalement réduction des recettes. Outre la réduction des taux observée dans la quasi-totalité des États membres, les gouvernements ont mis en place un éventail de régimes particuliers visant principalement à attirer l’activité économique et financière. Le groupe du code de conduite de l’UE chargé de la fiscalité des entreprises (groupe Primarolo) a recensé plus de 280 régimes spéciaux dans les États membres de l’UE et les territoires placés sous leur autorité. Plus de 60 de ces régimes ont été qualifiés de préjudiciables à une concurrence loyale parce qu’ils prévoient des taux inférieurs à la normale pour les entreprises qui s’implantent sur le territoire ou parce qu’ils constituent un paradis fiscal global. Si l’on n’élimine pas les paradis fiscaux généraux (par exemple les îles anglo-normandes) et les paradis fiscaux pour certaines activités (par exemple en Belgique), tout progrès dans la voie d’une fiscalité des entreprises plus équitable dans les États membres sera pour ainsi dire impossible. Certes, le code de conduite de l’UE concernantlafiscalité des entreprises est une première étape dans la voie de l’élimination des paradis fiscaux et des régimes spéciaux, mais les avantages tirés de la suppression des régimes fiscaux pourraient être réduits à néant si cela débouchait sur un nivellement par le bas en vertu duquel chaque pays chercherait à faire mieux que les autres en matière de taux réduit d’impôt sur les sociétés. Le gouvernement irlandais, par exemple, entend supprimer ses régimes fiscaux préférentiels et les remplacer par un taux unique de 12,5% (nettement inférieur à la moyenne communautaire). Cela aurait pour effet de fausser les conditions d’implantation dans l’Union européenne1. Une telle démarche plaiderait en faveur de l’introduction d’un taux minimum obligatoire sur tout le territoire de l’Union. Le rapport Ruding de 1992 suggérait 30%. Outre le taux minimum, une fiscalité équitable pour les entreprises supposerait l’harmonisation de principes comptables fondamentaux, par exemple les règles en matière d’amortissement. Un autre problème à régler réside dans la multitude des exonérations que prévoit souvent la législation nationale et qui trouvent leur origine dans l’action de groupes d’intérêts. Ces mesures permettent aux sociétés de réduire leurs obligations fiscales. Les entreprises et les particuliers fortunés recourent au service de comptables pour les conseiller sur les meilleurs moyens d’exploiter les échappatoires de la législation fiscale et réduire leurs obligations au minimum. Il est donc éminemment souhaitable que les États membres simplifient leurs codes fiscaux à l’effet de réduire le nombre des exonérations et d’éliminer les échappatoires dès que celles-ci sont constatées. En dépit des débuts prometteurs du groupe Primarolo, dont le travail doit être poursuivi, rien n’indique que les États membres se sont engagés dans la voie d’un régime commun d’imposition des entreprises. Une approche coordonnée de l’évasion fiscale dans ce domaine englobant des mesures visant à assurer l’imposition des intérêts et des redevances, à mettre fin au secret bancaire, aux régimes spéciaux et aux paradis fiscaux est donc nécessaire. L’évasion fiscale pourrait être jugulée au moyen d’un code simplifié prévoyant peu d’exonérations et les États membres devraient se mettre d’accord sur un taux minimum ainsi que sur des principes comptables communs. Faire payer les pollueurs Après des décennies de discussions et de promesses relatives à une réforme fiscale écologique, la fiscalité environnementale ne joue toujours qu’un rôle modeste dans l’UE. La taxation de l’énergie et de l’environnement n’a que légèrement augmenté entre 1970 (2,4% du PIB) et 1997 (2,9% du PIB). Les taxes environnementales, par rapport au PIB, sont particulièrement faibles en Espagne, en Allemagne et en Autriche (2,1 - 2,4%) et elles ne représentent une part notable du PIB qu’au Portugal, au Danemark, aux Pays-Bas et en Grèce (entre 3,6 et 4,9% - Eurostat 2000). Un régime fiscal fonctionnant bien est souvent présenté comme assurant un double dividende : une amélioration de l’environnement et une réduction du chômage. Certains États membres ont tenté d’utiliser le produit des taxes sur l’environnement pour réduire la charge fiscale pesant sur le travail, généralement en diminuant les cotisations de sécurité sociale. Au Royaume-Uni, le produit de la taxe sur les changements climatiques sera restitué aux employeurs à travers une réduction des contributions d’assurance nationale de ceux-ci. Il servira aussi à financer l’octroi d’une aide supplémentaire aux mesures tendant à améliorer l’efficacité énergétique. L’introduction de ce prélèvement ne se traduira par aucun bénéfice financier net pour le gouvernement. L’Allemagne a également introduit en 1999 des taxes environnementales qui permettront progressivement d’augmenter les réductions des cotisations de sécurité sociale. La France a revu les taxes écologiques à la hausse pour contribuer à financer la réduction du temps de travail. Le Danemark a compté parmi les premiers pays de l’UE à introduire des taxes environnementales qui représentent aujourd’hui une part notable des recettes fiscales - 18%. S’agissant de la taxe sur le CO2, mise en place en 1993 et fortement augmentée en 1995, toutes les recettes dépassant le niveau de 1995 sont restituées aux entreprises soit à travers une réduction des taxes frappant le travail, soit à travers des aides aux nouveaux investissements. Une taxe sur le dioxyde de soufre introduite progressivement entre 1996 et 2000 permet aussi aux entreprises de choisir entre taxe sur les émissions et taxe sur les produits. Certaines entreprises consommant beaucoup d’énergie bénéficient d’une exonération partielle pendant vingt ans. Pour le reste, une fraction de la taxe SO2 sera remboursée en fonction de la réduction des émissions réalisées. Selon une étude réalisée par Jarass et Obermair pour la Commission, si les États membres continentaux prélevaient des taxes aussi élevées qu’au Danemark sur l’énergie non consommée dans le transport, cela représenterait 1% du PIB de recettes supplémentaires. S’ils appliquaient une taxe de circulation du niveau allemand ou danois, cela représenterait 0,5% de recettes supplémentaires3.Si les États membres et l’Union décidaient de réduire toutes les aides aux activités dommageables pour l’environnement et appliquaient un régime commun à l’énergie utilisée pour le transport (en taxant l’aviation et le kérosène), cela procurerait des ressources considérables à affecter à l’environnement et à la promotion de l’emploi. Des possibilités existent aussi en ce qui concerne l’élargissement de l’assiette de la taxe environnementale. La plupart des taxes environnementales (75%) sont des taxes frappant certaines énergies (généralement des accises sur les hydrocarbures, des taxes sur l’électricité) et des taxes de circulation alors que les autres taxes environnementales (taxes à finalité environnementale prélevées sur certaines activités, émissions ou produits dommageables pour l’environnement) sont très faibles dans la plupart des États membres. Il n’y a qu’aux Pays-Bas que ces taxes représentent plus de 1% (1,76%) de la fiscalité totale. Certes, l’aspect environnemental d’un système fiscal ne peut se mesurer en fonction de la part des taxes environnementales par rapport à la fiscalité totale étant donné que ces taxes visent généralement à amener les pollueurs à modifier leur comportement. L’effet d’incitation pourrait très bien porter atteinte à leur fondement fiscal, l’amélioration de la qualité de la vie apparaissant comme le principal dividende3. Cela dit, la consommation d’énergie et la pollution resteront des effets secondaires de la plupart des activités économiques et, comme il a été indiqué plus haut, la fiscalité environnementale pourrait être conçue de manière à réduire la charge qui frappe d’autres facteurs comme le travail ou pour financer l’investissement dans des techniques favorables à l’environnement. En dépit d’un certain consensus quant à l’opportunité du passage à une fiscalité écologique, cela ne s’est pas encore concrétisé dans la politique de la plupart des États membres. Ce manque d’enthousiasme s’explique dans la plupart des cas par la crainte de diminuer la compétitivité de certaines activités ainsi que par les effets néfastes que cela pourrait exercer sur les catégories à faible revenu. Une action coordonnée au niveau de l’UE devrait tenir compte du problème de la compétitivité, et des mesures compensatoires (transferts plus importants, réduction de la fiscalité du travail) pourraient être utilisées pour compenser les effets défavorables. La formule retenue par plusieurs États membres (Royaume-Uni, Italie, Allemagne), qui consiste à augmenter les taxes environnementales progressivement dans le cadre d’un programme à long terme, semble être la plus propice à une évolution acceptable des points de vue social et économique. Cela pourrait déboucher sur un système fiscal taxant ce qui est refusé (la pollution) et réduisant les taxes frappant ce qui est souhaité (l’emploi). Un cadre communautaire contribuerait assurément à la réalisation de cet objectif. Conclusion Le présent rapport avait pour objet de déterminer dans quelle mesure une convergence politique s’est opérée en ce qui concerne les priorités de l’Union relatives à la réduction de la charge fiscale frappant le travail, à une taxation appropriée des revenus du capital, à une approche coordonnée de l’impôt sur les sociétés et à un usage approprié des taxes environnementales. On peut conclure qu’il y a convergence de vues sur la nécessité de réduire la fiscalité frappant le travail, ce qui a commencé à se concrétiser dans la plupart des États membres. Ces derniers ont beaucoup à apprendre de l’expérience des autres en ce qui concerne la meilleure manière de réduire la fiscalité frappant le travail et, partant, de promouvoir l’emploi. Toutefois, les progrès dans les trois autres domaines sont moins manifestes. Un consensus sur l’opportunité de taxer équitablement les revenus du capital et les revenus des sociétés ainsi que sur la nécessité de déplacer la charge fiscale sur l’énergie et la pollution s’impose d’urgence. Les États membres devraient mettre à profit l’expérience favorable de pays comme le Danemark et la Suède dans le domaine des écotaxes et adopter une approche coordonnée au niveau de l’UE parce que, séparément, ils ne feront rien par crainte de porter atteinte à la compétitivité de leurs industries. Dans le même ordre d’idées, une action coordonnée au niveau de l’UE est la seule manière de résoudre le problème de l’évasion fiscale en ce qui concerne les capitaux et d’éliminer les distorsions que causent sur le marché unique les disparités des régimes fiscaux applicables aux entreprises. De plus, un relâchement de la pression fiscale frappant le travail ne serait possible sans mettre en danger le modèle social européen que si les taxes frappant le capital, les entreprises et l’énergie sont revues à la hausse, le produit de ces taxes étant utilisé de manière appropriée. Enfin, il faut que les États membres prennent conscience qu’une coordination plus étroite au niveau de l’UE est la condition pour que les États membres retrouvent la liberté d’adapter les régimes fiscaux nationaux à leurs valeurs et à leurs choix politiques. Voir la présentation de la situation. |
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