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par Alain Lipietz | 1er juin 2003

Alain Lipietz rencontre le président du Venezuela Hugo Chavez
Visite en Colombie et au Venezuela
Du 25 au 31 mai 2003, je me suis rendu à Bogota et Caracas pour maintenir les fils avec les Verts Colombiens et mieux percevoir la réalité de la "révolution bolivarienne" au Venezuela.

À Bogota, mon séjour a essentiellement tourné autour de l’enlèvement d’Ingrid Bétancourt (j’ai toutefois présenté une conférence sur "Les dimensions géopolitiques de l’écologie politique après la guerre d’Irak" à l’Université Externado). J’ai ainsi pu rencontrer la famille d’Ingrid, les militants du Parti Vert Oxígeno, le "Commissariat pour la Paix" du gouvernement (Dario Mejia, adjoint de Luis-Carlos Restrepo), l’Ambassadeur de France, et donner une conférence de presse très suivie.

En fait la situation n’a pas changé depuis la "fin du premier round de négociation". Élu pour faire la guerre, le Président Uribe la fait sans perdre le soutien très large de l’opinion publique, et la ligne dure l’emporte toujours chez les Farc. Les tentatives d’"échange humanitaire" (des prisonniers politiques, Ingrid comprise, contre des guérilleros des Farc) dont la presse s’est faite l’écho fin 2002 n’ont jamais été très avancées, faute de volonté d’aboutir de part et d’autre. L’émissaire de l’ONU, James Lemoyne, venu pour "faciliter" l’échange avait, la semaine précédente, accordé à la presse une interview aussi critique pour les uns que pour les autres, ce qui lui avait valu une réplique cinglante de la ministre de la défense ("Les terroristes, on ne "cherche pas à les comprendre, on les combat"). Dario Mejia m’a indiqué que ce n’était pas la ligne du gouvernement, qui continue à s’affirmer, comme les Farc, en faveur d’un échange humanitaire, sans que cela les engage à grand chose.

De fait , en Urrao, une tentative de libération en force de deux personnalités importantes, dont Echeverri, le propre parrain politique d’Uribe, s’était conclue, comme il était inévitable , par le massacre des otages et des pertes de l’armée, alors que depuis des mois les autorités locales et les rebelles s’échangeaient de petits services, dont la livraison de médicaments pour les otages et leurs geôliers, par hélicoptère !

Bref, tout le monde est fort pessimiste, et le moral de la famille d’Ingrid est au plus bas.

Dans ma conférence de presse, j’ai soutenu l’idée d’un échange humanitaire, ai convenu qu’il n’est pas impossible que la France assume le rôle de terre d’exil pour les guérilleros libérés (il y a des précédents...), souligné que ce pourrait être le premier pas dans la reprise d’un processus de paix. Mais j’ai souligné que, du point de vue de la France, de l’Union européenne et des Verts, qui n’ont rien à "échanger" avec les Farc, l’enlèvement d’Ingrid, qui a la nationalité française et est l’une des plus prestigieuses des Verts mondiaux, fut une agression unilatérale de la part des Farc. Nous attendons donc une libération unilatérale et inconditionnelle d’Ingrid. J’ai concédé que ce serait un premier pas pour le retour des Européens dans le rôle de facilitateurs des négociations ultérieures. Bref, si les Farc veulent négocier, elles ont un signal simple : la libération d’Ingrid.

Considérant que la balle est dans leur camp, je continuai ma tournée vers l’un des voisins susceptibles de jour un rôle au moins matériel dans cette éventuelle libération : le Venezuela (pour les 2 autres, Brésil et Equateur, je m’en étais déjà occupé).

Vers ce Venezuela compliqué mais relativement apaisé par l’échec de l’insurrection de la bourgeoisie en décembre-janvier dernier, je m’envolais avec des idées simples : voir ce que faisait au juste la "révolution bolivarienne". Rien, seulement des mots, ou un peu plus ? Eh bien, un peu plus. Mais comme il s’agit d’une révolution démocratique très pacifique (malgré l’hystérie quasi grotesque de l’opposition), faisant entièrement référence à Bolivar et autres idéologues du Siècle des Lumières, une sorte de révolution démocratique contre la bourgeoisie, ce n’est pas très visible. En fait, les bolivariens font essentiellement des lois , une constitution, des codes, des cadastres. Comme disait Santander (qui finira par trahir Bolivar) : "les armes vous ont donné l’indépendance, les lois vous donneront la liberté"). Et maintenant on encourage une sorte de tiers secteur avec des fonds publics, mais toujours en exigeant du peuple de se mettre d’abord en associations ou coopératives, afin d’éviter le classique clientélisme. Macroéconomiquement, c’est presque invisible. Pourtant, il y a un peu de réforme agraire (mais déjà 15 animateurs de coopératives assassinés par les escadrons de la mort), et surtout un gros investissement dans l’éducation, qui devient quasiment une mystique.

J’ai pu ainsi discuter avec le Conseil national des Indigènes du Venezuela (Conive), en compagnie d’une de leurs 6 élus, Noeli Pocaterra, seconde vice-présidente de l’Assemblée nationale. Puis visiter l’école communale Juan Bautista Albergi (quartier Catia), occupée et remise en marche par la communauté pour assurer "le droit à l’éducation" pendant la grève de l’hiver dernier (occasion d’une extraordinaire discussion sur le service public et le tiers secteur.) Puis la Conatel, le "CSA local", qui a déjà produit une loi en faveur des radios-télés communautaires (30 en activité, dont une m’a interviewé, 70 dans les tuyaux). Puis les "Tables techniques de l’eau", forme de coopération entre la compagnie des eaux locale (publique), Hydrocapital, et les communautés pour mettre au point le plan d’adduction d’eau et d’égouts, dans les bidonvilles à flanc de montagne que ne balise aucun cadastre, etc.

Apprenant ma présence, le Président Hugo Chavez m’a invité à l’accompagner dans l’avion puis dans l’hélicoptère présidentiel pour une cérémonie à la campagne à l’occasion d’une remise de terres, de crédits et de tracteurs à des coopératives de paysans. Au cours du voyage, la conversation a si bien tourné que, le lendemain, nous nous sommes réunis en groupe de travail avec les responsables de la politique étrangère du Venezuela. À l’ordre du jour :

 La coopération du Venezuela et de l’Union européenne pour un monde multipolaire après la guerre d’Irak (terrains d’application : les conventions Climat et Biodiversité),
 la préparation de la conférence de l’OMC à Cancun,
 et bien sûr le Plan Colombie et Ingrid Bétancourt, les rapports entre les Verts et les "Bolivariens", etc.

Nous sommes allés jusqu’à l’idée d’un "Forum politique global" réunissant les partisans d’une autre mondialisation, qu’il s’agisse de gouvernements, de force politiques dans l’opposition, ou de mouvement sociaux.

Affaires à suivre...



À noter :

Voir le site de soutien à Ingrid Bétancourt : http://www.Betancourt.info.

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