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par Alain Lipietz | 10 mai 2003

Verts-Contact, n° 682
Le parti Vert européen est né !
L’enfant a été conçu à la réunion du Conseil de la Fédération des partis Verts européens, à Malte, les 2-4 mai 2003. La naissance officielle est prévue pour fin 2003, et le baptême solennel début 2004. En fait, c’est la Fédération qui prend ce nom. La vie politique "verte" de chaque pays restera organisée par le parti national.

Mais le symbole est fort : pour les Verts, l’Europe ne s’arrête pas aux frontières de l’Union Européenne. Les Verts des pays candidats (Roumanie, Bulgarie), ou non-candidats (Suisse, Norvège, ex-Yougoslavie, Ukraine...), ou qui ne le seront peut-être jamais (Russie...) sont aussi des Verts Européens !

On aurait pu réserver le titre de Parti Vert Européen à ceux des Verts faisant liste commune aux élections du Parlement de l’Union, les autres pays étant seulement "associés". La première option, dite "paneuropéenne" a prévalu. Mais le Conseil de Malte a unanimement invité les Verts de l’Union européenne à faire campagne commune (avec logo, éléments de matériel et meetings communs, échanges de candidats) pour les élections de 2004. Un groupe de travail est mis en place à ce sujet.

 Tous les Verts ne sont pas fédéralistes...

Ce volontarisme n’allait pas de soi. En France, les Verts répètent qu’ils sont "pour une Europe fédérale des régions et des peuples solidaires, ouverte à l’Est et au Sud...". Mais, certains partis Verts sont hostiles à un Europe fédérale. Ainsi, le groupe des Verts au Parlement Européen, débattant de sa contribution à la Convention, a voté par une voix de majorité : "la constitution que nous proposons n’est pas fédérale, l’Union ne peut ni fixer son budget, ni lever d’impôt ni faire d’emprunt" ! Devant le malaise créé, la phrase a été retirée. En fait, dans ce groupe, un noyau fédéraliste (France, Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas) s’oppose aux réticences d’autres plus "souverainistes". Et dans d’Europe hors-Union européenne les divisions sont assez semblables.

Ces réticences sont parfois le reflet chez les Verts de cultures nationales : dans les pays neutralistes, ou qui pensent qu’ils se débrouilleront mieux tout seuls dans une zone de libre échange, ou qui craignent de perdre leurs avantages sociaux. D’autres Verts, adeptes de "small is beautiful", pensent qu’une Grande Europe serait nécessairement une grande puissance arrogante à l’extérieur, technocratique à l’intérieur. Tous arguent des défauts trop évidents de l’Union telle qu’elle est, et, plutôt que de se battre pour la changer, militent pour la quitter ou l’affaiblir.

Cette opposition au sein des Verts européens est riche et utile, elle nous empêche de nous endormir dans "l’eurobéatitude". Nous, les "euro-exigeants", devons, jour après jour, convaincre les "eurosceptiques" qu’il faut se battre pour une Europe digne d’être aimée...

 ...Mais la situation évolue

A Malte, deux tables rondes ont permis de constater que les lignes bougeaient. L’une portait sur "Le Rôle des pays neutres dans la politique de l’Union européenne" (Finlande, Suède, Autriche, Irlande), l’autre sur "La crise irakienne : le rôle transatlantique et européen de l’Union européenne". En fait, c’est le même débat, avec en filigrane les inquiétudes des anciens pays de l’Est.

Car tous les Verts d’Europe centrale et orientale condamnent évidemment la guerre américaine en Irak. Tous sont contre la globalisation libérale. Mais l’Union est-elle pour eux un refuge ? Refuge économique, face au néolibéralisme sauvage, refuge militaire face à un ancien occupant qui peut toujours se réveiller.

Au chapitre économique, nous avons pu entendre l’intervenant tchèque demander un rôle actif de l’euro dans la reconstruction soutenable des pays de l’Est, et plaider l’abandon du dollar. Mais surtout les intervenants finlandais ont crée la surprise en déclarant, "à titre personnel", que la défense nationale était hors de prix, et que, pour leur sécurité, ils préféraient l’Union européenne à l’OTAN.

Cette prise de position reflète-t-elle un tournant ? Les intervenants du débat sur l’Irak ont tous souligné la rupture historique que cette guerre avait créée entre les USA et leurs alliés même les plus proches : Canada, Mexique, Chili, Turquie. La ligne de clivage passe désormais entre les tenants d’un monde unipolaire où l’hyperpuissance US et ses féaux imposerait la loi du plus fort, et ceux d’un mutlilatéralisme renouvelé, cherchant à résoudre les tensions par la négociation et le droit international. L’Union européenne serait alors à la fois la "maquette" de cette alternative (pour autant qu’elle s’achemine vers le fédéralisme) et la "superpuissance civile" (ou puissance super-civile !) qui impulserait ce changement dans les relations internationales.

L’attitude de l’Union européenne dans les négociations sur le Climat ou la Cour Pénale Internationale, celle de son Parlement et de son opinion publique contre la guerre d’Irak, en seraient la préfiguration. Et bien entendu elle devrait à terme se doter d’une face d’interposition armée pour être en mesure de gérer elle-même les crises type Bosnie-Kosovo. Sauf que (objectent les sceptiques)... l’Europe, quand elle y a intérêt, se comporte comme une super puissance ordinaire (libéralisation de l’eau, biopiraterie). Parler d’armée européenne, en oubliant de se doter d’abord de méthodes et de capacités de prévention non-violentes des conflits, est dangereux. Mais les "neutralistes" confessent que, lorsque les États neutres occupaient la présidence de l’Union européenne, ils n’ont rien fait.

Il est temps que tous les Verts s’emparent de ces débats et les portent au cœur de leur campagne, en 2004 !

 Représentants et élus

Le Collège Exécutif des Verts avaient désignés deux délégués au Conseil de la Fédération (son "CNIR") : Dominique Voynet et Alain Lipietz. Auparavant, le CE désignaient des membres de la Commission Transnationale, alors que les autres partis envoyaient plutôt leurs député-e-s, ministres, porte paroles.

Le Conseil de Malte a réélu son Comité (son "CE...") de 9 membres. Il y a eu consensus et candidatures uniques pour :

 Le Secrétaire National : Arnold Cassola (Malte)
 Les deux portes paroles : Grazia Francescato (Italie) et Pekka Haavisto (Finlande)
 Le trésorier : Outi Hannula (Finlande)
 Catherine Grèze a été "la mieux élue" des suivants, avec Frithjof Schmidt (Allemagne), Gabriela Szuba (Pologne), Philippe Lamberts (Belgique), et Sergey Kurykin (Ukraine).

Lire aussi Conseil de la Fédération des partis Verts européens.




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