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par Alain Lipietz | 27 novembre 2003 Journée d’étude organisée par le Groupe d’Histoire Sociale et la MGEN : Engagements et valeurs mutualistes en Europe. Quels rôles dans la construction d’une Europe sociale ? Responsabilité mutualiste : quelle contribution à la construction d’une Europe sociale ? Paris
Il faut rappeler qu’elle a été lobbyiste des mutuelles auprès de Bruxelles avant d’être la« méchante Bruxelloise » et donc, elle m’a considérablement aidé dans mon travail, en tant que parlementaire, à défendre les mutuelles face à ces Bruxellois quand j’étais rapporteur sur la surveillance des conglomérats financiers, c’est-à-dire la banque-assurance. Elle m’a aidé à mettre au point notamment les formulations en ce qui concerne la défense des intérêts mutualistes. Il y a entre nous un certain nombre de préalables à lever sur la façon même dont, en France, on dit que c’est la faute de la méchante Europe quand on a des difficultés. Alors, l’Europe, est-ce bon ou mauvais ? Cela dépend de ce qu’on veut faire. Si on considère qu’il n’y a pas à faire de politique au-dessus de l’échelon national, l’Europe est une horreur. Sion considère, au contraire, que la seule façon pour les femmes et les hommes de contrôler un développement économique mondial, de contrecarrer la loi du profit qui est en train de bousculer toutes les valeurs morales, politiques,spirituelles, intellectuelles, rationnelles pour imposer la dictature des marchés, c’est d’avoir des lois définies par les citoyens, alors, nous avons besoin de grandes institutions politiques capables de les imposer aux multinationales. Comme on ne peut pas encore rêver d’une république universelle, l’objectif immédiat ne peut être que l’Europe, une Europe politique pour le mouvement social,démocratique, écologiste, féministe, etc. Vouloir se défendre pays par pays, face à des multinationales, c’est vraiment la stratégie de la ligne Maginot. De ce point de vue, il est très important de comprendre que si nous choisissons l’Europe comme espace politique pour nous défendre face aux institutions financières et industrielles multinationales, nous avons besoin de sortir de notre trou, de notre province nationale, et nous avons besoin de savoir qui, à l’intérieur de l’Europe, fait la même chose que nous, défend les mêmes valeurs que nous, défend les mêmes pratiques sociales que nous. Nous avons besoin de construire une société civile européenne. C’est le fond de notre problème. Là, on rentre dans un espace de difficultés. Prenons l’exemple du mutualisme. Le mutualisme est aussi universel et aussi européen que le capitalisme. Le mutualisme a été la réponse des classes populaires partout en Europe, en Chine ou en Afrique, à l’idée fausse que seuls les financiers pouvaient rassembler de l’argent pour parer aux nécessités de quelqu’un qui en avait besoin.Le mutualisme (qui remonte à la tontine, etc), c’est l’idée que les travailleurs peuvent mettre de l’argent dans un pot commun pour faire face aux aléas de la vie dans ce monde hostile qu’est le capitalisme. C’est pour cela même qu’exactement au même moment, pour les mêmes raisons, les mêmes causes produisant les mêmes effets, dans tous les pays d’Europe, au fur et à mesure que se sont développés le capitalisme et l’économie marchande, comme dans tous les pays du monde, le mutualisme s’est développé partout. Le problème est de reconnaître et de fédérer toutes ces formes mutualistes. On va s’apercevoir, et c’était la difficulté de Florence, que le mutualiste, c’est comme la fleur dans Mallarmé, c’est « l’absente de tous les bouquets. » Dans les 25 pays européens, vous n’aurez nulle part la réalisation du modèle standard du mutualisme. Vous pouvez faire un concept de mutualisme, il ne se réalisera comme cela dans aucun pays. Pourquoi ? Parce que si vous prenez la définition qu’a donné Charles Gide de l’économie sociale pour l’Exposition universelle de 1900, il y range l’associationnisme ouvrier, les initiatives sociales des entreprises, les initiatives sociales de l’Etat. Et dans ce paquet, où l’associationnisme ouvrier comprend syndicats, associations, coopératives, bourses du travail etc., les initiatives des entreprises comprennent les comités d’entreprise, les fonds de pension d’entreprise, etc., les initiatives sociales de l’Etat sont aujourd’hui la Sécurité Sociale pour simplifier, eh bien ! il n’y a pas eu deux pays européens où le découpage soit le même. Entre ces trois catégories mais aussi à l’intérieur du paquet « associationnisme ouvrier » (association, mutuelle, syndicat), le découpage n’était le même et n’est toujours pas le même, dans aucun pays d’Europe. Et pourtant, ils répondent tous au même système de valeurs. D’où la difficulté du travail de la Commission et des députés européens qui ont à formuler des lois en fonction de valeurs communes à toute l’Europe mais qui se réalisent de façon très différente d’un pays à l’autre. Nous avons à choisir entre défendre la « spécificité nationale française » et défendre la « spécificité mutualiste européenne », c’est l’un ou l’autre. Au nom de votre idéal, tout vous portera à choisir la deuxième solution, mais le tropisme de défendre ce qu’on a l’habitude de faire nationalement est malheureusement le plus fort. C’est toujours un effort de se ressourcer dans les objectifs originaires du mutualisme pour rechercher dans toute l’Europe ce que nous avons en commun avec ceux qui partagent avec nous les mêmes valeurs,même s’ils ne le réalisent pas de la même façon. Tous les mouvements sociaux d’Europe, comme vous, les mutualistes, ont à affronter ce problème. Soit ils resteront scotchés à la spécificité nationale, et ils seront vaincus séparément dans un monde où l’adversaire se globalise rapidement, soit ils chercheront dans tous les pays d’Europe des alliés chez ceux qui partagent les même valeurs, et ils seront vainqueurs ensemble. Une autre Europe est possible, mais elle est dans celle-ci. Journée d’étude organisée par le Groupe d’Histoire Sociale et la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale). |
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