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par Alain Lipietz , Auteur(e)s varié(e)s | 27 mars 2016

Une écologie inclusive pour sauver l’écologie politique
Contribution au congrès de EELV 2016
Aujourd’hui, nous passons pour de simples arrivistes, « encore pire que les autres », malgré l’immense dévouement de tant de militant-e-s de terrain. C’est donc un problème politique, et un problème organisationnel.

  Ce qui ne peut plus durer

Il y a 20 ans, on disait de nous : « Ils posent les vrais problèmes, ils sont sincères et honnêtes, mais ils sont trop brouillons pour qu’on leur confie les clés. ». Aujourd’hui, nous passons pour de simples arrivistes, « encore pire que les autres ». Si nous en sommes là, si notre image se réduit aux Placé, Cosse, Pompili et les autres, malgré l’immense dévouement de tant de militant-e-s de terrain, c’est qu’on les a « laissé faire ». C’est donc un problème politique, et un problème organisationnel. Et le mal vient de plus loin que les derniers et médiocres débauchages partis saluer la prolongation de la vie des centrales nucléaires.

Dès 2010, les immenses espoirs d’Europe Écologie, la « coopérative » et la « pollinisation » comme réponse à la crise de la forme-parti, le pari de conquérir enfin l’hégémonie de l’écologie sur le camp progressiste, ont été bradés contre des postes dont quelques uns accordés à quelques personnalités devenues automatiquement dépendantes d’un groupe dirigeant hyper-centralisé.

Dès 2011, dans la négociation avec le PS, l’accord sur le fond du projet a été sacrifié à l’accord sur le nombre des postes. Pendant deux ans, nos ministres ont approuvé, nos députés ont voté le pire. La logique des postes l’a emporté sur la logique des contenus écologiques. Et qu’on ne dise pas que ce sont les coopérateurs de 2010 qui ont pourri Europe Écologie ni que les « vieux verts » ont saboté la générosité de celles et ceux « issus de la société civile » !

Le rapport de pouvoir au sein d’EELV se porte essentiellement aujourd’hui sur le fait d’appartenir ou non au cercle des professionnels, élus, salariés, collaborateurs, vivant directement ou indirectement du parti, plutôt qu’à la masse des militants utilisés simplement pour faire le boulot bénévole de terrain, en particulier au moment des campagnes électorales.

C’est cette situation et ce fonctionnement qui produisent et favorisent des opportunistes, prêts à voter l’inverse des motions travaillées au sein du conseil fédéral et des commissions, au mépris de la démocratie interne, et au mépris même de leurs propres convictions.

On ne compte plus les deux poids deux mesures entre qui doit être exclu et qui ne doit pas l’être, les avis du conseil statutaire sur lesquels on peut s’asseoir, les conflits d’intérêts, le népotisme conjugal, le non respect des règles dont celle de la proportionnelle que nous continuons néanmoins hypocritement de revendiquer à l’extérieur du parti.

Le problème numéro 1 qu’EELV doit régler est celui de son fonctionnement qui passe forcément par le non-cumul et la limitation des mandats et donc le renvoi des équipes dirigeantes actuelles et du bureau exécutif. Nous proposons une régulation des conflits d’intérêts par la limitation et la séparation des instances de pouvoir ainsi que par des déclarations de transparence, notamment lorsqu’un lien familial ou de subordination professionnel apparait.

Autrement, EELV continuera son rétrécissement électoral, de coupage de tête en coupage de tête, à mesure que le nombre de places se réduisent, et que les convoitises soient plus fortes que les projets et les causes, ces dernières étant plus souvent et mieux défendues via le champ associatif que via le parti, alors même que le parti devrait jouer le rôle de passerelle entre le mouvement social et les institutions. L’écœurement est général. Et si nous n’y mettons pas fin, les démissions en chaine de militants sincères se poursuivront.

  Tant qu’il y a de la vie : pour une sobriété heureuse

Sur le fond, les constats et les analyses que portent les écologistes depuis des décennies montrent que nous avons raison. Nous prédisons chaque catastrophe écologique des années à l’avance avant tout le monde. Nous dénonçons les limites du productivisme à outrance qui mènent aux crises agricoles, au développement des maladies liées au travail, à la disparition des espèces animales, des ressources naturelles, au conformisme, et à une conception de la croissance ignorant volontairement la santé, le niveau d’éducation ou le bien-être humain. Crise de la dette, crise des migrants, crise du chômage, pics de pollution, la réalité nous a déjà rattrapés depuis longtemps.

Or, nous avons des solutions. Nous avons des projets concrets à porter pour qu’ils deviennent le programme d’une gauche aujourd’hui cruellement en manque d’idées nouvelles au point qu’elle aille les chercher à droite et à l’extrême droite.

Revenu universel de base, 32 heures, lutte contre les paradis fiscaux, fiscalité écologique, création d’un revenu maximum acceptable, économie sociale et solidaire, gratuité des biens communs, sont autant de revendications qui devraient être portées et défendues pour servir de marqueur visible parmi les différentes offres politiques existantes.

 Comment nous appelons nous déjà ?

Nous sommes le seul parti politique ayant le mot « Europe » dans son nom. Or, notre projet européen n’est pas assez clair, au moment où l’Europe est menacée par différentes crises existentielles. Nous devons faire entendre notre voix, lorsque les accords de Schengen sont remis en cause pour remettre en place des frontières entre nos pays, construire des murs, et lorsque des migrants et réfugiés sont bloqués en Grèce alors que chaque pays membre, à commencer par la France, est censé accueillir sa part.

Le projet d’une Europe fédérale, sociale, et solidaire est en panne, et nous devons convaincre l’opinion que le souverainisme et le nationalisme nous vouent à l’échec. La solidarité entre les pays du nord et du sud doit se mettre en place, en particulier via le fédéralisme, pour mettre fin aux différentes crises que nous traversons. C’est par la relance de grands projets européens que nous combattrons la déflation, la dette, et le chômage dans les pays les plus fragiles, et non par des mesures d’austérité étranglant toujours plus nos économies.

Nous devons travailler à un audit de la dette au niveau européen et les écologistes doivent exiger un redécoupage de la dette grecque comme le préconise le FMI, et comme en avaient bénéficié certains pays européens après guerre, sans quoi elle ne sortira jamais de ce cycle infernal.

 C’est quoi une écologie inclusive ?

Une écologie inclusive, c’est une écologie qui accepte et recherche en son sein la diversité, qui se donne les moyens de la mixité et de la diversité des corps de métiers, des origines sociales et ethniques, qui dans le cadre de ses valeurs, accepte les différentes façons de parvenir à la conscience écologique (scientifiques, spirituelles, esthétiques, sociales…). Cela implique deux exigences : la loyauté envers la majorité, et le respect des minorités (qui peuvent toujours avoir raison !).

Il est parfaitement légitime de penser qu’on ferait mieux de rentrer dans le gouvernement Valls-Macron-Royal « pour y faire mieux qu’eux », et celles et ceux qui le pensent ont toute leur place à EELV. Ce qui est inadmissible, ce qui est une faute envers la loyauté, qui rejaillit sur nous tous, c’est de courir après les places en contradiction avec l’analyse de la majorité d’entre nous sur ce qu’il est possible de faire, après avoir fait semblant de se faire l’incarnation de cette majorité.

Une écologie inclusive signifie que les minorités politiques doivent être respectées. La logique française d’écrasement de la minorité par la majorité est destructrice. Nous préférons un système à l’européenne où nous devons chercher le plus large consensus et dans lequel, grâce à la proportionnelle et au respect de la subsidiarité territoriale, chaque courant est représenté et a une voix dans les prises de décisions.

Cela veut dire qu’au lieu d’être exclue des débats, une minorité peut nouer des alliances et faire avancer ses idées.

Cela signifie que toutes les minorités, ethniques, sociales, sexuelles, de genre, etc, sont réellement parties prenantes du fonctionnement et ne servent pas uniquement d’alibis sur des positions en général non-éligibles. Nous les écologistes qui avons inventé la parité en France, devons pouvoir mener une réflexion sur des politiques d’action affirmative afin de réparer les discriminations structurelles qui excluent toujours les mêmes des espaces de pouvoir.

Non nous ne sommes malheureusement pas tous égaux en droit. Nous devons sortir de ces concepts républicanistes abstraits auxquels seuls les dominants croient encore pour observer les réalités telles qu’elles sont et finalement accepter que nous sommes les héritiers de systèmes de domination toujours en place. Nous devons analyser les continuités des oppressions actuelles avec notre passé colonial et arrêter de penser que seule l’extrême droite est raciste pour nous remettre en question.

Nous revendiquons un féminisme inclusif et intersectionnel qui analyse les différentes expressions et manifestations du sexisme et des discriminations selon les identités de genre que nous produisons, et les catégories sociales auxquelles nous appartenons. Nous défendons une sécularisation de la société dans laquelle les minorités religieuses ne sont pas discriminées, et où le fait religieux a le droit d’exister dans l’espace public, tout comme chaque croyance et opinion.

 Une écologie qui tient compte de l’évolution

La nature évolue avec tous ses êtres vivants, et offre une diversité incommensurable. Les interprétations naturalistes qui imposent des représentations patriarcales et hétéro-normatives amalgamant des faits sociaux entre eux, ou qui s’enferment dans une technophobie n’ayant plus rien à voir avec les principes essentiels de précaution sont davantage des relents de conservatisme et de négation des réalités.

De plus, nous ne croyons pas en une écologie qui placerait l’humain au centre de tout écosystème puisque nous n’en sommes qu’une de ses composantes. Nous ne croyons pas en la hiérarchie entre les espèces car c’est cette vision de la supériorité humaine qui détruit l’équilibre naturel des chaines alimentaires entre les espèces, et leurs environnements.

 Une écologie politique qui n’oublie pas ses fondamentaux

L’écologie politique est un courant de pensée qui s’est développée autour de plusieurs idées majeures comme celles de pacifisme, de respect des différences, du refus de l’autoritarisme, du féminisme, du respect des libertés individuelles, de l’environnement et bien d’autres. Comment se fait-il alors que certains de nos élus puissent voter des lois en faveur de l’état d’urgence, de la guerre, de la surveillance d’Internet ou pour le gavage des oies et des canards ?

Nous devons retrouver de la cohérence et des leviers de contrôle sur nos représentants jamais sanctionnés, et qui ont davantage peur de perdre leur accord électoral local avec le parti socialiste pour sauver leur siège que des réactions au sein de leur propre mouvement. Sans cette cohérence, nous continuerons à perdre toute crédibilité auprès de l’électorat.

Nous pouvons sinon continuer à faire comme si de rien n’était, à ne pas remettre en cause de notre fonctionnement, à débattre de nos stratégies d’alliances pour estimer nos nombres d’élus, de qui va être notre candidate pour la primaire ou la présidentielle, etc. Tout ceci est bien intéressant, mais ne résoudra pas la crise majeure que nous vivons. Nous, c’est avant tout cela que nous vous proposons de faire.

 Pour soutenir cette pré-contribution : Ecologie.inclusive@gmail.com

Premiers signataires : Alain Lipietz (IDF), Thiaba Bruni (IDF), Thierry Schaffauser(IDF), Michèle Viau(PDL), Philippe Stanisière(IDF), Rose de la Fuente(IDF), David Auerbach(IDF), Gabrielle Jolly (Poitou-Charentes), Remy Lété (IDF), Judith Humery (IDF), Abdallah Benbetka (IDF), Elisabeth Deborde (PACA), Hervé Menchon (PACA), Antoine Valabrègue (IDF), Christian Raynaud (PACA), Eszter Laffite-Gyulai (IDF), Jeremy Dumont (IDF), Lucile Wacheux (NPDC), Line Guillemot (IDF), Tibor Kalocsay (IDF) Jackie Avenel (NPDC), Benoît de Cornulier (Poitou-Charentes), Pierre Hunault (IDF), Manuel Perdiz (IDF), Alain Grenaille (Aquitaine), Henri Charrier (PACA), Fatima Aoutia (IDF), Daniel Fintz (Alsace), Marie-Cécile Ruiz (Guyane), Hocine Oumari (IDF), Maguite Chichereau (Rhône-Alpes), Jean Chagny (IDF), Cendrine Escallier (Languedoc Roussillon), Nicolas Gardères (IDF), Jannick Magne (Hors De France)…




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