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par Alain Lipietz | 3 mars 2005

On a retrouvé le complice de Jennar : c’est Bolkestein !
Voici ce que Jennar a trouvé pour sa defense. C’est beau comme du Gaymard.
Son excuse : "C’est Bolkestein qui l’a dit, j’ai fait que répéter !". Eh ben, c’est même pas vrai !

 Voici d’abord le mail de Jennar

From : raoul.jennar@wanadoo.fr
Subject : bolkestein suites
Date : Tue, 1 Mar 2005 18:20:53 +0100

BOLKESTEIN : LES PREUVES

Suite à ma note intitulée « Quelques vérités sur Bolkestein », certains hommes politiques, en particulier ceux qui promettaient de « faire de la politique autrement, » ne supportent pas que j’aie rendu compte des documents officiels et publics du Parlement européen qui fournissent les textes adoptés et le détail des votes.

Signe navrant du déclin de nos pratiques démocratiques, les élus, comptables de leurs propos et de leurs actes devant les citoyennes et les citoyens, ne supportent pas qu’on rappelle les positions qu’ils ont adoptées. Si cette résolution n’a que la force d’un vou, pourquoi prendre le risque qu’elle puisse ensuite être invoquée dans l’exposé des motifs d’une proposition de directive que l’on réclame ? Si, par hasard, ils ignorent le contenu de ce qu’ils votent, on peut s’interroger sur la manière dont ils exercent leur mandat. S’ils invoquent les multiples sollicitations dont ils sont l’objet, il convient de leur rappeler un principe de droit : « nul ne peut invoquer ses propres turpitudes ».

Afin de lever les ambiguïtés qu’ils s’emploient à créer pour dissimuler leurs responsabilités, voici le texte de la résolution ainsi que le détail des votes tels qu’on peut les consulter sur le site Internet du Parlement européen. Les paragraphes en cause portent les numéros 35 et 39. C’est en page 7 de l’exposé des motifs que la proposition Bolkestein y fait explicitement allusion :

« En février 2003, le Parlement européen s’est aussi félicité du rapport de la Commission et a souligné qu’il "insiste pour que le Conseil ’Compétitivité’ réaffirme le respect des États membres des principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle, en tant que base essentielle pour l’achèvement du Marché intérieur des biens et des services". Enfin, le Parlement "se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle (reconnaissance dont le caractère automatique doit être promu dans toute la mesure du possible), de coopération administrative et, lorsque cela est strictement nécessaire, en recourant à l’harmonisation".

Ceci suffit pour répondre à des commentaires embarrassés et embrouillés.

(suit le texte intégral du rapport du PE en question (pdf, 500 ko), déjà donné par un lien dans ma réponse, puis la liste des votants en séance, par Oui/Non/Abstention)

 ET VOICI MA RÉPONSE A SA RÉPONSE

C’est la meilleure !

Jennar , pris la main dans le sac en flagrant délit de trucage, monte sur ses grands chevaux et renvoie... le texte total du rapport de février 2003 en espérant que personne n’aura le courage de comparer les articles 35 et 39 tels qu’ils figurent ici au grossier montage qu’il a publié vendredi dernier. Hélas pour lui, mon texte et celui d’Onesta, révélant ce texte intégral, ont déjà ouvert les yeux de ceux qui croyaient encore en la compétence et l’honnêteté de cet individu.

Maimaimaiamaimais... il rajoute un élément précieux : l’endroit où il trouvé l’idée du grossier montage. C’est tout simplement un passage de l’exposé des motifs de la directive Bolkestein !!!

Bolkestein truque le texte de l’article 39 du Parlement exactement de la même façon que Jennar, "en page 7 de son exposé des motifs", comme dit désespérément Jennar pour montrer qu’il est un homme sérieux qui n’a fait que puiser à des sources crédibles.

Le parlement écrit :

« Estime que, si les principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à l’achèvement du marché intérieur des biens et des services, les objectifs d’intérêt public, et en particulier la protection du consommateur, doivent être sauvegardés, lorsque la chose est nécessaire, grâce à une harmonisation des règles nationales », ce qui est une façon polie de dire à Bolkestein qu’il n’est pas question de s’en tenir à la reconnaissance mutuelle, mais qu’il faut aussi har-mo-ni-ser. Un peu comme ceux qui disent "S’il est essentiel de respecter la démocratie chez les Verts, l’éthique, et en particulier la défense de la planète, doivent être sauvegardés, lorsque la chose est nécessaire, en combattant la position qu’ils ont adoptée malencontreusement".

Mais Bolkestein lui fait dire l’inverse :

« En février 2003, le Parlement européen s’est aussi félicité du rapport de la Commission et a souligné qu’il "insiste pour que le Conseil ’Compétitivité’ réaffirme le respect des États membres des principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle, en tant que base essentielle pour l’achèvement du Marché intérieur des biens et des services".

En fait , le week-end dernier, quand j’ai rédigé ma réponse à Jennar, déjà j’avais remarqué cette origine bolkesteinienne du trucage de Jennar : "Tiens , me disais-je, en fait Jennar n’a pas lu la résolution du Parlement, il ne fait que la citer de seconde main, d’après ce qu’en dit la directive Bolkestein elle-même, qu’il doit lire d’ailleurs ici pour la première fois" (ça ne fait jamais qu’un an qu’elle est publique). Péché véniel pensais-je alors avec indulgence : quel chercheur n’a pas procédé ainsi, prétendant être allé à la source alors qu’il ne faisait que citer une citation... fausse, sans vérification. Moi-même, en 35 ans de carrière...

Et puis j’ai remarqué un détail : Bolkestein, lui, n’avait pas truqué l’article 35. Un oubli ? Lui rapporte fidèlement : "Enfin, le Parlement "se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle (reconnaissance dont le caractère automatique doit être promu dans toute la mesure du possible), de coopération administrative et, lorsque cela est strictement nécessaire, en recourant à l’harmonisation". "

C’est donc bien les 3 techniques d’unification du marché intérieur dont le Parlement rappelle l’existence, et Bolkestein ici le reconnaît, même s’il n’a l’intention de n’utiliser que la première, en la rebaptisant pompeusement "principe du pays d’origine", ce qui élargit considérablement et dangereusement sa portée.

Mais cet excès d’honnêteté de Bolkestein ne convient pas à Jennar. Reprenant les ciseaux que Bolkestein avait réservés à l’article 39, il sur-caviarde la version Bolkestein, et dans son texte nous donne : "se félicite des propositions visant à créer un instrument horizontal pour garantir la libre circulation des services sous forme de reconnaissance mutuelle." Disparues la coordination administrative et l’harmonisation !!

J’en profite pour une petite mise au point : un correspondant, Jean Gadrey, me demande si "caractère automatique dans toute la mesure du possible, harmonisation si strictement nécessaire" n’est pas un biais en faveur du libéralisme. En fait, cette paraphrase du "autant de liberté qu’il est possible, autant de contrainte que nécessaire" vise une réalité que connaît bien le Parlement : une loi européenne d’harmonisation, c’est des années de travail, livre vert, livre blanc, communication, proposition, commissions en procédure Hugues, deux lectures, opposition du Conseil, conciliation difficile (car les Etats ont horreur de l’harmonisation, qui leur arrive du ciel Bruxellois, et par exemple en France ni la droite ni les communistes ne supporteraient que la constitution prévoie que l’Europe puisse « harmoniser » en matière de droit social)

Je suis une de ces procédures depuis mon arrivée au PE il y a 6 ans, sur le marché intérieur des services financiers : les "prospectus simplifiés". Quelles sont les conditions minimales d’information que doit comprendre le prospectus proposant à la vente une action, une assurance-vie ou un autre produit d’épargne dans un autre pays de l’Union ? eh ben c’est pas fini.

La règle du pays d’origine, c’est plus simple : si le prospectus d’une firme finlandaise (banque, courtier) décrivant une action d’une "jeune pousse" finlandaise est considéré comme non mensonger par les autorités finlandaises, alors c’est bon aussi pour la vente à un dentiste belge. Sauf que ça marche pas, c’est en finlandais. Avec des droits de recours devant les tribunaux finlandais. Là , il faut "harmoniser, parce que c’est nécessaire". Donc, en combien de langues ? quels tribunaux ? etc. Et ça, c’est forcément de la loi européenne, de la codécision, et je m’ennuie depuis des années dans la Commission économique et monétaire à faire ça au lieu de faire de l’écologie. J’ai même été le rapporteur pour un joli cas d’harmonisation dans le "processus Lamfalussy" (une branche du paquet de construction du marché intérieur des services, le cas des services financiers - en fait le plus important, car le marché intérieur ne vise évidemment pas les services territoriaux, genre tiers secteur, fondés sur les liens de connaissance réciproque) : "Les règles prudentielles et la surveillance des conglomérats financiers". En cette occasion, j’ai trouvé les compromis internationaux plus vite que le Conseil : le Parlement a voté le premier, ce qui indique que la "coordination administrative’ n’aurait pas marché. Le principe du "pays d’origine" n’avait ici aucun sens car un conglomérat peut être principalement une banque en France et une assurance en Allemagne, et il fallait justement déterminer qui serait son « autorité de tutelle »

Bon, je reviens à Jennar. J’avais donc commencé par rédiger un texte moqueur "Regardez, il soutient Bolkestein contre le PE, parce qu’il a la flemme d’aller voir". Et puis en regardant de plus près je me suis aperçu qu’il avait "surtruqué" le trucage de Bolkestein. Mais je pouvais encore me dire "Il n’est jamais allé voir le rapport du Parlement, ce n’est qu’un feignant , en plus malveillant". Eh bien si ! il savait qui a participé à ce vote archi-mineur , il sait qui a voté la résolution finale, donc il est allé voir sur le site du Parlement, il a le texte en main, il peut rectifier le trucage de Bolkestein, mais non, il préfère le conserver et en rajouter...

Bolkestein, Jennar, même truqueurs, même combat !



À noter :

PS : Un autre avantage de la réponse de Jennar, c’est qu’on voit qui a voté contre le rapport de février 2003 : les fascistes et les trotskystes, les vrais "anti-européens révolutionnaires" qui votent contre tout ce qui renforce l’Europe. Les autres, communistes, ou Verts suédois, anglais et irlandais, qui sont pour la sortie de l’Union, se sont simplement abstenus. Eux n’avaient rien trouvé de scandaleux dans le texte du Parlement , simplement ils n’aiment pas l’harmonisation (la supranationalité), ils n’acceptent que l’Europe des Nations. Ce qui est une position honorable, mais en l’espèce, comme toujours en matière sociale, totalement inefficace.

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