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Accueil  > Vie publique > Articles et débats > Lettre aux Ouverts des Verts sur ma candidature à l’investure (http://lipietz.net/?article172)

par Alain Lipietz | 19 février 2001

Pour les élections présidentielles de 2002
Lettre aux Ouverts des Verts sur ma candidature à l’investure
Chers amis Ouverts,
Comme je vous l’avais promis, je vous livre aujourd’hui mes réflexions et l’état d’esprit qui me conduisent à confirmer ma candidature à l’investiture, suite au renoncement de Dominique Voynet. Je traiterai successivement les points suivants :
- Quels enjeux pour la présidentielle ?
- Quels contenus pour la campagne ?
- Quel(le) candidat(e) ?

 I. QUELS ENJEUX A LA PRÉSIDENTIELLE : LA MAJORITÉ CULTURELLE

Le rôle " structurant " des présidentielles dans la vie politique française est indéniable. Encore faut-il comprendre ce qu’il en est, surtout pour un courant qui ne peut raisonnablement espérer figurer au 2e tour. S’agissant de notre candidat(e), on a trop longtemps parlé du " pouvoir à l’intérieur des Verts ". L’essentiel est à mes yeux la contribution d’une campagne verte à la conquête de la majorité culturelle.

1) Au sein des Verts

Le temps n’est plus des candidatures écologistes " biodégradables ", où l’écologie politique se rassemblait autour d’une personnalité le temps d’une campagne, et offrait à cette personnalité, pendant quelques années, une fonction d’incarnation de l’écologie. Aujourd’hui, l’écologie c’est les Verts, le parti Vert existe, avec ses propres règles de choix de ses animateurs. Elles sont loin d’être parfaites. Les Verts ont besoin d’une véritable refondation. Dominique Voynet a déclaré son intention de s’atteler à ce chantier décisif. Mais cela ne passe pas par la campagne présidentielle. Le candidat présidentiel vert devient en fait, le temps d’une campagne, un " super porte-parole ", appelé à rentrer dans le rang au lendemain de la campagne, même si son expérience et sa notoriété lui conserveront durablement un rôle de 5e porte-parole de fait, plus ou moins utile au mouvement selon sa personnalité, dans les années suivantes.

Le choix de Dominique Voynet de revenir dans un rôle " interne " sans passer par la case présidentielle entérine cette nouvelle donne. Reste à définir la mission du candidat Vert en direction de la société pendant le temps de la campagne.

2) Dans la société et le champ politique

On dit souvent que la présidentielle est la pire élection pour les Verts, et il faut comprendre pourquoi.

Les Français ne votent pas (en tout cas de moins en moins) à la présidentielle selon l’adage " au premier tour on choisit, au second on élimine ". Ils votent dès le premier tour pour celui qu’ils veulent voir en meilleure position possible au second tour. En cas de divisions profondes dans un camp (Chirac - Balladur, 1995), le choix du premier tour est décisif ; dans le cas où le candidat préféré pour le 2e tour ne fait aucun doute, cette tactique des électeurs est meurtrière pour les " petits " candidats (Voynet, Hue, 1995).

Alors, à quoi sert le 1er tour ? À l’affirmation culturelle, idéologique, d’un courant d’idées. Dumont (1971), avec sa poignée de centaines de milliers de voix, a créé l’écologie politique ; Voynet, avec à peine plus de 3 %, a sauvé son existence autonome, et préparé ses succès ultérieurs. Et en 2001 ? Nous verrons plus loin.

Mais alors, les 12 % de Le Pen, le 6 % de Laguillier ? Leur cas est différent. Candidats " anti-système radicaux ", ils expriment les voix des exclus du jeu politique qui n’espèrent pas y revenir, de façon hideuse pour le premier, plus sympathique pour la seconde. Leur arme est la démagogie, l’impraticabilité assumée (de leurs propositions. De même, le PCF garde un électorat fidèle, mais, incapable de justifier à quoi sert de voter pour lui, faute d’un projet sociétal crédible, il est aussi incapable de négocier cet acquis fondant. Tout autre est la situation des Verts : leur électorat est soit dans le système et veut l’influencer (notre " pic " dans les professions intermédiaires), soit en est exclus mais se bat pour y rentrer et soutient nos propositions (notre second " pic " chez les chômeurs). Il vote pour nous, et de mieux en mieux ? quand il le juge utile (d’où l’importance de la proportionnelle) !

Annoncer l’objectif de dépasser 8 % serait irréaliste et nous conduirait à une campagne démagogique. Il faut être clair dès le départ : nous ferons une campagne d’explication, de lutte pour la majorité culturelle, sans espérer que le résultat marquera notre vrai rapport de forces. Nous devons viser le plus fort score de l’écologie à une présidentielle (donc viser 5 %), ce qui sera déjà une vraie victoire et, si on décroche 8 %, ce sera un succès incroyable.

Notre campagne sera donc résolument pédagogique, le haut parleur de " ce que veut, ce que ce sera l’écologie politique au XXe siècle ". Cette posture sera renforcée par la prise en compte de la grande spécificité de la campagne 2001 ; elle sera parallèle avec la vraie campagne où se déterminera le rapport de forces, celle des législatives. C’est là que nos candidat(e)s autonomes devront marquer le plus de points pour le second tour, que nos éventuel(le)s candidat(e)s d’union affirmeront la couleur verte dans la majorité plurielle. Le candidat présidentiel Vert sera en fait le porte-parole collectif de tou(te)s les candidat(e)s aux législatives.

Mais pour y dire quoi ? Pour y faire quoi ? Cela dépend intégralement de la mission assignée à l’écologie politique dans les 7 ans qui viennent. À mon sens, il s’agit de passer d’un intérêt devenu récemment majoritaire pour les questions de l’écologie politique, à la conquête de la majorité culturelle pour les réponses des écologistes. Et quand nous disons " majorité " culturelle, nous ne voulons pas dire que nos idées deviennent effectivement majoritaires. Nous voulons dire que ces idées sont effectivement largement connues, souvent partagées, et que la majorité considère que c’est avec nous, autour de nos réponses, qu’il faut passer un compromis pour intégrer l’intérêt général. Comme le précise souvent Denis Baupin : nous devons apparaître comme ceux qui apportent des réponses aux chasseurs responsables, aux travailleurs du nucléaire, aux camionneurs, aux paysans coincés dans l’intensif, etc.

 II. QUELS CONTENUS POUR LA CAMPAGNE ? CONVIVIALITÉ, SOLIDARITÉ, SOUTENABILITÉ

La conquête de la majorité culturelle doit partir d’un état des lieux, d’une évaluation précise de ce que sont les aspirations réelles de la population et du pouvoir d’attraction des réponses offertes par nos concurrents.

1° Où en est la société française ?

Les premières années de la législature (disons, jusqu’en 1998) ont été marquées par un étonnant paradoxe : la " majorité plurielle " étant plus optimiste, plus confiante dans les réformes qu’elle menait, que sa propre base. Les 35 heures, la sortie des carcans de Maastricht, la réforme fiscale (basculement des cotisations maladie vers la CSG), même la parité et le PACS figuraient au programme, mais n’étaient approuvés que sans conviction. Aujourd’hui c’est fait, et plus personne ne voudrait revenir en arrière.

Prenons l’exemple des 35 heures. Cette immense réforme (équivalente à 4 semaines de congés payés) a été obtenue sans lutte, par un simple bulletin dans l’urne, malgré l’incrédulité générale (et persistante dans le reste du monde). Elle était certes le résultat de vingt ans d’efforts des écologistes et de quelques secteurs syndicaux, et n’était qu’un compromis entre nous et le PS. Aujourd’hui, selon le dernier sondage CSA, 61 % des Français l’approuvent, 87 % des salariés déjà passés aux 35 heures disent qu’elle " améliore la qualité de la vie ", mais aussi 76 % de ceux qui ne la connaissent pas encore. Ces chiffres sont à comparer aux sondages de 95-96 (cités dans mon livre La société en sablier), beaucoup moins convaincus.

Mais cette satisfaction devient une impatience terrible, d’une double nature. D’une part, celles et ceux qui " n’ont rien vu passer pendant cette législature " (les quelque 10 % de chômeurs, les salariés des entreprises qui continuent à fermer, les fonctionnaires et salariés des petites entreprises qui n’ont pas encore eu les 35 heures ou les ont vécues comme " flexibilité "). Eux vivent toujours les conditions et l’idéologie du désespoir, avec d’autant plus d’amertume qu’ils/elles ne sont plus une grande cause nationale, mais en quelque sorte les retardataires d’une France redevenue optimiste et dynamique. Ils/elles voteraient toujours extrême droite, Laguillier, ou rien. C’est la tâche historique des Verts : leur rendre l’espoir.

D’autre part, la grande majorité de la population est, elle, sortie de " l’idéologie du désespoir " des années 90. " L’horreur économique " est finie. Exaspérée par les surprofits des firmes, elle n’a même pas remarqué le krach boursier. Elle demande maintenant son dû, après 20 années de rigueur. C’est cette majorité qu’il faut aussi conquérir, en lui offrant une image de ce que pourrait être ce " dû ", en la guidant dans ses luttes, en lui offrant un débouché politique. Pour cela il faut faire fond sur ce qu’il y a de plus positif en elle : l’aspiration à plus de solidarité, de convivialité, le retour de balancier après 20 ans d’individualisme triomphant.

Or, au même moment, le PS et Jospin ne renouvelleront pas l’imprudence de l’accord Verts-PS de 97 (qui promettait les 32 heures pour la " fin de la législature "). Ils feront une campagne de centre gauche, pour gagner les élections présidentielles et législatives ; en cas de victoire, ils gèreront au centre gauche. Tout l’enjeu des élections de 2002, pour les Verts, sera d’empêcher cet enlisement de la majorité plurielle, mais le combat ne s’arrêtera pas au soir de la 2e élection. Car nous serons rentrés dans une conjoncture plus classique de l’histoire de la France, où les masses sont plus radicales que leur gouvernement. Nous assisterons, dans les années 2002-2009, à des mouvements sociaux puissants, exigeants, face à un gouvernement et à une " majorité de la majorité " qui traîneront les pieds mais devront céder à la pression. Le moteur de la transformation sociale sera à nouveau dans la société, et les institutions freineront ou canaliseront la poussée.

Plus qu’auparavant, les Verts (et toute l’écologie politique) devront s’affirmer comme parti de proposition, de mouvement, et de gouvernement, en définissant les axes de la poussée, en animant les mouvements sociaux, en participant à leur transcription dans les institutions. Le candidat à la présidentielle sera, non pas le chef d’orchestre, mais le premier violon (pour quelques mois !) de la campagne de tous les Verts, de leurs candidats aux législatives, de leurs autres personnalités (ministres, secrétaire national, porte-paroles, députés et conseillers régionaux), et de tous les militants, dans cette affirmation d’une nouvelle posture.

2°) Quel message ?

Dans ce mouvement social dont il nous faut gagner les c ?urs, la situation est elle-même éminemment paradoxale et pas très simple pour nous. En un mot : " Tout ce qui bouge n’est pas vert, loin de là, mais faudra faire avec. "

D’une part, les idées écologistes ont fantastiquement progressé. L’agriculture intensive est totalement délégitimée, le risque climatique est largement admis, même la légitimité de la voiture et du nucléaire sont entamées. Mais les grandes organisations qui encadrent les mouvements sociaux, la presse qui rend compte des préoccupations populaires mais sous le contrôle des lobbies, et même la " gauche de la gauche " renforcée par les déboires de l’ultra-libéralisme, tendent à ne donner d’autres réponses que celles de la vieille gauche des années 60 : plus d’État, plus de nation, plus de production et de consommation, moins de marché, moins d’Europe et de mondialisation, moins de réflexion sur le contenu et la légitimité de la croissance.

L’alliance " sauve-qui-peut " contre le libéralisme (1995) a eu un coût : la remise en selle de FO et de sa direction idéologique (le trotskisme lambertiste), le retour de l’étatisme et du productivisme dans la " gauche de la gauche ", l’hégémonie du corporatisme de fonctionnaires dans le mouvement social, qui contamine nos plus proches alliés (le " Groupe des Dix " dans le syndicalisme). Or cette gauche étatiste et productiviste, de par son poids dans les luttes salariales, pèse aussi sur les autres mouvements sociaux. On critique l’ultra-libéralisme (dans le cas de l’Erika) et non plus le productivisme (comme si l’Amoco Cadix, fleuron d’une multinationale, avait épargné la Bretagne), on critique les pollutions mais on refuse le principe de pollueur-payeur, on clame " le monde n’est pas une marchandise " pour exiger le droit de polluer gratuitement ? en exigeant de l’État, donc du contribuable, qu’il subventionne les entreprises qui assumeraient un peu leur responsabilité.

Les plus anciens d’entre nous, qui ont vu le mouvement de Mai 68 se rigidifier en idéologies marxistes et léninistes, le savent : le nouveau reprend souvent les habits de l’ancien. Les Verts, qui prétendent offrir de nouveaux habits au retour de la contestation, ne doivent pas s’en désespérer. S’ils ne se résignent pas à la démagogie, s’ils s’affirment " Verts " avec tout l’acquis de la critique écologiste du productivisme et de l’étatisme, ils sauront, eux, offrir une concrétisation aux rêves de la société en révolte contre le libéralisme : plus de solidarité, plus de convivialité, plus de responsabilité écologique.

Nous ne devons pas craindre de surprendre par la hardiesse de nos propositions ; nous marquerons des points si nous savons combiner l’utopie d’une société autonome, réconciliée, responsable de la planète et des générations futures, et les mesures concrètes à prendre d’urgence dans la bonne direction.

Pour cela, nous devrons apprendre à dépasser l’étape de la dénonciation, pour entrer dans le monde la proposition.

Non plus " contre le nucléaire ", mais " pour un service public de l’énergie soutenable ".

Non plus " contre l’agriculture intensive ", mais pour " réconcilier la France et sa paysannerie autour d’une cuisine et de paysages de haute qualité ".

Non plus " contre la marchandisation ", mais " pour l’association ".

Quelques exemples ? (Attention, ce n’est même pas l’ébauche d’un programme !)

a) Pour un nouveau plein emploi

Oui, les 32 heures vont redevenir d’actualité, car la croissance va ralentir et la partie " facile " des 35 heures est finie. Mais il faudra aussi parler de formation professionnelle, d’insertion, car les goulets d’étranglement apparaissent de ce côté.

Oui, les services à la communauté seront le principal gisement d’emplois pour une société " post-industrielle " où l’atomisation sociale exige de plus en plus que l’on gagne sa vie à s’occuper du bonheur des autres : l’éducation, les soins, la culture, les loisirs, la fête ? Et si nous refusons que ces services soient dominés par la loi du profit, alors l’association et la coopération seront la forme économique des valeurs spécifiques de l’écologie : autonomie, solidarité, responsabilité, convivialité, réciprocité ? Le travail de Guy Hascoët, la mise en scène de la sortie de mon rapport sur le tiers secteur, permettront de " signer Vert " l’émergence de l’économie solidaire comme thème central des débats socio-économiques.

Mais, au-delà de " l’emploi ", c’est une autre conception de la société qui se dessine, la réponse écologiste au " Qu’est-ce qu’on fout là ? " (cf. mon intervention aux Six heures de l’écologie politique) et c’est une base sociale large qu’il s’agit d’associer durablement aux Verts : les entrepreneurs du social, les " bâtisseurs de bonheur " (voir le texte de Denis et moi pour l’AG Fédérale de Noisy).

b) " Refondation sociale ", etc.

Ici encore, c’est la manière dont nous affirmerons notre rôle de référence dans le mouvement social, et de force propositionnelle dans les institutions, qui sera l’enjeu de notre candidature présidentielle. Les pièges seront le conservatisme " vieille gauche ", la stratégie du " No Pasaran " (pour la gauche de la gauche), et des petits reculs indéfinis (pour le centre gauche). L’écologie politique doit développer une perspective offensive dans deux directions :

- découpler le revenu social du salariat (ce qui veut dire : arrêter les piaillements contre l’impôt négatif et la fiscalisation de la sécurité sociale, qui en sont les conséquences pratiques !) ;

- remettre à l’économie sociale (mutualisme, coopératives, associations) le contrôle sur toutes les formes d’épargne populaire, afin de la mettre au service de l’économie solidaire.

c) Produire et consommer responsable ? et convivial !

Il s’agit de transformer l’essai sur la male-bouffe, le nucléaire et l’automobile. Là comme ailleurs, il ne faudra pas hésiter à prendre bille en tête le discours des anti-écotaxes (" le monde n’est pas une marchandise " ? ce n’est pas une raison pour le polluer gratuitement et ne pas payer le travail paysan). Au-delà, notre problème sera de transformer une hostilité latente envers les " périls de la technique et du libéralisme " en une adhésion positive à un nouveau modèle (agriculture paysanne + énergie responsable + transports en commun + vélos + autre urbanisme ?), au nom de la convivialité, de la beauté. D’ailleurs c’est la seule façon de les faire accepter par les " moyens pauvres " (voir toujours le texte avec Denis).

Et pourtant il faudra mettre le paquet su Kyoto, en n’hésitant pas à culpabiliser les tenants du productivisme, ceux à qui nous devons déjà le sang contaminé, la vache folle, etc.

d) L’école

C’est le point sur lequel nous sommes attendus, dont nous pourrons, nous devrons, parler, et nous sommes les seuls à pouvoir le faire de façon crédible. J’ai été frappé d’apprendre (de la bouche d’un haut responsable de la FSU) que Monique Vuaillat votait Vert. Ainsi, non seulement Daniel Lebret est Vert, mais celle qui a donné l’image d’une profession enseignante crispée nous considère comme médiateurs possibles. Pourquoi ? Parce que nous incarnons la réforme de l’école (même si nous ne savons pas la préciser), dans le respect profond du service public et de ses serviteurs. Telle est la posture que nous devons mettre en avant, et Daniel devra jouer sur ce point un rôle clef.

e) Europe, mondialisation

C’est hors sujet ? On ne va pas rejouer les Européennes ? Ben si, justement. Après le fiasco de Nice, les questions : " Veut-on, oui ou non, plus d’Europe, pour mieux d’Europe ?", mais aussi " Dans la mondialisation libérale, combattons-nous l’aspect libéral ou l’aspect mondialisation ?" sont devenues des questions centrales de la politique française, au sens le plus profond. C’est-à-dire : " Agir localement, penser globalement / agir globalement, penser localement " (cf. mon intervention aux Egep). Et là encore nous sommes autant en désaccord avec Jospin qu’avec Chevènement et Krivine. Nous voulons être citoyens au niveau où se posent les vrais problèmes économiques, sociaux, environnementaux. C’est déjà l’Europe, ce sera de plus en plus la planète. " N’oublions pas le Sud, sinon la planète nous pètera à la gueule ", doit d’ailleurs être un des thèmes de la campagne.

Bref, il nous faut un candidat qui, comme Dany, sache se situer en citoyen de l’Europe et de la planète, mais, mieux que lui, sache critiquer l’Europe et la mondialisation réellement existantes et proposer une autre Europe, une autre mondialisation.

f) Les Sans Papier

Cette honte nationale, cette faute de la majorité plurielle, il faut en finir. Mais au delà, il faudra poser, avec mesure et fermeté, la vraie question : celle de la réouverture des frontières à l’immigration.

g) Et avec quels alliés ?

La question des alliances va être la plus difficile à gérer dans la campagne et surtout la pré-campagne (y compris chez les Verts). Je livre mon pronostic (pas mon désir !) : il n’y aura pas la proportionnelle en 2002, mais nous parviendrons à un accord de majorité plurielle, avec pas mal de circonscriptions réservées, et la proportionnelle " après " (cf. intervention de Jack Lang), et alors nous ne pourrons pas refuser, vis-à-vis de nos électeurs.

Ça ne change rien au contenu du message du candidat présidentiel (il incarnera, dans la période de la campagne, l’autonomie des Verts), mais il devra en tenir compte dans son rôle de " premier violon " ? quand 70 autres violons et flûtes seront candidat(e)s des Verts et du PS, et un demi millier d’autres instrumentistes seront candidat(e)s en concurrence avec le PS.

La capacité à concilier, dans la même phrase, et dans son histoire politique, " autonomie " et " partenariat " sera l’un des critères décisifs dans le choix du candidat(e).

Mais ce n’est pas tout. Il faudra également être très clair dans la dialectique " parti de mouvement /parti de gouvernement ". Nous voulons être au gouvernement parce que nous savons que la transformation sociale a besoin de se codifier dans les institutions. Mais nous savons aussi que l’on ne change pas la société par décret, qu’elle se change d’abord elle-même par ses luttes et ses débats (le cas " miraculeux " de 97-98 est exceptionnel, il traduisait un décalage transitoire et un effet-retard de 1995). Nous devrons donc parler aussi bien à ceux qui attendent de nous un discours constructif, voire constructiviste (l’électorat classe moyenne - Nouvel Obs - ex 2e gauche, etc.) qu’aux désespérés qui hésitent entre " voter : merde ! " (au mieux Arlette, au pire Le Pen), ne rien voter ? ou voter pour nous.

 III. ALORS, QUI ?

Il nous faut :

- un " premier violon " et pas un électron libre, sinon les militants pris dans 650 campagnes législatives passeront leur temps à s’arracher les cheveux à chaque déclaration intempestive ;

- un écologiste parfaitement imprégné de la culture du mouvement depuis les années 70, mais également d’une culture propositionnelle et institutionnelle, pour avancer et défendre des réponses concrètes, économiquement cohérentes, à des aspirations utopistes (car l’exercice d’une présidentielle, c’est d’être capable d’improviser une réponse satisfaisante à un e question non préparée) ;

- une personnalité connue pour sa défense permanente de l’autonomie de l’écologie politique, mais ouvert à l’alliance à gauche ? quand elle le mérite ;

- une personnalité connue pour sa participation aux mouvements sociaux de contestation, mais également capable d’en proposer la médiation institutionnelle.

Cet oiseau rare n’existe pas. Dominique s’en approchait au plus près, même si elle a dû, fonction oblige, donner d’elle-même depuis 4 ans une image avant tout institutionnelle et " majorité plurielle " (mais elle avait un an pour rééquilibrer cette image). Elle a refusé, et avec d’excellentes raisons.

À ce propos, une anecdote, pour en finir avec cette histoire de " pacte secret " entre Dominique et moi. Un jour de 1992, elle m’avait déclaré : " Il faut que tu y ailles en 1995, car je ne progresse pas assez vite, je ne serai pas prête. " Cette phrase n’a pas peu contribué à l’estime que j’ai pour elle. Considérer qu’être candidat ce n’est pas d’abord une gratification narcissique, mais d’abord une charge, une mission pour laquelle on a, ou on n’a pas, les qualifications, c’était tout elle. Et cela me suffisait pour souhaiter ardemment qu’elle joue à l’avenir un des tout premiers rôles. En outre, il me paraissait important que le candidat Vert de 1995 soit une femme (la bataille de la parité était à peine entamée, elle est loin d’être finie, mais ce genre de symbole n’a plus guère d’importance). Enfin, même si elle risquait de n’être effectivement pas prête en 1995, le meilleur moyen d’apprendre était justement ? de faire une campagne. Ce qui s’est passé. Je lui ai alors proposé un deal : " Non, tu fais 1995, et je fais 2002 ". Dans ma tête, cela signifiait surtout " je te fais le pressing maintenant, mais je ne te le ferai pas en 2002. Si tu ne veux pas y aller, j’irai ". Voilà pour ce qui ne fut guère plus qu’une plaisanterie d’après-meeting.

Mais en fait, j’avais déjà une idée en tête : la " vraie " candidature de Dominique, celle avec enjeux de pouvoir (pour disputer l’hégémonie non plus seulement culturelle mais politique à la social-démocratie, pour se poser en " première ministrable "), ce ne serait pas en 2002, mais plus tard dans le siècle, quand les Verts seraient un parti puissant, crédible, enraciné.

Je ne sais si Dominique a suivi le même raisonnement. En tout cas, elle donne la priorité à la refondation du parti, et elle a raison, et personne peut conduire cette tâche mieux qu’elle. Il y a d’ailleurs quantité d’autres raisons : elle doit regagner à Dôle son siège de députée (ce qui implique une campagne de terrain incompatible avec la présidentielle), etc.

Yves Cochet aura d’ailleurs le même problème. Il souhaite en outre finir la législature comme ministre, et il a toutes les compétences et l’entraînement pour " reprendre au vol " les dossiers de Dominique. Cela me paraît une solution très raisonnable à cette question (au point où l’on en est, perdre un député de plus pour quelques mois n’a plus d’importance).

Restent Marie Blandin, Noël Mamère, et moi. J’exclus l’idée d’une candidature symbolique du mouvement social, genre Piaget, et aujourd’hui José Bové. Je l’ai dit, il nous faut une candidature pédagogique des Verts, portant tous les thèmes de l’écologie politique, en articulation étroite avec les candidats législatifs.

Marie n’est pas candidate. Elle sait, comme Dominique, le coût physique et psychologique d’une campagne. Elle n’est pas spécialement attirée par les projecteurs des médias. Elle peut prétendre à un " destin national " qu’handicaperait un score qui la sous-évaluerait. Je pense qu’elle mérite plus que son rôle actuel. Elle devrait, à mon avis, reconsidérer son refus d’être notre première sénatrice ? en attendant d’entrer au gouvernement.

Noël. J’ai répondu à l’argument " Noël est très connu des médias, et ça calmera la guerre des chefs : prononçons-nous tout de suite pour lui !", que dans ce cas, les Verts sont fichus. Oui, si les Verts en sont déjà à choisir la médiatisation avant le contenu, et les problèmes de gouvernance interne avant le positionnement vis-à-vis de la société, ils sont fichus.

L’argument de l’accès aux médias est d’ailleurs hors sujet. Faut-il rappeler que la notoriété au moment du vote dépendra essentiellement de la campagne ? Et que, pour celle-ci, le CSA donnera, à la seconde près, le même temps à n’importe quel candidat Vert ? À ce sujet, remarque : l’expérience de 1995 montre qu’il faut éviter les apparitions médiatiques en début de campagne - été, automne, hiver - car elles sont décomptées à la fin !

Mon problème avec Noël n’est pas non plus celui du pouvoir chez les Verts (quoique ? cela jouera aussi, un peu), mais celui du contenu.

* Noël n’est pas encore un " vrai écologiste ". Tard venu aux Verts dans sa carrière politique complexe, il a une image " droits de l’homme ", ce qui est bien, mais pas de propositions ni de réalisations attachées à son nom (contrairement à Yves Piétrasanta, pour s’en tenir aux maires).

* Noël n’a jamais été capable d’ajuster le rapport autonomie/alliances. Il était sur la liste Tapie en 1994, a soutenu Jospin dès le premier tour en 1995 ; il a refusé la fusion à la veille de 1997, affaiblissant symboliquement le résultat des Verts. Puis il passe de l’autre côté du cheval : l’encre était à peine sèche des décisions de l’AG de Toulouse qu’il proposait de sortir du gouvernement !

* Personne ne connaît au juste le degré d’attachement de Noël aux Verts. Il n’a pas hésité à " tirer " sur notre ministre pendant l’affaire Erika. Il présente dans la presse sa candidature comme " celle d’un homme libre ", alors que le candidat présidentiel devra être finement articulé aux candidats législatifs, etc.

On me dira : " Mais Dany ? " Dany est une figure historique avant d’être médiatique. Dany était écologiste et Vert avant la plupart d’entre nous. Dany jouait les électrons libres (et sa cote a baissé d’août 1998 à janvier 1999), puis il s’estinsérédans une équipe polyphonique, et la cote de notreliste a remonté.

Mais soyons clairs. Si Noël est choisi, alors il faut qu’il soit au plus près de notre " candidat idéal ". Et la meilleure façon pour qu’il le soit, c’est une vraie campagne interne qui l’oblige à " apprendre " (en lisant ce texte, déjà !), à " donner des gages ". Etcertainement pas lui dire : " Tu passes dans les médias, tu dis ce que tu veux, et tu fiches la paix à Dominique pour le secrétariat ".

Reste moi. Ça ne me réjouit pas. Mon texte s’en ressent peut-être, dans sa façon de souligner : c’est 9 mois, et après basta ! Peut-être qu’il faudra assumer un peu de service après-vente. Mais je n’ai pas d’ambition de pouvoir au sein des Verts (tout le monde le sait très bien) : j’ai d’autres "niches " pour satisfaire mon ego. À vous de décider si mon profil se rapproche assez du candidat idéal. Mais il faut encore répondre à l’argument de la guerre des courants.

Il est essentiel que ma candidature ne soit pas celle des " Ouverts ", mais une candidature pour tous les Verts. Je serai évidemment enchanté que le maximum d’entre vous se prononcent, à titre personnel, pour moi. Mais je crois que ce débat doit être l’occasion d’une redéfinition des courants chez les Verts, une redéfinition fondée sur le contenu. Et pourquoi pas une refondation de l’unité des Verts ? L’idéal serait que des gens de tous les courants se dispersent sur les différents candidats, puis se rassemblent. Et que les candidats s’engagent solennellement à travailler ensemble dès l’investiture acquise. Pourquoi pas en désignant à l’avance le directeur de campagne, qui resterait neutre ? Jean-Luc, serais-tu intéressé ? Tu ne peux pas prendre parti, tant que tu es secrétaire national, et le CES te laissera quelques loisirs après ?

Bises à tous !




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