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7 juin 2000

Coordination de la fiscalité directe et vote à la majorité qualifiée
Position du Groupe sur la coordination de la fiscalité directe et le vote à la majorité qualifiée
Texte adopté par le groupe le 7 juin 2000
Pierre Jonckheer, Alain Lipietz, Gorka Knörr avec la collaboration de Joachim Denkinger.

1. L’objectif du débat que le Groupe doit avoir sur la fiscalité directe peut se concentrer, dans un premier temps, sur les domaines où la majorité qualifiée au Conseil est souhaitable.

Si un consensus existe entre nous pour le vote à la MQ en matière de fiscalité environnementale, il faut vérifier l’existence d’un accord sur la question de la fiscalité directe sur les revenus de l’épargne et en matière d’impôts des sociétés (Dans le cadre de la CIG, la question est une nouvelle fois posée - après Amsterdam - de l’extension du vote à la majorité qualifiée et de la co-décision pour certaines matières fiscales. Pour rappel, en l’état actuel des Traités, l’art. 93 (TVA et accises) et l’art. 94 (rapprochement des législations) ainsi que l’art. 175 (fiscalité environnementale) exigent l’unanimité an Conseil. Le résultat concret de cette situation - qui n’est certes pas uniquement imputable à cette règle - est que 15 ans après la relance de la législation européenne pour " unifier " le marché intérieur, aucune proposition législative en matière fiscale à visée régulatrice n’a été adoptée.). Nous n’abordons pas ici non plus la question de la TVA et accises, ni la question des aides d’Etat comprenant des régimes fiscaux spécifiques.

Nous ne devons pas faire de cette question un débat d’idées à priori sur la nature du futur de l’Union ; Notre réflexion et nos propositions doivent partir du constat de la situation actuelle -qui est une situation de blocage- et de l’identification des besoins en fonction de nos objectifs.

 Bref état de la situation

2. Afin d’éviter tout malentendu, il convient d’abord de préciser la portée limitée des propositions de la Commission actuellement sur la table (Une description détaillée de la situation et des propositions se trouve sur le site WEB europa/scadplus/leg et dans " les fiches techniques " du Parlement (3.4.5 à 3.4.9).

L’approche de la Commission est liée, comme souvent, à la libre circulation des personnes et des capitaux et à la lutte contre la concurrence fiscale "dommageable " entre Etats à la fois du point de vue de la localisation d’investissements au sein de l’UE comme du point de vue des placements financiers (résidents/non-résidents).

L’intention n’est donc pas d’interférer directement sur l’ensemble des systèmes fiscaux nationaux ni sur la fonction redistributive de la fiscalité, ni de revendiquer une uniformité des taux et moins encore de favoriser une augmentation de la fiscalité globale.

3. En décembre 97, le Conseil Ecofin s’est enfin mis d’accord (à l’unanimité) sur le constat que la taxation du facteur "capital" est en baisse et celle du facteur travail augmente provoquant une surcharge de ce dernier nuisant à l’emploi et que la situation présente nuit aux recettes des Etats par l’évasion et la fraude fiscale qu’elle permet et favorise également des délocalisations d’entreprises à l’intérieur de l’Union.

Dans la foulée, un accord s’est fait pour demander à la Commission une proposition de directive formulant des actions contre la non-taxation des revenus de l’épargne des particuliers " non-résidents " et sur un " code de conduite " évitant la compétition dommageable entre les Etats membres en matière de taxation des entreprises. Une étude a été commissionnée avec le but d’énumérer toutes les dispositions fiscales existantes en matière d’impôt des sociétés (ISOC) " dommageables " fiscalement (Groupe Primarolo).

Malgré cet accord de principe, plus de deux ans après, le Conseil n’a toujours pas abouti et le Conseil européen d’Helsinki a dû enregistrer l’échec. Parallèlement, la proposition de la Commission en matière de taxe énergie est elle aussi également bloquée.

A notre sens, ce blocage, facilité par la règle de l’unanimité, est une illustration de choix politiques bien connus qui consistent sur le plan européen à privilégier l’intégration européenne par la déréglementation des marchés nationaux (" intégration négative ") sans élaborer, en contrepartie, une régulation européenne (" intégration positive ").

 CIG et passage à la MQ

4. Les modes d’intervention communautaires en termes de régulation sont traditionnellement classés en trois catégories : la coordination des législations, l’adoption de normes (minimales) et l’harmonisation des règles. En matière fiscale, des exemples existent dans les trois catégories.

Les négociations actuelles au sein de la CIG font paraître à ce stade que plusieurs gouvernements sont opposés à tout passage à la majorité qualifiée. Dans ces conditions, l’option de la " coopération renforcée " en matière fiscale sera présentée comme la porte de sortie permettant de ratifier la CIG malgré l’échec sur ce point.

Si la coopération renforcée peut être utile pour la taxe énergie à condition qu’elle couvre un nombre de pays suffisants, nous restons toutefois très sceptiques sur la praticabilité de cette option pour la fiscalité directe sur les facteurs les plus mobiles - non seulement au vu des conditions concrètes imposées par l’article 11 (CE) et qu’il faudrait modifier - mais aussi parce que la concurrence fiscale entre États membres sera rendue plus visible entre les " ins " et les " outs " de la coopération . La coopération renforcée serait sans doute suffisante pour l’écotaxe énergie, mais à peine utile pour la taxation des revenus du capital.

5. La Commission, quant à elle, propose dans le cadre de la CIG d’introduire le vote à la majorité qualifiée pour certains aspects liés au Marché unique et pour les mesures fiscales qui ont pour principal objectif de protéger l’environnement (COM(2000)114).

Les mesures pour lesquelles un vote à la majorité qualifiée (en liaison avec Art. 251 (co-décision)) est envisagé se limitent à une législation qui n’envisage pas une harmonisation des taxes mais - au maximum - une coordination ou la fixation d’un taux minimal.

En plus, la définition donnée de la part de la Commission sur la taxation "liée au Marché unique" n’est ni claire ni exhaustive. Dans la domaine de la taxation des entreprises, seule la "compétition dommageable", comme définie par le Conseil pour le groupe Primarolo, est l’objet de préoccupations ("Tax measures which provide for a significanatly lower effective level of taxation than those levels generally applied in the Member State"). Cette disposition ne formerait pas un "plancher" contre la concurrence fiscale, ni contre l’érosion de la base fiscale des États Membres.

6. Du point de vue des Verts/ALE, notre position minimale pourrait se formuler ainsi :

A. Compte tenu de l’intégration des marchés et de la mobilité des capitaux et des entreprises, la subsidiarité, telle que définie par le Traité, impose que des règles européennes soient fixées en matière fiscale. C’est une condition pour respecter l’existence des systèmes nationaux différents au sein de l’Union.

Ces règles pourraient être inspirées par le principe suivant : il est inutile d’harmoniser les taxes portant sur ce qui est peu mobile(le foncier, l’habitat, etc) : chaque pays voire chaque région choisit le niveau de socialisation et de redistribution désiré par ses résidents. Ce qui est très mobile (le capital financier) doit être taxé de la même manière dans tous les pays de l’Union.

B. La fiscalité est un instrument au service d’objectifs de développement durable, tant dans sa dimension environnementale que sociale. Aux prélèvements obligatoires correspondent la production de biens publics comme la santé, la justice ou l’éducation. En soi, la comparaison de la hauteur des niveaux globaux des prélèvements n’a pas de sens.

C. Les verts sont favorables à une rééquilibrage et une modification de la structure des recettes fiscales qui détaxe le travail et taxe davantage les revenus du capital et l’utilisation des ressources non renouvelables.

D. La situation actuelle en matière de fiscalité sur les revenus de l’épargne est inacceptable du point de vue de la citoyenneté. La différenciation entre résidents et non-résidents au sein même des nationaux de l’UE doit être supprimée. Le secret bancaire ne peut être un obstacle à la légalité de la taxation. L’existence de paradis fiscaux à l’intérieur même de l’Union ainsi que dans les territoires dépendants ou associés et les territoires pour lesquels l’article 299.4 du Traité est applicable doit être supprimée. La prise en considération des territoires dépendants ou associés doit être une condition pour aborder le secret bancaire et la taxation.

E. Nous soutenons le projet de taux minimaux harmonisés en matière de revenus de l’épargne et d’ISOC en vue d’aboutir à un régime fiscal qui évitera que les États Membres recourent au dumping fiscal (par exemple dans le domaine de la taxation des entreprises). Au vu de la situation actuelle de blocage au Conseil et en prévision de l’élargissement de l’Union, le passage à la MQ (et donc à la co-décision pour le PE) est indispensable et constitue un élément crucial de l’évaluation que nous ferons des résultats de la CIG .


Voir la présentation de la situation.




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