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par Alain Lipietz | 11 janvier 2016 Pourquoi je soutiens l’initiative pour une primaire des Gauches et des écologistes Inutile de revenir sur tout ce que le texte d’appel a très bien écrit. Nos société est malade, déchirée par les inégalités, le chômage, et l’appauvrissement du débat intellectuel, par la peur du nouveau, de l’Europe , de la mondialisation, par la peur de l’Autre. La conscience de la crise écologique mondiale, loin d’appeler à un nouvel élan collectif pour sauver l’Humanité et la Planète, n’a fait que renforcer la crainte des lendemains. Il nous faut un renouveau, pas un retour en arrière, aux années 1930. Il faut en finir avec la politique des postes et des petites phrases, réinventer la politique des contenus et du débat, et les initiateurs de l’appel sont ceux –là même qui ont entretenu ces dernières années l’exigence de ce débat, de la « deuxième gauche » à l’altermondialisme en passant par l’écologie politique. L’appel n’ignore pas l’effet délétère des institutions de la Ve république, cette monarchie élective non compensée par un pouvoir législatif fort, une décentralisation réelle. Il prend acte du rôle-clef de l’élection présidentielle, mais le contrebalance aussitôt en fondant la victoire espérée sur un immense mouvement de débat public, l’élaboration collective d’un nouveau pacte social, de formes de contrôle de l’élu(e), des élu(e)s. J’y crois, et je sais qu’il est inutile d’espérer pour entreprendre. Je voudrais simplement – et ici je m’adresse à mes amis écologistes ou alternatifs – creuser un point de tactique. J’ai toujours été pour l’autonomie de l’alternative écologiste au premier tour des élections uninominales. Renoncer à présenter un candidat écologiste, n’était-ce pas abandonner une tribune décisive pour avancer des idées essentielles ? Je n’ai pas oublié le rôle fondateur des quelques centaines de milliers de voix récoltées par René Dumont en 1974, ni la campagne de Dominique Voynet en 1995, qui a quasiment fixé l’agenda de ce que seraient, deux ans plus tard, les plus grandes conquêtes de la « majorité plurielle ». Mais voilà. Le premier tour de la présidentielle, et sans doute depuis 2002, et sans doute pour longtemps encore, ne peut plus servir à ça. Longtemps, le scrutin à deux tours de l’élection présidentielle a balisé un système politique à quatre partis, deux dans chaque camp. Le premier tour servait à désigner l’option la plus crédible au sein de chaque camp. Nous avons vu ainsi le PS supplanter progressivement le PCF, et à droite l’alternance entre les dirigistes héritiers du gaullisme et les libéraux-démocrates. À cette occasion se révélaient aussi, sans risque majeur, les nouvelles figures, les nouvelles forces politiques. Et c’est sur la scène de cette « première partie » que l’écologie politique a pu d’abord se glisser, se faire entendre, s’expliquer, proposer. C’est fini. La quasi certitude que l’extrême droite sera au second tour a stérilisé ce second tour, car alors toutes les démocrates, de droite ou de gauche, écologistes ou productivistes, sont obligés de voter pour « l’autre candidat ». Dès lors, la vraie élection, entre coalitions de droite et de gauche, se passe au premier tour. Et donc il n’y a plus de « première partie », ce débat entre les diverses options au sein de chaque camp qui permettait la définition de coalitions nouvelles. Alors, que faire quand il ne reste qu’un seul tour ? Les Américains, face à cette même contrainte institutionnelle qui stérilisait chez eux le débat politique, il y a un siècle, ont inventé un tour de plus : un « avant-tour » non institutionnel, pré-électoral, les primaires. Regardez les élection américaines : c’est dans les primaires que chaque parti s’enfonce ou non dans un extrémisme inéligible, invente ou non des coalitions nouvelles, majoritaires. Certes, il reste les élections à la proportionnelle. C’est là qu’en France peut encore se réaliser un glissement d’une force à l’autre, d’une sensibilité à l’autre au sein de chaque coalition, sans prendre le risque du pire. C’est là qu’a pu émerger, en 2009, une force politique nouvelle, Europe-Écologie, détrônant presque l’ancien parti dominant à gauche, le Parti socialiste. C’est là que les citoyens ont signifié, quelques années plus tard, leur déception rageuse à l’égard de la valse effarante d’ambitions prédatrices et de vanités satisfaites des dirigeants de EELV. Un Podemos à la française, du centre gauche rénovateur à l’extrême gauche contestataire ? Nous l’avons eu, et il s’est autodétruit. Ce rêve renaitra-t-il un jour ? Je l’espère, mais je n’y crois pas d’ici 2017. La solution d’une primaire des gauches et des écologistes, où chacun, chacune « ayant quelque chose à dire » pourra s’exprimer devant un public citoyen qu’il ou elle n’aurait sans doute jamais atteint par le maigre prestige de son parti ou sous-courant, semble aujourd’hui la seule solution raisonnable. Qui préparera peut-être de nouveaux rebondissements. Alain Lipietz |
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