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31 octobre 2002

Politis n°723
Nous sommes des réformistes radicaux
Le député européen Vert Alain Lipietz, autrefois proche de Dominique Voynet, a participé, avec des écologistes plus radicaux représentés par la députée parisienne Martine Billard, et des “Verts historiques ” comme Marie-Christine Blandin, à la rédaction de la motion “ Désir de Vert, pour un monde solidaire ”. À six semaines du congrès de Nantes, il en analyse les enjeux pour les Verts.

Malgré un nombre de voix honorable à la présidentielle et aux législatives, certains dirigeants historiques prennent du recul et les Verts sont en crise et subissent l’échec de la gauche…

Je ne suis pas si pessimiste. Les Verts traversent une phase de découragement, ils ne sont pas les seuls ! Mais nous ne sommes pas désorientés, nous savons ce que nous avons à faire. Et ce n’est pas le départ de Dominique du secrétariat national, ou le retrait de son prédécesseur Jean-Luc Bennahmias qui nous mettront en crise. Nous avons toujours valorisé la rotation aux postes de responsabilité. Pour ma part, je ne revendique pas de poste à la direction du parti. C’est cohérent avec le refus du cumul des mandats que nous prônons.

Par ailleurs, le bilan des élections n’est pas si positif. Nous espérions, et Noël Mamère le premier, nettement mieux que 5 % à la présidentielle, et en tout cas nous n’imaginions pas être derrière Arlette Laguillier et talonnés par Olivier Besancenot. Aux législatives, il est dur de constater que contrairement à 1993, les Verts n’ont pas tiré profit d’un recul des socialistes. Ils nous ont entraîné dans leur chute.

Si nous voulons reprendre notre progression, il faut comprendre comment c’est arrivé. Il y a des raisons internes : nous avons montré à nos sympathisants, ces derniers temps, une image déplorable de manque de loyauté et de convivialité entre nous, à l’opposé de notre éthique. Ensuite, des raisons externes : la stratégie d’alliance critique à gauche ne nous a profité que jusqu’aux élections locales d’avril 2001. Après, il y a eu un décrochage, dans l’opinion publique. Nous ne sommes pas apparus suffisamment autonomes d’une gauche enlisée dans le libéralisme.

Les Verts peuvent-ils échapper, cette fois-ci, à une réforme profonde de leur fonctionnement ?

Cette réforme conditionne tout le reste. La dégradation de notre position par rapport au PS coïncide avec l’apparition chez nous d’une mini-couche de dirigeants parvenus dans les “ hautes sphères ”, détenteurs d’un “ savoir ” et méprisants envers la base. Ce qui, en retour, a nourri rancœur et méfiance. Il faut desserrer ces nœuds : la base doit comprendre ce qu’est la douleur d’avoir à assumer la responsabilité des compromis, et les dirigeants, en retour, doivent porter l’expérience et les aspirations de la base.

Sur quels thèmes les Verts devraient-ils s’investir, aujourd’hui ?

Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont ceux de la planète (climat, OGM, santé, guerres nord-sud…) et ceux de toute la gauche. Nous devons défendre les 35 heures, en faisant en sorte qu’elles bénéficient à la grande majorité des travailleurs, les services publics, question que nous n’avons pas bien abordé, le “ tiers secteur ”, sur lequel nous n’avons pas su créer un véritable mouvement social, construire une Europe-bouclier contre la mondialisation libérale, etc.

Souhaitez-vous que les écologistes renouent avec un certain radicalisme ?

Nous sommes des “ réformistes radicaux ”, et nous n’entendons pas gagner l’AG par une surenchère de radicalisme abstrait. Nous devrions vivre un congrès beaucoup plus apaisé qu’à Toulouse, où les psychodrames avaient duré jusqu’à l’ultime minute, pour n’aboutir qu’à des alliances de façades. Cette fois-ci, nous aurons l’occasion de prendre le temps d’aller au fond des questions pour aboutir à des consensus.

Il faudra notamment que nous revenions avec lucidité sur l’erreur qui a consisté, pour la direction du parti, à privilégier le champ de la conduite des politiques publiques plutôt que l’écoute et la recherche de l’appui des mouvements sociaux, au sein desquels nous sommes présents, mais dont nous n’avons rien fait. Nous allons sûrement nous retrouver davantage au c½ur des mobilisation.

Mais nous sommes pas libérés des contraintes de la gestion par une cure d’opposition : nous avons des élus au Parlement européen, dans les conseils régionaux, les mairies, notamment à Paris, où il faut continuer à expérimenter de nouvelles politiques. Nous avons également beaucoup appris, en cinq ans de participation gouvernementale, il faut valoriser cette expérience.

Une révision de notre rapport à la gauche s’impose également, et surtout avec PS, dans la perspective de futurs contrats. Notamment, nous n’avons pas su ouvrir une crise quand le PS a piétiné le contrat commun. La prochaine fois, il faudra que nous soyons beaucoup mieux préparés et plus forts.

Il faudra donc nouer des alliances avec des forces plus progressistes que les socialistes. Ce n’est pas forcément “ à gauche de la gauche ” — je vois mal se dessiner une force politique allant de Taubira à Laguillier… —, mais plutôt ce que j’appellerais un “ réseau de convergence solidaire”. En premier lieu avec les mouvements sociaux proches de notre sensibilité — typiquement ceux qui nous accompagnés lors du processus des États généraux de l’écologie politique, qui n’a pas été mené à terme. Ainsi que, sur certaines thématiques seulement s’il le faut, avec les mouvements ou partis politiques — Attac, la LCR, certains courants du PS, etc. — désireux de lutter contre le productivisme, le libéralisme, le machisme, etc. À terme, nous devons ambitionner d’être au centre d’une mouvance politique et sociale de poids équivalent à celui du PS.

Propos recueillis par Patrick Piro




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