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par Alain Lipietz | 27 décembre 2004

L’affaire des passeports biométriques : un parfait exemple des avantages du Traité constitutionnel.
Lors de la session du 1er décembre 2004 le Parlement a adopté, en consultation et sous la vive pression du Conseil, le rapport Coelho sur les futurs passeports européens. Au dernier moment, le Conseil avait pourtant fait rajouter des empruntes digitales numérisées à la puce électronique qui sera incluse dans le passeport, traitant ainsi 460 millions d’Européens en criminels potentiels.

Le Groupe verts/ALE a voté contre et publié un communiqué vengeur.

Le Conseil a ainsi pu adopter sa directive le 13 décembre.

Cette affaire a donné lieu avait donné lieu à une intense campagne de lobbying des organisations de défense des droits civils, dont Statewatch, regroupées dans European Digital Civil Rights-(Voir le texte d’EDRI)du 26 novembre, suivi d’un commentaire désabusé le 14 décembre).

Sur la foi de ce commentaire, un militant Vert, sur une liste internet de débats internes, a attaqué les eurodéputés Verts pour avoir laissé passer ce texte. Suite à mes protestations, le militant a présenté ses excuses, ce qui est tout à fait méritoire. Il a justifié sa précipitation en m’expliquant :
« Je suis contrarié d’une manière générale par l’approche que toi et les autres députés verts au parlement européen avez du TCE, comme je l’avais dit aux journées d’été, c’était à se demander si nous avions lu le même texte. Et je réagis souvent trop rapidement. Je continue à penser que voter oui à ce texte est un recul pour la démocratie alors qu’il y a tant à faire pour la promouvoir »

Cet incident est si caractéristique de la forme et de la substance des débats sur le TCE que je ne résiste pas à l’envie de reproduire ici des extraits de la réponse circonstanciée que je lui ai faite.

« Apparemment, tu projettes sur la totalité du comportement des députés verts un désaccord que tu as sur le TCE. Ce n’est pas raisonnable et pour de multiples raisons.

Mais, comme tu vas le voir, dans ce cas particulier, c’est particulièrement déraisonnable, car, comme le soulignent les textes d’EDRI que tu cites, avec le Traité instituant une Constitution, le Parlement aurait pu s’opposer à la mesure que tu dénonces, alors que dans le cadre du traité actuel il n’en a pas les moyens.

Donc le cas que tu dénonces est le parfait exemple des progrès démocratiques que tu dis souhaiter et qu’apporterait justement le TCE !!!
- D’une façon générale, on peut être pour la Constitution et contre le flicage généralisé.
- Tu dis que tu n’avais pas lu « le même texte que nous aux journées d’été ». Chapeau !! À ma connaissance, le texte du TCE en français n’a été connu qu’en septembre. Nous en avions nous une idée assez précise parce que d’abord nous avions très bien suivi l’état du texte jusqu’en 2003 (puisque des Verts participaient à la Convention), ensuite parce que les collaborateurs du groupe Vert sont bien renseignés sur les travaux du Conseil. Mais par exemple ce n’est qu’en septembre que j’ai repéré que l’exception culturelle avait non seulement été sauvegardée mais étendue aux services sanitaires et sociaux et à l’éducation, ce qui nous met à l’abri de l’AGCS.
- De toute façon, pour choisir entre le Oui et le Non, il ne faut pas lire seulement ce texte mais relire celui que tu choisirais en votant Non, c’est-à-dire l’actuel traité (que nous, eurodéputés Verts, subissons tous le jours).

Je suppose en effet que tu votes "Non" car tu dis que le passage au TCE constituerait un "recul".

Tu ne dis pas que tu trouves le traité de Nice "aussi pire" que le TCE. D’ailleurs, quand on trouve que deux votes sont aussi mauvais l’un que l’autre, on appelle au vote blanc ou au boycott, on n’appelle pas à voter pour l’un plutôt que pour l’autre. Tous les communistes, troskistes et autres « gauche de la gauche » ainsi que les mitterandistes-fabiusiens qui votent non sont pour une Europe intergouvernementaliste, et ils ont donc raison de préférer Nice, que certains d’entre eux ont d’ailleurs négocié et voté, donc de voter Non. Nous Verts qui sommes fédéralistes ne sommes pas obligés de les imiter !!

Mais toi tu fais partie de la catégorie rarissime qui trouve que le TCE constitue "un recul pour la démocratie alors qu’il y a tant à faire pour la promouvoir." C’est-à-dire que tu considères que Nice est une avancée par rapport au TCE.

Nous, eurodéputés Verts, considérons au contraire que en rester à Nice constituerait un recul par rapport à l’adoption du TCE, du point de vue de la démocratie (mais nous sommes d’accord qu’il restera même si le Oui l’emporte "beaucoup à promouvoir" !).
- Je suis d’autant plus surpris que tu sembles pencher pour le non, puisque le texte web d’EDRI que tu cites, en anglais il est vrai, critique explicitement la Constitution actuelle , celle du traité de Maastrich-Nice.

Je traduis :
"Les gouvernements des États membres bradent les droits fondamentaux de leurs citoyens à la vie privée, contre la promesse d’une sécurité illusoire.... En soumettant le parlement européen à un chantage pour faire passer ce texte sans délais de débat suffisant, le Conseil a exploité à l’extrême les déficits démocratiques de l’Europe."
Donc :
- le texte de EDRI que tu cites accuse le traité que tu préfères de "déficits démocratiques extrêmes",
- Ces déficits portent sur les pouvoirs insuffisants du Parlement européen face aux gouvernements (le Conseil),
- plus précisément, ce manque de pouvoir permettait un "chantage".
Les détails de ce chantage sont donné par un texte de Statewatch cité en note 1 du texte d’EDRI du 26 novembre,
Statewatch est l’une des ONG fédérée dans Edri.
- Or ce texte établit clairement que ce chantage n’existerait plus dans le projet de TCE.

De quoi s’agit-il ?
Actuellement, tout ce qui relève de la police, des libertés et de la justice (ce qu’on appelle le « second pilier », la JAI) relève du seul pouvoir du Conseil, c’est à dire de l’assemblée des gouvernements. Le contrôle aux frontières et le droit d’asile (en fait le principal mobile derrière cette histoire d’empreintes digitales numérisées dans les passeports) en relèvent, et donc, sur ce sujet, le Parlement est seulement consulté.

Selon le TCE, tout le second pilier basculerait en codécision (c’est à dire que le Parlement disposerait du pouvoir de « codécision » avec deux niveaux de lecture et amendements et le droit de veto en troisième lecture).

Mais le traité actuel précise (depuis Amsterdam, il y a 7 ans) que, à l’unanimité du Conseil, les gouvernements peuvent faire passer au régime de la codécision certains articles (dont la liste, limitative, est précisée). Cela s’appelle une « clause passerelle », c’est un moyen de faire évoluer les traités en douceur. Le TCE lui-même comprend de multiples passerelles qui permettent son évolution ultérieure.

Le « chantage » dénoncé était le suivant. Le Conseil, ayant décidé de faire passer le contrôle du droit d’asile en codécision, en vertu de cette clause passerelle d’Amsterdam et sans attendre l’adoption du TCE, avait dit au Parlement que cette dévolution ne serait effective que s’il votait (en simple consultation) l’introduction des empreints digitales numérisées dans les passeports en procédure d’urgence !!

Bref, les gouvernements ont dit au parlement : « Avant de vous confier une partie du contrôle des libertés , on veut être sûr que vous êtes bien sécuritaires ! »

Si le TCE avait été déjà adopté, ce chantage aurait été impossible puisque, ce pouvoir, le parlement l’aurait déjà !

Voici comment le texte de Statewatch décrit ce que serait la situation dans ce domaine avant et après l’usage de la clause passerelle et donc dans tous les chapitres relevant des questions de liberté, police et justice avant et après l’éventuelle adoption du TCE (ma traduction suit)
« The new powers of co-decision would cover the exact legal basis (Article 62.2.a) under which the introduction biometric passports are being proposed. If the new powers for the parliament were to be agreed (...)then the parliament could seek to substantially amend the proposal and the Council would have to sit down and negotiate with the parliament.
Under the existing procedure, "consultation", the views of the parliament are simply ignored by the Council. The adoption of the report on biometric passports by the European Parliament under the "consultation" procedure is thus a routine legal step that has to be completed before the Council can go ahead and adopt the measure formally. »

Je traduis :
« Les nouveaux pouvoirs de codécision couvriraient la base légale exacte selon laquelle on nous propose l’introduction des passeports biométriques. Si les nouveaux pouvoirs du Parlement devaient être acceptés, alors le Parlement pourrait chercher à amender substantiellement la proposition de loi et le Conseil devrait s’asseoir à la table des négociations avec lui... Selon l’actuelle procédure, la « consultation », l’opinion du Parlement est simplement ignorée par le Conseil. L’adoption en consultation du rapport sur les passeports biométriques par le Parlement européen est donc seulement une étape de la procédure de routine qui doit être respectée pour que le Conseil puisse avancer et adopter la mesure formellement »

Conclusion :
Non seulement les députés verts avaient bien voté et protesté contre le flicage informatique, mais les propres textes d’EDRI et Statewatch expliquaient par A+B la différence essentielle et la supériorité, en tout cas du point de vue des droits fondamentaux, du Traité Constitutionnel sur les traités actuels. Tout ce qui concerne les libertés, Europol, la Justice, passerait (e j’espère passera) sous le contrôle du Parlement !
(L’explication était en anglais, il est vrai, mais l’anglais est depuis 1214 la langue des droits fondamentaux - quoique la Magna Carta et l’Habeas Corpus aient alors été ecrits en latin ;-) - et, depuis le XVIIe siècle, l’anglais est la langue de la démocratie).

Il est donc évident que pour les ONG Edri et Statewatch, ce cas des passeports biométriques était un argument de plus pour le Oui, et il était abusif de les mobiliser au service de la critique des vilains eurodéputés Verts qui, forts de leur expérience quotidienne, affirment que l’adoption du TCE serait un pas en avant, trop petit mais réel, de la démocratie. »




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