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par Alain Lipietz | 27 juillet 2013

Contre la résignation à l’échec.
Contribution au bilan, pour les Journées d’été d’Europe Écologie

 Contre la résignation à l’échec.

Contribution au bilan, pour les Journées d’été
d’Europe Écologie

L’intervention de François Hollande, le 14 juillet, marque la fin d’un cycle et sans doute une défaite (que nous espérons provisoire) dans la crise mondiale.

Fin de cycle : ses nouvelles priorités marquent l’épuisement désormais total de la social-démocratie. « Nous avons besoin d’abord d’un sérieux budgétaire. Je veux une France souveraine. Donc, nous réduisons les déficits. Mais nous les réduisons au rythme qui me parait le plus compatible avec la reprise économique. Deuxième axe de cette politique, la compétitivité des entreprises, parce que nous avons besoin de créations d’emplois, nous avons besoin d’entreprises performantes. Donc, tout ce que je fais avec le Premier ministre, c’est d’alléger le coût du travail, de simplifier les normes, de favoriser l’investissement, de trouver une fiscalité qui soit la plus adaptée à l’économie de demain. »

Ce programme ne marque plus aucune différence avec le discours de la droite libérale. Souvenons-nous des années 1997-2000 : avec les 35 heures, la fermeture immédiate de Superphénix, le transfert des cotisations-maladie sur la CSG, les 350000 emplois jeunes, la « majorité plurielle » avait nettement marqué ses distances d’avec le libéral-productivisme. La brève référence du 14 juillet 2013 à la « transition énergétique » au même plan que la fibre optique n’est plus qu’un gadget moderniste très en deçà de ce que réalise un capitalisme fier et dominateur comme celui d’Angela Merkel. Les valeurs et projets phares du socialisme ont disparu du PS (conquête du temps libre, socialisation de la couverture des besoins fondamentaux, économie orientée par les besoins), les valeurs et projets de l’écologie politique ne les ont pas remplacés.

Contrairement aux deux premières années de l’Union de la Gauche de 1981, ou de la majorité plurielle de 1997, il n’y aura pas eu d’abord la tentative de faire quelque chose, puis un repli « réaliste » ou un manque de « second souffle ». Non, la victoire anti-sarkozyste « de Chirac à Poutou », pourtant cadrée par un accord législatif PS-EELV prévoyant par exemple une profonde réforme fiscale à la fois distributrice et écologiste, la fermeture de 6 réacteurs nucléaires, etc, n’a débouché sur quasiment rien, sauf en matière sociétale où le mariage pour toute-tes est venu parachever le Pacs de 98.

Qu’une majorité nouvelle ne fasse rien d’innovant et se contente de gérer selon le modèle établi, ce n’est pas très original. Ce qui est extrêmement grave, c’est que dans ce cas précis le « modèle établi » est en crise et que la majorité de 2012 était censé engager la France (et avec elle l’Europe) dans une certaine sortie de la crise.

 Une défaite peut-être historique.

Les économistes s’intéressant à l’histoire en longue période ont montré que l’économie passe par une succession de grands cycles, des « modèles de développement », séparés par de grandes crises qui ne sont pas de simple « fluctuations ». Ces économistes divergent sur les fondements (plutôt technologiques ou plutôt sociaux) de ces modèles, mais pas sur le fait qu’il existe des « tournants » (au cœur de la crise) où un pays doit saisir sa chance s’il ne veut pas être éliminé du prochain cycle, mais aussi que l’issue de ces « tournants » reste ouverte, n’est pas prédéterminée. Ainsi, Karl Polanyi expliquait au début des années 1940 que la guerre mondiale avait pour enjeux les trois sorties possibles de la crise du libéralisme « classique », ouverte en 1929 : fascisme, stalinisme ou social-démocratie. Mais tout n’était pas « ouvert » : il fallait dans les 3 cas en finir avec les excès du libéralisme.

Aujourd’hui, nous sommes face à une crise encore plus grave que celle des années 1930, en fait aussi grave que la crise de le Peste Noire qui a marqué la fin du Moyen Age dans l’Ancien monde, et aura tué plus de la moitié de la population de l’Eurasie et de l’Afrique du Nord.

La grande crise du début du XXIe siècle est une combinaison de trois crises :

  la crise du libéralisme mondialisé, et en cela elle se rapproche de la crise des années 30… sauf que cette fois elle couvre la totalité de la planète ;

  la crise écologique « alimentation – santé » (famines au sud, malbouffe au nord)

  la crise énergie-climat : à la fois pénurie tendancielle et risques certains des énergies non-renouvelables.

La sortie de cette triple crise n’est pas écrite, mais nous savons au moins qu’elle s’inscrira dans une « enveloppe des possibles ». Quelle que soit l’issue, elle exigera : moins de libéralisme (plus de planification et d’intervention publique… mais plus ou moins démocratique – et ce fut l’enjeu de la « rivalité » des 3 modèles des années 30), moins de productivisme et donc une mutation culturelle, mais aussi toute une dimension technique, à la fois énergétique et agronomique, et encore plus de coopération transnationale que les accords de Bretton Woods. Et d’abord, plus d’Europe et mieux d’Europe.

Nous savons aussi, pas seulement par l’expérience du passé, mais par les difficultés d’Obama (qui a un projet social) et de Merkel (qui a un projet technique) la violence et la puissance des intérêts en place (agro-industriels, pétroliers, nucléaires, etc.), la puissance et le dynamisme des « solutions autoritaires » (la Chine…), et aussi, hélas, les peurs populaires devant le changement, et leurs « compensations illusoires » : nationalisme, xénophobie, judéophobie ou islamophobie…

Ainsi, en France, la mobilisation compréhensible des chômeurs, salariés pauvres et d’une partie du syndicalisme depuis 2005 sur une base nationaliste anti-européenne a durablement exclu le Front de Gauche de « l’enveloppe des issues possibles », et ces forces manquent à une coalition pour une sortie progressiste dans notre pays. Comme l’avait génialement pressenti André Gorz dès les années soixante, « « La lutte des classes en Europe sera conditionnée par l’intégration économique européenne, quelque forme qu’elle prenne, et par les bouleversements dont les processus d’internationalisation de la production s’accompagneront sur tous les plans. Ainsi convient-il d’examiner quelles possibilités d’action s’en dégagent pour les classes laborieuses, en commençant par éliminer les développements qui dès à présent doivent être exclus : premièrement, le retour au protectionnisme national. »

Nous savons enfin que, dans une crise de cette ampleur, touts les retournements sont possibles dans le déroulement même de la crise. En 1936 la « solution sociale-démocrate » était au pouvoir dans plusieurs pays d’Europe et aux États-Unis, en 1940 fascisme et stalinisme alliés contrôlaient la quasi totalité du continent européen, en 1945 social-démocratie et stalinisme se partageaient le monde à Potsdam. Ces retournements furent l’enjeu de guerres civiles et de la seconde guerre mondiale, et même lorsqu’ils semblèrent résulter de victoires électorales ils ne produisirent leurs effets que par suite de puissants mouvements sociaux, notamment la première poussée social-démocrate des années 30, avec le New Deal aux USA et les Fronts Populaires en Scandinavie, en France et en Espagne.

Or de telles poussées n’ont accompagné ni la victoire d’Obama, ni celle de F. Hollande. Si donc nous avons l’impression que cette fois nous serons passé directement de la case Laval à la case Daladier sans passer par la case Léon Blum, gardons en tête que toute la faute n’en revient pas à François Hollande, et surtout, que les dés roulent encore.

Mais quand même ! Voici un Président français accueilli comme un sauveur par toute l’Europe du Sud (y compris Rajoy et Monti), qui attendait de lui qu’il prenne la tête d’une croisade contre l’austérité contre-productive, voici une Assemblée nationale et un Sénat élus sur un accord PS-EELV qui semblait reprendre le chemin de la sortie social-écologiste là où Jospin l’avait laissé… Merkel allait voir ce qu’elle allait voir !

On n’a rien vu. En acceptant dès la campagne électorale d’assumer le « retour dans les clous des 3% de déficit » dès 2013, puis en intégrant dans la constitution française la « règle d’or » de zéro déficit, le parti principal de la nouvelle majorité s’assignait une mission absurde, et il fallut que la Commission européenne l’informe avec compassion qu’elle n’attendait rien de tel de lui, qu’il pouvait bien attendre jusqu’à 2015… c’est à dire exactement ce qu’il aurait pu obtenir, d’après les économistes chiffrant la campagne Joly, si, au lieu d’austérité, il s’était lancé directement dans la transition écologique.

Aujourd’hui, toutes les administrations locales de France contrôlées par des alliances PS-EELV devraient être lancées dans la transition alimentaire, négociant la reconversion des campagnes alentour pour fournir de la nourriture bio à leurs cantines scolaires.

Aujourd’hui, l’économie sociale et solidaire devrait déjà bénéficier d’une loi cadre et de financement pérennes relançant massivement l’emploi dans les quartiers difficiles, au service de la qualité de la vie dans ces mêmes quartiers.

Aujourd’hui, la France devrait être couverte de chantiers d’isolation des bâtiments, de nouvelles lignes de bus, de tram ou de métro, de remise en état de ce que le libéralisme avait laissé se dégrader. L’emploi aurait redémarré à partir de ces secteurs, et même l’Allemagne, lancée en avant-garde dans la transition, serait fort aise de fournir une partie du matériel !

L’Allemagne a déjà fermé des réacteurs nucléaires même pas amortis, alors que le gouvernement français, élu sur la promesse d’en fermer six en 5 ans, discute surtout de la prolongation de la vie d’un parc nucléaire plus qu’inquiétant.

Finalement (c’est un comble !), la pause dans la descente aux enfers de l’Union Européenne et de la France sera venue de la déclaration du Président de la BCE, Mario Draghi, prêt à monétiser la dette des pays endettés… Déclaration qui, bien sûr, calme seulement le volet monétaire du contre-sens dans lequel la France s’est engouffrée, mais n’indique certes pas la triple réforme (repartage de la valeur ajoutée entre capital et travail, principalement sous la forme de temps libre, transition agro-alimentaire, transition énergétique) qui permettrait à l’Europe de prendre le leadership dans la sortie de la crise mondiale.

Effet papillon à l’envers : l’issue de la crise écologique mondiale est bloquée depuis Copenhague parce que l’Europe de Sarkozy-Merkel a renoncé au rôle d’avant – garde qui était le sien depuis Rio et Kyoto, l’Europe ne se sera pas réengagée dans cette voie parce que la France de Hollande ne se sera pas battue pour l’exiger, et Hollande n’avait aucune raison de le faire, du moment que la direction de son allié écologiste n’insistait pas… Du coup, la France, l’Europe et la Planète restent orientés plein gaz (de schistes) vers le mur. La seule limite prévisible serait que la Chine et les USA, frappés par une nouvelle catastrophe, et ayant rattrapé leur retard sur l’Europe dans le domaine des technologies propres, imposent au monde la transition énergétique. Mais puisque ni Katrina ni Fukushima n’auront suffi, faudra-t-il attendre l’effondrement du Barrage des Trois Gorges ?

Le plus probable reste actuellement la poursuite de la course à l’abîme, les plus forts se réservant les ressources d’une planète de plus en plus invivable. C’est à ce scénario du pire que nous ne nous résignons pas.

 La responsabilité propre de EELV.

Il y aurait quelque injustice à reprocher au PS de n’avoir pas fait, de ne pas être en train de faire, ce que l’on affirme depuis plus de vingt ans qu’il n’est pas capable de faire. Ne pas se résigner à la non-sortie de la crise (ou à la sortie par un mauvais coté), c’est d’abord ne pas se résigner à l’aphonie dans laquelle a sombré progressivement l’écologie politique en France, alors qu’en 2009 elle faisait jeu égal avec la social-démocratie et écrasait électoralement le Front de Gauche.

Il était parfaitement correct dans ces conditions de s’engager dans une alliance avec le Parti socialiste pour gouverner la France. Mais cela dans un but et un seul : engager les politiques publiques dans le Green Deal, la transition anti-libérale, alimentaire et énergétique qu’exigeait la situation. Et, complément indispensable : engager la bataille culturelle dans la société civile pour la mutation civilisationnelle correspondante (à la fois l’imaginaire, et la technique). L’organe de cette bataille culturelle avait été désigné, à défaut d’être bien pensé : la coopérative, pour « polliniser » la mutation à tous les niveaux du corps social, et pour commencer dans les quartiers les plus frappés par la crise.

Hélas ! Très vite, l’immense succès aux européennes de 2009 a été troqué contre la course aux places. Qu’il faille occuper des places, pour que se réalise ce qu’on a en tête, est une évidence. L’écœurement suscité par l’attitude publique et médiatique de la direction d’EELV, donnant l’impression de brader le contenu contre des places avec un parfait cynisme (mais, en politique, « l’impression » donnée fait partie de la réalité) a conduit bien des adhérents de la première heure et bien des sympathisants de 2009 à se replier vers l’adhésion stérile au Parti de Gauche, aux cotés du PCF, ou vers la pure bataille culturelle du mouvement Colibri. Hélas, pour une transition de telle ampleur, il faut oser entrer dans la salle des machines, mettre les mains dans le cambouis des politiques publiques.

Mais, dès les élections régionales qui ont suivi, et surtout lors des législatives, la course aux postes, au prestige, et pire, l’élimination de ceux qu’inquiétaient déjà les dérives, ou des mouvements sociaux jugés trop peu « contrôlables », a pris le pas sur la volonté de construire la coopérative. Celle-ci se retrouvait bientôt bardée de « statuts » alors que l’esprit de la coopérative, c’est la libre participation, soit ponctuelle soit plus contractuelle, à la bataille culturelle et politique commune. Les résultats s’en ressentirent immédiatement : EELV était de nouveau nettement distancé par le PS puis, à la suite d’une campagne présidentielle sabotée, carrément rejetée par les électeurs qui préférait l’original social-démocrate à la copie… ou alors la non-participation sans soutien du Front de Gauche.

C’est surtout dans la manière de se comporter dans la salle des machines, d’occuper son poste, que EELV a failli. Certes, toutes et tous les élus ont l’impression de se battre, d’arracher des amendements intéressants. Et c’est vrai. Malheureusement, l’effondrement de la réflexion sur la crise et sur les contenus des conversions qu’elle exigeait s’est traduit par la disparition de toute hiérarchie dans le classement des batailles à mener. Par exemple, l’oligarchie de EELV décida d’ignorer, malgré les appels de l’ONU (Ziegler, Olivier de Schutter), des intellectuels de l’écologie (M. Dufumier, MM. Robin, le Dr Belpomme, etc), malgré les chiffres astronomiques des victimes et des coûts sociaux, la gravité de la crise alimentation – santé, qui pourtant surdétermine toutes les autres. Incompétence ? Volonté de s’isoler des risques d’une écologie populaire et tiers-mondiste, pour se concentrer sur la base sociale bobo ? Crainte d’affronter des multinationales autrement puissantes (Monsanto) que la microscopique Areva ? Plutôt la crainte d’affronter… ceux que le PS avait refusé de combattre !

En réalité, la ligne imposée par la direction du parti lors de tous les débats importants semble avoir été déterminée par le souci de ne pas « perdre sa place » (voire de préparer les prochaines places, avec le résultat que l’on peut hélas prévoir) plutôt que de mener la bataille publiquement chaque fois qu’elle était justifiée par la gravité du sujet.

Ainsi, pour complaire aux exigences du PS, nos groupes parlementaires votèrent successivement contre le Mécanisme Européen de Stabilité et pour l’intégration dans la constitution du Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance (la « règle d’or »), alors que c’est exactement le contraire qu’il aurait fallu faire, comme les y engageait la Déclaration de Paris du Parti Vert Européen. Ils votèrent le « pacte de compétitivité » (le CICE) dont les effets sur la compétitivité seront dérisoires et qui n’avait pas même été évoqué dans par l’accord PS-EELV.

En fait, cet accord contenait pas mal de bonnes chose, mais l’incroyable laxisme (ou incompétence ?) des négociateurs finaux, qui ne prirent pas la peine de consulter ceux qui avaient négocié tout l’été, leur fit gober l’oubli de points essentiels, « oublis » qui rendaient problématique sa mise en œuvre. Il s’agissait alors, il s’agira ensuite, de montrer au partenaire qu’on ne lui ferait pas d’ennui une fois « en place ». D’ailleurs, même les bonnes choses de l’accord PS-EELV furent oubliées : on ne fait plus en haut lieu référence qu’aux « engagements du Président de la République ». Comme si la République était devenue purement présidentielle…

On pourrait sans doute dupliquer cette analyse dans certaines régions, en particulier en Ile de France où l’on voit des élus verts épouser les fantasmes mégalopolitains du Grand Paris à la Sarkozy, oubliant plus d’un quart de siècle de combats pour la régionalisation et le polycentrisme.

Or, il existe aussi, au sein du PS et des groupes parlementaires PS, une « demande de dissidence » par rapport à la ligne Hollande-Ayrault, qui attend du partenaire (nous !) qu’il lève l’étendard de la révolte et pose les problèmes de fond sur la place publique. Chez eux non plus, tous ne sont pas pour se résigner…

Mais le plus grave reste encore l’affaiblissement moral du parti de l’écologie politique, la baisse de sa « cote d’affection » dans l’opinion. On ne nous accuse plus seulement de « ne rien obtenir », mais de ne plus chercher qu’à « garder nos places ». Même notre crédit ultime (notre probité) est parti en fumée avec la défense ahurissante de Cahuzac par un de nos dirigeants, allant jusqu’à attaquer Mediapart pour avoir révélé l’affaire.

On objectera qu’il est simpliste d’opposer une « méchante direction » à une base saine, que les mécanismes de la soumission au PS descendent très profondément, jusqu’au petit cadre local préparant déjà sa place aux prochaines élections municipales… Faux. Prenons le cas du Conseil fédéral, dont la majorité absolue soutient pourtant la direction, y compris en avouant « qu’il faut en être pour pouvoir encore exister politiquement dans ce parti, être investi dans des élections futures ». Ce Conseil fédéral a su pourtant, à chaque fois que l’occasion lui en a été donnée, signifier son désaccord. Et bien entendu, le groupe dirigeant a fait comme si rien ne s’était passé. Ainsi, le Conseil fédéral a voté, contre l’appel de la représentante de la direction, pour l’inscription de l’Économie sociale et solidaire et de la transition alimentaire (nos deux plus constants points forts !) dans nos priorités gouvernementales. Il a voté, malgré l’appel de nos ministres, contre le TSCG. Il a voté, en mai, pour un « changement de cap ». Il parait que la direction prépare un tract popularisant cet appel à ne plus se résigner… pour la rentrée prochaine ! Un changement de cap urgent, ça peut bien attendre quelques mois.

 Pour une réforme intellectuelle et morale de EELV

Ne plus se résigner au renoncement à la sortie progressiste, écologiste et sociale de la crise actuelle, ne signifie donc pas simplement vilipender le PS, sortir du gouvernement, et rejoindre Mélenchon (dont on attend d’ailleurs le bilan : ce qu’il a gagné avec sa tactique, sur l’année écoulée). Soyons très clairs : si Hollande échoue, ce n’est pas ceux qui, à gauche, « auront su prendre leurs distances » (Mélenchon ou nous…) qui en profiteront, mais une droite extrême-droitisée, entre Copé et Le Pen. La majorité élue en 2012, qui comprend aussi le Front de Gauche et, partiellement et localement, le MoDem, c’est cette majorité – là qui a la tâche historique de redonner l’espoir d’une sortie de la crise. Ce n’est pas une « majorité de gauche – école ». Il n’y en aura pas d’autre, en cas de défaite, avant bien des années. C’est donc cette majorité – là qu’il faut redresser.

Et si nous pensons que le PS est incapable d’imposer au gouvernement le « changement de cap » nécessaire (en fait, le retour au bon cap, le cap promis par notre accord, celui qui nous engage vis-à-vis de nos électeurs), alors il revient entièrement à EELV de l’imposer. Et si nous ne l’avons pas fait jusqu’ici, c’est que nous n’en avions plus le ressort, intellectuel et moral.

EELV doit retrouver les fondamentaux de l’écologie politique : le rapport de la société à sa base matérielle naturelle et artificialisée, les fondements de la crise dans les rapports viciés entre l’humanité et la planète dont elle tire sa nourriture et son énergie, rapports viciés par des rapports sociaux internes à l’humanité elle-même. Elle doit réapprendre à en débattre, l’expliquer, et se battre pour un modèle de développement soutenable. Et pour cela revivifier ses commissions thématiques, les autonomiser par rapport aux choix tactiques de la direction.

Les militants et les élus doivent pour cela ne plus avoir peur de « perdre leurs postes ». « Ne plus avoir peur » vise bien sûr le PS, qui pourrait nous « punir » de nos exigences (je pense d’ailleurs qu’on ne prendrait pas beaucoup de risques à élever le ton : croit-on vraiment que le PS est prêt à éjecter son dernier allié ?). Mais c’est aussi ne plus avoir peur de nos propres dirigeants, qui pourraient compromettre « notre avenir politique » (et parfois professionnel). Car ils ne sont forts que de nos craintes.

Ne pas se résigner à l’échec, c’est oser l’indépendance intellectuelle et la rigueur morale. Parce que c’est ce que la crise exige de nous.



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