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par Alain Lipietz | 7 septembre 2000

Politis
Un peu de pudeur, Monsieur Chevènement !
Avec un culot d’acier, Jean-Pierre Chevènement, à peine sorti du gouvernement sur un rejet du processus de paix en Corse, dévoile le fond de sa pensée : sa profonde, initiale et permanente condamnation de la majorité plurielle de 1997, et son plan pour en renverser le cours.

Le culot n’est pas dans la condamnation. Nous savions. Le Mouvement Des Citoyens s’était rallié au dernier moment à l’accord Verts-PS, pour sauver ses quelques députés. Car si ce mouvement n’existe que par les démissions à répétition de son président, il n’oublie jamais de revendiquer sa part d’élus, bien au-delà de son poids électoral, et fût-ce en compagnie des maudits Verts. Mais, sur le fond, le diagnostic était déjà arrêté, rappelé par la phrase-pivot du discours de rentrée du Che : « L’alliance Verts-PS donnerait les clefs du pouvoir à la droite, et les milieux populaires se désintéresseront d’un combat qui les oublie. » C’est grossier, ce n’est pas du culot.

Le culot n’est pas dans la stratégie politique dessinée par ce discours : la constitution d’un pôle républicain de gauche, tendant la main aux « meilleurs des républicains de l’autre rive » (Pasqua, et, en attendant, Paul-Marie Couteaux). C’est stupide, ce n’est pas du culot.

Le culot n’est pas dans la tactique envisagée pour construire le pôle républicain de gauche : le flirt avec la base communiste, supposée raciste, autoritaire et homophobe, déroutée par les audaces de Robert Hue. Soit, toujours dans le même discours  : « Pas une cause minoritaire, par une vaguelette sans-papiériste, qui ne fournisse l’occasion [d’une] orgie libertaire débridée (…) La parole communiste est devenue une juxtaposition de soutiens : des sans-papiers aux terroristes basques, de la pénalisation de l’homophobie à la liberté de la presse en Tunisie. » Tendre la main aux nostalgiques de Marchais sur la base des tares qu’ils ne partagent peut-être plus, c’est ignoble, ce n’est pas du culot.

Le culot, c’est de poser le MDC en direction publique du mouvement populaire de résistance à la globalisation libérale, le mouvement de 1995, d’ATTAC et de Seattle. Le culot, c’est de se présenter comme défenseur de la classe ouvrière abandonnée, contre les tenants de la deuxième gauche, pardon ! des Verts, représentants des élites de Francfort… Car enfin !

Où étaient Chevènement et le MDC quand Les Verts et la Confédération Paysanne démontaient le Mac Do de Millau, fauchaient le champ d’OGM de l’Ariège ? On ne sait pas.

Où étaient Chevènement et le MDC quand nous luttions pour les 35 heures ? Ils fustigeaient « la semaine des 4 jeudis » et défendaient la compétitivité du capital français face aux Japonais.

Où étaient Chevènement et le MDC quand les Verts défendaient la solidarité des travailleurs en France, prônant l’égalité des droits politiques pour les immigrés ? Ils faisaient la chasse aux sans-papiers. La majorité des ouvriers en France est immigrée, ou enfant d’immigrés, donc elle a des frères, des neveux, des cousins étrangers. C’est contre elle que sont dirigées les lois Debré-Chevènement.

Chevènement restera l’homme qui aura broyé des dizaines de milliers de ménages ouvriers, brisé des vies chez les plus exploités des femmes et des hommes de ce pays. En politique, on finit toujours par pardonner. Mais nous n’oublierons pas ces démarches humiliantes auprès des vieux copains des années 70 devenus conseillers du Prince, place Beauvau, pour dénouer telle situation dramatique, éviter telle expulsion particulièrement odieuse, abréger les souffrances d’une grève de la faim. Et, en face, ces paroles mielleuses, ces promesses jamais tenues, ces fausses confidences (« Tu sais, on est d’accord avec toi, mais c’est Jospin, il est psycho-rigide »).

En fait, la logique de classe est implacable. Représentant l’aile nationaliste de l’énarchie, le MDC n’avait qu’un but : compenser la « perte de compétitivité du capital national » imputée aux 35 heures en lui offrant un volant de main d’½uvre corvéable à merci, les immigrés sans droits.

En face, les Verts, avec des centaines de milliers d’autres, dans la rue, dans les champs, à l’Assemblée, au Ministère, au Parlement européen, défendaient pied à pied les intérêts populaires, combattant l’empoisonnement par les pollutions, les discriminations sexistes, homophobes, racistes, le chômage et la précarité. Où étaient-ils pendant que Chevènement s’activait à rallumer la guerre civile en Corse ? Ils guerroyaient contre les tendances libérales de Bercy. Ils coulaient la proposition stupide de baisser la TIPP (baisse qu’auraient empochée les compagnies pétrolières), mais devaient concéder la suspension de la lutte contre le diesel cancérigène. Ils concédaient la baisse des impôts sur toutes les tranches, mais parachevaient la réforme fiscale pour laquelle ils avaient lutté pendant 10 ans : la transformation des cotisations-maladie des salariés en CSG prélevée sur tous les revenus, et rendue enfin progressive par sa suppression pour les bas revenus. Bilan : un treizième mois pour les Smicards. Excusez du peu, monsieur Chevènement.

Et ils ont bien l’intention de continuer le combat.




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