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6 décembre 2000

Proxénétisme
Victoire à Vienne sur les définitions de la Traite des Personnes
Du 2 au 6 décembre 2000 à Palerme, Italie, la Convention des Nations Unies sur la Criminalité Transnationale Organisée sera présentée aux États pour signature. Cette Convention dotée de deux protocoles additionnels portant sur la traite des personnes et sur le trafic de migrants, permettra de développer une coopération judiciaire internationale. Durant près de deux ans, plus de cent pays (121 États aux 10e et 11e sessions) ont participé à ces négociations. Malgré des discussions houleuses, malgré les tentatives de certains pays occidentaux ayant de forts intérêts dans l’industrie du sexe qui souhaitaient faire porter sur les victimes la responsabilité de leur exploitation, malgré le danger de voir remises en question les conventions fondamentales des Nations Unies portant sur les Droits Humains et les Droits des femmes, la victoire sur la définition de la traite des personnes constitue une étape décisive dans la lutte pour les droits humains des femmes. Ces négociations ont en tout cas démontré que la majorité des gouvernements restaient attachés aux principes de la Convention du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui ainsi qu’à la Convention CEDAW pour l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes.

 Historique de la Convention et de ses protocoles additionnels

La Convention contre la criminalité transnationale organisée assortie de plusieurs protocoles additionnels qui élaborent le champ de coopération judiciaire entre les Etats, est l’aboutissement d’un processus enclenché en 1994 à Naples [1]. En effet, face au phénomène de la mondialisation, et partant du constat que la criminalité organisée avait changé d’ampleur et de nature et qu’elle tirait profit des disparités normatives entre les pays [2], l’Assemblée Générale des Nations Unies adoptait le 9 décembre 1998, la Résolution 53/111 qui créait un comité intergouvernemental spécial à composition non limitée chargé "d’élaborer une convention internationale pour tous les aspects de la lutte contre la criminalité transnationale organisée, et d’examiner l’élaboration, s’il y a lieu, d’instruments internationaux de lutte contre le trafic de femmes et d’enfants [3], contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, et contre le trafic et le transport illicites de migrants, y compris par voie maritime". [4]

Dans son rapport du 21 septembre 1998 [5] portant sur la traite des femmes et des petites filles, le Secrétaire Général des Nations Unies, indiquait ’ que les pays d’origine, de transit et de destination, se devaient de respecter intégralement les obligations internationales et le droit national, notamment en ce qui concerne le traitement humain et la stricte observation de tous les droits des femmes et des enfants, qu’ils aient participé au trafic volontairement ou contre leur gré ; nécessité de veiller à ce que l’action de prévention du trafic international des femmes et des enfants n’entrave pas l’immigration ni la liberté de circulation conformément aux lois et ne porte pas atteinte aux protections que le droit international assure aux réfugiés ; et nécessité de renforcer la coopération internationale et l’assistance technique au profit des pays en développement. ’

Lors de la première session de janvier 1999, l’Argentine présentait avec éloquence une longue et détaillée définition de la traite qui était conforme et fidèle à la Convention du 2 décembre 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, à l’article 6 de la Convention contre toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) et à la Convention relative aux Droits de l’Enfant de 1989. Elle reprenait également la terminologie du Programme d’Action des Nations Unies de 1996 [6] pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. Surtout elle indiquait que le consentement des victimes était hors de propos dans la poursuite des criminels. Éloignant la charge de la preuve des victimes, cette définition restait conformément à l’article 1 de la Convention de 1949 qui stipule que ceux qui exploitent et organisent la prostitution d’autrui doivent être poursuivis, même si les personnes sont consentantes.

Au mois de mars 1999, lors de la première négociation en plénière de la définition de la traite, une autre définition plus courte, proposée par les États-Unis, était présentée aux États. Dans ce texte, ’ l’exploitation sexuelle ’ était définie comme une activité pour laquelle ’ une personne ne s’offre pas librement ’, et la phrase indiquant que le consentement des victimes ne devait pas être pris en compte avait disparu. Lors de cette session, aucune définition n’était privilégiée au profit d’une autre.

Dès cette session, on a vu apparaître les premières volontés de glissement sémantique, désir de certaines ONG pro-prostitution et de certains États de remplacer les termes ’ victimes de la traite ’ par ’ personnes trafiquées ’ sous le prétexte que le mot victime stigmatisait les femmes et allait à l’encontre de leur autodétermination, ou encore d’intégrer le principe de ’ servitude involontaire ’.

Derrière cette nouvelle définition apparaissait déjà dans les discussions la volonté de transformer les victimes qui n’auraient pu prouver la contrainte, et par conséquent ’ consentantes ’, en ’travailleuses du sexe migrantes illégales ’. Ainsi, ces victimes n’auraient pas été protégées par la définition de la traite. Elles n’auraient pu avoir accès aux droits et protection requis dans les articles 6 et 7 dont nous parlerons plus loin. Les trafiquants auraient pu arguer du consentement des victimes en cas d’incrimination. Cette position dangereuse qui signait la mort de la Convention de 2 décembre 1949 et de l’article 6 du CEDAW, rencontra malheureusement également le soutien du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme dans une note informelle remise aux délégués en juin 1999 [7], de la Rapporteuse Spéciale sur les Violences Faites aux Femmes à la Commission des Droits de l’Homme dans son rapport d’avril 2000 [8] et dans sa déclaration de mai 2000, ainsi que celui de l’Organisation Internationale du Travail [9] [10].

En revanche, le Groupe de Travail sur les Formes Contemporaines d’Esclavage [11], invitait instamment le Comité Spécial à faire en sorte que le protocole ’ ne voie pas son champ d’application limité au trafic impliquant l’usage de la force ou de la contrainte, mais comprenne toutes les formes de trafic, qu’il y ait ou non consentement de la victime ’. Le Groupe de Travail notait avec inquiétude que, dans son rapport le plus récent la Rapporteuse Spéciale sur la violence contre les femmes proposait une définition de la "traite", incompatible avec les principes de la Convention de 2 décembre 1949.

A partir d’octobre 1999, lors de réunions informelles ou de groupes de travail parallèles en marge des plénières, tenus principalement en langue anglaise et interdites aux ONG- ce qui excluait de fait les délégations non anglophones ou peu nombreuses ’ la proposition de l’Argentine était supprimée et les définitions retenues entraient en contradiction avec les Conventions des Droits Humains élaborées depuis cinquante ans.

Plusieurs ONG, inquiètes de ce processus, décidaient de créer au mois de décembre 1999 le Réseau International des Droits Humains regroupant à la fin des négociations en octobre 2000, plus de 140 ONG ou réseaux d’ONGs ’uvrant pour les Droits des Femmes et les Droits Humains dans le monde, notamment la Coalition Contre la Traite des Femmes et le Lobby Européen des Femmes (2800 organisations de femmes dans l’Union Européenne). La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme s’est quant à elle impliquée en son nom aux côté du Réseau International des Droits Humains à partir de mars 2000.

Au mois de juin 2000, lors de la neuvième session - où seulement pour la seconde fois depuis le début du processus les définitions étaient discutées en plénière - trois définitions étaient présentées. Ces définitions intégraient uniquement des notions de contrainte et de force, et ne mentionnaient nullement la traite aux fins de prostitution. Lors de cette session, grâce au réveil important des pays du sud qui de fait avait été exclus du processus d’élaboration de ces textes, des positions fortes de pays européens tels que la France ou la Belgique s’opposant résolument à d’autres pays de l’Union Européenne tels que les Pays Bas, (qui ont dernièrement légalisé certaines formes de proxénétisme), les termes qui avaient disparu lors des réunions informelles ont pu être réintroduits. Cependant ces termes : ’ incitation ’, ’ exploitation de la prostitution ’, ’ que la personne y consente ou non ’ devaient être soumis à une nouvelle négociation lors de la session d’élaboration finale en octobre 2000.

 Ultime session du 2 au 6 Octobre 2000

La majorité des gouvernements ’ nombre de ces derniers étant les pays les moins riches et pays d’ ’ origine ’ à la traite ’ souhaitaient une définition de la traite qui protègerait toutes les victimes et qui ne soit pas limité aux notions de contrainte. Pourtant, le protocole ne pouvant être approuvé que par consensus, il devenait indispensable que tous les pays approuvent les articles du protocole, y compris celui portant sur la définition. La plupart des discussions de compromis eurent lieu dans des groupes de travail informels, tenus à nouveau en langue anglaise, ce qui excluait encore nombre de petites délégations non anglophones. Le 2 octobre 2000, premier jour de la session finale sur le protocole sur la traite, la présidente suspendait la réunion plénière, à laquelle participaient tous les pays du Comité Spécial, jusqu’à ce qu’un compromis soit trouvé au cours des petits groupes de travail En réalité, dès lors, la définition n’a plus été discutée en plénière, et ce jusqu’à la onzième heure de la session de nuit de la dernière journée des discussions sur le Protocole de la Traite.

A différents moments du processus de Vienne, de nombreuses délégations ont soutenu une définition fondée sur les droits humains, garantissant aux victimes la protection maximum de leurs droits fondamentaux. En même temps, ils demandaient la plus grande répression pour les trafiquants. Parmi ces pays on trouve l’Algérie, l’Argentine, le Burkina Fasso, le Bangladesh, la Chine, la Colombie, l’Égypte, les Émirats Arabes Unis, l’Inde, le Mexique, le Pakistan, la Syrie, le Venezuela. Il est à mentionner l’engagement tenace de certains pays, qui dès le début du processus ont constamment et courageusement articulé et argumenté leur position : la Belgique, Cuba, la Finlande, la France, Madagascar, le Maroc, la Norvège, les Philippines, le Saint-Siège, le Togo. Quant à la Suède, elle a changé de position en cours de négociation et a présenté une nouvelle définition de la traite en octobre 2000 qui a aidé à l’émergence d’un consensus.

De manière générale, c’était principalement les pays occidentaux et industrialisés -ceux qui sont les pays de destination pour les victimes de la traite - qui soutenaient les points proposés par les ONG " pro-travail du sexe " venues défendre en nombre une définition de la traite qui aurait laissé impuni nombre de trafiquants. Parmi ces pays on trouve l’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Espagne, l’Irlande, le Japon, la Nouvelle Zélande, les Pays Bas, le Royaume Uni, la Suisse, la Thaïlande. Les raisons invoquées étaient variées. Initialement, les États Unis arguèrent que les termes " incitation " et " que la personne y consente ou non ", étaient vagues et confus et qu’ils posaient problèmes tant dans la ratification que dans l’application du protocole. Cependant, ils étaient prêts à accepter ces mots dans un esprit de consensus.. L’Italie, le Canada, l’Espagne également étaient prêts à accepter ces termes bien que n’en voyant pas la nécessité.

Une définition fondée sur les Droits Humains qui protège toutes les victimes de la Traite.

La définition finale, bien que définition de compromis, intègre la plupart des notions clefs des droits humains et n’entre pas en contradiction avec le corpus des instruments internationaux des droits humains.

Définitions article 2 bis

a) L’expression "traite des personnes" désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, en recourant à la force, à la menace ou d’autres formes de contraintes, ou par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou en donnant ou en recevant des paiements ou des avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;

a bis) Le consentement d’une victime de la traite des personnes à l’exploitation envisagée telle que définie à l’alinéa a) est sans incidence lorsqu’un des moyens mentionnés à l’alinéa a) a été employé.

b) le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont considérés comme une "traite de personnes" même s’ils ne font appel à aucun des moyens mentionnés à l’alinéa a) du présent article.

d) Le terme "enfant" désigne toute personne âgée de moins de 18 ans.

" Ainsi ce protocole contient une définition universelle de la traite qui :

- énumère les moyens utilisés par les trafiquants, qui n’impliquent pas tous les recours à la contrainte (cf. "abus d’une situation de vulnérabilité" remplaçant le mot " incitation ") ;

- énonce une finalité générale : l’exploitation. Celle-ci n’est pas définie mais un socle minimal de ce qu’elle peut recouvrir est fourni. La finalité du trafic peut ainsi être "l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes". La France a milité pour une définition aussi large que possible et non limitative de la traite, en accordant une priorité à la mention de l’exploitation sexuelle et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. L’inclusion du prélèvement d’organes a été essentiellement défendue par les pays africains rapportant des cas de trafic d’êtres humains assassinés aux fins de prélèvement de certains de leurs organes, not. pour l’accomplissement de rituels. La notion de servitude a notamment été défendue par des pays du Nord pour chercher à couvrir les cas d’esclavage moderne qui n’entreraient pas dans la définition de l’esclavage donnée par la Convention de 1956 relative à l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage.

Une approche différente de la définition se concentrant plus sur la finalité que sur les moyens avait notamment été prônée par les Philippines et l’Argentine (tous les moyens même légaux mis en œuvre pour transférer la victime auraient ainsi pu être retenus). " [12]

Une victoire significative sur la définition

Ce nouveau protocole, et la finalisation d’une définition de la traite forte et pertinente dans ses principes, constitue un pas décisif et fort de signification pour les Droits Humains des femmes pour le XXIème siècle.
1. Il permet d’assurer que la charge de la preuve ne pèse pas sur les victimes de la traite, et empêchera les trafiquants d’utiliser le consentement des victimes en défense.

2. Il indique que la force, la coercition et les conditions similaires à l’esclavage ne sont pas suffisantes pour caractériser les moyens utilisés dans le processus de la traite.

3. Il renverse les courants de ces dernières années qui visaient à séparer la prostitution de la traite.

4. Il fait échouer les tentatives des lobbies pro-industrie du sexe, qui ont travaillé à faire exclure toute mention de la prostitution dans les nouvelles législations sur la traite.

5. Il place la Convention sur la Criminalité Transnationale Organisée des Nations Unies, dans le corpus des instruments internationaux des droits humains, en particulier en restant dans la filiation de la Convention de 1949 et de l’article 6 du CEDAW.

La protection des victimes de la traite

Par ailleurs le protocole contient des mesures d’assistance et de protection pour les victimes (article 6 et 7). Ces mesures très précises concernent la mise en place de refuges, de logements convenables, une assistance médiale, psychologique et matérielle, des possibilités d’emploi, d’éducation et de formation. Pour la première fois dans un traité universel sont indiquées des obligations concernant des permis de résidence temporaires ou permanents. Les mesures de protection peuvent s’appliquer tant dans les pays d’origine, que de transit ou de destination. Et ce sont principalement des pays d’origines ou de transit, confrontés à des problèmes économiques inextricables, qui ont demandé que ces mesures de protection ne soient pas contraignantes. Aussi, il est indispensable que les pays de destination, le plus souvent pays industrialisés et riches, appliquent ces mesures rapidement et ne fassent plus jouer les lois anti-migratoires pour expulser les victimes de la traite qui sont démunies de papiers et à la merci des criminels.

L’équilibre qui a été trouvé entre la répression et la protection doit trouver son application sur le terrain. Les États doivent impérativement s’engager politiquement dans ce sens.

La prévention de la traite

L’article 9 du Protocole est consacré à la prévention de la traite. Pour la première fois dans un texte international, est prise en compte la question de la demande qui favorise l’exploitation et la traite. Il est ainsi demandé aux États d’adopter des mesures législatives ou autre afin de freiner la demande. Ce point important permet d’aborder pour la première fois de manière plus globale le système de la prostitution en prenant également en compte ceux qui achètent le corps des femmes et les abusent.

Limites et avancées de cette convention et le nouveau souffle d’espoir

Il demeure cependant encore quelques limites à cette convention et à son protocole sur la traite. Ainsi, la coopération entre les États ne prend en considération que les groupes criminels transnationaux reconnus dés lors qu’ils se composent au minimum de trois personnes et que leurs activités ou leurs structures sont transnationales. Ce protocole élargi le champ de la Convention de 1949 en ce sens qu’elle intègre d’autres formes d’exploitation que la prostitution comprises dans les conventions sur l’esclavage de 1926 ou 1956. Ses mécanismes d’application sont contraignants et elle peut ainsi combler partiellement les failles des conventions de 1926, 1949 et 1956 qui ne sont dotées d’aucun moyens pour une mise en œuvre efficace par les États. En même temps la Convention CTO et son protocole réduit dans une certaine mesure la portée de la Convention du 2 décembre 1949. En effet, la Convention de 1949, tout comme l’article 6 du CEDAW ne font pas de distinction en traite et exploitation de la prostitution d’autrui, ni entre ce qui relèverait d’une exploitation transnationale ou nationale.

C’est pourquoi, il faut considérer la Convention CTO comme un plus dans le corpus des conventions des Nations Unies. La bataille à Vienne puis la victoire sur les définitions de la traite ont redonné un nouveau souffle aux Conventions CEDAW et aux conventions relatives à l’esclavage ou pratiques analogues de 1926, 1949 et 1956. En ce sens, elle est une étape décisive dans l’affirmation d’une politique visant à réprimer le système global de mise sur le marché du corps des femmes. La responsabilité, voir la complicité de certains États dans le développement de l’industrie du sexe, l’approche pragmatique qui cherche à donner une légitimité, voir à légaliser ce secteur afin de contourner l’épineuse question du blanchiment de l’argent de la prostitution, s’est trouvé ici mise en échec pour la première fois depuis de longues années. En refusant une définition de la traite qui ne pourrait protéger toutes les victimes et en leur conférant des droits, la communauté internationale s’est engagée sur un chemin qui permettra d’avancer durablement contre la mise sur le marché du corps des femmes.

C’est pourquoi il est important que les pays ratifient d’urgence la Convention CTO afin qu’elle puisse être mise en œuvre rapidement. (Il est besoin de quarante ratifications pour sa mise en application)

Quelles perspectives pour l’Union européenne

Dans le contexte de la construction de l’Union européenne et d’homogénéisation des lois en matière de répression, il est important que la définition de Vienne soit reprise. En effet, dans une Europe sans frontière, région de destination de la traite, il est indispensable que les victimes puissent être protégées et qu’en aucun la charge de la preuve ne pèse sur elle, laissant ainsi impunis nombre de trafiquants et de proxénètes.

Alors même que la lutte contre la violence à l’égard des femmes fait l’objet de campagnes publiques, que l’égalité politique et économique entre les femmes et les hommes sont désormais considérés comme une priorité, on ne peut accepter que demeure le système de la prostitution qui se structure à travers des mécanismes de discrimination et de violence les plus extrêmes, les plus archaïques et rétrogrades qui soient : la mise sur le marché du corps des femmes pour les besoins d’une sexualité masculine encore envisagée comme irrépressible et qui comporte des intérêts financiers considérables pour les pays et groupes qui la légitiment.

En janvier 1999, la Suède transmettait un message symbolique d’espoir au monde en criminalisant l’achat du corps d’autrui. Les vitrines d’Amsterdam promulguent une vision particulièrement cruelle de l’humanité, alliant le cynisme économique, l’hygiénisme et l’ordre social, à l’assujettissement le plus impitoyable.

En 2002 l’Espagne prendra la Présidence de l’Union européenne , il est indispensable qu’elle se mobilise dès maintenant pour que soit ratifiée la Convention CTO par l’ensemble des pays de l’UE et qu’elle veille à ce que la définition de la traite soit celle qui sera retenue pour le contexte strictement européen. En ce sens, il faut également qu’elle affirme le principe que la prostitution constitue une violence à l’égard des femmes.




NOTES


[1Conférence sur la criminalité transnationale organisée sous l’égide des Nations Unies, "Déclaration de Naples" qui contient l’idée d’un instrument international global contre la Criminalité Transnationale Organisée et un Plan mondial d’action contre la criminalité transnationale organisée.

[2En effet, selon le programme des Nations Unies contre la traite des êtres humains, il est estimé que plus d’un million de femmes et d’enfants sont victimes chaque année de la traite. De plus, le chiffre d’affaires de ce trafic, qui rapporterait entre 5 et 7 Milliards de dollars serait la troisième source de profit pour les mafias. Dans un rapport de l’OIM, 500.000 personnes seraient victimes d’un trafic en vue de l’exploitation sexuelle dans l’Union Européenne.

[3projet du protocole transformé en mars 1999 en ’ trafic des personnes, en particulier des femmes et enfants ’

[4Faute de consensus le protocole ’ trafic et fabrication d’armes ’ n’a pas pu finalement aboutir.

[5A/53/409

[6(E/CN.4/Sub.2/1995/28/Add.1) approuvé par la Commission des droits de l’homme dans sa résolution 1996/61

[7A/AC.254/16

[8E/CN.4/2000/68

[9A/AC.254/CRP.14

[10à noter qu’en juin 2000, l’OIT publiait un rapport (disponible uniquement en anglais ), ’ the sex sector ’, Lin Lea Lim, qui demandait la reconnaissance du secteur du sexe comme un secteur économique légitime en Asie du Sud Est et qui visait à la légalisation de l’exploitation de la prostitution. Cela non, au nom des Droits Humains des femmes en activité de prostitution, mais au nom du déterminisme économique pour donner une visibilité à ce secteur et pouvoir le comptabiliser officiellement dans le PNB des pays. (voir le contre rapport de Janice Raymond, co-directrice de la Coalition Contre la Traite des Femmes)

[11Rapport E/CN.4/Sub.2/2000/23

[12Extrait de l’intervention au Colloque du Sénat le 15 novembre 2000, de Delphine Lida, membre de la délégation française à Vienne.

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