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> Pourquoi je soutiens l’appel « Un candidat mais pas trois » (http://lipietz.net/?article3175)
par Alain Lipietz | 31 janvier 2017 Pourquoi je soutiens l’appel « Un candidat mais pas trois »
Je soutiens en particulier l’appel « Un candidat mais pas trois » signé par plusieurs personnalités écologistes connues pour la sincérité de leur militantisme, l’importance de leurs travaux, films, livres, revues et actions. J’ai signé également l’appel de Colibris (mouvement de Pierre Rabhi, signé également par N. Hulot, par le directeur d’Emmaüs et le réalisateur de « Demain ») qui se conclut ainsi : J’ai toujours subordonné la tactique à la stratégie de moyen-long terme de l’écologie politique. La politique n’est pas un jeu d’échecs. Elle engage, dans les crises, le destin de dizaines de millions d’êtres et parfois le destin de la Planète. Mais surviennent aussi des moments où les choix tactiques, dans une réalité politique mouvante, peuvent rendre plus ou moins favorable la poursuite des buts stratégiques. Il se trouve que cette fois, pour mon plus grand plaisir, la tactique n’apparaît pas comme un détour, mais parfaitement en ligne avec la stratégie : l’affirmation de l’écologie comme référence commune aux forces progressistes. Petit rappelEn janvier 2016, j’avais soutenu l’appel pour une primaire de la gauche et des écologistes. Je savais fort bien que la réussite de cet appel désignerait probablement un candidat ne mettant pas l’écologie au premier plan. Mais à l’époque, tout indiquait que M. Le Pen et N. Sarkozy risquaient de se retrouver au second tour de la présidentielle : candidatures aussi inacceptables l’une que l’autre. Il fallait différer tactiquement l’objectif stratégique pour éviter le pire. La présence quasi-certaine du Front National au second tour enlève en effet une « case de choix » aux électeurs entre les différentes nuances progressistes qui se départageaient traditionnellement au premier tour. En 2017, le premier tour ne servira plus, vraisemblablement, qu’à désigner qui, de la gauche ou de la droite, affrontera l’extrême-droite. Il fallait donc un « tour de plus » : une primaire des gauches et des écologistes. Cependant cette solution est rapidement apparue impraticable. Dès l’abord, le refus de JL Mélenchon diminuait l’intérêt tactique de l’opération : il y aurait de toute façon deux gros candidats à gauche (au moins), et donc la défaite restait certaine. Plus grave : avec le projet sur les binationaux, puis avec la loi dite El-Khomri (loi en fait Macron, bien plus que Rebsamen), François Hollande et M. Valls se sont en effet lancés, contre le « peuple de gauche », dans une offensive heurtant ses valeurs les plus fondamentales. Il devenait impensable de s’engager à voter pour le vainqueur, quand cette primaire (et certains signataires de l’appel avouaient maladroitement que c’était leur but) pouvait déboucher sur une « relégitimation » de F. Hollande. Certain qu’une telle issue ne pourrait qu’accélérer la défaite tout en nous forçant à soutenir un candidat en dépit de notre appréciation politique, je me suis donc, « dans l’état où nous en sommes », résigné à cette défaite, mais en sauvant du moins l’honneur : choisir un candidat authentique de l’écologie par une primaire ouverte, et, « faisant ce que doit, advienne que pourra », le soutenir. Il faut dire, que, comme beaucoup de démocrates, je notais que la primaire de la droite promettait la victoire à Alain Juppé , ce qui ôtait beaucoup de poids à l’argument « tout plutôt que Le Pen ou Sarkozy ». Alain Juppé, on le connaît depuis longtemps, comme Premier ministre et comme maire de Bordeaux, on connaît ses qualités et ses défauts. Comme beaucoup, je pensais que la France et la Planète survivraient sans trop de mal à 5 ans de présidence Juppé. Qu’est-ce qui a changé ?Les primaires. Le « peuple écologiste » s’est exprimé le premier. Il a sèchement donné congé à C. Duflot, à qui il imputait non sans raison des années de subordination au Parti socialiste, au nom de la « politique des postes » et en détriment de la « politique des contenus écologistes », elle qui avait fait voter le TSCG et le CICE, péchés originels du quinquennat Hollande, afin de se présenter en « bonne élève » de celui-ci, puis avait eu l’instinct de quitter le navire avant le naufrage, mais sans organiser la répartition des canaux de sauvetage, provoquant ainsi la scission de son parti. Au second tour, le « peuple écologiste » n’avait plus qu’à choisir entre deux personnalités respectées pour leurs engagements associatifs et européens, et il a choisi Y. Jadot. Le « peuple de droite » a ensuite sagement éliminé son candidat le plus contestable, celui qui était le plus propre à maximiser l’opposition contre lui : Nicolas Sarkozy. Mais, chose tout-à-fait inattendue, il a préféré, parmi ses rivaux, le plus clivant, F. Fillon, fidèle premier « collaborateur » du quinquennat Sarkozy, celui qui apparaissait le plus dangereux pour la société (500 000 emplois de fonctionnaires supprimés, démantèlement de la sécurité sociale maladie, etc.). Et désormais soupçonné de fautes graves contre la probité, dans la plus parfaite bonne conscience. Bref : le plus susceptible, après Sarkozy, d’être battu au premier tour. Comme on pouvait s’y attendre enfin, le « peuple de gauche » a, par la voix des sondages, barré la route à la candidature de F. Hollande, puis, chose un peu moins évidente, a évincé dès le premier tour des primaires son premier ministre, représentant le plus affirmé de l’aile libérale-autoritaire du PS. Plus surprenant, il a choisi la personnalité dont la campagne était la plus proche des orientations portées depuis un quart de siècle par les écologistes (défense de l’écosystème, partage du travail, allocation universelle, économie sociale et solidaire, libéralisation du cannabis,…) Enfin, JL Mélenchon, s’il semble toujours indifférent à l’objectif de barrer la route aux candidats de droite et d’extrême-droite, campant dans un splendide isolement que justifiaient les sondages tant que demeurait le risque de la désignation de MM. Hollande ou Valls par le PS, a clairement orienté sa campagne sur les thèmes de l’écologie. Trois candidats se présentent donc sur le même créneau de la sortie écologiste et sociale de la crise mondiale du libéral-productivisme. Selon les sondages de cette semaine, la somme de leurs trois électorats dépasserait largement le vote espéré par F. Fillon, et même celui espéré par M. Le Pen. Certes, ces trois électorats ne s’additionneront pas facilement. Mais désormais, le choix d’avoir ou ne pas avoir un candidat de gauche et écologiste au second tour de l’élection présidentielle, voire de l’emporter, dépend entièrement de ces trois hommes, et des pressions que le « peuple de gauche et des écologistes » exercera sur eux. Et Macron ?Jusqu’à Samedi dernier, Emmanuel Macron apparaissait comme le plus susceptible de devancer le candidat de la droite au premier tour. Pourtant, conseiller économique de François Hollande pendant la première moitié du quinquennat, puis ministre de l’économie, il devrait incarner la continuité d’une politique que la majorité des citoyens a rejeté. Il a cependant eu l’habileté de « tuer le père » puis de se présenter en homme du centre, libéral-mais-pas-trop sur les questions sociétales aussi bien qu’économiques, visant à regrouper « deux Français sur trois ». Un profil connu : celui de Valéry Giscard d’Estaing. D’ailleurs, si l’on met à part (ce qui bien sûr est impossible) les 25 % qui semblent être le socle de M. Le Pen , le dispositif de l’offre politique vient de s’aligner sur un plateau connu, celui des années 70 : Fillon-Macron-Hamon-Mélenchon, comme il y eut Pompidou-Giscard-Rocard-Marchais… Cela, avec toutes autres les différences d’une époque à l’autre, avec notamment l’adoption au moins verbale du paradigme écologiste à la place du paradigme marxiste par tous les candidats de gauche, avec le décalage général vers la droite, avec l’absence d’un Mitterrand, et avec surtout le fait que E. Macron semble bien emporter avec lui l’aile la plus libérale du Parti socialiste. Sauf que… d’une part, E. Macron est venu de la gauche, et malgré ce qu’on peut lui reprocher, était jusqu’ici le barrage le plus plausible à un duel Fillon-Le Pen, attirant de ce fait tout un électorat tacticien issu de la gauche, qu’il ne conservera pas nécessairement si une « union de la gauche et des écologistes » semble devoir être plus efficace. Et d’autre part, la crise du candidat Fillon n’a pas attendu les révélations du Canard Enchainé : c’est son programme même qui fait problème pour une partie de l’électorat centriste, lequel va être de plus en plus tenté de se reporter sur Macron, dont le positionnement « Giscard » va s’affirmer de plus en plus, même à son corps défendant. Enfin rappelons surtout que si le candidat à trois têtes Hamon-Jadot-Mélenchon peut battre M. Le Pen au premier tour, il reste le seul ! Marine Le Pen garde donc la quasi-certitude d’être au second tour, battant Macron et Fillon. Par tous les bouts que l’on prenne les choses, la tactique (mais aussi la stratégie, la défense de la Planète et du « bien vivre » dans notre société) impose un choix entre les trois candidats pour incarner la gauche écologiste et sociale, et ce choix ne peut avoir lieu à la faveur du premier tour, mais AVANT. Selon quelle procédure ? Personne n’est actuellement en mesure de la proposer, car il est un peu tard tard pour revenir à ce qui n’a pas été décidé en janvier 2016 : une nouvelle primaire entre les trois ! Peut-être un vaste sondage commandité par les trois ? En tout cas il va falloir à ces trois hommes, dans les jours qui viennent, faire la preuve d’une véritable abnégation, d’un vrai sens de l’Etat, d’un vrai dévouement à la société, d’un vrai amour de la Planète. |
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