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par Alain Lipietz | 24 avril 2005

Le Débat Geneviève Azam
Début mars, Geneviève Azam a répondu sur la liste ATTAC-Toulouse à ma critique du tract appelant à une de ses réunions, intitulée « Les approximations d’ATTAC-Toulouse ». Le 6 mars, j’expédiai une réponse à cette réponse de Geneviève et demandait à ce qu’elle soit mise sur la liste d’ATTAC-Toulouse.
Depuis quelques jours, Alain Lecourieux (d’ATTAC) se répand sur le web en m’accusant de ne pas avoir mis cet échange sur mon site. Bien que cela ne m’ait jamais été demandé par Geneviève, c’est peut-être en effet une bonne idée !
Voici donc ma réponse à Geneviève (le texte de Geneviève est ci-dessous)

 Réponse à Geneviève Azam

6 mars 2005

Chère Geneviève,

C’est avec joie que j’ouvre avec toi le débat serein auquel tu appelles, dans ta réponse à mon texte « Les approximations d’ATTAC-Toulouse » critiquant l’appel à ton débat de Toulouse le 28 février. Oui, dans trois mois, quand le referendum sera terminé, nous nous retrouverons sur toutes les batailles importantes. Aujourd’hui même, nous continuons à lutter ensemble contre les OGM, pour les 35 heures, les services publics, etc.!

Si j’ai consacré l’essentiel de ma critique au premier paragraphe de l’appel à ton débat, et non à la rituelle dénonciation du caractère néo-libéral de la troisième partie du TCE (sujet bateau qui ne fait pas problème entre nous, quoique même-là tu forces le trait dangereusement, j’y reviendrai), c’est que ce premier paragraphe énonçait des contrevérités particulièrement choquantes qui me paraissaient incompréhensibles de ta part. Je mesure à ta réponse que tu ignores de très nombreux traits du droit et de la pratique européenne. Et c’est parfaitement naturel : moi-même, au bout de six ans de parlement, j’en découvre tous les jours ! Toutefois, les contrevérités énoncées au début de ton texte n’étaient pas neutres : elles visaient à susciter un sentiment de rejet contre la Constitution.

Pourtant, à l’heure d’internet, de telles erreurs peuvent facilement être évitées. Tous les textes et projets de textes de l’Europe sont sur le Net, au site http://europa.eu.int. Il suffit d’appeler la Constitution, de faire « chercher » : « territoire », « révision », « Commission ». Et tout apparaît clairement : la constitution définit son territoire, la Commission est élue par le Parlement, il y a 3 formules de révision de plus en plus légères, etc. Mais reprenons ta réponse dans l’ordre.

1. Ton introduction

Elle porte sur la « diabolisation du Non », sur l’accusation grotesque de Jennar, sur le fait de savoir si la Constitution est une constitution.

Si je suis « offusqué » de ton expression d’un Non, ce n’est pas que je diabolise le Non. Les Verts voulaient un referendum, ils en ont organisé un en leur sein, beaucoup des leurs dirigeants étaient pour le Non, j’ai personnellement hésité pendant un mois après la CIG de juin 2004, le débat était complètement ouvert (à la différence d’ATTAC qui dans sa revue envoyait en même temps la question et la réponse).

Oui, comme toi, nous les Verts avons souhaité qu’un texte aussi important soit adopté par referendum. Et cela aussi bien parmi les partisans du Oui que parmi les partisans du Non. Nous voulions même que ce referendum soit directement européen, pour éliminer les causes « locales » du vote. Nous savons bien que beaucoup de gens voteront Non, contre la scandaleuse politique de Chirac-Raffarin ou contre la Turquie. Nous sommes parfaitement conscients les uns et les autres que le résultat peut être contraire à nos espérances, mais c’est le risque de la démocratie : « le meilleur système excepté tous les autres ».

J’ai fait la campagne contre Maastricht et j’ai été très triste de la perdre. Je fais pour les mêmes raisons la campagne pour le TCE et je serais très triste de voir les Français choisir d’en rester au traité de Nice, qui n’est qu’une forme aggravée du traité de Maastricht. Mais c’est le risque de la démocratie.

Ce qui m’a choqué, ce sont les contrevérités énoncées. Elles me paraissaient « en dessous de toi ». Je note que d’une façon plus générale tu vas un peu vite dans tes résumés : je retrouve effectivement ailleurs ce style de raccourci hyper-dangereux (en ce qu’ils ratent totalement la cible des vrais problèmes et donc de vrais combats).

Je te donnerais en exemple ton propre article de Politis, dont tu trouveras la critique sur mon site, à propose de la directive Bolkestein et de la « convergence sociale » : manifestement tu suis peu les débats de droit du travail européen.

Je suis encore plus stupéfait que tu aies pu gober la grossière calomnie de Jennar contre les députés Verts à propos de la directive Bolkestein. Comme je l’ai montré sur le fond, et comme l’a montré Gérard Onesta quant à la procédure, seule une manipulation des textes de la plus complète mauvaise foi peut faire croire en ce mauvais canular : que les Verts auraient inspiré la directive Bolkestein en prônant l’application du principe du pays d’origine au droit du travail.

J’en profite pour te faire remarquer que selon ta propre conception d’une constitution, une directive, quelle qu’elle soit, peut formellement être compatible avec n’importe quelle constitution, du moment que celle-ci prévoit que les parlementaires peuvent l’amender, la voter, la rejeter. La directive Bolkestein est en discussion depuis des mois, elle sera votée en juin prochain (s’ils osent la présenter), en tout cas dans le cadre de la constitution de Nice. Une des plus forte critique contre cette directive est que... elle s’oppose du tout au tout à une autre directive adoptée en 1996, la directive « détachement », qui précise que les salariés opérant dans un autre pays de l’Union relèvent du droit social du pays où ils travaillent et non pas de leur pays d’origine ! Cette directive a pourtant été votée dans le cadre de Nice, encore plus libéral que le TCE... Mais le traité actuel, comme le TCE, affirme clairement le principe du « pays de l’activité » et non du « pays d’origine » en matière de droit social.

Toute aussi étonnante est ton affirmation que la Commission n’est pas élue. Elle l’est exactement comme tous les exécutifs en régime parlementaire : par le Parlement. Une instance extérieure au Parlement (Reine d’Angleterre, président de la République française, Conseil européen) propose un chef de l’exécutif, lequel forme son gouvernement et le présente au Parlement qui peut l’adopter ou le rejeter. Dans le cours de son mandat, le Parlement peut aussi renverser l’exécutif. Le Parlement européen a ainsi renversé la Commission Santer il y a quelques années, et, l’automne dernier, a refusé d’investir la première version de gouvernement que lui proposait Barroso (Barroso ayant été lui-même élu par le Parlement européen en juillet précédent).

Mais venons-en au débat un peu scholastique sur le caractère constitutionnel du TCE, ce qui me permet d’abordera aussi ce que tu dis sur le dernier paragraphe de mon texte initial.

Le texte qui nous est proposé n’est autre que la nième révision successive du Traité de Rome, qui institua d’abord un Marché commun (devenu « unique »). Au fur et à mesure, ce Marché commun évolue vers une entité politique originale. En ce sens, l’Union européenne dispose d’une Constitution depuis le Traité de Maastricht qui, pour la première fois, édicte des règles de formulation des lois impliquant le Conseil et le Parlement. Cet aspect constitutionnel fait un pas en avant très important avec le Traité pour une constitution européenne (TCE) Mais en même temps, la nature initiale de traité commercial de ce texte reste prédominante. Nous ne sommes déjà plus une zone de libre-échange (comme le traité de libre-échange nord-américain, NAFTA, qui se détaille sur des milliers de pages), nous ne sommes pas encore les Etats-unis d’Europe.

Je suis particulièrement heureux que tu considères comme un bien le fait que la loi européenne s’impose à la loi nationale. Ce n’était pas évident dans ton texte initial, ce n’est pas du tout évident chez les partisans du « Non de gauche », qui pour la majorité d’entre eux sont souverainistes et partisans d’une Europe des nations, sans supranationalité. Ce que je critique le plus dans le TCE, c’est qu’il n’aille justement pas assez loin dans la direction du fédéralisme, imposant à l’ensemble de l’Union des socles sociaux législatifs communs (en ce qui concerne l’environnement au contraire, les choses vont déjà beaucoup plus loin, et ce depuis longtemps).

C’est par cette dissymétrie que cette chaîne de traités devient en effet de plus en plus libérale. On a construit le marché commun en diminuant la capacité des Etats nation de réguler leurs marchés nationaux, on n’a pas encore construit les institutions politiques qui permettraient de dompter ce marché à l’échelle européenne. Mais il faut reconnaître qu’en généralisant (sauf hélas sur quelques points essentiels) le pouvoir de codécision politique du Parlement et du Conseil, et en généralisant la règle de la majorité, le TCE représente un pas considérable par rapport à notre actuelle constitution, le traité de Maastricht-Nice.

C’est pourquoi je m’étonne que tu sois partisane du Non, c’est-à-dire, juridiquement, de rester au traité de Nice. Tu penses sans doute qu’il sera plus facile d’évoluer à partir de Nice qu’à partir du TCE. Nous y reviendrons plus loin.

2. Tes remarques sur mon paragraphe 5 : marché, services publics.

Cet héritage des traités antérieurs (l’effort pour construire un marché unique interdisant par exemple aux Etats de privilégier leur industrie nationale par rapport aux autres industries européennes) constitue l’essentiel de la troisième partie. On ne s’étonnera donc pas d’y entendre parler essentiellement de marché.

Pendant un an et demi, le Parti Vert Européen et son groupe au Parlement se sont battus pour que soit détachée cette partie III des parties I, II et IV (proprement constitutionnelles), et qu’elle soit mise en annexe révisable à la majorité. Je dis bien « mise en annexe » et non pas supprimée. Tu sais bien qu’en matière de re-négociation des traités ou des lois, tout ce qui n’est pas aboli ou remplacé est maintenu au statu quo ante. Supprimer la troisième partie serait maintenir l’intégralité des articles correspondants figurant dans le traité de Nice. Or, c’est dans cette troisième partie que figure une bonne partie des avancées du TCE par rapport à Nice : le passage de la plupart des chapitres de la règle de l’unanimité du Conseil à la règle de la co-décision du Parlement et du Conseil à la majorité, et le fameux article 122 sur les services d’intérêt économique général.

Ce que nous demandions, c’était de pouvoir réviser plus facilement les articles de cette IIIe partie (qui a plutôt la nature d’une loi organique) que la Constitution elle-même (c’est-à-dire les parties I, II et IV). La seule trace de cette bataille, perdue pour l’essentielle, c’est l’existence de deux procédures de révision simplifiées (art 444 et 445) réservées à cette troisième partie.

Cette bataille étant perdue, la question est donc simple : prend-on les avancées considérables des parties I, II et IV, et les avancés très partielles de la partie III ? Ou bien considère-t-on qu’il vaut mieux en rester à Nice ? Ou bien considère-t-on encore que la différence est si faible que c’est un scandale de nous proposer ce choix ? Selon que l’on penche pour l’une de ces trois appréciations, on votera Oui, Non, ou boycott.

Si donc nous aurions préféré un statut plus faible pour la partie III, il est faux de dire, comme tu l’écris, qu’elle vide le parlement européen de tout pouvoir sur les politiques de l’Union. Bien au contraire, par rapport au traité de Nice, elle accroît considérablement le nombre de chapitres sur lesquels le Parlement a pouvoir de co-décision, dans ce bicamérisme particulier qu’est celui de l’Union européenne. Je le rappelle à tes lecteurs (car tu le sais certainement) : dans tous les chapitres en co-décision, le Conseil (assemblée des gouvernements) et le Parlement (directement élu par les citoyens) se comportent comme les deux chambres de la Constitution française, à ceci près qu’en troisième lecture, le Parlement ne peut imposer sa propre version, mais peut opposer son veto à la dernière proposition du Conseil. C’est ainsi, par exemple, que nous avons rejeté la directive prévoyant la privatisation des ports.

Non seulement le projet du TCE double les points de co-décison, ne laissant à l’écart que les points (il est vrai essentiels), de l’harmonisation sociale et fiscale qui restent au régime de l’unanimité du Conseil, mais encore il introduit un changement décisif, l’article 122 sur les services d’intérêt économique général.

Tu dois le savoir : cette terminologie a été inventée il y a 15 ans, du fait de la difficulté d’établir une correspondance juridique exacte entre les expressions du genre « service public » dans les différentes langues. Cela dit, tu peux constater dans l’actuel débat sur le rapport in’t Veld que les traducteurs n’ont plus cette pudeur et traduisent maintenant directement en français par « service public ». Je suis bien entendu en complet désaccord avec ton interprétation et du traité actuel, et de ce qu’apporterait le TCE sur les services publics. La cour de justice de Luxembourg,, par son arrêt Altmark, a confirmé en 2003 mon point de vue. L’article 86 du traité actuel (devenu sans changement le 166 du TCE) précise bel et bien que les lois de la concurrence s’arrêtent là où commencent les exigences du service public et que la commission n’a rien à y redire, le financement des services publics n’étant pas une « aide d’Etat » au sens de l’article 87 (devenu 167). Le débat sur la nature juridique du rapport in’t Veld, comme celui sur le rapport Herzog, a bien mis en valeur la vraie différence : au régime de Nice, le Parlement n’a rien à dire pour définir ces services publics qui échappent à la loi du marché. Au régime du TCE, ce serait bel et bien à lui (en co-décision) de les définir. Tu trouveras sur mon site tous les éléments de cette discussion sur les rapports Herzog et in’t Veld.

Dernier détail sur ce sujet, je ne comprends pas comment tu peux dire que l’Union européenne n’a pas de « tarif extérieur commun ». Bien sûr que si ! il y a un volumineux tableau fixant les tarifs extérieurs communs ! En tant que membre de la commission du commerce international, et que président de la délégation pour la Communauté andine des nations, je passe l’essentiel de mon temps à négocier, amender ou voter ce tarif, que ce soit à propos des actuelles négociations sur la réforme du système des préférences généralisées pratiqué par l’Union à l’égard des pays du tiers monde, de la réforme du régime sucre, de la réforme du régime banane etc, etc.

3. Ton commentaire sur mon paragraphe 2 : budgets, harmonisation fiscale, taxe de Tobin

En ce qui concerne le budget, tu as raison de dénoncer - comme nous ! - le fait que les recettes budgétaires ne sont pas décidées par le Parlement. C’est le triste reflet du niveau de conscience auquel sont parvenus les anciens pays de notre vieux continent. La pingrerie des Chirac, Schröder, Blair, qui refusent de mettre au pot plus de 1% du produit brut est tout à fait critiquable au regard de l’urgence de la solidarité vis à vis des pays sortis en lambeaux de l’expérience communiste. Cependant, il n’est malheureusement pas évident que ces trois dirigeants ne reflètent pas ici la pingrerie de leurs propres électeurs...

Il est en revanche étonnant que tu n’observes pas la modification profonde introduite par le TCE côté dépenses. Alors que, sous le régime actuel, les parlementaires ne votent que 25% du budget (les trois autres quarts, dits « dépenses obligatoires » étant arrêtés par le Conseil : il s’agit essentiellement du financement de la politique agricole commune), avec le TCE, le Parlement aura la main sur l’ensemble du budget... et donc sur l’orientation de la politique agricole commune ! Il me semble que c’est une vieille revendication de la Confédération paysanne. Celle-ci a pourtant fait le choix du non, faute de voir inscrit dans le TCE une nouvelle politique agricole commune. Gageons que la Via Campesina sera la première à jouer de la nouvelle donne aussitôt que le TCE serait adopté !

En ce qui concerne la taxe de Tobin, tu prétends que l’article 156, qui s’oppose à la restriction des mouvements de capitaux, interdit de taxer ces mouvements, comme si l’impôt sur le revenu contrevenait au principe de liberté de mouvement des travailleurs. Pourtant cet article 156 n’est que la reprise inchangée de l’article 56 de l’actuel traité de Nice. Or, lorsque le Parlement a failli prendre l’initiative de mettre en débat une éventuelle taxe de Tobin, le groupe communiste l’a votée des deux mains, sans élever cette objection, à l’exception des trotskistes qui ont fait chuter l’initiative, laquelle aurait risqué « d’améliorer le capitalisme ».

Concernant enfin les paradis fiscaux internes à l’Union européenne, tu découvres (sans doute grâce à ma critique), que la Constitution délimite avec précision le territoire où elle s’applique, et en exclut l’Ile de Man. Je ne comprends pas ta critique sur mon texte : je dis explicitement que Tony Blair a fait exclure l’Ile de Man pour préserver ce paradis fiscal d’éventuelles initiatives de l’Europe. De la même façon, je ne dis nulle part que le TCE permette la co-décision en matière d’harmonisation fiscale. Ce fut une des bataille (perdue) des Verts au sein de la Convention, et nous avons toujours dénoncé cette lacune. Tu as dû lire mon texte un peu rapidement...

4. Sur mon paragraphe 3 : les procédures de révision

Tu joues à nouveau sur les mots, en me faisant dire le contraire de ce que j’ai dit et en disant toi-même ce que j’ai moi-même écrit. En effet, la procédure simplifiée permet, si les gouvernements se mettent d’accord (ce qui signifie bien l’unanimité en Conseil !) d’adopter, sur tel ou tel chapitre, le passage à la majorité. Ce mécanisme dit « passerelle » permet une révision légère et en continu de la IIIe partie.

Je donne un exemple : si les gouvernements se mettent d’accord pour modifier le pacte de stabilité, ils peuvent décider tous ensemble de le modifier à la majorité sans avoir à mettre en oeuvre la lourde procédure ordinaire de révision du traité constitutionnel. Ma conjecture est que c’est la procédure à laquelle ils auront recours pour le pacte de stabilité, dont le ré-examen est actuellement en cours sous la présidence du Luxembourg.

Tu trouveras sur mon site les éléments actuels du débat sur la révision du pacte de stabilité. En gros, il y a dorénavant consensus pour « inverser le calendrier des sanctions » (c’est à dire sanctionner les pays qui accumulent du déficit en période de vaches grasse et non plus en période de vaches maigres). Il n’y a pas consensus, malgré de nombreuses pressions, pour écarter certaines dépenses d’investissement de la règle des 3%. Il y a toutefois consensus pour prendre en compte la « soutenabilité d’une dette », c’est-à-dire qu’un déficit de 4% avec un échéancier de remboursement à long terme pourrait être considéré comme plus acceptable qu’un déficit de 3% financé à court terme.

4. Tes remarques sur mon paragraphe 4 : le rôle du Parlement, de la Commission, du Conseil

Tu ouvres le débat compliqué sur l’initiative des lois. J’en discute ailleurs sur mon site : voir, suite à mon blog du 2 fevrier, sur Bolkestein et in’t Veld, ma discussion avec Yvon.

Depuis toujours, le Conseil, depuis Amsterdam, le Parlement, et demain, si le TCE est ratifié, une pétition d’un million de signatures recueillie dans plusieurs pays, ont le pouvoir de demander à la Commission de présenter un texte législatif. C’est ce qui est traditionnellement appelé « inititiative des lois ». La vraie question est la suivante : la Commision a-t-elle l’obligation de répondre à cette demande, et surtout dans quel délai.

En ce qui concerne le Conseil, la réponse ne fait aucun doute. Le Conseil européen (les chefs d’états et de gouvernements) a bel et bien un pouvoir d’orientation sur l’activité de la Commission. Le Parlement, lui, a tenté d’exercer ce même pouvoir à propos de la taxe de Tobin : nous avons vu qu’il a échoué, pour une poignée de voix, celles des trotskistes.

Cette question des délais est symétrique. À de très nombreuses reprises, il est en effet précisé que la Commission ne peut faire de proposition qu’après avis du Parlement. Le Parlement a donc le pouvoir de bloquer... en ne rendant pas son avis ! Ce genre de conflit a lieu fréquemment, il est régulé par ce qu’on appelle les accords inter-institutionnels. Tu vois que la Constitution, aussi longue soit-elle, ne règle pas tout !

Tu abordes ensuite la procédure budgétaire. Alors là, je suis désolé, tu as complètement raté la nouveauté de la situation. Non seulement, comme je te l’ai déjà signalé, le Parlement voterait dorénavant TOUT le budget, mais en cas de conflit avec le conseil, la procédure (rigolote) prévue par l’article 404 le met en position symétrique et même légèrement favorable en cas de conflit avec le Conseil.

Tu reconnais ensuite la considérable avancée du champ de la co-décision (et donc des pouvoirs du Parlement, et par ce biais, des électeurs), et tu cites correctement la liste des domaines sur laquelle les Verts s’indignent depuis vingt ans des restrictions à ce pouvoir : harmonisation sociale et fiscale. À celà s’ajoutent dorénavant les questions de défense, puisque l’Europe se voit enfin dotée d’un projet d’autonomie en dehors de l’Otan. Je reste en revanche baba devant ce que tu dis de deux points essentiels aux yeux des écologistes : l’environnement et l’agriculture.

Concernant l’environnement, il s’agit depuis longtemps d’un domaine en co-décision. C’est la raison pour laquelle, sans doute, la défense de l’environnement est beaucoup plus avancée au niveau européen qu’au niveau national, la France étant très en retard dans la transposition en droit local des directives européennes. J’ai été par exemple le rapporteur de la Commmission économique et monétaire pour la directive « Responsabilité des entreprises en matière d’environnement ». Cette directive définit un principe de précaution et un principe pollueur-payeur très en avance sur la charte de l’environnement que Chirac a introduite dans la Constitution française. Sans doute s’agissait-il de sa part de mettre les entreprises françaises à l’abri des desiderata du Parlement européen.

Enfin, comment peux-tu dire que l’agriculture est au régime de la concurrence libre et non faussée ? Ignores-tu qu’il existe une politique agricole commune déterminant un régime de prix planchers et d’aides aux revenus agricoles, absorbant près de la moitié du budget de l’Union ? La politique agricole commune est de façon explicite exclue des règles du marché par l’article 226-2 qui en exclut les produits « de l’Annexe 1 », c’est à dire la quasi-totalité des produits agricoles.

Ce que critique la confédération paysanne, et avec raison, c’est le maintien de formulations remontant à 1957, prônant une agriculture productiviste. Mais comme tu le sais, le maintien de cet article n’a pas empêché la politique agricole commune de connaître trois régimes successifs profondément différents. Aucun ne nous convient réellement. Mais il faut toujours se souvenir qu’une Constitution ne fait qu’indiquer, ce sont les chambres législatives (et pour le moment le seul Conseil européen), qui décident !

5. Ta conclusion

Pour finir, chère Geneviève, je tiens à te remercier d’avoir longuement cité mes commentaires sur le traité de Maastricht en 1992. Tu reprends donc à ton compte la première phrase qui va de soi : le traité de Maastricht était déjà une constitution. Le débat entre nous ne porte pas sur ce point , mais sur la « malléabilité » du TCE, par rapport à la constitution actuelle, celle de Maastricht, amendée et aggravée par Amsterdam et Nice.

Il suffit de comparer l’article du traité actuel relatif à la révision et les trois articles du TCE portant sur ce sujet pour mesurer la différence : le TCE sera beaucoup plus facile à réviser que le traité actuel, qui lui, exige l’unanimité des Etats, par une procédure très lourde. Le TCE est fait pour être soumis à une révision permanente et ininterrompue.

Tu développes peu, contrairement à la revue Silence, les arguments essentiels qui étaient les miens contre Maastricht :

 la critique du régime de la monnaie unique (ça, tu le cites et d’ailleurs, ça ne bouge pas entre Nice et le TCE, c’est donc en dehors de l’objet du referendum... hélas !)
 le fait que l’unification économique et monétaire n’aille pas de pair avec la progression d’un pouvoir politique supra-national (et ça, c’est ce qui bouge le plus entre Nice et le TCE, et c’est la raison de mon vote « pour » le TCE qui n’est donc que la prolongation de mon vote « contre » Maastricht)
l’intégration de la défense proprement européenne (l’Union d’Europe occidentale) dans l’Otan.Et ça, c’est ce qui est supprimé par l’article I-41-6, à comparer avec l’article 17-4 du traité instituant l’Union européenne qu’il remplace, et c’est une autre raison de mon vote « pour » le TCE et donc « contre » le traité de Nice.

Sur ces 3 points, je préfère te renvoyer à ma réponse à Silence et à un texte intitulé « Réponse à 20 arguments pour le Non ».
Je ne sais pas si nous aurons, dans les trois mois qui nous restent, le temps de nous convaincre l’un l’autre. J’espère au moins te convaincre qu’il n’y a aucune raison de voter pour Nice plutôt que pour le TCE, c’est-à-dire de voter Non plutôt que Oui. Oserai-je espérer te faire évoluer plus loin que l’abstention ? L’avenir le montrera...
Bien amicalement,
Alain Lipietz


 La réponse de Geneviève Azam à la critique de son tract

RÉPONSE AU TEXTE D’ ALAIN LIPIETZ, DÉPUTÉ VERT EUROPÉEN, « À PROPOS DES APPROXIMATIONS D’ATTAC-TOULOUSE ».
Geneviève Azam

J’assume totalement, dans sa forme et son contenu le texte paru dans la gazette d’Utopia, tout comme les tracts, encore plus courts pour certains, que nous nous attachons à diffuser le plus possible, tout comme le 8 pages rédigé par la commission Europe d’Attac-Toulouse, plus explicatif , que nous distribuerons dans toutes nos manifestations.
Je ne répondrai ici que sur les aspects de l’argumentation d’Alain Lipietz qui concernent la consultation sur le texte, le reste étant hors sujet.

Effectivement, nous avons des désaccords sur le traité-constitutionnel européen, mais gardons notre sang froid, la campagne ne fait que commencer ! Les Verts, tout comme Attac, étaient partisan d’un référendum et l’ont fait savoir. Nous sommes heureux qu’il se tienne et dans ce type d’élection, il y a deux réponses possibles : oui ou non. Pourquoi être aussi offusqué de l’expression d’un non à ce texte et pourquoi immédiatement le diaboliser ? Si le non est aussi dangereux, il ne fallait pas prendre le risque d’un référendum. Si la surprise vient de la levée d’un non européen, y compris dans les rangs des Verts, c’était surestimer le poids des états-majors pour le oui et sous-estimer l’engagement de très nombreux citoyens européens, parfaitement informés de mécanismes pourtant opaques, et sous-estimer la prise de conscience des ravages sociaux et écologiques de l’Europe libérale. Qui nous a alerté sur la directive Bolkestein, il y a déjà plus d’un an ? Certainement pas les amis d’AL qui ont voté une résolution au Parlement européen le 13 février 2003, qui considère « que les principes du pays d’origine et de la reconnaissance mutuelle sont essentiels à l’achèvement du marché intérieur des biens et services » (résolution A5-0026/2003), ni les commissaires Pascal Lamy (PS), Philippe Busquin (PS Belge) ou encore Michaele Schreyer (Les Verts, Allemagne) qui l’ont approuvée le 13 janvier 2004. Qui nous alerte aujourd’hui sur la nouvelle directive sur le temps de travail ? Qui nous informe de la remise en chantier d’un règlement sur les substances chimiques, protecteur de la santé et l’environnement, pour satisfaire les intérêts des entreprises de la chimie (REACH) ? Et pourtant, aucune de ces directives n’est contradictoire avec la constitution qui au contraire leur donne une assise juridique : « En réalité le projet de traité constitutionnel, qui ne fait que rationaliser intelligemment le corpus juridique européen existant, consolide la base juridique qui fonde la directive Bolkestein »1. Une analyse détaillée de ces directives et de leur lien avec la constitution peut être consultée sur le site d’Attac-France.

Alors nous défendons un non européen, tout comme nous travaillons à la construction d’une véritable citoyenneté européenne, notamment à travers les forum sociaux européens, une citoyenneté ouverte au monde. Et quand je cite l’article I-6 ce n’est pas pour m’émouvoir de la perte de souveraineté des Etats mais pour souligner, contrairement à vos dires, qu’il s’agit bien d’un texte qui gagnera l’autorité d’une Constitution, même si son élaboration n’a rien à voir avec un processus constitutionnel. Je vous renvoie sur ce point à l’analyse qu’a faite Paul Alliès que je partage pour l’essentiel ainsi qu’à l’activisme largement reconnu de la Cour de Luxembourg. En revanche, cette perte de souveraineté n’est pas compensée par l’émergence d’une souveraineté européenne, souveraineté au sens d’expression des citoyens européens, de souveraineté populaire, d’expression politique. Même si les pouvoirs du Parlement européen sont augmentés, la partie trois de la constitution (331 articles) vide le Parlement de toute possibilité d’orienter la politique de l’Union qui est déjà, jusque dans le détail et de manière quasi-maniaque, fixée dans un sens ultra-libéral. Nous refusons l’hégémonie du « Tout Marché » : libéralisations et marchandisation généralisées ; hégémonie de la concurrence (et en particulier concurrence entre les Etats au lieu de la coopération) ; monétarisme fondé sur la seule stabilité prix et le capitalisme patrimonial ; orthodoxie budgétaire dans les Etats par le « pacte de stabilité et de croissance «  ; contrainte mondiale et délocalisations par le libre-échangisme débridé. Oui, nous refusons le gouvernement par le Marché. La démocratie est à ce prix !

Venons en au texte même d’Alain Lipietz.

Paragraphe 5 texte Alain Lipietz : Marché, services publics, Marché Commun

Le tout dernier (et court) paragraphe est selon nous central. Le problème pour nous n’est pas qu’on « parle trop de marché (AL) » dans le traité constitutionnel (qui ne « parle » pas mais édicte des règles), comme l’écrit Alain Lipietz à la fin de son texte, mais qu’on constitutionnalise « une économie sociale de marché hautement compétitive » où la « concurrence est libre et non faussée », et qu’on l’organise minutieusement dans la partie trois, dans 331 articles, visiblement honteux, puisque « le petit livre bleu » d’Olivier Duhamel intitulé, La constitution européenne, supprime cette partie III parce qu’elle est trop longue (sic).

Toujours pour le §5, une précision : ce traité n’institue pas un « Marché Commun » comme l’écrit A.L (qui supposerait un tarif extérieur commun), mais une zone de libre-échange (III-314).

Enfin pour nous la question des services publics n’est pas un détail qui mériterait une simple note de fin de texte. Contrairement à ce qu’écrit Alain Lipietz, (« l’article 122 sur les services publics » AL) il n’est pas question des services publics dans le texte, il est question des SIEG (Services d’intérêt économique général). Ces SIEG ne sont pas définis dans la constitution. Pour savoir ce qu’ils sont, il faut se reporter à la lecture du Livre Blanc de la Commission, qui prend bien soin de dire que les SIEG ne sont pas des services publics (page 23). Les SIEG doivent respecter la concurrence libre et non faussée (III-166), ils ne peuvent pas recevoir d’aides financières des états (III-167) sauf dérogation qui elle-même devrait respecter les règles de concurrence (III-167) ! Mais, nous explique A.L, l’article III-122 « introduit du nouveau(AL) ». Sans doute pense-t-il à l’argument du « oui » consistant à dire que cet article 122 permettrait qu’une loi européenne fixe les principes et les conditions de fonctionnement des SIEG. Or le traité actuel permet déjà le droit positif sur les SIEG comme le montre la réglementation au rabais des SIEG libéralisés (SIEG en réseau notamment) ou le travail avorté sur la directive cadre sur les SIEG pourtant officiellement demandée par le Conseil européen de Barcelone. La Constitution confirme la possibilité d’un droit positif. Rien de plus ! La loi européenne reste à l’initiative stricte de la Commission, qui dans son Livre Blanc sur les services publics prend soin de dire que la directive Bolkestein concerne bien les SIEG (p.11). Quant aux services d’intérêt général non économiques (éducation, services sociaux, etc.) ils ne sont définis nulle part - pas plus que les SIEG d’ailleurs - et ne sont pas mentionnés dans la constitution. Compte tenu du flou qui existe entre les services d’intérêt général non économiques et les SIEG, le fondement juridique des services publics n’est absolument pas assuré par la Constitution.

Nous divergeons effectivement, radicalement, sur la nature du libéralisme économique, sur ses effets, et donc finalement sur l’acceptation d’une loi économique supérieure qui régulerait les sociétés.

Paragraphe 2 texte Alain Lipietz : harmonisation fiscale, taxe Tobin

Concernant la taxe Tobin ou toute autre taxe sur les transactions financiers, leur mise en place sera quasiment impossible et c’est aussi un argument fort pour le non d’Attac. Pour le budget, le Parlement vote les grandes lignes de dépenses, mais il est seulement consulté pour l’adoption de nouvelles recettes qui relèvent d’une décision à l’unanimité du Conseil (I-54-3) : « Le Conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen ».Un tel dispositif, du fait de l’unanimité requise, rend quasiment impossible la création d’un nouvel impôt, de nouvelles taxes, ainsi que l’augmentation significative du budget européen. La mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières est quasiment impossible, et ceci d’autant plus que l’article III-156 indique : « (...) les restrictions tant aux mouvements des capitaux qu’aux paiements entre les états-membres et entre les états-membres et les pays tiers sont interdites ». Certes l’article III-157-3 prévoit des « dérogations », interprétées toutefois comme des « reculs » et exigeant l’unanimité du Conseil : « Par dérogation au §2, seule une loi ou une loi-cadre européenne du Conseil peut établir des mesures qui constituent un recul dans le droit de l’Union en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers. Le conseil statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen ».

Une taxe Tobin ou des taxes globales seraient interprétées comme une restriction aux mouvements de capitaux et/ou aux paiements entre Etats. Ces contraintes existaient déjà mais elles ne font que se durcir avec l’obligation de l’unanimité à 25 ou plus par la suite.

Concernant la fraude fiscale ou les paradis fiscaux, la conférence inter gouvernementale est en recul par rapport à la Convention sur l’avenir de l’Europe qui avait prévu un article sur les paradis fiscaux. L’article III-158-1, pourrait laisser penser que les états seraient autorisés à prendre des mesures pour « faire échec aux infractions (...) notamment en matière fiscale », mais l’alinea 3 précise bien que cela ne doit gêner en rien la libre circulation des capitaux (référence à III-156). De surcroît, l’alinea 4 précise qu’en ce domaine le Conseil statue à l’unanimité ! Voilà pourquoi, la possibilité ouverte par l’article I-271-1 qui évoque le blanchiment d’argent dans le domaine des infractions, n’a pas grande chance d’aboutir, d’autant que, dernière curiosité : « Le présent traité ne s’applique aux îles anglo-normandes et à l’île de Man que dans la mesure nécessaire pour assurer l’application du régime prévu pour ces îles (...) » (IV-440-6-a).
La sortie de l’Ile de Man de la constitution n’a rien à voir avec un désir de Blair d’aller vers une harmonisation fiscale comme le prétend A.L (« Si Blair a fait mettre l’île de Man hors constitution, c’est qu’il sait bien que, même si l’harmonisation fiscale n’est pas directement plus facile avec le TCE qu’avec le Traité de Nice, elle devient indirectement plus facile du fait que le vote à la majorité devient la règle et l’unanimité l’exception, ce qui renverse le rapport de forces », AL). A.L sait qu’il est le premier à s’y opposer farouchement !

AL commet une autre erreur concernant le vote à la majorité qualifiée dans le domaine de l’harmonisation fiscale, qui permettrait d’éviter le dumping fiscal. Aucune mesure n’est prévue concernant l’imposition directe qui n’est même pas mentionnée (III-170). Seule est mentionnée la possibilité d’une harmonisation des impositions indirectes, à condition que « cette harmonisation soit nécessaire pour assurer l’établissement ou le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence » (III-171). Dans ce domaine, le conseil statue à l’unanimité (III-171) et non à la majorité qualifiée comme l’affirme A.L. Ainsi, la possibilité d’une harmonisation fiscale est évacuée et les 25 États sont engagés dans une politique de moins-disant fiscal.
Ajoutons également que l’unanimité du Conseil est notamment requise aussi pour les ressources financières et le cadre financier, pour la quasi-totalité de la politique sociale et environnementale.

Paragraphe 3 texte d’Alain Lipietz : les procédures de révision

Concernant les procédures de révision, AL cite l’article 445, qui permet de réviser les politiques de l’Union, à la demande du Parlement, d’un gouvernement ou de la Commission. C’est l’alinea 1. Il oublie malheureusement de nous donner l’alinea 2 ainsi formulé :« (...) Le Conseil européen statue à l’unanimité, après consultation du Parlement européen ». Quant à la procédure simplifiée de révision de la constitution, art 444, AL n’est toujours pas allé au bout de l’article : le conseil européen peut adopter une décision européenne à la majorité qualifiée (alinea 1), mais pour décider de passer à la majorité qualifiée, il faut l’unanimité du Conseil. Alors, il faut plus de 5 mn pour lire la constitution et il faudra plus de 5 mn pour réviser le pacte de stabilité ! (« Si par exemple, comme la Commission le souhaite, les gouvernements se mettent d’accord sur une réforme du Pacte de Stabilité (...), ils peuvent le faire en 5 mn selon l’article 445 (...). » AL) !

Pour le Pacte de Sabilité, le protocole 10 (qui fait partie de la constitution, art IV-442), « Protocole sur la procédure réglant les déficits excessifs », rappelle les critères de convergence qui sont ceux du Pacte de stabilité et de croissance et reprend les deux critères de Maastricht : « 3% pour le rapport entre le déficit prévu ou effectif et le produit intérieur brut au prix du marché, 60% pour le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut au prix du Marché ». Qualifié de « stupide » par Romano Prodi lui-même (Le Monde, 17 octobre 2002) le Pacte, explicitement cité dans les explications (qui n’ont pas valeur constitutionnelle mais qui orientent les décisions) de la Conférence Gouvernementale concernant l’article III-184, est de fait constitutionnalisé : « La Conférence réaffirme son attachement aux dispositions relatives au Pacte de Stabilité et de croissance, qui constituent le cadre dans lequel doit s’effectuer la coordination des politiques budgétaires des États membres ».

Paragraphe 4 texte Alain Lipietz, le rôle du Parlement, de la commission, du Conseil

« Le Parlement européen exerce, conjointement avec le Conseil, les fonctions législative et budgétaire. Il exerce des fonctions de contrôle politique et consultatives conformément aux conditions prévues par la Constitution. Il élit le président de la Commission (... ) ». I-20.
L’extension du domaine de la « codécision », qui requiert l’accord du Conseil des ministres et du Parlement européen, renforce le rôle du Parlement. Mais, sur trois points clés, l’avancée reste faible.
Le Parlement n’aura toujours pas l’initiative des lois, monopole de la Commission : I-26-2 : « Un acte législatif ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement ». Contrairement à ce qu’écrit AL, la commission ne se contente pas de « la mise en forme des projets de lois ».

Dans le domaine budgétaire, il ne se voit attribuer qu’un pouvoir d’amendement sur les dépenses, sans droit au dernier mot (III-404) et sans droit sur des recettes nouvelles.

Enfin, s’il procède à l’élection du président de la Commission, c’est sur la base d’une proposition du Conseil européen (I-27).
« Le Conseil exerce, conjointement avec le Parlement européen, les fonctions législatives et budgétaires(...). Il exerce aussi des fonctions de définition des politiques et de coordination (...). Le Conseil statue à la majorité qualifiée, sauf dans les cas où la Constitution en dispose autrement » (I-23)

Cet exercice conjoint du Conseil et du Parlement est appelé codécision. Le champ de la codécision est étendu à trente-cinq nouveaux domaines, mais le Conseil légifère seul dans vingt et un domaines (lois et lois-cadres européennes, règlements et décisions). C’est notamment le cas pour : les mesures contre les discriminations ; l’extension des droits de la citoyenneté ; la réduction de la liberté de circulation des capitaux ; l’harmonisation des taxes sur le chiffre d’affaires des entreprises ; l’impôt sur les sociétés ; les nouvelles recettes de l’Union ; les mesures sur le marché intérieur ; la sécurité sociale et la protection sociale ; l’environnement ; l’interdiction des découverts des institutions publiques ; la politique étrangère ; la politique de défense.

Pour ce qui est du droit d’initiative législative citoyenne, nous conseillons au lecteur d’aller lire eux-même l’article I-47-4.

Alors je voudrais dire à Alain Lipietz que je ne lui ferai pas l’injure de croire qu’il n’a pas lu le texte, qu’il ne sait pas qu’au nom de la règle de la concurrence libre et non faussée, sur la plupart des questions liés à l’écologie, le Parlement est seulement consulté et les décisions sont prises à l’unanimité du conseil, que le texte promeut une agriculture productiviste qui motive le non de la Confédération Paysanne. Le marché intérieur s’étend aux produits agricoles et à l’agriculture (concurrence libre et non faussée). Le premier objectif de la politique agricole commune est « d’accroître la productivité de l’agriculture » (III-227-1). La préservation, la protection et l’amélioration de l’environnement ne font pas partie des objectifs de la politique agricole commune. Et dans le domaine de l’énergie, qui constitue un point central pour qui regarde l’avenir, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie (III-256).

Je remercie Alain Lipietz de nous permettre un vrai débat contradictoire que nous poursuivrons certainement lors de nos réunions publiques. Et je sais aussi que ces arguments ne devraient pas le surprendre, lui qui pour s’opposer au Traité de Maastricht écrivait en 1992 :
"Le vote sur Maastricht doit être bien compris. Ce n’est pas un vote surl’unification européenne. C’est un vote sur une proposition de constitution pour l’Europe. [...] D’une constitution, on n’attend pas qu’elle fixe les lois et les compromis sociaux dans le détail. [...]
Pour les écologistes, les critères pour juger ces "méta-règles" sont lessuivants : favorisent-elles une évolution vers une Europe plus écologiquement reponsable, plus socialement solidaire, où les pouvoirs seraient mieux contrôlés par les citoyens, et enfin plus solidaire despays plus pauvres qu’elle ? Le traité de Maastricht, qui juridiquementest encore plus fort qu’une constitution, a de tous ces points de vue,le mérite de la clarté, car il va au-delà des "méta-règles" : il exprime explicitement la philosophie de la société à laquelle il veut conduire, il fixe déjà des règles et des normes qui normalement devraient fairel’objet de lois à voter ou de politiques à contrôler. Il va au-delà des règles du jeu : il fixe des résultats à obtenir. Le résultat visé, c’est une "économie de marché". Non pas au sens où "il y a du marché", mais le sens de faire reculer ce qui est non marchand [...] Ainsi il est explicitement précisé que les banques centrales ne peuvent financer les déficits publics, qu’il est interdit d’accorder des prêts à taux privilégié aux entreprises ou administrations publiques [...]"




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