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par Alain Lipietz | 31 juillet 2010

La coopérative et la ruche
Brève contribution au débat sur la structuration d’Europe Ecologie

La coopérative et la ruche : brève contribution au débat sur la structuration d’EE

Après plusieurs mois de débats, la question de l’avenir d’EE se focalise toujours autour d’une tension : entre la volonté de démocratie, qui impose une certaine délimitation avec des règles du jeu du type « une personne , une voix » (la coopérative, où l’on adhère en « misant » quelque chose), et la volonté d’ouverture permanente (la ruche qui « pollinise » la société en en faisant son miel.)

Au moins le principe « une personne une voix » semble l’emporter sur le principe « consensus entre toutes les composantes », qui permettait à une oligarchie de négociateurs de déposséder les militant-e-s en expliquant que « c’est la faute aux autres (les vilains verts, les vilains non-verts) ». C’est une excellente nouvelle.

Le risque est alors grand de s’en tenir là : un nouveau parti, les Verts en plus grand. Encore faudrait-il améliorer les Verts en renforçant l’aspect coopératif (une personne, une voix), en éliminant l’aspect « fédération de courants », qui permet de renverser le vote local des militants sous prétexte que dans tel coin ou au niveau national le courant Machin n’est pas assez représenté. La proportionnelle des tendances, c’est bien en interne et à l’échelle correspondante, ce n’est pas un système de quota par écurie pour désigner les places éligibles en externe, et surtout pas pour exclure la grande majorité des « hors-courant ».

Mais alors… et la ruche, l’ouverture ?

Que ce soit la proposition de fédération qui limite et rigidifie des groupes politiques et cantonne les intellectuels dans une fondation périphérique, la proposition de « SCIC politique » avec collèges politique, associatif et divers, ou la proposition de parti unifié qui fait table rase de l’histoire politique des membres, il semble qu’on perde ce qui a fait la richesse et le succès d’Europe Ecologie, cette notion de rassemblement des personnes issues d’horizons divers qui se mettent ensemble pour faire gagner le projet de l’écologie politique. Ce qui a fait gagner EE, c’est qu’on a pu faire des listes sur lesquelles on affichait clairement et notre diversité, et l’unité de notre projet.

Par ailleurs, la question de la nébuleuse, de notre ancrage dans les réseaux, la question de la ruche et de la pollinisation, de comment on continue d’irriguer EE avec la matière grise des proches n’est pas résolue. La question de « comment on continue de faire venir à EE les déçus d’autres partis, des gens qui quittent le PCF ou le Modem » n’est pas résolue non plus.

Or la capacité de l’écologie politique à peser sur la réponse française et européenne à la crise économique, écologique et sociale se jouera largement aux élection des 2012 : sur notre crédibilité programmatique mais aussi sur notre capacité à rassembler sur cette offre politique nouvelle. Le choix de réduire EE à des « Verts+ » serait le choix de maintenir la subordination politique de fait de l’écologie à la sociale-démocratie.

Pour toutes ces raisons, il faut réfléchir à de sérieux amendements aux propositions de type « coopérative / parti unifié ».

1. Caractère expérimental de nos « institutions »

D’abord il faut admettre d’emblée que l’Objet Politique Non Identifié « Europe-Ecologie » n’a pas fini d’évoluer, même s’il doit entrer dans la préparation de 2012 sous une forme nettement plus identifiable qu’aujourd’hui. Les propositions que doit adopter la Constituante de novembre 2010 ne seront pas plus définitives que celle de 1789 !

2. Multicartisme transitoire.

Sur la base d’individus qui adhéreraient à Europe Ecologie, dans laquelle les décisions se prendraient selon la règle « une personne une voix », il conviendrait, dans un premier temps, qu’on ne demande pas aux adhérent-e-s de renoncer immédiatement à une appartenance politique autre.

La question ne se pose évidement pas pour les associatifs ou les syndicalistes (ça va de soi), en revanche elle se pose pour des personnes issue de mouvements dont l’objet est proche de l’objet d’un parti politique, tels Cap 21, le MEI, ou la Gauche citoyenne. Accepter qu’ils gardent leur carte permettrait d’une part qu’on puisse continuer d’afficher le rassemblement dans les propositions de candidats, et d’autre part qu’ils continuent à aller légitimement dans les instances de leur autre organisation pour y diffuser le message de l’écologie politique.

Concernant Waechter qui était sur la liste EE en Alsace et qui a fait des meeting du MEI contre les listes EE, le problème n’est pas la double appartenance, le problème est éthique !

Quant aux Verts qui ont dans leur statut le refus de la double appartenance et qui probablement continueront à exister juridiquement pendant la période transitoire, ils devront accepter (ou non), à la majorité, de considérer que l’appartenance aux verts et à EE ne constitue pas une violation de cette règle…

3. Prime à la pollinisation

Moins spectaculaire (dans la rubrique « Politique » des médias) que le regroupement de militants politiques, l’élargissement vers des associatifs syndicalistes et professionnels engagés est au cœur de notre réussite passée et de notre projet futur. Or, pour une Eva Joly qui est maintenant 100 % militante de EE, beaucoup plus nombreuse-s sont celles et ceux qui se sont engagé-e-s sur les européennes ou les régionales et sont prêt-e-s à s’engager à nouveau, sur « un coup », mais pas dans « un parti ». C’est l’air du temps, le militantisme post-moderne, où l’on s’engage en tant qu’individu sans « appartenance » (de classe, de famille idéologique) mais sur un projet contractuel.

Il faudrait donc concevoir EE, au delà de son noyau multicarte, comme un « halo » de sympathisants qui parfois, localement, ou nationalement, se cristallise en structure de décision pour mener ensemble une action bien déterminée (gagner une bataille ou une élection). Il y aurait donc des « EE permanents » ne répugnant pas à se réunir tous les mois, et des « EE associés » rassemblés pour une action et période précise.

Ces associés pourront se dire EE, et devront participer au débat et aux votes démocratiques de « l’organisation politique Europe-Ecologie », au moins sur l’engagement d’action contractuelle auquel ils ou elles adhèrent.

Concrètement : on pourrait participer à la campagne cantonale de EE à Trifouillis les Oies (et voter pour la désignation du candidat-e) sans participer à la définition de la doctrine de EE sur la pêche. D’autre part des pêcheurs pourraient participer à des ateliers et des actions EE sur la crise de la pêche, sans avoir à soutenir les candidats EE dans les cantons du littoral.

Ce que nous en espérons ? c’est que d’une part des pêcheurs aideront à élaborer la doctrine écologiste sur la pêche « soutenable ». Qu’ensuite ils participeront à des actions de EE, pas seulement sur la pêche. Et qu’enfin des urbains ayant soutenu des candidats EE loin des zones de pêche auront tendance à accepter les positions de EE sur la pêche…

Natalie Gandais-Riollet, Alain Lipietz




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