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> Les conséquences de la raréfaction du pétrole (http://lipietz.net/?article1452)
par Alain Lipietz | 7 mars 2005 Café Babel Les conséquences de la raréfaction du pétrole Entrevue
Il aurait été infiniment préférable que de prélever une écotaxe forte lors de la décennie précédente, alors que le prix du pétrole exporté par l’OPEP était faible. Avec un prix du pétrole constant pour le consommateur, les impôts auraient pu financer des recherches ou des équipements d’économie d’énergie, tels que les transports en commun. Une occasion a été manquée il y a dix ans. Sans cette adaptation technique, tant les pays industrialisés classiques que les nouveaux pays industrialisés se retrouvent maintenant extrêmement dépendants du pétrole. Comme celui-ci commence à se raréfier, pour des raisons géologiques et surtout géopolitiques (Irak, Russie, Nigeria), son prix explose, et ce que l’on n’a pas pu décider politiquement dans notre intérêt, on est en train de le subir aujourd’hui. Mais comme à toute chose malheur est bon, cela va peut-être obliger les gens à faire des économies d’énergie. La crise actuelle n’est-elle pas une nouvelle occasion à saisir, au profit, par exemple, des énergies renouvelables ? Il y a trois façons de répondre au prix élevé des énergies. La première chose à faire, c’est de diminuer la consommation finale, et lever le pied en voiture, par exemple. La deuxième mesure, et c’est en cela que le « signal prix » est utile, c’est d’augmenter l’efficacité énergétique de l’économie : voiture, usines, ampoules, etc...doivent moins consommer ! Enfin, à un troisième niveau, on peut changer de sources d’énergie. Il est évident que plus le pétrole est cher, plus les énergies renouvelables, seront favorisées. Mais cela ne suffit pas encore : à l’heure actuelle, le pétrole reste encore moins cher que certaines énergies de substitution. Alors faut-il attendre que les énergies renouvelables deviennent rentables ? On n’y est pas obligé. L’Union européenne a déjà émis une recommandation qui conseille que 21 % de notre énergie soit renouvelable d’ici 2010. Mais elle n’a pas de valeur contraignante. Certains Etats voisins mettent le paquet, comme l’Allemagne, le Danemark ou l’Espagne. Ils fixent un coût de rachat très élevé pour les électricités produites par les énergies renouvelables (vent, biomasse, etc.), ce qui consiste à les subventionner. Les quelques dizaines d’éoliennes par an en France restent évidemment très chères, alors que plusieurs milliers d’éoliennes seraient bien moins coûteuses. Ces pays mènent une politique pour « amorcer la pompe » : ils subventionnent au début de façon à soutenir une production en grande série, rentable à long terme. Quels sont les intérêts en jeu lorsqu’il s’agit de renoncer au pétrole ? De nouveaux industriels se lancent dans cette branche. Quelques compagnies d’électricité en Europe ont compris que l’avenir était au renouvelable. L’Allemagne, le Danemark et l’Espagne ont développé une industrie d’équipementiers des énergies renouvelables. La France, elle, semble coincée dans la technologie dangereuse du nucléaire qui constitue sa réponse pour reconquérir l’indépendance énergétique face au pétrole : Electricité De France (EDF) n’a pas soutenu l’industrie éolienne, ni même la géothermie. Les intérêts des grands industriels historiques de chaque pays continuent à peser sur la structure de production de l’électricité. N’êtes-vous pas sensible au risque que représente la diminution de la consommation de pétrole pour le développement des pays exportateurs ? Je suis le Président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec la Communauté andine. Il se trouve que les cinq pays membres produisent du pétrole : le Venezuela, gros producteur, ainsi que la Colombie, l’Equateur, le Pérou et la Bolivie. Pour eux, les conséquences sont importantes. Les années où le pétrole est moins cher, ils annulent des contrats de recherche, ôtent aux universitaires la possibilité de voyager, etc. Au Venezuela, 80 % des revenus de l’Etat proviennent du pétrole. Depuis des années, je prêche auprès des Vénézueliens en leur disant : « Vous êtes un grand exportateur dont les revenus dépendent totalement du pétrole ; mais, en même temps, vous êtes l’une des premières victimes de l’effet de serre, avec ces pluies torrentielles qui causent des milliers de morts ». Aujourd’hui, le Venezuela est le premier gros producteur de pétrole à avoir signé l’accord de Kyoto, parce que même si le pétrole rapporte, il tue aussi. En avril prochain, nous organisons un colloque dans ce pays en vue d’une alliance euro-venezuelienne sur le prix du pétrole. Vu son coût élevé dû à sa la rente pour les pays producteurs et aux taxes prélevées par les pays consommateurs, comment partager en deux le prix politique d’une diminution des exportations de pétroles ? En élevant suffisamment les prix, on peut diminuer les exportations et maintenir les revenus des pays pétroliers. La position de l’Europe sur la réduction de la consommation de pétrole et sur le développement d’énergies alternatives constitue-t-elle un enjeu majeur comparable à celui de Kyoto ? Evidemment, des négociations comme celles engagées avec le Venezuela permettraient de consolider l’alliance des pays exportateurs de pétrole, ou du « Tiers-Monde », avec l’Europe, en première ligne sur le protocole de Kyoto. Mais, pour inclure l’ensemble des pays en retard de développement dans la bataille de l’après Kyoto, il faut leur offrir quelque chose en échange : réduction de l’endettement, rémunération de la biodiversité, etc. On est obligé de prévoir un compromis plus global que celui de Kyoto sur le climat. Certains pays comme l’Indonésie, la Malaisie, le Nigeria, ont à la fois du pétrole à vendre et de la population à nourrir et à protéger. Sur le Web : L’entrevue sur le site de Café Babel |
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