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par Ben Cramer | 12 juin 2008

Introduction à la table ronde "Limiter l’impact des nouvelles armes et des nouvelles formes de conflit militaires sur l’environnement"
Introduction à la table ronde "Limiter l’impact des nouvelles armes et des nouvelles formes de conflit militaires sur l’environnement"
Introduction à la table ronde "Limiter l’impact des nouvelles armes et des nouvelles formes de conflit militaires sur l’environnement"

Das Schicksal mischt die Karten, und wir spielen
Arthur Schopenhauer
le destin mêle les carte et nous, nous jouons

Dans la salle et à la tribune, parmi les intervenants et l’assistance, un meilleur équilibre n’a pas encore été trouvé entre la composante militaire et la composante non militaire des participants. Mais je tiens à préciser de prime abord que des associations qui mènent un travail d’inspecteur de dégâts « sur le terrain » comme l’association Green Cross International, GCI, - auraient souhaité se joindre à nous. Green Cross s’illustre au fil des ans pour assainir de bases militaires, les transformer/convertir à des fins civiles ; ou procéder à des opérations de destruction d’armes et de munitions d’une façon respectueuse pour l’environnement (programme Conweap). D’autres représentants associatifs, tels les collectifs qui regroupent des ex-combattants victimes de leur propres armes, ont aussi été sollicités pour partager avec nous leurs expériences. Ils ont toute leur place dans ce débat. Bref, tout concourt à affirmer que la société civile tient à s’emparer de cette thématique qui dépasse les frontières et transcende les chapelles comme les opinions politiques. D’ailleurs, rien ne dit que l’institution militaire soit insensible au fait de pouvoir démontrer – à tous ceux qui payent leurs impôts pour « être en sécurité » - sa volonté et/ou sa capacité à oeuvrer en respectant la biosphère, la biosphère de l’Anthropocène [1].

Ayant l’honneur de présider cette deuxième table-ronde, je voudrais d’abord rendre hommage ici à Petra Kelly. Et pour cause : nous siégeons aujourd’hui dans une salle du Parlement Européen qui porte son nom. Cette visionnaire a non seulement marqué toute une génération de militants écologistes, « verts » ; elle a réfléchi à l’articulation entre sécurité et environnement, et ce avant même la sortie du désormais célèbre rapport Bruntland, "Notre Avenir à tous" ; elle a posé les jalons d’un « écosystème de la paix ». Bien que leader d’un mouvement de paix pan-européen, focalisé sur les euromissiles, Petra Kelly avait entrevu la banqueroute écologique de la course aux armements ; comme un lanceur d’alerte, elle avait mis en garde, et repris à son compte l’appel lancé à l’époque (1986) par son compatriote Willy Brandt [2] : « Nous nous trompons lorsque nous ne voyons la sécurité qu’en termes purement militaires comme si l’explosion démographique, la limitation des ressources et le viol de l’environnement étaient des risques de second ordre ». Je crois que, dans cette enceinte du Parlement Européen, nous nous rendons bien compte que ces risques dits « de second ordre » vont devenir les sujets stratégiques du XXIè siècle ; que les enjeux d’environnement ne seront plus dissociés des questions géopolitiques ; que la gestion des crises à dominante environnementale ne passera pas forcément par des recettes puisées dans les poubelles de la guerre froide ; des recettes qui tentent vainement de combiner, dans une vision peu durable, un discours sécuritaire, une diplomatie qui n’a de ’sécurité collective’ que le nom.

Chacun d’entre nous est la somme de ce qu’il n’a pas calculé
Tom Wolfe

En tant que représentant de FDD, (Forum du Développement Durable), je voudrais juste dire que notre démarche en tant qu’association se situe dans le prolongement de ce qu’ont échafaudé les auteurs de cette initiative sous l’impulsion d’Alain Lipietz. To make a long story short, nous estimons aussi qu’une analyse s’impose dans le cadre de la « sécurité collective ». Ce concept évolue : preuve en est que les aspects écologiques de la paix et de la sécurité ne figurent pas dans la Charte des Nations Unies (d’il y a... 60 ans). Certes, la « sécurité collective » appliquée par l’ONU ne peut prétendre garantir la paix entre les nations – pas plus que le gendarme n’assure la sécurité routière, ou le port d’armes la sécurité publique. Nous assistons et participons donc à une évolution qu’il ne faudrait pas sous-estimer : quel que soit le degré de militarisation des esprits et des structures, quelle que soit la répartition internationale de la menace de mort, la paix et la sécurité sont perçus, de plus en plus, et au regard de la dégradation de nos écosystèmes comme un fléau [3] qui tend à se situer de plus en plus au coeur de tensions nationales et internationales.

Des exigences nouvelles dans des situations d’insécurité environnementale peuvent-elles aboutir à des approches qui écartent le recours aux armes ? On peut l’envisager, non pas parce que le pollueur sera le payeur, non pas parce que la nature souillée et perturbée revendiquera une forme de ’légitime défense’, mais parce que, comme dirait Federico Mayor, Signer des traités de paix n’aura plus grand sens quand toutes les terres émergées seront désertiques et les océans stériles” [4].

Pour prévenir les menaces que les conflits font peser sur notre environnement, on peut déjà considérer qu’il faut faire entrer les lois de la guerre dans le XXIe siècle, celui du développement durable », comme le préconisait en 2003 le directeur du PNUE. Où en est-on aujourd’hui ? Il y a trente et un ans, la France signait le Protocole de 1977 additionnel aux Conventions de Genève de 1949. L’article 55 stipule « la guerre sera conduite en veillant à protéger l’environnement naturel contre des dommages étendus durables et graves. Cette protection inclut l’interdiction d’utiliser des méthodes et moyens de guerre conçus pour causer ou dont on peut attendre qu’ils causeront des dommages à l’environnement naturel, (...) Les attaques contre l’environnement naturel à titre de représailles sont interdites. A la même époque, d’autres règlementations tentent de se mettre en place. La convention ENMOD (cf. contribution de Luc Mampaey) s’inscrit dans cette problématique. Elle tente depuis 1977 – quitte à anticiper certaines percées technologiques dans la guerre géophysique - de prévenir certaines dérives destructrices. On ne peut que regretter que cet instrument juridique soit si peu connu dans l’Hexagone, et même malmené puisque boudé par Paris en pleine guerre froide, et toujours pas ratifié par la France. On peut le regretter car cette convention est assez emblématique. ENMOD peut s’enorgueillir d’avoir fait valoir, pour la première fois, que la planète Terre et l’Humanité (excusez-moi de mettre un H majuscule) doivent être préservées - ce qu’aucun traité de désarmement n’avait mis en relief auparavant. Si cette convention n’est pas l’instrument adéquat pour interdire certains systèmes d’armes, pour empêcher que les conflits soient « dénaturés », avec le recours aux armes dites « inhumaines » tel que l’uranium appauvri ou d’autres..., ENMOD mérite sûrement d’être ’ré-actualisée’.

Dans cette perspective, la journée internationale pour la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre devrait figurer parmi les dates qui comptent, au même titre que le 8 mars, le 1er mai ou... le 8 mai. Grâce à l’ONU et au Programme des Nations Unies pour l’Environnement, le PNUE [5], elle est célébrée chaque année - depuis 2001 - le 6 novembre, dans tous les pays du monde.

Au-delà du 12 Juin 2008

En admettant que cette rencontre n’est qu’une première d’une longue série, faisons l’effort de nous transposer dans les « prochaine fois ». Imaginons ....Nous disposerons de plus en plus d’outils pour évaluer l’impact – en temps de paix comme en temps de guerre - des activités militaires sur l’environnement, même si le Protocole de Kyoto ne prévoit pas de prendre en compte ces activités là. Même si des apôtres de la destruction durable feront valoir, à intervalles réguliers, que la guerre est le seul recours à la portée des humains pour réduire la disproportion entre la croissance démographique et les limites des ressources disponibles.

Tandis que les activités polluantes des forces armées échapperont à tout contrôle, - faute de casques verts - , tandis que des critères de développement inhumain tarderont à se mettre en place, - avec ou sans RSE - , tandis que les ressources (biens communs) risquent d’être enrôlés dans les tourbillons de la privatisation, nous aurons le devoir de réfléchir sur les moyens les plus appropriés - au-delà d’une taxe sur les billets d’avion par exemple - de mettre les ressources militaires (de plus de mille milliards de dollars dont un quart pour les 27 pays de l’UE) au service de finalités environnementales, ce que Mustafa Tolba, alors directeur général du PNUE, avait préconisé au début des années 90.




NOTES


[1Référence au récent ouvrage remarquable de Jacques Grinevald Pétrole et climat, la double menace. Repère transdisciplinaire 1824-2007. Éditions Médecine & Hygiène, Genève, éditions, Georg, 2007, Collection : « Stratégies énergétiques, Biosphère et Société.

[2Willy Brandt, World Armament and World Hunger, 1986.

[3Sans oublier la pauvreté et les droits de l’homme, ces fléaux ayant tendance à se combiner.

[4F. Mayor.

[5cf Journée mondiale ou encore site officiel.

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