lundi 18 mars 2024


















15 novembre 2000

Turquie
Élargissement
Rapport Morillon
Résolution du Parlement européen sur le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésions .
Rapporteur : Philippe Morillon

Le Parlement européen,

- vu la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne,

- vu sa résolution du 3 décembre 1998 sur la nouvelle stratégie de l’Union européenne vis-à-vis de la Turquie,

- vu le rapport régulier 1999 de la Commission sur les progrès réalisés par la Turquie sur la voie de l’adhésion,

- vu sa résolution du 2 décembre 1999 sur la mise en œuvre d’actions visant à approfondir l’union douanière CE-Turquie,

- vu le règlement (CE) no 764/2000 du Conseil du 10 avril 2000, relatif à la mise en œuvre d’actions visant à approfondir l’union douanière CE-Turquie,

- vu sa résolution du 6 septembre 2000 sur la mise en oeuvre d’actions visant à promouvoir le développement économique et social de la Turquie,

- vu sa résolution du 7 septembre 2000 sur les bombardements turcs au nord de l’Irak,

- vu l’article 47, paragraphe 1, de son règlement,

- vu le rapport de la commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécurité commune et de la politique de défense,

A. rappelant la décision du 13 décembre 1999 du Conseil européen de Helsinki d’accorder à la Turquie le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne et de mettre en place un partenariat d’adhésion ainsi qu’un cadre financier unique pour aider la candidature de la Turquie à progresser en conformité avec les critères de Copenhague,

B. considérant que, une fois le statut de pays candidat reconnu, il importe que l’Union, d’un commun accord avec le gouvernement turc, élabore une stratégie crédible et globale en vue de l’adhésion, et qu’elle la mette en œuvre de manière appropriée,

C. considérant que les négociations d’adhésion ne peuvent pas commencer tant que les critères de Copenhague ne sont pas respectés par la Turquie,

D. considérant qu’il y a lieu de créer entre la Turquie et l’Union européenne un climat de confiance mutuelle, dans lequel la Turquie puisse concevoir l’Union non pas comme un "club chrétien exclusif" mais comme une communauté partageant les mêmes valeurs, parmi lesquelles figure en particulier la tolérance à l’égard des autres religions et cultures, et constatant que l’adhésion à l’Union européenne ne comporte aucune condition culturelle ou religieuse formelle,

E. considérant qu’un programme clair et précis constituera une incitation efficace à l’accélération de la réforme dans le sens de la protection des droits de l’homme et de la démocratie et renforcera considérablement l’influence de ceux qui, dans le gouvernement, le parlement et la société civile turcs, aspirent à instaurer le respect intégral des droits fondamentaux dans leur pays ;

F. prenant acte des changements législatifs réalisés sur la voie de la démocratisation depuis la réforme constitutionnelle de 1995 et la création de la commission de conciliation auprès de la Grande Assemblée nationale turque chargée des travaux de réforme de la constitution,

G. saluant la signature par la Turquie, le 15 août et le 8 septembre 2000, de quatre importantes conventions des Nations unies portant respectivement sur les droits politiques, civils, sociaux et culturels, qui doivent être ratifiées le plus rapidement possible afin que les droits de l’homme et le pluralisme démocratique soient garantis dans ce pays,

H. soulignant que, malgré les progrès ainsi accomplis sur la voie de la démocratisation, la situation des droits de l’homme et des minorités doit continuer a être améliorée par la mise en œuvre la plus rapide possible de ces conventions,

I. considérant que la confirmation à Ankara des peines prononcées contre l’ancien premier ministre Necmettin Erbakan n’est pas conforme aux règles de la démocratie pluraliste, comme l’a déclaré Lord Russel-Johnston, Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe,

J. considérant que la résolution 1250 du Conseil de sécurité des Nations unies invitait les parties chypriotes turque et grecque à engager des négociations à l’automne 1999 et qu’aucun progrès en ce sens n’a été constaté en dépit des contacts encourageants établis sous l’égide du Secrétaire général des Nations unies en décembre 1999 et en janvier 2000 ; déplorant au contraire la violation du statu quo militaire par les forces d’occupation turques dans le village de Strovilia depuis le 1er juillet 2000,

K. considérant que l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme "Loïzidou contre Turquie" (no 15318/89), rendu le 28 juillet 1998 et statuant en faveur de la requérante, n’a toujours pas été appliqué à ce jour,

L. considérant que l’élection à la présidence de la république de M. Sezer, qui a fait la preuve de son engagement en faveur de l’État de droit, constitue un atout pour mener à bien les réformes nécessaires,

M. constatant la place de la Turquie dans l’économie européenne, avec un PIB de 185 milliards de dollars en 1999, et les liens déjà établis entre la Turquie et l’Union européenne, 53 % des exportations de ce pays s’effectuant avec les membres actuels de l’Union européenne et la Turquie se trouvant au sixième rang des pays importateurs de produits en provenance de l’Union,

N. considérant qu’en décembre 1999, le train de réformes économiques réclamées par le FMI, visant à instaurer la rigueur budgétaire et à endiguer l’inflation galopante, a été approuvé par le Parlement turc,

O. encourageant le gouvernement turc, d’une part, à s’engager à mener des réformes structurelles qui, du démantèlement des subventions d’État à la refonte des retraites ou encore à l’accélération des privatisations, doivent tendre à renforcer les règles d’un marché libre et accessible à tous et, d’autre part, à continuer ses efforts pour adopter la législation communautaire,

P. reconnaissant la grande importance géostratégique de la Turquie, eu égard à son rôle dans le cadre de l’Alliance atlantique et à son statut de membre associé de l’UEO, mais faisant observer que des considérations géopolitiques et stratégiques ne sauraient être prépondérantes dans les négociations relatives à l’adhésion,

Q. se félicitant du fait que la Turquie a signalé son intention de contribuer à engager des capacités militaires dans le cadre de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense (PECSD),

R. déplorant la récente incursion de l’aviation turque en territoire irakien à l’occasion du bombardement de Kendakor le 15 août 2000, qu’il condamne catégoriquement,

S. considérant, en accord avec le rapport de la Commission, que "la Turquie a réalisé un important travail d’auto-évaluation du niveau d’harmonisation de sa législation avec l’acquis communautaire" et qu’elle est le seul pays candidat à avoir adhéré à l’union douanière,

T. saluant la décision, prise dans cet esprit le 5 juillet 2000 par le Parlement turc, d’inclure dans le huitième plan quinquennal de développement les principes de la reprise de l’acquis communautaire, et de créer un secrétariat à l’Union européenne, chargé de coordonner les travaux nécessaires à cette reprise,

U. soulignant cependant qu’un effort important reste à réaliser pour la réforme en cours d’élaboration du code civil turc, notamment en matière de droit parental et de droits des femmes,

V. exprimant sa préoccupation envers le projet visant à rendre possible le licenciement de fonctionnaires pour des raisons idéologiques ou religieuses ;

1. se réjouit de la reprise des activités institutionnelles et du dialogue politique au sein du Conseil d’association, qui s’est réuni le 11 avril 2000 après trois ans d’interruption, salue en particulier la récente mise en œuvre des conclusions du Conseil d’association, à savoir l’ouverture de l’examen analytique de l’acquis communautaire par la création de huit sous ?comités chargés de la définition des priorités concernant l’intégration de l’acquis communautaire ; constate avec satisfaction que les premières réunions de trois de ces organes ont été fructueuses, et espère que les autres auront lieu d’ici la fin de l’année ;

2. encourage le gouvernement turc à intensifier ses efforts de démocratisation, notamment dans les domaines de la réforme du code pénal, de l’indépendance de la justice, de la liberté d’expression, des droits des minorités et de la séparation des pouvoirs, surtout en ce qui concerne l’impact du rôle de l’armée dans la vie politique turque ;

3. invite le gouvernement et le parlement turcs à ratifier et à mettre en œuvre les conventions des Nations unies signées récemment et relatives aux droits politiques, civils, sociaux et culturels ;

4. encourage à cet égard le parlement et le gouvernement turcs à intégrer dans le programme gouvernemental le rapport élaboré par le secrétariat du Haut-Conseil de coordination turc des droits de l’homme ; salue l’adoption par le Conseil des ministres turc, le 21 septembre 2000, de ce rapport comme "document de référence et de travail", et demande que soit réintégrée dans ce rapport la partie concernant les droits culturels, en y ajoutant des mesures concrètes en faveur de la protection des droits des minorités ;

5. escompte une abolition urgente des cours de sûreté de l’État et salue l’adoption de la loi portant ajournement des poursuites et des peines pour des délits de presse et de radiodiffusion ;

6. demande, dans un premier temps, une amnistie en vue d’aboutir, à moyen terme, à une réforme du code pénal qui le rende compatible avec le principe universel de la liberté d’expression ;

7. interprète la décision récente de la Cour constitutionnelle sur la loi offrant un sursis aux crimes commis par voie de presse comme une mesure visant à conforter l’État de droit, et encourage les autorités compétentes à saisir cette occasion pour poursuivre leurs réformes en ce sens, sachant que ce processus, en toute logique, les conduira notamment à une remise en question profonde de l’article 312 du code pénal ;

8. demande qu’après beaucoup de promesses la peine de mort soit abolie au plus vite dans le cadre de la réforme pénale et qu’en attendant le moratoire en cours soit maintenu ;

9. rappelle son attachement à la reconnaissance des droits élémentaires des identités culturelles, linguistiques et religieuses qui composent la mosaïque turque ;

10. invite en conséquence le gouvernement turc et la Grande Assemblée nationale turque à accroître leur soutien à la minorité arménienne - qui représente une part importante de la société turque - notamment par la reconnaissance publique du génocide que cette minorité a subi avant l’établissement d’un État moderne en Turquie ;

11. prend note des décisions intervenues le 30 novembre 1999 et le 26 juin 2000 pour la levée de l’état d’urgence, respectivement dans la province de Siirt et dans la province de Van ; demande au gouvernement turc de lever aussi cet état d’urgence dans les autres provinces de la région du sud-est et qu’une solution spécifique soit trouvée pour le peuple kurde, qui s’assortisse des indispensables réponses politiques, économiques et sociales ;

12. engage le gouvernement turc à réorienter concrètement sa politique en vue d’améliorer la situation des droits de l’homme de tous ses citoyens, y compris ceux qui appartiennent à des identités dont les racines plongent dans l’histoire de ce pays, en mettant fin aux discriminations politiques, sociales et culturelles dont ils sont victimes, afin de trouver, pour ceux d’origine kurde, une solution politique respectant l’intégrité territoriale de la Turquie ; invite également les autorités turques à entreprendre un dialogue avec les représentants politiques de la communauté kurde, notamment avec les maires de la région du Sud-Est ;

13. exige la libération de Leyla Zana, lauréate du prix Sakharov du Parlement européen, et des ex-députés d’origine kurde emprisonnés pour délit d’opinion ;

14. se félicite que le gouvernement turc ait adopté en septembre 2000 un plan d’action visant à rétablir les équilibres économiques dans le but de résorber les disparités régionales en fournissant des ressources appropriées, ainsi qu’à promouvoir la revitalisation des hameaux et la reconstruction des villages afin de permettre aux habitants d’y revenir, à quoi s’ajoutent de nombreuses autres mesures tendant à favoriser l’investissement dans le sud-est ;

15. salue la décision du Conseil européen de Helsinki de mettre en place un cadre financier unique, qui serait basé sur des ressources d’un niveau approprié, ainsi qu’un partenariat d’adhésion, et invite le Conseil et la Commission à donner le plus rapidement possible un contenu à ces deux décisions et à réexaminer le volume de l’aide financière apportée par l’Union européenne à la Turquie, qui devrait répondre aux besoins de la stratégie de préadhésion, ce sur la base des conclusions des Conseils européens antérieurs et, plus particulièrement, dans l’optique des droits de l’homme et des problèmes évoqués aux paragraphes 4 et 9 (b) des conclusions d’Helsinki ;

16. demande au Conseil européen, conformément aux dispositions du dialogue politique de l’Union européenne avec les pays associés, de prendre note de la requête du gouvernement turc d’être associé d’une façon ou d’une autre au processus d’évolution de la politique étrangère et de sécurité commune, et salue la volonté de la Turquie de contribuer à l’amélioration des capacités européennes dans le cadre de la politique européenne commune en matière de sécurité et de défense (PECSD) ; estime que toute contribution de cette nature doit être précédée d’une politique clairement formulée de respect de l’intégrité territoriale des États membres ;

17. se réjouit du début des négociations sur des mesures de confiance dont sont convenus, le 31 octobre 2000, les ministres turc et grec des Affaires étrangères ;

18. demande au gouvernement turc, conformément à la résolution 1250 du Conseil de sécurité des Nations unies, de participer à la création d’un climat propice, et sans conditions préalables, aux pourparlers entre les communautés chypriotes grecque et turque, en vue de parvenir à un règlement négocié, global, juste et durable qui soit conforme aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et aux recommandations de l’Assemblée générale des Nations unies, comme réaffirmé par le Conseil européen, et espère que cela pourra se faire au cours du cinquième tour des négociations de proximité, qui débutera le 10 novembre 2000, et que celles-ci déboucheront sur des négociations bilatérales, sous le contrôle de l’ONU, permettant d’aboutir à des progrès substantiels ;

19. demande au gouvernement turc de retirer ses troupes d’occupation de la partie nord de Chypre ;

20. invite le gouvernement turc, comme il l’a proposé, à améliorer ses relations avec l’ensemble de ses voisins du Caucase, dans le cadre d’un pacte de stabilité pour la région ;

21. invite à cet égard le gouvernement turc à entamer un dialogue avec l’Arménie en vue notamment de rétablir des relations diplomatiques et commerciales normales entre les deux États et de lever le blocus actuellement en vigueur ;

22. invite le gouvernement turc, en coopération avec la Commission, à poursuivre ses efforts tendant à intensifier la mise en œuvre de la stratégie de préadhésion en matière d’intégration de l’acquis communautaire, en améliorant notamment la situation dans des domaines tels que le marché intérieur, l’agriculture, les transports, l’environnement et l’organisation administrative ;

23. se félicite que le gouvernement turc ait indiqué récemment que le processus de réforme, qui englobe la modification du code pénal et du code civil turcs, y compris les droits parentaux et les droits des femmes, serait renforcé au cours de l’année à venir ;

24. invite le gouvernement turc à se conformer aux décisions, passées et à venir, de la Cour européenne des droits de l’homme et à considérer les propositions faites par le Conseil de l’Europe dans le domaine de la formation des juges et des policiers ;

25. rappelle également à la Turquie ses engagements au sein du Conseil de l’Europe, et l’invite à intégrer les instruments de cette organisation afin de permettre, notamment, un suivi plus efficace de l’application des mesures politiques du partenariat d’adhésion ;

26. estime que la Turquie ne remplit pas actuellement tous les critères politiques de Copenhague ; réitère sa proposition de mise en place de "forums de discussion" réunissant des personnalités politiques de l’Union européenne et de la Turquie, ainsi que des représentants de la société civile, afin de favoriser le dialogue politique et d’aider la Turquie à progresser sur la voie de l’adhésion, et salue l’initiative prise par l’ancien Président de la Turquie, M. Demirel, d’établir une fondation Europe-Turquie qui pourrait prendre place dans ces forums ;

27. demande à la Commission d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes supplémentaires dans le domaine de l’éducation, eu égard au pourcentage extrêmement élevé (50 %) de jeunes de moins de 25 ans, afin de contribuer à la promotion de la compréhension des principes fondamentaux des valeurs communes de l’Europe ;

28. invite le Conseil et la Commission à trouver les moyens d’améliorer l’efficacité des programmes MEDA pour la démocratie en Turquie, afin d’y renforcer la société civile, d’y consolider le système démocratique et d’y soutenir les médias libres et indépendants ;

29. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil, aux gouvernements et aux parlements des États membres, ainsi qu’au gouvernement et au parlement turcs.


Voir la présentation de la situation.




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