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> Contre la haine de guerre (http://lipietz.net/?article990)
votre référence : Il y a quelques mois, nous vivions déjà l’Intifada, la réoccupation israélienne des villes palestiniennes et les attentats-suicides en Israël, mais pas encore la guerre en Irak. Dans la grande salle de la Bourse du travail de Saint-Denis, près de Paris, quelques centaines de personnes écoutaient attentivement des objecteurs de conscience israéliens. Parmi l’auditoire, un groupe de jeunes gens, hommes et femmes, ostensiblement vêtus de tenues « islamistes ». (art. 990).par Martine Billard , Bernard Dréano | 4 avril 2003 Libération Contre la haine de guerre
Un officier de Tsahal, se définissant lui-même comme « patriote israélien », venait d’expliquer pourquoi, au nom de ce patriotisme même, il refusait de servir dans les territoires occupés. Une des jeunes musulmanes, voilée, lui a adressé la parole : « Je voudrais vous remercier du témoignage que vous venez de nous apporter. » Puis elle s’est tournée vers la salle : « Et je voudrais dire à mes frères et à mes soeurs qui sont ici ce qu’il nous faut retenir de cet exemple, il faut savoir exercer la critique dans sa propre communauté. » Il y a quelques mois, des hommes et des femmes vivant en France, juifs, musulmans ou autres, se sentant, très naturellement, profondément concernés par la tragédie israélo-palestinienne, s’exprimaient à son sujet, comme il est normal dans une société démocratique. Mais, déjà, les frustrations ou les angoisses commençaient à générer la haine de guerre, celle où l’on stigmatise un groupe, une communauté, un peuple, comme un ennemi immanent, perpétuel et collectif de son propre groupe, de sa propre communauté, de son propre peuple. A l’antisémitisme rassis de la vieille extrême droite succédait une nouvelle forme d’agressive judéophobie chez quelques jeunes musulmans de France, mais aussi, de manière moins brouillonne et brutale, mais souvent plus intellectuelle, dans certains milieux, une nouvelle islamophobie... Toute sympathie pour le peuple israélien et les victimes civiles des attentats était taxée par certains de soutien à Sharon, tandis qu’à l’inverse, toute critique de ce dernier, toute demande du respect élémentaire des règles du droit international par Israël, devenait pour d’autres preuve d’antisémitisme. Aujourd’hui, l’administration Bush fait la guerre en Irak et prétend éliminer un dictateur en s’affranchissant des règles de droit, sans aucune proposition pour une paix juste, globale, respectant à égalité tous les peuples de la région, des hommes et des femmes kurdes comme palestiniens, israéliens comme arabes de l’Arabie « Saoudite ». Une prétention et une brutalité qui ne font que nourrir un peu plus la haine de guerre, entre un bombardement de civils à Gaza et un attentat-suicide à Netanya, en Palestine et en Israël. Mais cette haine s’est exprimée aussi, à Paris, avec l’agression de jeunes de l’Hachomer Hatzaïr poursuivis parce que juifs, par un petit groupe d’excités de la « cause arabe » venant des rangs d’une manifestation contre la guerre, sortes de frères jumeaux d’autres excités de la Ligue de défense juive, ceux-là qui, quelques mois plus tôt, sortis des rangs d’une manifestation du Crif, avaient attaqué des Arabes parce qu’Arabes, presque au même endroit, tout près de notre symbole républicain de la Bastille ! Agression aussi, lors d’une autre manifestation antiguerre, du poète irakien Salah Al Hamdani, cette fois-ci par quelques abrutis pro-Saddam Hussein nourris de la haine de la démocratie. La lutte contre cette haine de guerre nous concerne tous, et nous devons dénoncer et isoler ceux qui la propagent, combattre ceux qui l’organisent dans nos mouvements, nos manifestations, nos voisinages. Pour l’éradiquer, nous devons aussi nous attaquer à ses causes. Elle se construit sur les sentiments d’injustice et de discrimination ici même, dans notre propre société, que l’on ne traitera ni par les gesticulations du « tout-sécuritaire », ni par l’abandon de certaines politiques sociales, laissant sur le carreau des « beurs », des « feujs » et d’autres dans nos quartiers. Mais, bien entendu, l’essentiel se passe là-bas, à l’autre bout de la Méditerranée, d’où le foyer incandescent nous projette ses braises. Faire reculer la haine de guerre, ce n’est pas encourager tel ou tel boutefeu. C’est au contraire soutenir ceux qui, dans les conditions difficiles que l’on imagine, persistent à dire quelque chose de très simple et à essayer de le faire entrer dans les faits : les êtres humains doivent être égaux en droits et en respect. Nous qui nous sentons, très naturellement, profondément concernés par la tragédie israélo-palestinienne ici en France, nous devons soutenir ceux qui luttent là-bas pour l’égalité des droits. Et nous devons, ici, reconnaître que l’antisémitisme prend aujourd’hui de nouvelles formes, c’est la condition indispensable pour le combattre, car laisser faire aujourd’hui nous préparerait des lendemains sinistres. Dans le principe de laïcité, nous devons inlassablement prôner la tolérance et le respect de tous les peuples, toutes les cultures, toutes les religions. Le refus de la haine de guerre va de pair avec le refus de tous les racismes. Ce sont les bases même d’une lutte pour la paix. |
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