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par Alain Lipietz | 24 janvier 2007

Intervention à l’atelier APE organisé au FSM de Nairobi par Oxfam-France, Peuples solidaires
Accords de partenariat économique : comment peser ?
Plusieurs intervenants ont demandé « Que peuvent faire les députés européens ? ». Avant de répondre, il faut replacer les négociations des Accords de partenariat économique avec l’Afrique dans le contexte plus général d’échec du cycle de Doha de l’OMC.

Depuis 2003 environ, les Etats-Unis sont convaincus que la voie du multilatéralisme à l’OMC s’est retournée contre eux. Ils ont cherché à conclure des accords de libre-échange ambitieux, comme l’Accord de Libre Echange des Amériques, puis se sont très vite rabattus vers des accords bilatéraux, entre les Etats-Unis et des pays beaucoup plus petits qu’eux.

L’Europe a toujours refusé cette voie, défendant le multilatéralisme, qu’elle percevait comme son propre modèle de construction. Mais en 2006, la Direction du Commerce extérieur de Peter Mandelson (successeur de Pascal Lamy) a compris que cette voie était sans issue, et qu’on ne ressusciterait que très difficilement le cycle de négociations de Doha. Elle s’est donc ralliée à la stratégie américaine d’accords bilatéraux, mais en essayant de maintenir sa propre petite musique, qui consiste à rechercher des accords bi-régionaux plutôt que bilatéraux, c’est à dire entre l’Union européenne et d’autres blocs régionaux, et en combinant, à des négociations de type OMC ou OMC+ (incluant des aspects d’ouverture des marchés de services publics et de reconnaissance des droits de propriété intellectuelle), des aspects plus« généreux » (aide au développement, défense des droits de l’Homme).

Ce qui frappe évidemment quand on arrive à Nairobi, c’est que les accords de partenariat qui se négocient avec l’Afrique sont perçus comme très proches de simples accords de libre-échange. Ce qui pour les Africains n’a strictement aucun intérêt : ils ont déjà accès libre aux produits du marché européen (régime « tout sauf les armes »), et ils ont l’impression qu’on exige d’eux la destruction de leur protections douanières, qui sont souvent en plus leurs seules ressources fiscales. D’où la colère des organisations populaires africaines contre l’Europe, qui ressemble beaucoup à celle des Sud-américains contre l’ALCA (accord de libre-échange continental des Amériques) que leur propose les Etats-Unis. Mais quand on regarde l’ensemble des négociations que mène actuellement l’Europe, la perception est beaucoup plus différenciée. Dans l’accord d’association avec l’Inde ou la Corée, ce sont ces pays qui sont demandeurs de libre-échange – certes pas leurs paysans, mais leurs classes dirigeantes, leurs industriels et dans certains cas leurs syndicats, comme en Corée. Pour eux, l’Europe reste protectionniste vis à vis des biens, notamment textiles, électroniques etc qu’ils sont tout à fait disposés à lui exporter. Côté sud-américain, d’autres accords sont en négociation avec l’Amérique centrale et l’Amérique andine, et dans ce dernier cas, les gouvernements progressistes locaux (Bolivie, Equateur) sont tout à fait en faveur d’un accord d’association, dont ils perçoivent justement qu’il pourrait être foncièrement différent d’un traité de libre-échange néo-colonialiste.

Comment expliquer cette différence ? Essentiellement par le degré de mobilisation de la société civile. Car ici je dois répondre très clairement à ceux qui me demandent ce que font les eurodéputés. La réponse est simple, ils n’ont pas voix au chapitre pendant les négociations, ils ne pourront que dire Oui ou Non à la fin. Telles sont les règles du traité de Maastrciht Nice. Le Traité constitutionnel européen prévoyait de les associer au suivi des négociations. Il faut donc comprendre que le rejet de la Constitution a abouti purement et simplement au choix de la fast track, c’est-à-dire la voie rapide où seul l’exécutif (la Commission de Bruxelles) négocie.

Et pourtant, je dois dire qu’en tant que président de la délégation du Parlement européen pour la Communauté andine, j’ai l’impression d’y être associé. Comment cela se fait-il ? Eh bien tout simplement parce que la société civile dans les pays andins (et à l’exception de la Colombie où le conflit armé a réduit l’activité des associations à la défense des droits de l’Homme), les organisations populaires sont puissantes, elles mènent des batailles incessantes contre les entreprises minières, pour les peuples indigènes etc. Dans le cas de la Bolivie et de l’Equateur, elles ont joué un rôle décisif dans l’installation au pouvoir d’une représentation politique de leurs aspirations. Et ce sont les gouvernements eux-mêmesqui proscrivent alors les termes « libre-échange » des accords commerciaux.

Visiblement, ce n’est pas le cas en Afrique, et l’altermondialisme européen, resté trop longtemps polarisé sur l’OMC alors que la réalité de l’offensive néo-coloniale a pris la toute autre forme des accords de partenariat économique, y semble aujourd’hui totalement à côté de la plaque.

Alors, je vous en conjure, aidez vos députés à aider l’Afrique. Mobilisez-vous au niveau de la société civile, ne laissez pas la Commission de Bruxelles régler seule le sort de l’Afrique !




Sur le Web : Forum social mondial, Nairobi 2007

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